10 - La fausse faiblesse

Je suis assis sur ce banc isolé, les mains dans les poches, regardant distraitement le ciel. La tranquillité apparente masque l'agitation intérieure. La fausse faiblesse. Je sais exactement comment la rendre crédible. Il faut que les rumeurs soient vraies… aux yeux des autres.

Les premiers signes de mon plan prennent forme quand je vois arriver un groupe de cinq personnes. Des élèves de première et terminale. Ils pensent que je suis vulnérable. Parfait. Probablement un coup de Hakurei pour rendre la mise en scène encore plus réaliste. Elle sait exactement comment exploiter chaque fil de ce jeu complexe.

Je reste immobile, dos contre le dossier du banc, les observant du coin de l’œil. L’un des types, plus grand, plus costaud que les autres, avance d’un pas assuré.

— "C’est lui, pas vrai ? Le fameux Wilfried Okoda ?" Son ton est chargé de mépris.

Je ne réponds pas. Ils pensent que le silence est une marque de faiblesse. Grave erreur.

— "Tu fais moins le malin sans ta classe pour te protéger," ajoute un autre, plus jeune, un sourire narquois aux lèvres.

Ils s’approchent, me cernent. L’un d’eux tente de poser sa main sur mon épaule. Première erreur. Je me lève lentement, craque mes doigts, et le regarde droit dans les yeux.

— "Vous devriez réfléchir avant de continuer." Ma voix est calme, posée, mais chaque mot porte une menace implicite.

Il ne comprend pas, ou peut-être pense-t-il que je bluffe. Deuxième erreur. Il tente de me pousser. Troisième erreur.

Je réagis. Vite. Efficace. Je frappe légèrement son ventre, juste assez pour qu’il plie en deux sous l’impact. Un coup calculé. Pas assez fort pour le blesser gravement, mais suffisant pour lui faire comprendre que ce n’est pas un jeu.

Les deux suivants tentent de m’encercler. Je pivote rapidement, mon pied frappe l’un à la tête, l’autre à la jambe. Je ressens le craquement distinct de leurs os sous l’impact. Deux de moins.

— "C’est tout ?" je murmure, sans émotion.

Les deux derniers se regardent, hésitent, mais l’un d’eux, visiblement plus téméraire, fonce vers moi. Quatrième erreur. J’attrape son poignet, presse un point de pression précis. Il lâche un cri étouffé avant de s’effondrer, inconscient. Le dernier recule, la panique dans les yeux.

Je m’avance lentement, mes pas résonnant dans le silence oppressant. Il tente de fuir, mais je le saisis par le col, et d’un uppercut maîtrisé, je l’envoie au sol. Cinq de moins.

Je regarde autour de moi. Il n’y a pas de caméra ici. Personne ne pourra prouver ce qui s’est passé, et les blessures que j’ai infligées semblent… accidentelles. Je me redresse, essuie distraitement mes mains, et c’est à ce moment-là que je la vois.

Arisu Sakayanagi. Elle est là. Pas Hashimoto, comme je m’y attendais. Il a probablement jugé que la situation méritait l’attention directe d’Arisu. Elle s’avance lentement, son pas élégant et calculé, comme toujours.

— "Impressionnant," dit-elle d’une voix douce mais tranchante. "Je me demandais combien de temps tu mettrais à réagir."

Je la fixe, impassible.

— "Hashimoto t’a prévenue ?"

Elle sourit.

— "Bien sûr. Il sait reconnaître une opportunité quand il en voit une. Mais je voulais voir ça de mes propres yeux."

Elle s’arrête à quelques mètres de moi, son regard perçant croisant le mien.

— "Wilfried… toujours aussi imprévisible."

Je hausse les épaules.

— "Ce n’était qu’une petite démonstration. Rien de sérieux."

— "Rien de sérieux ?" Elle incline légèrement la tête. "Alors, j’imagine que si c’était sérieux, ils seraient à l’hôpital, n’est-ce pas ?"

Je ne réponds pas. Elle sait. Mais elle ne peut rien prouver.

— "Tu sais pourquoi je suis ici," continue-t-elle, son ton devenant plus grave. "Je voulais te proposer un… arrangement."

Je lève un sourcil. Un arrangement ?

— "Tu as du potentiel, Wilfried. Un potentiel que je ne peux ignorer. Rejoins la classe A. Abandonne cette mascarade avec la classe B. Avec nous, tu pourrais atteindre des sommets."

Je croise les bras, la fixant intensément.

— "Et pourquoi ferais-je ça ?"

— "Parce que la classe B te retient. Ils ne comprennent pas ton véritable potentiel. Moi, si."

Je ris doucement.

— "Je crois que tu te méprends, Arisu. Ce n’est pas moi qui suis retenu. C’est moi qui décide où je vais."

Son sourire s’élargit légèrement.

— "Réfléchis-y. Le prochain examen approche. Ce serait dommage de voir tes efforts… réduits à néant."

Je soutiens son regard sans ciller.

— "Je ne plie pas, Arisu. Ni devant toi, ni devant personne."

Elle reste silencieuse un instant, puis hoche la tête lentement.

— "Très bien. Mais souviens-toi, Wilfried… chaque mouvement a ses conséquences."

Elle se tourne pour partir, mais je sais qu’elle ne renoncera pas si facilement. Le jeu ne fait que commencer.

Je reste là, un instant, observant l’endroit où elle se tenait, avant de m’éloigner, les mains dans les poches. Le piège est en place. Maintenant, il ne reste plus qu’à attendre le prochain mouvement.

