12 - Une ultime danse.

Point de vue de Rein Ohona

Le silence règne dans la salle de classe D, seulement troublé par le léger grincement de la chaise sur laquelle je m’installe. Tout est en place. Chaque pièce de cet échiquier complexe a été soigneusement déplacée.

Je contemple la classe qui m’entoure, les visages de mes camarades marqués par l’incertitude et l’impatience. Ils ne comprennent pas encore, mais ce n’est qu’une question de temps.

Wilfried Pascal. Ce nom résonne dans mon esprit. Un adversaire redoutable, non pas parce qu’il est le plus fort, mais parce qu’il sait survivre. Chaque mouvement qu’il fait est calculé, chaque décision prise en fonction de cet instinct primal : la survie.

Mais cette fois, ce n’est pas sa survie que je vise. C’est sa force intérieure.

Je laisse mon regard se poser sur chacun des élèves de la classe D.

— "Ils sont prêts ?" demande Shiro, assis non loin de moi, son regard aussi perçant que d’habitude.

Je lui adresse un sourire léger.

— "Ils le seront. Quand le moment viendra."

Shiro hoche la tête, satisfait, mais je perçois son impatience. Il veut agir, frapper, détruire. Mais ce n’est pas encore le moment.

Albert, de son côté, reste impassible, les bras croisés. Il n’a pas besoin de parler pour comprendre que lui aussi attend le signal.

Je croise mes mains sur la table, les yeux rivés sur le tableau vide.

La classe A pense être invincible. Leur unité est leur force, et Wilfried est leur pilier. Mais ce qu’ils ignorent, c’est que cette unité peut être fracturée. Pas par la force brute, mais par des fissures subtiles, des doutes semés ici et là.

Je me tourne vers Ryuen, assis dans le fond de la classe, observant tout d’un œil critique.

— "Wilfried sait que tu vas bouger," dis-je calmement.

Ryuen hausse un sourcil, amusé.

— "Évidemment. Mais il ne sait pas quand. Et c’est tout ce qui compte."

Un léger sourire étire mes lèvres.

— "Exactement. Et pendant qu’il se concentre sur toi, il ne verra pas venir le véritable coup."

Ryuen rit doucement.

— "C’est donc ça ton plan ? L’attaquer là où il s’y attend le moins ?"

Je me lève, traversant la pièce lentement.

— "Wilfried a dissous Meiseicho, croyant que cela renforcerait sa classe. Et c’est vrai… en partie. Mais il a aussi dispersé son influence. Chaque membre de sa classe est désormais une cible potentielle."

Je me retourne, mes yeux se posant tour à tour sur Shiro, Albert et Ryuen.

— "Notre force, à nous, c’est que nous sommes imprévisibles. Et c’est ça qui va les briser."

Albert prend enfin la parole, sa voix grave résonnant dans la pièce.

— "Et si ça échoue ? Si leur unité tient bon ?"

Je m’arrête, réfléchissant un instant.

— "Alors, nous frapperons à nouveau. Et encore. Jusqu’à ce que la pression soit trop forte, jusqu’à ce que même Wilfried comprenne que sa survie ne suffit plus."

Je reprends ma place, les mains croisées sur la table.

Ce n’est pas une guerre de force brute. C’est une guerre d’endurance, de patience, de stratégie.

— "Préparez-vous," dis-je d’une voix calme mais ferme. "La classe A pense avoir tout prévu. Mais ils n’ont pas encore compris que le véritable ennemi, ce n’est pas Ryuen, ni même moi. C’est le doute."

Un silence tendu s’installe. La classe D est prête à jouer son rôle dans cette guerre d’usure.

Wilfried, tu as peut-être survécu à tout jusqu’à présent. Mais cette fois, ce n’est pas ta survie qui est en jeu. C’est ta capacité à tenir ton monde uni, quand chaque coup que nous porterons cherchera à le fragmenter.

Point de vue de Wilfried

Phase 1 : Le piège se referme lentement.

Depuis le début, Ohona a cru qu’affaiblir Ichinose et la classe C servirait à affaiblir indirectement notre alliance. Mais elle n’a pas vu la véritable dynamique en jeu. Ce qu’elle perçoit comme une fissure n’est qu’un simple ajustement. Nagumo est trop ambitieux pour laisser passer une telle occasion.

Je m’appuie contre le mur de la salle de classe, les bras croisés, observant Horikita et Hirata qui organisent déjà la prochaine étape.

— "Nagumo interviendra," je dis calmement. "Avec toutes ces rumeurs sur Ichinose, il n’aura pas d’autre choix. Et même si l’alliance entre la classe A et la classe C s’effondre, c’est exactement ce que nous voulons."

