Chapitre Soixante-deux
Média : "Renegades" de XAmbassadors
Je suis ballotée par les secousses de ses pas. Ses muscles bougent en cadence et je les sens sous mes doigts. Ses mains me tiennent fermement la taille et son souffle est saccadé par sa course. Je voudrai pouvoir marcher pour éviter d'être un poids pour lui mais c'est impossible. J'ai encore plus aggravé ma blessure et la douleur avec.
Je pleure toujours après avoir laissé mon frère. Je l'ai abandonné une nouvelle fois. Se reverra-t-on ? Je ne sais pas et j'en ai mal au ventre rien que d'y penser. C'était horrible de le savoir presque mort tout-à-l'heure mais heureusement mes pouvoirs contrôlés par mes émotions sont intervenus. J'ai vu le vert lumineux recouvrir tout son corps dans le noir de mes yeux fermés. J'ai vu toutes les blessures intérieures provoquées par son enlèvement et son emprisonnement. J'ai tout fait disparaître, son corps n'était plus qu'une ombre totale, le vert s'était volatilisé pour mon plus grand bonheur. La seule fois où je ressentais ce genre de choses c'était avec Morgan. Si je pouvais revivre ce sentiment tous les jours, je le ferai.
Je n'ai pas envie de partir ni de rejoindre maman. Jules est passé de notre côté et a préféré la vie comme j'aurais dû le faire dès le début. Je dois toujours penser à ce que peut m'offrir la vie et non la mort. Je ne referai pas la même erreur que Juliette. Elle a tout laissé tomber pour s'oublier dans le néant qu'est la mort. Je ne ferais pas ce choix tout de suite. Quand mon corps ne tiendra plus debout ou que mes idées se brouilleront et que les autres autour de moi ne seront plus là pour m'aider et me consoler, alors là, le moment de mourir et de les rejoindre sera de mise.
Aujourd'hui, je suis là, vivante et j'en suis fière. Je ne pense plus qu'à la vie, à la joie même si la tristesse m'accable en ce moment. L'espoir est là pour élever toutes mes inquiétudes et mes attentes afin d'en faire un mélange complexe pour en extraire tout le meilleur et ainsi former un même sentiment qui ne me sera offert qu'après ma mission. Il s'agit tout simplement de la paix.
Je suis aussi déçue de mettre rendue compte de toutes les belles choses qu'offre la vie dans des moments pareils. Je suis en colère contre mon ancienne inconscience.
Pourquoi ne pouvais-je pas voir tout ça sans en passer par cette case là ? Si seulement j'avais tout compris dès le départ, tout cela n'aurait jamais eu lieu.
Mais on ne peut pas changer le passé, dans ce cas il faut apprendre à l'accepter. À essayer de dompter la part de nous qui regrette, qui repense à toutes ces choses horribles en croyant qu'elle aurait pu mieux faire. Mais tout cela est faux. Personne, même en revenant en arrière, n'aurait pu prendre la bonne décision.
Tout ce qui reste après ce combat, ce mal, ces événements, c'est une petite pensée, infime, qui nous chuchote de tourner la page. Et c'est ce que je fais maintenant. Je prends en compte toutes mes erreurs, et j'ai beau me détester en constatant tout ça, je sais que c'est nécessaire. J'ai besoin d'apprendre sur le passé pour avancer et m'améliorer. En tout cas, essayer...
Le passé est derrière moi et je n'oublierai jamais les leçons qu'il m'a enseigné et qu'il m'apprendra au cours de mon existence. Ces souvenirs resteront gravés en moi comme dans la pierre. Les écritures disparaîtront avec le temps et les aléas du vent. Il va essayer de s'en emparer indéfiniment mais n'atteindra que la surface des caractères et ne réussira jamais à effacer tout ça au profit d'une surface lisse. Même si j'oublie, je suis sûre que quelques fragments resteront mes compagnons jusqu'à la fin.
Des leçons, le temps va m'en donner sans s'arrêter mais ça ne me fait pas peur. J'ai déjà affronté le pire, maintenant je veux faire face au meilleur. J'ai déjà tout gâché une fois, je ne referai pas ça.
Des ombres se multiplient sur la pelouse à mesure que nous avançons. Ce ne sont pas des gardes. Leur marche n'est pas militaire et les tailles et gabarits varient entre les individus. Les silhouettes se rapprochent de plus en plus. L'angoisse m'assaille ainsi que l'incompréhension. Qui sont-ils ? Que nous veulent-ils ? Dois-je les craindre ?
- Qui sont-ils ? Ceux qui arrivent de la forêt ? demandé-je.
- Tu le sauras bientôt. Ne t'inquiète pas, Katelynn.
Mon nom complet sonne étrangement dans la bouche de Morgan. Il ne l'avait prononcé que rarement. Mais maintenant j'apprécie ce son. Je ne veux plus me détacher de mon nom, de mes origines ou de ma mère. Ce raccourci de quelques lettres a fait disparaître beaucoup de choses. Pendant quelques temps, je m'accrochais à un mirage. Ce n'est pas une abréviation qui va effacer mon passé. Je cesse dorénavant de me cacher derrière ce diminutif. Ça ne sert à rien. Je suis prête pour aller au devant des choses. Je vais me battre et gagner. Mon combat a commencé depuis des mois et maintenant l'ultime épreuve est arrivée. Je vais me défendre à coups de poings, pieds, plantes ou même de mots. Tous les moyens sont bons pour réussir. Je suis en route pour le chemin de la victoire. Je me sens fin prête à me libérer de mes chaînes, à sortir de ma cage pour m'envoler. Mes ailes se sont développées pendant ce long périple et je suis enfin assez confiante pour les dévoiler au grand jour. Je ne veux plus me cacher, ni mes démons ni mes envies. Tout cela est fini à présent.
Je peux décidément être comme je suis. Je m'accepte dès à présent. Ce moment, tout le monde l'attend dans sa vie, moi je l'ai enfin trouvé...
Nous arrivons prêt d'une des entrées du Manoir et Morgan me dépose doucement dans l'herbe juste à coté.
Je n'ai pas fait attention au chemin que nous avons pris. Où m'emmène-t-il ? Sait-il où se trouve le bureau du Dirigeant ? Mais pourquoi sommes-nous encore là à attendre au lieu d'agir alors que la lune se couche et que le ciel se colore de milles et une teintes pastels ?
Ce spectacle est tellement rare en ville, on ne voit pas le ciel avec tous ses bâtiments et dans ce voyage, je n'ai pas souvent regardé cette étendue au-dessus de nos têtes. Aujourd'hui est le jour où nous n'avons pas le temps de rester là, les bras ballants et pourtant je continue à fixer les traînées colorées qui se succèdent dans le ciel. La palette de jaunes, roses et bleus qui se dégrade délicatement derrière quelques nuages est vraiment spectaculaire.
J'entends alors des pas et des cris qui se rapprochent. Je prends peur, j'ai l'impression de me retrouver à ce fameux jour, celui de l'explosion de la base suivit de l'enlèvement de Morgan. Tous les souvenirs reviennent d'un coup. Je revois tout défiler devant mes yeux. Chaque drame plus horrible que le précédent. Un autre s'ajoutera-t-il à la liste ? