14 - Paper Shuffle
Le jour du Paper Shuffle est enfin arrivé. Deux jours d’examen, deux jours pour sceller le sort des classes B et A. Le règlement est simple : chaque élève se met en binôme, et ensemble, nous devons obtenir au moins 60 points sur 100 pour valider. Mais ce n’est pas seulement une question de réussite individuelle. L’enjeu réel est la moyenne générale de la classe. La classe qui aura la moyenne la plus élevée remportera la victoire. Aujourd’hui, classe B contre classe A.
Dans la classe B, tout est déjà calculé. Les binômes ont été soigneusement constitués pour optimiser les forces de chacun. Mais mon cas est particulier.
Je fais équipe avec Shomegaku Okita.
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Premier jour
La première épreuve débute, et comme prévu, Okita est déterminée à obtenir 100 sur 100. Dès qu’elle prend son stylo, je sais que rien ne l’arrêtera. Son regard est concentré, ses gestes précis, son esprit calculateur. Elle connaît le plan. Ou du moins, elle en devine l’essentiel grâce à son don d’empathe. Mais elle n’a pas apprécié ce qu’ont fait Arisu, Nagumo, et les autres. Cela la motive encore plus.
Quant à moi… je suis là, assis à côté d’elle, sans bouger.
Je ne touche même pas au stylo.
Pas une ligne.
Pas un mot.
Rien.
Okita jette un coup d’œil vers moi, mais elle ne dit rien. Elle sait. Moins elle sait de détails, mieux c’est. Elle est mon épée contre la classe A, et elle le comprendra au moment opportun.
Le premier sujet est bouclé. Okita obtient un 100 parfait.
Le deuxième, pareil.
Le troisième aussi.
Trois sujets sur cinq, et elle obtient la perfection.
Pendant tout ce temps, je reste inactif, observant l’examen comme un simple spectateur. Chaque élève de la classe A qui me voit croit que je suis dépassé, que je suis à bout de souffle. Parfait.
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La soirée du premier jour
Le soir, après la première journée d’examen, je compose un numéro sur mon téléphone. Arisu.
— "Wilfried," répond-elle, sa voix calme et maîtrisée comme toujours. "Je m’attendais à ton appel."
— "Je voulais juste te dire quelque chose," dis-je d’un ton nonchalant.
— "Je t’écoute."
— "Je n’ai rien écrit."
Un silence. Long. Pesant.
Je perçois presque la mécanique de son esprit en train de s’activer. Est-ce une manœuvre ? Une feinte ?
— "Intéressant," finit-elle par dire. "Et qui est ton binôme ?"
Je souris.
— "Pourquoi me poses-tu la question ? Tu ne l’as pas deviné ?"
Elle reste silencieuse. Trop silencieuse. Excès de prudence ? Relâchement ? Peu importe.
— "Nous verrons bien ce que ça donne," conclut-elle avant de raccrocher.
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Deuxième jour
Le deuxième jour arrive, et les deux derniers sujets sont distribués. Okita est encore plus concentrée qu’hier. Elle n’a pas dormi. Elle s’est levée à l’aube pour réviser, anticiper chaque question possible. Elle veut la perfection.
Moi ? Toujours rien. Je ne touche pas à mon stylo, laissant la page blanche devant moi.
Elle termine rapidement le quatrième sujet. 100 sur 100, encore.
Puis le dernier. 100 sur 100.
Cinq sujets. 500 points. Parfaite.
Lorsque l’examen se termine, les élèves de la classe A et de la classe B quittent la salle en silence, l’atmosphère lourde d’incertitude. Les regards se croisent, des murmures s’échappent. Certains de la classe B me regardent avec confusion. Pourquoi Wilfried n’a-t-il rien écrit ?
Mais ils ne savent pas. Ils ne savent rien.
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Attente des résultats
La salle commune est plongée dans une tension palpable. Tous attendent les résultats. Les scores seront bientôt affichés. Le Paper Shuffle est terminé, mais le vrai jeu commence maintenant.
