13 - Le club d'étude / retrouvailles
Le jour des révisions commence comme prévu, avec tout le sérieux que j'ai toujours accordé à ce genre d’exercice. La salle que nous avons réservée est pleine de visages concentrés, mais aussi légèrement tendus. Après tout, l’examen de cette troisième semaine n’est pas une simple formalité. C’est un test, non seulement de nos compétences académiques, mais aussi de notre capacité à nous organiser en tant que classe.
Je passe un regard circulaire sur les élèves présents. Ils font tous partie de ce que j’appelle la majorité silencieuse. Ces élèves, ni trop en avant ni complètement effacés, cherchent simplement à avancer sans attirer de problème. Ce sont eux qui, le 18 avril, ont accepté de me suivre, de nous suivre, dans une dynamique de groupe qui leur permettrait d’éviter les manigances et les jeux d’influence des plus ambitieux.
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Le Club d’études : un plan minutieux
Aux côtés d’Igor, Chiaki et Hirata Yinghua, nous avons préparé cette séance de révision avec soin. Grâce à nos notes respectives et aux informations glanées ici et là, nous avons construit un programme adapté aux forces et faiblesses de chacun. Mon dernier score de 98 sur 100 lors de l'examen dit de routine m’a conféré une certaine légitimité. Mais je sais qu’il ne suffit pas d’être bon soi-même : il faut aussi savoir transmettre.
Nous avons divisé les élèves en petits groupes, chaque groupe se concentrant sur une matière spécifique. Yinghua, avec son esprit méthodique, s’occupe des sciences. Igor, plus analytique, prend en charge les mathématiques. Chiaki, dotée d’une mémoire impressionnante, s’occupe de l’histoire. Quant à moi, je supervise tout en me concentrant sur les langues.
L’objectif est simple : que chacun puisse non seulement réviser efficacement, mais aussi se sentir soutenu dans cet environnement parfois oppressant qu’est cette école.
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Première séance : l’observation
La séance commence, et je me concentre sur l’observation. Chaque élève est un puzzle, et c’est mon travail de comprendre comment chaque pièce s’imbrique. Certains sont naturellement doués, d’autres ont besoin de plus d’encadrement.
Yinghua s’est immédiatement imposée comme une figure calme et rassurante. Ses explications claires apaisent même les plus nerveux. Igor, de son côté, ajoute une touche d’humour à ses exercices de mathématiques, rendant une matière souvent intimidante plus accessible. Chiaki, avec son sérieux habituel, inspire le respect et l’attention.
Quant à moi, je jongle entre les groupes, corrigeant ici une erreur, clarifiant là une question. Mais surtout, j’écoute. J’observe les dynamiques, les hésitations, les moments de frustration.
À la fin de la séance, je prends quelques notes mentales. Certains élèves devront travailler davantage sur leurs lacunes, mais globalement, je suis satisfait.
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Une fois la séance terminée, je demande à Hirata Yinghua de rester un instant. Elle est l’une des figures naturelles de cette classe, une représentante officieuse qui a su gagner la confiance de beaucoup.
– Hirata, propose un camp d’études pour le reste de la classe, dis-je doucement.
Il arque un sourcil, intrigué.
– Un camp ? Pourquoi ne pas l’organiser nous-mêmes ?
– Parce que ce n’est pas notre rôle, réponds-je. Officiellement, tu es représentant de cette classe. Et il est important que chacun puisse se préparer à sa manière, avec ou sans nous.
Il hoche la tête, comprenant où je veux en venir. Mon groupe, Meifuka, composé d’Igor, Chiaki, Yinghua et moi-même, est désormais une entité à part entière. La majorité silencieuse a choisi de nous rejoindre, mais cela ne signifie pas que nous devons imposer notre manière de faire à toute la classe.
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Plus tard dans la journée, je me rends à la bibliothèque pour récupérer un livre que j’avais réservé. C’est là que je tombe sur Horikita. Comme toujours, elle semble absorbée par ses pensées, un livre à la main. Mais en me voyant, elle s’approche immédiatement.
– Wilfried, dit-elle d’un ton neutre.
– Horikita, je réponds en hochant légèrement la tête.
Elle ne perd pas de temps.
– Je voulais te parler d’un camp d’études que j’organise pour préparer l’examen. Ce serait une bonne idée que tu y participes.
Je ne peux m’empêcher de sourire légèrement. Horikita est toujours aussi directe. Mais je secoue doucement la tête.
– Je te remercie pour l’invitation, mais j’étudie déjà avec mon propre groupe. Yinghua, Igor et Chiaki. Nous avons notre propre dynamique, et elle fonctionne bien.
Elle fronce légèrement les sourcils, visiblement agacée par mon refus.
– Tu es sûr ? Ce serait une opportunité de...
– Je suis sûr, Horikita. Mais je te souhaite bonne chance avec ton camp.
Je ne lui laisse pas le temps de répondre et m’éloigne calmement. Horikita est compétente, mais elle ne comprend pas encore que tout le monde n’a pas la même manière de fonctionner.
