Chapitre Soixante-neuf

Elle est inconsciente. Je l'ai vu s'effondrer sur le sol en un claquement de doigt. Mon cœur a manqué un battement quand sa tête a touché le sol. Je suis complètement perdu et désorienté. Que dois-je faire déjà ? Ah oui, protéger Kate.

    Les idées soudain plus claires, je vois mes bras bouger frénétiquement et mes jambes les imiter. J'arrive devant cette femme qui me dégoûte dès à présent. Je voudrai réduire à néant ses yeux et son sourire si trompeurs, si manipulateurs ! Toute sa haine déferle sur moi. Je sens ses coups me tordre le corps. Je suis assagis de toutes parts. Mes yeux sont encore sous une fine pellicule de brouillard. Comme si tout était flou. Je cligne des paupières puis tout apparaît plus net. J'arrive enfin à discerner les deux femmes qui foncent sur moi. Je deviens alors le seul rempart protégeant le corps sûrement sans vie de la seule fille qui n'ait jamais compté pour moi.

    Avec toute la rage qui m'anime, je prends mon courage à deux mains, des mains de fer qui s'abattent bientôt sans remords sur la fine silhouette qui me fait face.

Mon poing atterrit en plein sur la tempe d'Anne, elle titube mais se redresse bien vite parant mon second coup. Pendant ce temps, Diane en profite pour me prendre par derrière. Elle essaye de me plaquer au sol en me sautant dessus. Mais je tiens bon par je ne sais quel miracle et me retourne pour la faire tomber. En à peine une seconde, elle est déjà sur ses deux pieds. Anne commence à resserrer un de ses bras sur mon cou pour ensuite m'étrangler. Malgré sa petite taille, elle arrive à me serrer la gorge d'une force herculéenne. Je ne sais même pas comment elle est arrivé à l'atteindre vu ma carrure.

Je suis sûr de devenir rouge et presque violet à ce moment précis. Je suffoque. Les minutes s'écoulent lentement, elles me font un peu plus souffrir chacune à leur tour.
L'air me manque et je me débats mais mes muscles ne me répondent bientôt plus, manquant sûrement d'oxygène.

- Voilà ce que je fais aux morveux de ton espèce ! La mort de Kate est à moi !

La folie bestiale d'Anne me scie, je n'aurais jamais soupçonné une femme si respectée être aussi monstrueuse et sanguinaire.

Les apparences sont trompeuses. Je comprends maintenant le sens de cette phrase que j'entendais souvent étant jeune.

Jusqu'à maintenant je n'avais pas pensé au plus important. À la chose qui fait ma différence, à celle à qui je dois tout mon passé et mon présent. Je me concentre, plus que je ne l'ai jamais fait jusqu'ici. C'est une torture, mon cerveau en manque d'air est en alerte. Je sens alors la douce sensation de chaleur s'emparer de mes veines, de mes muscles, de mes os, de mon corps entier. La chaleur crépite à la surface de ma peau, je sens alors une énergie nouvelle enflammer mon corps épuisé.

Je n'avais pas remarqué que mes paupières s'étaient refermées et en les rouvrant, je distingue au loin la vague silhouette de Diane qui approche de Kate. Une force surhumaine me permet d'échapper au piège formé par les bras d'Anne. Elle ne perd pas de temps et rejoint sa pauvre sbire en courant.

Un cri. Un seul réussi à libérer toute la puissance de ma détresse, de ma souffrance et de mon amour pour elle. Je ne crée plus de feu et ne le contrôle plus car maintenant c'est lui qui me domine. Je suis devenu une flamme gigantesque et incontrôlable. La combinaison d'Élémentaire n'arrive même pas à résister à la chaleur et commence déjà à fondre.

Mon hurlement se répercute comme une onde de choc. Le souffle qui s'en échappe est un geser brûlant qui détruit tout sur son passage.

Les flammes se précipitent sur ma cible, sur le fléau implacable de notre société, sur Anne.

Au dernière moment quand le feu lèche presque sa beauté affreusement calculatrice, je vois un corps se jeter à son devant.

Une bulle d'eau énorme se forme autour d'Anne alors que sa créatrice se prend tout mon pouvoir d'un coup. La force de cette surface liquide détourne le feu restant et explose en un millions de petites gouttelettes. Leur bruit mouillé s'écrase sur le sol dans le silence mordant du jardin. Anne est trempée mais ce n'est pas ça qu'il l'arrêtera, j'en suis sûre.

Si je ne fais pas vite, elle tuera Katelynn. Mais mon regard reste figé sur les restes de Diane.

Il n'y a plus aucune mèche blonde, plus de peau, de vêtements, de tissu, de corps... Tout à disparu ne laissant que des cendres. Les fines particules noires s'étalent inégalement sur l'herbe jaune. À la lueur naissante du soleil, chaque point noir devient une étincelle brillant de mille feux. Je divague forcément. Mais à ce moment, rien n'est plus beau que ce large tas à mes pieds. Tout une vie réduit en cendre. J'ai réduit une humaine en poussière. L'horreur de la scène me fait trembler et trébucher. Des larmes se pointent aux coins de mes yeux sans mon autorisation. Je ne dois pas pleurer une fille comme elle, elle a voulu nous tuer. Diane a fait tant de mal autour d'elle, elle ne mérite pas ça. Comme elle ne méritait pas une mort comme celle-ci.