Hishida hoche la tête, le regard concentré.

— "Les points ne seront pas suffisants pour renverser la hiérarchie," ajoute-t-il. "Et pendant ce temps, Ohona perdra un allié potentiel."

Je souris légèrement. Tout avance selon le plan.

Phase 2 : Le réveil de Ryuen.

Je sais déjà que Kiyotaka a prévu de secouer Ryuen, de le ramener sur le devant de la scène. Kiyotaka ne joue pas pour la victoire immédiate, mais pour un équilibre stratégique. Il veut que chaque classe devienne une menace potentielle.

Je connais le véritable plan de Kiyotaka. Il veut un terrain de jeu où toutes les classes sont compétitives, où aucune ne peut dominer totalement les autres.

— "Ryuen est bien plus dangereux à long terme qu’Ohona," je murmure. "Elle veut juste me détruire en s’attaquant à la classe A. Mais lui…"

Je ferme les yeux un instant, imaginant le chaos que Ryuen pourrait semer une fois réveillé.

— "Ryuen ne cherche pas seulement à détruire. Il cherche à régner."

Hishida acquiesce en silence. Nous savons tous les deux que Ryuen, une fois réactivé, fera du Ryuen. Il exploitera chaque faille, chaque faiblesse. Et si tout se déroule comme prévu, il se tournera également contre Ohona.

Phase 3 : L’offensive directe.

La classe A n’attendra pas. Nous n’avons jamais attendu. Nous attaquerons la classe D avant qu’elle n’ait la chance de nous frapper en premier.

Horikita, Hirata et Okita sont prêts. Okita, en particulier, est devenue bien plus qu’une simple leader. Son charisme et son empathie font d’elle une force incontournable.

— "Okita prendra la tête de l’offensive," je déclare. "Elle saura comment les affronter, comment désarmer chaque stratégie qu’Ohona pourrait lancer."

Et lorsque tout sera en place, lorsque la classe D sera sur le point de s’effondrer…

Je proposerai à Ohona une dernière danse.

Je m’avance vers la fenêtre, regardant le ciel qui s’assombrit.

— "Elle aura une chance de me détruire ici et maintenant," je murmure. "Si elle le fait, si elle tente de frapper ce dernier coup… alors le mode survie se déclenchera automatiquement."

Je sais qu’elle n’y résistera pas. Elle me voit comme la clé de cette classe. Si elle peut m’éliminer, alors tout le reste s’écroulera.

Mais ce qu’elle ne sait pas, c’est que ce dernier coup sera sa perte.

Je me retourne vers Hishida, un éclat déterminé dans les yeux.

— "Prépare-toi," je lui dis. "La danse finale approche."

Hishida sourit, confiant.

— "Et cette fois, c’est elle qui dansera à ton rythme."

Je hoche la tête, prêt à jouer la dernière carte. Ohona a voulu jouer avec la classe A. Elle découvrira bientôt que ce n’était jamais un simple jeu.

Tout se déroule.

Les pièces avancent, les stratégies se mettent en place, et chaque mouvement rapproche la classe A de la confrontation finale avec la classe D. Ohona joue bien. Très bien, même.

Elle a renversé la vapeur deux fois déjà. Deux coups inattendus, précis, qui ont failli nous faire vaciller. Elle aurait pu réussir une troisième fois. Si c’était moi qu’elle affrontait directement, je ne doute pas qu’elle aurait trouvé un moyen de me déstabiliser.

Mais… ce n’est pas moi qu’elle combat.

C’est toute la classe A.

Je me tiens à l’écart, observant de loin, comme un chef d’orchestre qui a laissé sa symphonie prendre vie sous les mains d’autres musiciens.

Horikita, Hirata, Okita, et même ceux que l’on pourrait croire moins influents, ils jouent tous leur rôle à la perfection.

Dans un coin de la salle de réunion, Hirata coordonne les derniers ajustements avec une précision chirurgicale. Son calme, sa capacité à fédérer et à organiser, font de lui un pilier central.

— "Ils ont pris l’initiative sur le dernier coup," dit-il à Horikita, les yeux fixés sur un tableau rempli de notes et de stratégies. "Mais ça ne durera pas. Nous avons déjà la prochaine étape prête."

Horikita, toujours froide et méthodique, acquiesce.

— "Ils sont imprévisibles," répond-elle. "Mais Okita les cerne mieux que quiconque."

Okita.

Je me tourne légèrement et l’observe. Elle est là, debout, au centre de la classe, le regard calme mais perçant. Son aura a changé. Son empathie, autrefois une simple arme défensive, est devenue une force offensive redoutable.