Je croise le regard d’Okita. Elle est fatiguée, mais satisfaite.
— "Tu n’as rien écrit," dit-elle finalement, brisant le silence. "Pas une ligne."
Je hoche la tête, un léger sourire sur les lèvres.
— "C’était prévu."
— "Tu es vraiment fou."
Peut-être. Mais ce n’est pas de la folie, c’est du calcul. Un calcul froid et précis.
Alors que les résultats s’apprêtent à être dévoilés, je croise les bras et m’adosse contre le mur. Le moment de vérité approche.
Ils croient tous que je suis piégé.
Mais ils ne réalisent pas que, depuis le début, je suis le piège.
L’atmosphère est électrique, tendue à son paroxysme alors que nous sommes tous rassemblés en attente des résultats officiels du Paper Shuffle. Chaque détail, chaque point compte. Ce n’est pas seulement une épreuve académique : c’est un jeu d’esprit, une confrontation de stratégies et de manipulations entre la classe A et la classe B.
Les murmures se calment lorsque je me tourne vers Arisu. Elle se tient droite, le visage impassible, mais je peux percevoir une certaine tension dans son regard. Elle sait que cet examen est crucial. Tout pourrait basculer.
Je brise le silence.
— "Alors, Arisu… Quel est ton score ? Toi et Hashimoto, vous avez fait combien ?"
Elle me fixe un instant, jaugeant si je cherche à la provoquer ou simplement à obtenir une information. Elle finit par répondre, sa voix calme, mais trahissant une pointe de fierté :
— "87,8 sur 100. Nous avons obtenu 439 points sur 500."**
Pas mal. Mais ce n’est pas suffisant.
Je hausse légèrement un sourcil et réponds d’un ton neutre :
— "Tu sauras mon score demain."
Un éclat d’incertitude traverse ses yeux, mais elle ne réagit pas. Elle garde son masque. Je me détourne, laissant planer le mystère.
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L'annonce des résultats
Le lendemain, les résultats tombent enfin. Toute l’école est suspendue aux chiffres qui s’affichent. Les scores des 19 binômes de chaque classe sont alignés, projetés sur l’écran principal. Les murmures se propagent rapidement, les élèves des autres classes se pressent pour découvrir le verdict.
Classe A : 9 120 points.
Classe B : 9 120 points.
Les premiers regards se croisent. Égalité. Du moins, pour l’instant. Chaque binôme des deux classes a parfaitement équilibré ses forces pour atteindre le même score.
Mais… tout se joue maintenant sur les binômes stratégiques. Ceux qui ont été placés en position de clé de voûte.
Arisu et Hashimoto : 439 sur 500.
Leur duo a porté la classe A jusqu'à une moyenne de 95,59 sur 100.
Les murmures redoublent. Certains élèves de la classe A commencent déjà à sourire, confiants dans leur victoire. Mais ils n’ont pas encore vu notre score.
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Le coup final
Okita et moi : 500 sur 500.
Un score parfait. Chaque sujet maîtrisé à la perfection par Okita. 100 points sur chaque épreuve. Une performance irréprochable, calculée et exécutée avec précision.
Classe B : 9 620 points.
Une moyenne de 96,2 sur 100.
Nous avons gagné.
Le silence s’abat sur la salle. Les visages des élèves de la classe A se figent. Arisu reste immobile, les yeux fixés sur les résultats. Elle comprend. Elle sait maintenant que tout a été orchestré depuis le début.
La classe B a surpassé la classe A.
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L'explosion de la victoire
La classe B explose de joie. Les cris de victoire résonnent dans la salle. Certains élèves se sautent dans les bras, d'autres rient de soulagement après des jours de tension et de préparation intense. Nous avons prouvé que la classe B pouvait surpasser les élites.
Okita, elle, reste à mes côtés, le regard brillant. Elle me fixe intensément.
— "Tu avais tout prévu depuis le début, pas vrai ?"
Je la regarde, un léger sourire en coin.
— "Chaque détail."