Cette fille a tout de même mis sa vie en jeu pour une horreur comme Anne, c'est complément insensé ! Mais pourtant elle a sauvé notre tortionnaire en utilisant une dernière fois son pouvoir pour garantir son existence. Son geste est magnifique même s'il concerne une personne comme cette rousse sanguinaire.

Trop de minutes ont dues s'écouler depuis mon éclat. Il faut que je reprenne conscience du temps et de la situation, et vite.

Anne est penchée au dessus de L'Élémentaire évanouie. Je cours, comme le feu sur la mèche d'une bombe. Mes mains encore brûlantes poussent Anne. Malgré la force de mon geste, cette dernière ne vacille même pas. Je décide alors de m'accroupir près de Kate sans même lui jeter un œil. Seule une dernière issue est possible : le bouclier.
Imitant l'inconscience de Diane, je me place devant la blessée, pour lui offrir une dernière défense.
Si mon corps doit finir comme celui de mon ancienne coéquipière, je le ferai quoi qu'il en coûte pour protéger celle que j'aime. Car oui, après toutes nos disputes et ces événements, j'ai enfin compris que tout ce qui comptait en ce monde pour moi et mon cœur est cette fille têtue et exaspérante. Si je pouvais encore recevoir de ses cris après tout ça, je suis certain d'être l'homme le plus comblé de l'univers.

La femme du dirigeant, cette vipère, ne l'atteindra pas !

- Non ! Non ! Vous ne la tuerez pas ! hurlé-je, à plein poumons.

- Qu'est ce qui te l'assure, pauvre idiot ?

- Moi ! Je suis sûr que vous n'y parviendrez pas ! Pas temps que je serai là pour faire barrage !

Le désespoir de ma voix me tiraille le cœur, je suis pathétique et au bout de tout mon énergie. Je ne pourrai pas tenir longtemps.

- Mais je peux te tuer ! C'est si facile !

Un rire dément lui prend la poitrine mais elle finit par s'éclaircir la gorge pour ajouter :

- Je peux poser cette lame sur ta gorge et puis, couic !

Elle s'est approchée et passe désormais un doigt rapidement sous sa gorge pour illustrer ses propos.

Mes nerfs lâchent et je tremble comme une feuille pas par peur mais par fatigue. Car non je ne crains plus cette femme. Au lieu de m'effrayer, son faux sourire et ses yeux d'aliéné me dégoûtent.

- Vous ne gagnerez pas cette fois-ci ! Votre mari était votre marionnette mais nous ne seront pas les prochaines !

- Personne à part toi ne me contredit. Tu es tout seul. Et tu vas voir disparaître la lueur de vie de ta pauvre chère et tendre ! Ce sera tellement beau ! Dommage que je n'ai pas d'appareil pour immortalisé ce moment si magique ! Pauvre petite chose, délaissée par tous, tu connaîtras bientôt le sort de toutes les vermines dans ton genre !

L'agilité de cette femme me brouille la vue, son couteau frôle mon cou une seconde plus tard mais elle ne le dirige pas vers moi mais vers...

Mes pensées sont interrompues par une foule de cris, qui ne prononcent qu'un seul mot :

- Non !

La sociopathe se retourne et ses yeux s'agrandissent sous l'effroi.

Des centaines de soldats tout aussi sales et tachés de sang les uns que les autres apparaissent derrière une troupe plus petite composée de Jules soutenu par Marc et Tom. Les filles sont en sale état et les trois garçons les accompagnent. En arrière plan, on distingue de nombreux prisonniers avec certains portant encore des menottes. Tous sont dans un état pitoyable mais ils sont tous là.

Pourtant tout cela n'impressionne pas Anne plus longtemps. Elle dégaine son couteau et l'abat sur ma jugulaire. Je sens l'air se disperser et le sang couler, mes paupières tomber et la vie me quitter. Encore quelques instants et bientôt je ne serait plus de ce monde. Mon dernier geste va à Kate.

- Je t'aime, lui soufflé-je.

La rousse est soudain comblée de bonheur et rit à s'en trouer les cordes vocales. Elle a enfin neutralisé ce bon à rien et peut donc passer à celle qui lui a fait de l'ombre. Mais tout ses mouvements sont bloqués par une multitude de bras. Elle crie mais cette fois de rage. Ces hurlements cessent bientôt couvert par des jets d'eau puissant émanant des fontaines et  des paumes de chaque Élémentaire de l'eau.

Anne ne résiste presque plus. On l'emmène, on la serre pour la garder emprisonnée. Des menottes lui blessent maintenant les poignets et les chevilles. Tout devient sombre, un coup reçu sur la tête et tout n'est plus que néant.

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