— "Ils paniquent," dit-elle d’une voix posée mais assurée. "Ohona tente de maintenir le contrôle, mais elle sent que ça lui échappe."

Ses mots résonnent dans la salle, et tout le monde l’écoute. Elle est devenue une leader incontestée.

Je m’approche d’elle, mes pas résonnant doucement sur le sol.

— "Elle a failli," je murmure, suffisamment fort pour qu’elle seule m’entende. "Deux fois. Et elle aurait pu réussir une troisième fois."

Okita tourne la tête vers moi, un léger sourire aux lèvres.

— "Mais ce n’est pas toi qu’elle affronte," répond-elle. "C’est nous tous."

Je hoche la tête, un sourire en coin.

— "Et c’est là qu’elle a fait sa plus grande erreur."

Le combat est différent cette fois.

Ohona est brillante. Elle manipule, elle s’adapte, elle frappe avec une précision déconcertante. Mais elle affronte une force qu’elle n’a pas encore complètement comprise. Une classe unie, qui ne dépend pas d’un seul individu.

Elle a tenté de me viser, de m’atteindre par le biais des autres. Mais chaque coup qu’elle porte est absorbé, dévié, contre-attaqué par Horikita, Hirata, et surtout Okita.

Je les regarde coordonner les dernières étapes. Le plan est en marche, et même si Ohona pense encore pouvoir reprendre l’avantage, elle commence à perdre pied.

Un message arrive sur mon téléphone. Hishida.

> "La classe D est en position. Ohona prépare quelque chose."

Je lui réponds calmement.

> "Laisse-la faire. Elle ne pourra plus inverser la situation."

Je repose mon téléphone et regarde une dernière fois la classe.

— "Tout est prêt ?" demandé-je à Horikita.

Elle hoche la tête.

— "Oui. La prochaine offensive sera la dernière."

Je me tourne vers Okita.

— "À toi de mener."

Elle me fixe, déterminée.

— "Je sais."

Elle inspire profondément, puis avance. Elle n’hésite pas.

Moi ? Je reste en arrière. Mon rôle est presque terminé. Ce n’est plus mon combat. C’est celui de la classe A.

Et cette fois, Ohona ne combat pas un survivant. Elle affronte une unité entière.

Elle a déjà perdu. Elle ne le sait pas encore.

Une dernière danse.

Je me tiens devant la porte de la salle des jeux, les doigts glissant légèrement sur la poignée froide. C'est ici que tout se termine.

Je lui ai donné rendez-vous. Ohona. L'adversaire la plus redoutable que j’aie jamais affrontée. Elle m’a poussé plus loin que quiconque. Elle a forcé ma classe à évoluer, à se dépasser. Mais surtout… elle m’a forcé à changer.

Je pousse la porte et entre. La salle est plongée dans une lumière tamisée, presque oppressante. Les tables de jeu sont disposées en cercle, comme une arène silencieuse. Au centre, Ohona est déjà là, assise, l’air serein mais concentré.

— "Wilfried," dit-elle avec un sourire calme. "Tu es enfin là."

Je m’avance, chaque pas résonnant comme un écho de tout ce que nous avons traversé. 49 jeux.

24 victoires. 24 défaites.

Nous sommes à égalité parfaite. Le dernier jeu décidera de tout.

Le poker.

Je m’assieds en face d’elle, posant mes mains sur la table. Elle me fixe de ses yeux perçants, mais cette fois, quelque chose a changé. Elle révèle enfin ses véritables intentions.

— "Tu sais ce que je veux," dit-elle doucement. "Je veux te détruire, Wilfried. Pas seulement te vaincre. Te détruire complètement."

Elle sort calmement une carte, l’air presque détaché, et poursuit :

— "Et ce dernier jeu n’est pas comme les autres. Le perdant… doit mourir."

Je l’observe en silence, mon regard froid. Elle menace ma survie.

Un frisson parcourt la pièce. C’est ce qu’elle voulait depuis le début, n’est-ce pas ? Me forcer à ce point, me pousser dans mes retranchements jusqu’à ce que je n’aie plus d’autre choix que de revenir à ma nature première : la survie totale.

Je la remercie intérieurement. Elle m’a fait sortir de ma zone de confort.

Je laisse échapper un léger sourire, un murmure.

— "Merci, Ohona. Affronter quelqu’un comme toi… ça m’a changé."

Mais maintenant, je redeviens celui que je suis vraiment.

Les sclérose noires se répandent le long de mes bras, comme des ombres vivantes, tandis que mes yeux deviennent entièrement blancs, vidés de toute lumière. Ce n’est plus moi qui joue. C’est le survivant.