Je marche tranquillement, les mains dans les poches, laissant mon esprit vagabonder entre les stratégies en cours et les éventuelles complications à venir. Le ciel est clair, et l’air frais du matin glisse doucement sur mon visage. Rien de notable… jusqu’à ce que je les aperçoive.

Hashimoto et Okita, ensemble. Ils discutent à voix basse, à quelques mètres de moi. Leurs expressions sont neutres, mais je peux voir la tension subtile dans leurs postures. Hashimoto joue son rôle à la perfection. Charmant, amical… mais toujours calculateur.

Okita, quant à elle, semble naturelle, légèrement souriante, comme si cette conversation n’avait rien d’extraordinaire. Elle n’est probablement pas au courant du véritable objectif de Hashimoto. C’est parfait. Moins elle en sait, plus sa réaction sera authentique. Je veux que ceux qui nous observent pensent qu’elle aussi doute de ma loyauté.

Je détourne le regard et continue mon chemin. Je dois laisser les apparences faire leur œuvre.

C’est alors que je le vois. Nagumo Miyabi. Seul, pour une fois. Pas de groupies, pas de suiveurs. Juste lui, avec son habituelle arrogance gravée sur son visage. Il avance vers moi, ses pas assurés et son sourire légèrement suffisant.

— "Wilfried Okoda," commence-t-il d’un ton presque jovial, comme s’il s’adressait à un vieil ami. "On dirait que tu as eu une semaine mouvementée."

Je reste silencieux, le regardant simplement. Il continue, savourant chaque mot.

— "J’ai mis la main sur quelque chose d’intéressant. Un dossier… disons, compromettant."

Je lève un sourcil. Ah, voilà donc ce qu’il manigançait.

— "Un dossier ?" je demande avec un calme feint.

— "Oh oui." Il sort un téléphone et me montre un article. Une photo. Un extrait.

L’image est floue, prise de loin, mais reconnaissable. Moi, au collège, entouré de trois hommes tatoués, visiblement des yakuza. Un texte accompagne l’image, décrivant vaguement une implication de ma part dans des affaires douteuses.

Nagumo sourit, satisfait.

— "Tu sais, les rumeurs circulent vite dans cet établissement. Imagine ce que pourrait faire une telle information entre de mauvaises mains. Une réputation peut se détruire si facilement."

Il se rapproche légèrement, abaissant la voix.

— "Mais je suis prêt à te rendre service, Wilfried. Je peux m’assurer que cette… information reste entre nous. En échange, bien sûr, d’un petit arrangement. Rejoins mon camp. Soutiens ma présidence. Et tout ceci disparaît."

Exactement ce que je voulais.

Je le regarde un instant, feignant une réflexion intense. Puis je souris légèrement, le genre de sourire qui n’atteint jamais les yeux.

— "Intéressant, Nagumo. Mais si tu veux que je rejoigne ton camp, j’ai une condition."

Il plisse les yeux, intrigué.

— "Laquelle ?"

Je croise les bras, le regardant droit dans les yeux.

— "Tu renonces à ta présidence, et tu quittes ce lycée."

Son sourire s’efface instantanément, remplacé par une expression de surprise et d’incrédulité.

— "Pardon ?!"

Je me tourne sur mes talons, prêt à partir.

— "Ce sont mes conditions. Réfléchis-y."

Je le laisse là, planté au milieu du chemin, incapable de répondre immédiatement. Il croit encore avoir le contrôle, mais il ne sait pas que cette information, cet article, a été publié à dessein.

C’était moi.

À l’époque du collège, cet article a été créé comme une carte dans un jeu beaucoup plus vaste. Les yakuza eux-mêmes ont participé à la mise en scène. Tout cela dans le but de préparer un plan d’envergure, que je déploie aujourd’hui. Nagumo pense tenir une arme contre moi, mais il ne réalise pas qu’il s’est lui-même placé dans la ligne de mire.

Et je sais ce qui va suivre. Arisu et Ryuen. Ils vont sauter sur l’occasion. Ils vont croire que je suis sur le point de quitter la classe B. Parfait. C’est exactement ce que je veux qu’ils pensent.

Je continue de marcher, laissant mes pensées se dérouler méthodiquement. Chaque pièce est à sa place. Chaque mouvement calculé.

Puis, quelque chose attire mon attention. Une image fugace. Une mémoire enfouie. Une minute…

Je repense à Hakurei. Lors de notre dernière rencontre, j’ai remarqué quelque chose. Un détail qui, sur le moment, ne m’a pas frappé. Mais maintenant…

Le haut de Hakurei. Une légère ouverture au col laissait entrevoir… un tatouage. Un dragon.

Un dragon… comme ceux des yakuza.

Je m’arrête net, le souffle coupé.

Hakurei. Elle faisait partie d’eux.

Comment ai-je pu ne pas le remarquer plus tôt ? Évidemment, à l’époque, j’étais en mode survie, concentré uniquement sur la prochaine étape, sur le prochain danger. Mais maintenant, tout est clair.

— "Hakurei…" je murmure pour moi-même.

Elle n’était pas seulement une observatrice. Elle était une actrice dans cette scène. Et maintenant, elle est ici, à mes côtés, jouant un rôle encore plus complexe.

Je reprends ma marche, le sourire aux lèvres. Chaque détail compte. Chaque joueur a sa place.

Et moi ? Je suis prêt.

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