Chapitre Soixante et un
Elle l'enserre désespérément et lui chuchote des excuses. Son frère n'est plus que l'ombre de lui même. Il y a quelques semaines, quand je l'ai rencontré, il était plein de vie, il parlait et bougeait. Maintenant ce n'est plus qu'un corps sans volonté comme si son cerveau était voilé. Il ne répond pas à Kate et ignore tous ces gestes. J'ai l'impression d'avoir affaire à un mort vivant. Je me suis mis en retrait alors que Tom monte la garde près de la porte. Je les observe de côté, j'essaye d'intercepter les phrases de sa sœur mais sans succès.
Soudain une petite pousse fait son apparition sur le bord de sa veste. La fine branche verte s'étire pour grandir et gagner du terrain. Elle se multiplie en une multitude de feuilles toutes aussi éclatantes. Des fleurs blanches naissent des petits bourgeons qui se forment autour de la branche. Ce spectacle est tout bonnement magnifique. Le pouvoir de Kate s'élève alors qu'elle est au fond du gouffre. Alors qu'elle pleure corps et âmes, les végétaux reprennent le pouvoir pour sauver le peu de famille qui lui reste. Son bras est bientôt recouvert de fines tiges délicates et de multiples fleurs immaculées. Les arabesques formées par ces plantes s'accrochent au corps du frère pour ensuite s'enrouler autour de son abdomen. Toute cette manifestation est maintenant maître du corps de Jules et entoure chacun de ses membres. Je suis étonné par tant de puissance.
Katelynn m'impressionnera toujours. Je souris en découvrant une faible lueur traversée chacune des lianes. Les petits points sont comme des minuscules lucioles qui colonisent chaque brins de verdure. Bientôt la lumière n'est plus une faible éclaircie mais un faisceau lumineux intense. Alors que la lumière verte scintille de mille feux, Kate relève enfin la tête.
La surprise se lit sur son visage. Un bonheur débordant prend sa place et elle étreint son frère une nouvelle fois avant de lui chuchoter d'autres choses que je ne comprends toujours pas mais je suis sûr que ce ne sont plus des excuses. Elle doit lui dire qu'elle a réussit. Qu'elle le guérit et qu'il sera de nouveau sur pieds. Mais il n'y a aucune réaction de la part de Jules. Il ne bouge pas d'un pouce et c'est ce qui m'inquiète le plus. Kate va s'effondrer si ses pouvoirs ne réussissent pas à sauver son frère. Je n'ai pas envie qu'elle tombe encore plus bas dans le désespoir. En la voyant couverte de larmes, le visage rouge d'une rage enfouie, je n'arrive pas à me faire à l'idée qu'elle a été un jour heureuse. Tout est tellement dans l'excès qu'il est impossible de nier l'évidence. Elle est triste mais beaucoup plus malheureuse que rageuse. Elle allait abandonner quand les plantes ont décidé de sauver le peu de bon qu'il reste en elle. En à peine quelques minutes ma Kate s'était envolée. Elle avait été remplacée par son alter-ego complètement brisé. Sans son pouvoir, sans Rose aussi, je pense qu'elle serait partie depuis longtemps. Je n'aurai jamais retrouver la fille blonde qui m'a tenu tête à notre premier rendez-vous ni celle qui a rougit tout-à-l'heure sous mon baiser. Sans son pouvoir tout ce serait effondré...
Heureusement que son don, même s'il n'a pas été un cadeau de la nature mais de la science, est là. Je me rends compte alors que je devrais aussi être présent pour elle. Mais je n'arrive pas à avancer, j'hésite encore. Il ne faut pourtant pas plus pour démontrer son besoin de soutien mais je reste tout de même en arrière en sachant cela.
Je ne peux pas m'approcher, une espèce de force m'oblige à rester en place. Mon cerveau lui même me convainc de ne pas bouger. Pourquoi ? Je ne sais pas mais je ne vais pas me laisser faire.
Au moment où je m'approche, l'intensité de la lumière diminue. Kate lève les yeux sur son œuvre et constate la baisse de puissance, elle aussi. Elle ferme alors les yeux, ses paupières papillonnent et elle accroche ses mains sur le corps de son frère, l'une dans ses cheveux et l'autre sur son dos.
Elle respire bruyamment sûrement pour garder son calme et maîtriser ses pouvoirs.
Quelques secondes plus tard la lumière devient si forte que je suis obligé de baisser mes paupières. Une forte tension se fait ressentir dans la pièce, elle balaye tout. L'atmosphère se fait plus chaude, une douce chaleur qui pourrait nous endormir. Puis petit à petit tout s'efface peu à peu jusqu'à disparaître complètement. J'ouvre alors les yeux pour voir un magnifique spectacle. Kate serre encore son frère, leurs yeux sont fermés et j'ai l'impression que Jules répond à son étreinte ce qui est sûrement la raison du majestueux sourire qu'affiche Katelynn. Je souris moi aussi, c'est fou ce que ses expressions sont communicatives.