Je la regarde, et cette fois, ma voix est glaciale, dénuée de toute émotion.

— "C’est terminé pour toi."

Les cartes sont distribuées. Le jeu commence.

Le poker est un jeu de stratégie, de bluff, de contrôle. Mais pour moi, dans cet état, il n’existe que la victoire. Chaque carte que je joue, chaque mouvement, chaque décision… tout est calculé pour détruire.

Ohona tente de garder le contrôle. Elle bluffe, elle attaque, elle essaie de me déstabiliser. Mais rien ne fonctionne. Je suis devenu inébranlable.

Les minutes passent, et la tension dans la salle devient insoutenable. La partie atteint son apogée.

La dernière main est distribuée.

Je regarde mes cartes, puis je lève les yeux vers elle. Ohona semble encore confiante, mais je vois les fissures. Elle sait.

Je place mes jetons sur la table.

— "C’est fini, Ohona."

Elle hésite, juste une seconde. Puis elle révèle sa main.

Un full.

— "Un bon jeu," dis-je calmement.

Je retourne mes cartes.

Une quinte flush royale.

Le silence tombe sur la salle. La victoire est mienne.

Je me lève, les ombres encore présentes autour de moi, mes yeux toujours blancs. Le survivant a gagné.

Je la fixe, mon regard pénétrant dans le sien.

— "Tu as été une adversaire redoutable," dis-je doucement. "Mais tu as commis une erreur… Tu as menacé ma survie."

Je tourne les talons, prêt à quitter la salle.

— "Et personne… ne survit à ça."

Derrière moi, Ohona reste immobile. Le jeu est terminé. Elle est détruite.

Point de vue extérieur

Ohona reste immobile à la table, son regard fixé sur les cartes qui viennent de sceller son destin. La quinte flush royale de Wilfried brille encore dans son esprit comme un couperet implacable.

Elle a perdu.

Ses doigts tremblent légèrement alors qu’elle referme la main sur le bord de la table. La défaite est un poids lourd, mais au fond d’elle, une étrange satisfaction s’installe.

Il est sorti de sa survie.

C’était l’objectif. Pas de le vaincre, mais de le pousser au-delà de ses limites, de le faire abandonner ce carcan de survie absolue. Elle a échoué dans les apparences, mais réussi dans l’essentiel.

La porte de la salle des jeux s’ouvre lentement, et une présence familière envahit l’espace. Tsukishiro.

— "Ohona," dit-il d’une voix froide et mesurée, approchant calmement. "C’est terminé."

Elle tourne la tête vers lui, son visage marqué par la fatigue, mais un sourire discret flotte sur ses lèvres.

— "Je sais," murmure-t-elle.

Il s’arrête à quelques pas, les mains dans les poches, un air presque désintéressé.

— "Tu as échoué," constate-t-il avec détachement. "Wilfried a gagné, et tu n’es plus d’aucune utilité."

Il sort lentement une arme, la tenant entre ses doigts comme une évidence.

— "Alors, je vais te poser une simple question. Veux-tu que je le fasse… ou préfères-tu le faire toi-même ?"

Ohona le fixe, ses yeux vides d’émotion, mais un éclat de défi brille encore dans ses prunelles. Elle tend la main et saisit l’arme. Le métal froid contre sa paume ne lui inspire ni peur ni hésitation.

Elle se redresse lentement, vacillant légèrement, mais sa voix reste ferme :

— "Vous m’avez pas créée pour le battre."

Tsukishiro hausse un sourcil, intrigué par cette déclaration.

— "Vous m’avez créée pour qu’il sorte de sa survie… pour que vous puissiez le cueillir."

Un silence pesant s’installe.

Elle pointe l’arme sur sa tempe, ses doigts serrant la crosse avec détermination.

— "Mais la vérité, c’est que vous êtes juste minables… Et vous n’arrivez pas à sa cheville."

Tsukishiro ne bouge pas, figé par ses paroles, son masque d’indifférence se fissurant légèrement.

Ohona ferme les yeux une dernière fois, le sourire toujours sur ses lèvres.

— "À la fin… c’est moi qui ai gagné."

Le coup de feu retentit.

Le corps d’Ohona s’effondre au sol, laissant derrière elle une ultime déclaration de défi et de triomphe. Même dans la mort, elle refuse de leur donner la satisfaction de la briser.

Tsukishiro reste immobile, observant la scène, le visage fermé. Elle a échappé à leur contrôle, même dans sa défaite.

Il range lentement l’arme et sort de la salle, ses pas résonnant dans le silence. La partie avec Ohona est terminée… mais la guerre avec Wilfried ne fait que commencer.

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