10 - Le moment de vérité

Le moment de vérité

Le 1er mai est enfin arrivé, et avec lui, le moment de vérité pour cette classe D. Assis dans la salle de classe, je fixe le tableau d’un air impassible alors que Chabashira-sensei, fidèle à elle-même, entame un discours mêlant sarcasme et dédain. Sa voix résonne, implacable, tandis qu’elle critique ouvertement le manque de sérieux de certains élèves lors de l’examen de routine.

— Vous avez tous reçu les résultats. Ceux qui ont eu moins de 40 sur 100 auraient été expulsés si cela avait été un examen officiel. Heureusement pour vous, ce n'était qu'une simulation... enfin, pour cette fois, dit-elle avec un sourire qui n'a rien de rassurant.

En l’écoutant, je ne peux m’empêcher de penser que sa critique est justifiée. Certains membres de la classe D ne semblent pas réaliser la gravité de notre situation. Nous ne sommes pas seulement une classe de niveau moyen comme celle que j'avais connue au collège ; ici, nous sommes au bas de l’échelle. Pire, il y a des « brebis galeuses » qui semblent déterminées à nous tirer encore plus bas. Cependant, je ne laisse rien transparaître. Lorsque je reçois ma note, je me contente de dire :

— Comme d’habitude.

Puis, le moment que tout le monde attend arrive : la distribution des points privés. Le verdict tombe, implacable. Chaque élève reçoit 27 000 points privés. Cela signifie que notre classe n’a gagné que 270 points collectifs pour le mois. C’est maigre, mais cela aurait pu être bien pire. Nous aurions pu finir à zéro.

Hirata et Chiaki, assis non loin, croisent mon regard. Leur expression inquiète trahit leur appréhension. Je leur adresse un bref signe horizontal de la paume, un geste qui signifie que ce n’est pas fini, que nous avons encore des cartes à jouer. À voix basse, je glisse à Hirata :

— Prépare-toi à recevoir les honneurs.

Il acquiesce discrètement, comprenant que j’ai encore un plan en tête.

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Après les cours, je prends un moment pour analyser la situation. Je me remémore le classement des classes en fonction des points collectifs. La hiérarchie est claire :

Classe A : 940 points collectifs

Classe B : 650 points collectifs

Classe C : 480 points collectifs

Classe D : 270 points collectifs

Notre position est faible, mais elle n’est pas désespérée. Nous avons évité le pire, et avec un peu de stratégie, nous pourrons renverser la situation. Yinghua, Igor et Chiaki viennent me voir, leurs visages exprimant à la fois soulagement et reconnaissance.

— Merci, Okoda, murmure Chiaki. Sans toi, on aurait probablement fini à zéro.

Je me contente de hocher la tête. Leurs remerciements me réchauffent le cœur, mais je sais que le plus dur reste à venir. Dans trois semaines, un véritable examen nous attend. Ce sera notre première véritable épreuve, et les enjeux seront bien plus élevés.

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Une fois seul, je m’accorde un moment de détente en jonglant avec une balle en caoutchouc que je garde toujours dans ma poche. C’est un geste mécanique qui m’aide à réfléchir. Je suis en pleine réflexion sur la stratégie à adopter pour le prochain examen lorsqu’un élève de troisième année, appartenant à la classe D, s’approche de moi. Son expression est grave, presque désespérée.

— Okoda, je dois te parler. C’est à propos de... notre accord, commence-t-il, hésitant.

Je me redresse, curieux. Ah, oui, cet accord. Il y a quelques semaines, j’avais surpris trois élèves de troisième année en flagrant délit d’une activité qui aurait pu les faire expulser sur-le-champ. Plutôt que de les dénoncer immédiatement, j’avais décidé de négocier.

— Alors, tu as pris ta décision ? demandé-je calmement.

Il hoche la tête et tend une carte vers moi.

— Voici tous mes points privés. Je n’ai pas d’autre choix.

Je prends la carte sans un mot, vérifiant rapidement le montant. 2 500 000 points privés. Un sourire imperceptible se dessine sur mes lèvres. C’est un bon début. Comme promis, je garde mes preuves pour moi et lui laisse une porte de sortie : il pourra quitter l’école volontairement. Il repart, visiblement soulagé, mais je sais que les deux autres ne seront pas aussi dociles.

Quelques heures plus tard, mes prédictions se confirment. Les deux autres élèves me contactent à leur tour, paniqués. Ils me proposent une somme faramineuse pour acheter mon silence : 6 000 000 de points pour l’un, et 14 000 000 pour l’autre. Après une brève négociation, j’accepte leurs points, mais je ne m’arrête pas là. Avec les preuves que j’ai collectées, je m’assure qu’ils soient expulsés malgré tout. Mon silence avait un prix, mais leur présence à l’école n’en faisait pas partie.

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En moins d’une journée, j’ai amassé un total de 22 500 000 points privés, ajoutés aux 1 327 000 points que je possédais déjà. C’est un coup de maître, un véritable jackpot qui me garantit une certaine stabilité pour les mois à venir. Mais ce n’est pas qu’une question de survie. Ces points représentent un levier, une arme que je pourrai utiliser pour protéger ma classe ou manipuler les événements à mon avantage.