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Cette journée n’est qu’un pas de plus dans une stratégie à long terme. Nous nous préparons pour l’examen, bien sûr, mais aussi pour l’avenir. Chaque effort, chaque décision, chaque interaction compte.
Je jette un dernier regard sur la salle vide où nous avons tenu notre séance.
Nous réussirons. J’en suis certain.
Le crépuscule tombe sur le terrain de football alors que je ramasse mes affaires. L'entraînement a été intense, et mes muscles protestent doucement à chaque mouvement. Alors que je m'apprête à quitter le vestiaire, un détail attire mon attention : une enveloppe soigneusement posée sur mon sac.
Je la prends et l'observe un instant. Une écriture fine, penchée, italique. Une seconde lettre, après celle que j’avais trouvée il y a quelques jours. Mon esprit fait rapidement le lien. Une minute… c’est la même écriture.
Il ne me faut pas longtemps pour que le souvenir remonte à la surface. Je ne connais qu’une seule personne qui écrivait ainsi, avec cette délicatesse presque affectée, comme si chaque mot était une œuvre d’art. Shomegaku Okita.
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Okita, une amie du collège. Une présence qui m'avait toujours intrigué par sa détermination et son énergie. Nous étions proches à l’époque, partageant des moments mémorables, notamment autour de notre passion commune pour les arts martiaux. J’étais celui qui lui avait appris à manier le sabre, bien que ma préférence ait toujours été pour les dagues et les tantos.
Je ne l’avais pas remarquée depuis mon arrivée dans cette école. Comment avais-je pu passer à côté d’elle ? La réponse est simple : j'ai été occupé à survivre. Je glisse la lettre dans ma poche et me mets en route, déterminé à la trouver.
Il ne me faut pas longtemps pour découvrir où elle se trouve. Le bruit des sabres de bois qui s’entrechoquent me guide vers le dojo. Derrière les portes coulissantes, je la vois. Toujours aussi concentrée, toujours aussi vive. Ses mouvements, bien qu’agiles, trahissent une touche de nervosité.
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Je ne prends pas la peine d’attendre qu’elle termine son exercice. Sans un mot, je prends un sabre en bois posé à l’entrée et m’avance dans le dojo.
Elle me remarque à la dernière seconde. Son regard s’élargit légèrement, mais elle n’a pas le temps de réagir pleinement. Avec un mouvement rapide, je bloque son sabre d’un geste précis.
– Toujours aussi lente, dis-je avec un sourire en coin.
Elle recule d’un pas, cherchant à retrouver son équilibre, mais mon coup de pied, bien que mesuré, la force à esquiver maladroitement. Elle vacille, mais ne tombe pas.
– Tu n’as pas changé, murmure-t-elle, un mélange de surprise et de satisfaction dans la voix.
– Et toi, toujours à essayer de m’impressionner, Okita.
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Je baisse mon arme, la tenant désormais avec désinvolture. Je pourrais continuer ce petit affrontement, mais je n’en vois pas l’intérêt. Bien que je sente qu’elle a un motif caché pour m’avoir laissé ces lettres, je choisis de me concentrer sur nos retrouvailles.
– Ça fait longtemps, dis-je en la regardant dans les yeux.
Elle hoche la tête, un léger sourire sur les lèvres.
– Trop longtemps, répond-elle.
Il y a un silence, presque gênant. Je sens son regard qui me scrute, son don d’empathe cherchant probablement à sonder mes émotions. Mais je ne lui en laisse pas l’opportunité. Je détourne légèrement la conversation, jouant sur un ton plus léger.
– Alors, tu t’es mise au kendo ? Tu t’en sors pas mal, même si tu as failli tomber.
Elle plisse les yeux, mi-amusée, mi-exaspérée.
– Tu ne peux pas t’empêcher de critiquer, hein ?
– Je constate, simplement, dis-je avec un sourire narquois.
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Nous parlons un moment, échangeant des souvenirs et des nouvelles. Elle me raconte brièvement ce qu’elle a fait depuis le collège, évitant soigneusement de répondre directement à mes questions sur les lettres. Mais je ne pousse pas. Je sais qu’elle finira par parler lorsqu’elle sera prête.
Pour l’instant, je me contente d’apprécier cet instant. Retrouver une amie du passé dans cet environnement souvent hostile est une surprise inattendue, mais pas désagréable.
Alors que nous nous apprêtons à quitter le dojo, elle s’arrête et me regarde, sérieuse pour la première fois depuis le début de notre échange.
– Wilfried, tu es différent.
Je hausse un sourcil.
– Différent, comment ?
– Plus... distant, murmure-t-elle. Comme si tu portais un poids que personne d’autre ne peut voir.
Je ne réponds pas immédiatement. Ses mots, bien qu’inattendus, ne me surprennent pas complètement. Mais je choisis de les ignorer, pour l’instant.
– Peut-être. Mais ce n’est pas le moment d’en parler, dis-je en tournant les talons.
Je l’entends soupirer légèrement derrière moi, mais elle ne pousse pas davantage. Nous avons le temps, après tout.
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