Elle s'approche encore. Je vois dans ses yeux une lueur différente, une fierté mêlée d'émotion. Et soudain, sans prévenir, elle m’embrasse.
Le temps semble s’arrêter un instant. Ce n’est pas un geste calculé, ni un élément de stratégie. C’est spontané, sincère. Un moment de victoire partagé entre nous.
La classe autour de nous est en feu, mais je ne remarque rien d’autre que ce moment.
Elle recule légèrement, ses joues légèrement rosées, mais son regard reste ferme.
— "C’était pour toi. Pour nous. Et pour cette victoire."
Je hoche la tête, le cœur étrangement plus léger, même si la partie est loin d’être terminée. Ce n’était qu’un chapitre. La guerre contre la classe A ne fait que commencer.
Mais aujourd’hui… c’est notre victoire.
La salle est déserte. Le calme contraste avec la tension palpable qui flotte entre nous. Arisu se tient devant moi, les poings serrés sur sa canne. Son regard, d’habitude froid et calculateur, est cette fois embrasé par la colère.
— "Tu m’as trahi." Sa voix claque, sèche, presque tremblante de rage. "Tu étais censé quitter la classe B, et au lieu de ça, tu les as aidés à me faire perdre !"
Je reste impassible, croisant les bras, la laissant évacuer sa frustration. Elle pense avoir été manipulée, dépassée, et son ego ne supporte pas l’idée que quelqu’un puisse lui échapper.
— "Tu veux des preuves, Arisu ?" Je sors de ma poche ma feuille d’examen et la dépose doucement devant elle. Blanche. Immaculée. Pas une ligne. Pas une réponse.
Elle écarquille les yeux. Un instant, l’incompréhension voile son visage. Elle saisit la feuille, la retourne, la scrute, comme si elle espérait y trouver une trace invisible. Mais non. Rien.
— "Je n’ai rien écrit. Pas une seule réponse sur ces cinq sujets."
Un silence pesant s’installe. Elle ne dit rien, mais je vois la confusion grandir en elle.
— "Comment…?" Sa voix est à peine un murmure. "Comment toi et Okita avez pu obtenir 500 sur 500 si tu n’as rien fait ?"
Je ne peux m’empêcher de sourire. Un sourire qu’elle reconnaît immédiatement : le sien. Celui qu’elle arbore quand elle pense dominer ses adversaires.
— "Peut-être que tu devrais poser la question à Okita." Je laisse mon sourire s’élargir. "Mais dis-moi, Arisu… Si tu voulais vraiment que je te rejoigne, pourquoi avoir eu exactement la même stratégie que moi ? Se pourrait-il que tu te sois laissée distraire par ta propre arrogance ?"
Le silence qui suit est glacial. Je vois son visage se contracter. Elle déteste se savoir vaincue, et encore plus qu’on lui fasse remarquer.
— "Tu n’es qu’un—" Elle lève sa canne, son corps tendu par la colère. Elle tente de me frapper.
Je l’immobilise doucement. Ma main attrape la sienne, ferme mais sans brutalité. Je la maintiens en place, la regardant droit dans les yeux. Son souffle est rapide, et ses yeux brûlent d’une fureur contenue.
— "Ne t’abaisse pas à ça, Arisu." Ma voix est calme, presque douce, mais chaque mot est un avertissement.
Elle se débat légèrement, puis renonce. Mais elle n’abandonne pas. Elle change de stratégie, son regard devient froid et tranchant.
— "Je vais te détruire." Son ton est glacial. "Je vais t’expulser de cette école. Je vais salir ta réputation, et je vais m’assurer que tu ne puisses plus jamais te relever."
Je relâche doucement sa main, la laissant reprendre son équilibre. Je ne bouge pas, ne cille pas. Au lieu de ça, je plonge ma main dans ma poche et en sors un livret. Les règlements de l’école.
Je commence à lire à voix haute. Chaque article, chaque règle qui réfute ses menaces.
— "Menacer un élève avec des intentions de nuire à sa réputation ou à son intégrité physique… Infraction majeure. Poursuite disciplinaire immédiate."