Je me tiens devant la fenêtre de ma chambre, observant le ciel nocturne. Les étoiles brillent faiblement, voilées par les lumières de l’école. Une phrase de Sun Tzu me revient en tête : "Laisse toujours une issue à ton ennemi pour qu’il puisse s’échapper." C’est une stratégie que j’ai appliquée à la lettre aujourd’hui, et les résultats parlent d’eux-mêmes. La première phase de ma survie vient de commencer, mais je sais que les vraies batailles sont encore à venir.

Et cette fois, je suis prêt.

Je marche tranquillement dans la rue, les mains dans les poches, profitant d’un rare moment de calme après cette journée mouvementée. Pourtant, une voix familière capte mon attention. Je ralentis instinctivement, puis m’immobilise complètement. Là, à quelques mètres, j’aperçois Horikita Suzune en pleine conversation avec le président du Bureau des Étudiants, Horikita Manabu.

Curieux, je me cache discrètement derrière un arbre. Mon téléphone est déjà dans ma main. Avec une précision calculée, j’ouvre l’application caméra et commence à filmer. Ce n’est pas par plaisir voyeuriste, mais parce qu’il est toujours bon d’avoir des informations compromettantes sur les autres, surtout à cette école.

Les mots échangés entre eux atteignent mes oreilles par bribes. Manabu parle d’un ton dur, presque cinglant, tandis que Suzune reste figée, droite comme un piquet. Je m'efforce de tendre l'oreille sans bouger d’un pouce.

— ...Tu continues à agir seule. Ton incapacité à collaborer est la raison pour laquelle tu es dans cette classe... D, dit Manabu, appuyant le dernier mot avec mépris.

Son regard froid transperce sa sœur, qui garde la tête haute malgré tout.

— Mes notes parlent pour moi, rétorque Suzune d’un ton tranchant.

— Les notes ne suffisent pas, Suzune. Cette école ne se contente pas d’intellectuels incapables de travailler en équipe. C’est pourquoi tu es ici. Jusqu’à ce que tu apprennes ce que signifie être un véritable leader, tu ne seras jamais digne de mon respect.

À ces mots, tout s’éclaire dans mon esprit. Alors, c’est pour ça qu’elle est comme ça ? Suzune, avec ses résultats impressionnants, n’est pas ici parce qu’elle est incapable de suivre le rythme académique, mais parce qu’elle n’a jamais su coopérer avec les autres. Tout son comportement – son attitude distante, son refus de travailler en groupe – découle de son désir obstiné de se prouver à son frère.

Je comprends, en un sens. Moi aussi, j’ai un grand frère. Il est génial, inspirant, et je me suis souvent efforcé d’être à la hauteur de son image. Mais là où j’ai appris à avancer par moi-même, Suzune semble être coincée dans ce cercle vicieux, cherchant désespérément à gagner l’approbation de son frère.

La discussion prend un tournant inattendu. Manabu fait un pas en avant, et pendant une fraction de seconde, il lève la main. Je retiens mon souffle. Il va la frapper.

Mais avant que son geste ne se concrétise, un garçon s’interpose. Je plisse les yeux pour mieux voir. Cheveux bruns. Une posture tranquille mais assurée. Qui est-ce ? Le président du BDE arrête immédiatement son geste en le voyant.

— Ayanokoji Kiyotaka, déclare Manabu, un sourire presque imperceptible aux lèvres. Que fais-tu ici ?

Ayanokoji ? Le nom fait tilt dans ma mémoire. J’ai connu un Ayanokoji, autrefois. Mais ce n’était pas un lycéen. Non... c’était un homme. Un homme terrifiant, qui m’a parlé d’expériences, d’excellence, et de son "chef-d'œuvre". Mes mains tremblent légèrement alors que les pièces du puzzle s’assemblent dans ma tête.

Non... ça ne peut pas être lui. Pas ici. Pas maintenant.

Je fixe le garçon qui se tient calmement devant Horikita Manabu. Il ne montre aucune émotion, mais sa présence impose un certain respect.

Si cet Ayanokoji est le fils de l’autre... alors il y a deux possibilités. Soit il a été envoyé ici pour moi, soit il a réussi à échapper à cet endroit et cherche une vie tranquille.

Je recule d’un pas, puis d’un autre. L’image de cet homme, de ses paroles glaciales, envahit mon esprit. Je me revois, plus jeune, face à cet individu. Sa voix résonne encore dans ma tête :

— La perfection nécessite des sacrifices, Wilfried. Tu devrais être honoré de contribuer à un projet si noble.

Ce souvenir suffit à raviver la panique en moi. Je ne peux pas rester ici. Mon instinct crie danger, et je ne suis pas du genre à ignorer ce genre d’alerte. Sans perdre une seconde de plus, je me détourne et m’éloigne rapidement. Mon souffle s’accélère, mais je lutte pour garder mon calme.

Reste calme, Wilfried. Reste calme. Je me répète ces mots comme un mantra. Mais mon esprit est en ébullition. Si cet Ayanokoji Kiyotaka est réellement le "chef-d’œuvre" de cet homme, alors ma simple présence à cette école pourrait être un problème.

— Survivre, murmuré-je à voix basse en marchant rapidement. Je dois survivre. Peu importe le prix.

Je ne suis pas prêt à replonger dans cet enfer. Pas maintenant, pas ici.

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