Le repos est de courte durée puisque Tom débarque dans la pièce immaculée et crie :
- Ils sont là ! Il faut que vous partiez ! Dépêchez vous !
Son visage affolé ne laisse aucune erreur quand à ses propos. Comme par réflexe, je cours vers Kate et lui empoigne le bras pour l'emmener le plus vite possible. Il ne faut pas qu'ils nous trouvent. Katelynn n'hésiterait pas à mourir. Comme elle l'a dit plus tôt, une fois son frère hors d'atteinte de la Garde, elle n'hésiterait pas à se faire tuer ensuite. Même si elle a retrouvé son frère, qu'il est en vie et guérit, je sais que l'idée lui traverse encore l'esprit. Et ce n'est pas elle qui va décider si sa vie est finie. Kate ne doit pas partir ! Je suis là et je tiens à elle ! Elle ne doit pas mourir !
Je la prends dans mes bras pour l'écarter de Jules qui a ouvert les yeux et nous regarde d'un calme olympien. Je pense qu'il n'a pas encore compris ce qui se passe autrement, il serait terrifié. Heureusement qu'il ne l'est pas, je n'ai pas besoin d'un problème en plus à gérer.
- Non ! Laisse moi ! Jules !
Kate se débat. Elle crie à s'en casser la voix. Je vois bien la déchirure que je provoque en les séparant. Mais je ne veux pas prendre de risques.
J'essaye de la calmer en vain. Kate hurle maintenant :
- Morgan ! Lâche-moi ! Jules, Jules, Jules !!!
Elle éclate en sanglot dans mes bras et je ne peux pas me sentir plus coupable qu'en ce moment. Quand je lance un dernier regard à son frère, j'essaye d'y mettre le plus d'espoir et de conviction possible. Il faut qu'il sache qu'on reviendra, qu'on se reverra tous.
Et il me comprend comme si le ciel m'avait enfin aidé après plusieurs années d'indifférence. Il hoche la tête et chuchote d'une voix grave et cassée :
- Kate... Suis... Le...
L'intéressée se stoppe tout de suite dans ses mouvements. Kate reste figée puis se jette sur son frère avec une telle puissance que je ne peux la retenir plus longtemps. Comment fait-elle avec sa blessure à la jambe ? Elle me surprendra toujours cette fille. Un sourire nait sur mes lèvres mais je le supprime assez vite, ce n'est pas le moment.
- On se revoit bientôt. Je t'aime, Jules, lui chuchote sa sœur.
Je voudrai tellement que cette phrase me soit adressé. Kate m'a déjà dit ces trois mots mais elle ne les pensait pas et j'ai une envie horrible qu'elle y pense maintenant.
Les pas des soldats résonnent dans l'escalier. On a plus le temps de faire marche arrière.
- Tom, occupe toi de Jules. Protège le et mets le en sécurité on vous rejoindra plus tard, lui ordonné-je.
Il opine et commence à prendre le jeune dans ses bras. Il est si faible que marcher sera une épreuve pour lui.
- Kate tu te sens d'attaque ?
Elle me lance un regard noir et je prends ça pour un oui.
En quelques secondes, je m'empare du lit et le balance contre la fenêtre. Il y a seulement quelques fissures et je suis obligé de réitérer l'opération plusieurs fois. La vitre se brise soudain en un million de fragments scintillants. Je ne m'y attarde pas plus et attrape Kate par la taille pour la placer sur mon épaule et saute. Nous atterrissons dans l'herbe juste après suivi par Tom qui ne perd pas de temps et s'enfonce déjà dans la nuit avec Jules sur le dos.
Les gardes sont bientôt arrivés dans la pièce, on a plus beaucoup de temps.
Heureusement que la cellule de Jules n'était située qu'au premier étage sinon nous n'en saurions pas sortis. J'ai un peu mal aux genoux à cause du contre-coup mais ce n'est pas dérangeant. Je me mets alors à courir comme je ne l'ai jamais fait. L'adrénaline coule dans mes veines et me permet d'avancer dans le noir de la nuit qui ne sera bientôt plus qu'un souvenir. Je sais que l'aube approche. Il ne reste plus longtemps avant que les autres arrivent. On est dans les temps. Je n'aurais jamais cru que mon plan fonctionnerait.
- Ça va ? Tu tiens le coup ? demandé-je.
- C'est plutôt moi qui devrait te poser la question. Tu as quand même sauté d'une fenêtre.
- Je sais.
Nous ne parlons plus après ça. Il ne faut pas gâcher notre énergie en discours alors que nous savons très bien ce que ressens l'autre.
J'ai traversé le jardin et évité quelques gardes en me cachant derrière des buissons ou des façades. Il faut qu'on trouve le Dirigeant maintenant. Les autres vont s'occuper des prisonniers et des filles. Je leur ai demandé de se pointer avant le levé du jour et je remarque soudain qu'ils ont suivi mon plan quand j'aperçois des silhouettes au loin.
Ils arrivent par centaine, tous les camps réunis se sont unis pour mettre fin au système. Il feront diversion ce qui nous laissera le champ libre pour tuer le Dirigeant.
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