Je continue.
— "Utilisation de subordonnés pour espionner ou harceler… Infraction majeure. Expulsion possible."
Ses lèvres se crispent. Elle sait que j’ai raison.
— "Tu vois, Arisu ? Toutes ces tentatives de domination, toutes ces manipulations pour me contrôler… Elles sont vaines. Et si tu essayes de te venger…" Je m’interromps un instant, plantant mon regard dans le sien. "Je te dénoncerai."
Elle veut répliquer, mais je l’interromps.
— "Et j’ai des témoins."
Je fais un pas de côté, et Okita entre dans la pièce. Droite, fière, le regard calme mais déterminé.
— "Je suis témoin. En tant que membre du BDE, je peux faire expulser n’importe qui pour infraction grave… même toi, Arisu."**
Le visage d’Arisu blêmit légèrement. Elle tente de garder son masque d’indifférence, mais je vois sa mâchoire se serrer. Elle commence à réaliser l’ampleur du piège.
Okita s’avance légèrement et murmure quelque chose à l’oreille d’Arisu. Un message privé. Une dernière estocade que je ne peux entendre, mais je vois Arisu tressaillir. Elle sait qu’Okita détient quelque chose de plus.
Je me rapproche une dernière fois.
— "Le marché entre nous n’existe plus. Considère-le comme annulé."
Je tourne les talons et quitte la pièce. Okita me suit, mais pas avant de lancer un dernier regard à Arisu. Un regard de victoire.
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À l’extérieur
Dans le couloir, Hishida, Yinghua, Igor, Kushida, Kei, et le reste de la classe B attendent. Chacun d’eux a un sourire en coin. Ils ont tout filmé.
— "Tout est enregistré." Kushida me tend son téléphone, l’air malicieux.
— "Chaque mot, chaque menace, chaque erreur d’Arisu."
Je prends une profonde inspiration. Le plan est en place. Arisu est tombée dans le piège. Et maintenant… elle ne peut plus rien faire sans risquer de tout perdre.
Le lendemain matin, le calme apparent de l’école n’est qu’un voile fragile.
Je sais qu’Arisu ne restera pas immobile. Elle est rancunière, obstinée. Me laisser gagner n’est pas une option pour elle. Elle cherchera à se venger, à frapper là où ça fait mal. Et cette fois, elle visera ma survie. C’est toujours comme ça : ceux qui ne peuvent gagner proprement préfèrent détruire.
Je passe donc en mode survie.
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Bureau du BDE
Je pousse les portes du Bureau des Élèves avec une assurance calculée. L’atmosphère est lourde. À l’intérieur, Manabu Horikita est assis à son bureau, observant tout avec son regard froid et impassible. Nagumo, en revanche, semble plus décontracté, mais je sais que c’est une façade. Il est là, et il me regarde.
Ichinose se tient à ma droite, calme mais attentive. Okita est juste derrière, son visage aussi inébranlable que d’habitude. Quant à Yinghua, elle est debout, légèrement en retrait, mais prête à jouer son rôle. Elle va intégrer le BDE aujourd’hui.
Je m’avance jusqu’au centre de la pièce, sortant calmement un dossier épais de mon sac. C’est tout le plan d’Arisu. Chaque détail. Chaque tentative de manipulation. Chaque preuve.
Je dépose le dossier sur la table centrale. Le bruit sourd du papier résonne dans la pièce.
— "Voilà." Je lève les yeux vers Manabu. "C’est tout le plan visant à me détruire."
Manabu arque un sourcil. Il ne s’attendait pas à ce mouvement direct. Mais il ne montre aucune surprise. Il est trop expérimenté pour ça.
— "Un plan ?" demande-t-il calmement. "Explique."
Je pointe le dossier.
— "Arisu veut me faire tomber. Expulsion, destruction de réputation, sabotage. Tout est là. Les preuves sont irréfutables. Elle a dépassé les limites, et elle continuera si rien n’est fait."
Nagumo croise les bras, un sourire narquois au coin des lèvres.
— "Et qu’est-ce que ça a à voir avec nous ?" demande-t-il avec une fausse indifférence. "Après tout, ce ne sont que des rivalités entre classes, non ?"
Je le fixe, mon regard glacé.
— "Nagumo, tu sais très bien que si je tombe, tu es le suivant."
Son sourire se fige légèrement. Je continue.
— "Parce que, toi aussi, tu as des choses à cacher. Notamment ce petit détail… la fuite de documents confidentiels. Une infraction majeure qui peut te coûter ta place de vice-président."**
Son visage se ferme. Il ne s’attendait pas à ce que je sois aussi direct.
Je prends une profonde inspiration, puis me tourne à nouveau vers Manabu.
— "Je suis ici pour protéger ma survie. Si Arisu veut la guerre, très bien. Mais je vais m’assurer qu’elle respecte les règles du jeu."
Je laisse planer un silence avant d’ajouter :
— "Et si elle ne le fait pas, je vous garantis que je déposerai une plainte officielle. Avec des témoins. Et des preuves. Ce qui entraînera une enquête complète."
Je vois Ichinose hocher la tête en signe de soutien.
— "Je soutiens Wilfried," dit-elle calmement. "Nous avons besoin de stabilité, pas de guerres inutiles."
Okita, fidèle à elle-même, reste silencieuse mais fixe Nagumo. Son regard seul suffit à mettre une pression invisible dans la pièce. Nagumo sait qu’elle est une alliée puissante.
Yinghua fait un pas en avant.
— "Je rejoins le BDE aujourd’hui. Et je soutiens également Wilfried.** Il est évident que la situation a franchi une limite."**
Manabu feuillette rapidement le dossier, son expression restant neutre. Après un long silence, il ferme le dossier d’un geste précis et le repose sur la table.
— "Nous prendrons en compte ces informations." Il me regarde droit dans les yeux. "Mais Wilfried… sache que si tu fais un faux pas, tu seras également jugé selon ces règles."
Je ne détourne pas le regard.
— "Je comprends. Et c’est exactement ce que je veux : que chacun soit tenu responsable de ses actes."**
Je me tourne une dernière fois vers Nagumo.
— "Si tu veux éviter que je te dénonce, je te conseille de lire attentivement ce dossier. Car une fois qu’il sera entre les mains des administrateurs, il n’y aura plus de retour en arrière."
Un sourire froid s’étire sur mes lèvres. Je sais que j’ai placé les pièces où elles doivent être. Le jeu est maintenant entre leurs mains. Et je ne fais jamais un mouvement sans plan de repli.
Je récupère mon sac et sors du bureau du BDE, suivi d’Ichinose, Okita et Yinghua. Le silence qui règne dans le couloir est trompeur. La guerre vient de changer de terrain. Maintenant, c’est le BDE qui joue selon mes règles.
Le lendemain matin, une annonce résonne dans les couloirs de l’école :
— « Tous les élèves sont invités à se rassembler dans l’auditorium. Une déclaration importante sera faite. »
Je sais que cette annonce est la mienne.
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Auditorium
L’endroit est bondé. Chaque classe est présente. Les regards curieux, méfiants, certains moqueurs, sont tournés vers moi. Arisu est là, impassible, aux côtés de Hashimoto. Ryuen est appuyé nonchalamment contre un mur au fond, ses yeux fixant la scène avec une lueur d’intérêt. Nagumo, Ichinose, Okita, Manabu, tous les visages familiers sont là.
Je monte lentement sur la scène, me plaçant derrière le micro. L’atmosphère est lourde, les murmures se propagent.
— « Aujourd’hui, je vais clarifier une chose qui semble avoir suscité beaucoup d’attention ces derniers jours. »
Les murmures s’apaisent. Le silence s’installe.
Je sors une feuille de papier et la tiens devant moi. C’est la fameuse photo. La photo où l’on me voit aux côtés de plusieurs hommes, portant des tatouages visibles. Les rumeurs ont fait le reste.
— « Vous avez tous vu cette photo. Certains ont jugé, d’autres ont spéculé. On m’a accusé de faire partie des yakuzas, de fréquenter le milieu criminel. Et je comprends pourquoi. Mais il est temps que vous sachiez la vérité. »
Je marque une pause, laissant mes mots pénétrer l’esprit de chacun.
— « Cette photo a été prise lorsque j’étais au collège. Mais ces hommes que vous voyez ici… ne sont pas ceux que vous croyez. Oui, ils faisaient partie des yakuzas. Mais aujourd’hui, ils n’en font plus partie. »
Les murmures reprennent, mais je continue calmement.
— « À cette époque, j’étais victime de racisme, de harcèlement et de discrimination. Jour après jour, j’étais pris pour cible, ignoré par ceux qui auraient pu m’aider. Professeurs, camarades, même ceux censés protéger… »
Mon regard balaie la foule, capturant l’attention de chaque élève.
— « Personne n’est venu. Personne. »
Le silence se fait à nouveau. Je sens que certains baissent les yeux, d’autres détournent le regard.
— « J’aurais pu mourir. J’aurais pu disparaître sans que personne ne s’en soucie. Mais ces hommes… eux, ils sont venus. »
Je lève la photo, la montrant bien à tout le monde.
— « Ils m’ont sauvé. Pas en échange d’un service. Pas pour me manipuler. Ils m’ont simplement tendu la main, là où personne d’autre ne l’a fait. »
Je prends une respiration profonde, ma voix restant calme, posée.
— « Et au fil du temps, à force de discuter avec eux, de comprendre leur histoire, nous sommes devenus… amis. Cette photo a été prise avant qu’ils ne quittent définitivement ce milieu. »
Je fais un signe discret vers l’entrée de l’auditorium. Akagami Hakurei entre calmement, avec sa démarche assurée, et monte sur scène à mes côtés.
— « Akagami Hakurei, ici présente, faisait partie de ce groupe. Elle peut confirmer chaque mot que je viens de dire. »
Hakurei s’avance et prend le micro un instant. Sa voix, froide mais sincère, résonne dans l’auditorium.
— « Ce que Wilfried dit est vrai. Nous avons quitté le milieu yakuza il y a des années. Nos chemins se sont croisés à une époque sombre pour lui… et nous avons choisi de l’aider. Pas par intérêt, mais parce qu’il méritait mieux. »
Elle repose le micro, et je reprends.
— « Pourtant, cette photo a été utilisée ici, dans ce lycée, pour essayer de me détruire. »
Je laisse mes mots flotter dans l’air quelques secondes avant de continuer.
— « J’ai appris quelque chose d’important en vivant ça. Au Japon, être victime… est parfois bien plus efficace qu’être innocent. Parce que les victimes sont rarement écoutées. Elles sont jugées, critiquées, parfois ignorées. »
Je me tourne vers le public, mes yeux fixant ceux qui m’ont observé avec mépris.
— « Mais aujourd’hui, je refuse d’être une victime silencieuse. Vous pouvez me juger, me critiquer, continuer à croire aux rumeurs si cela vous plaît. Mais sachez que je resterai debout. Je resterai ici, parmi vous. Non pas pour survivre… mais pour gagner. »
Le silence est lourd. Je ressens la tension, les regards qui se croisent, les pensées qui s’agitent.
Je termine calmement :
— « Si l’administration souhaite vérifier mes paroles, qu’elle le fasse. J’ai confiance en la vérité. »
Je recule d’un pas, levant les yeux vers l’auditorium.
— « Maintenant… la balle est dans votre camp. »
Je descends de la scène, laissant mes mots résonner dans l’esprit de chacun. Arisu me fixe, immobile. Je vois la rage dans ses yeux. Elle n’a pas prévu ça.
Je quitte l’auditorium, le sourire froid, tandis que le bruit des murmures et des discussions explose derrière moi. Le jeu vient de changer… à nouveau.
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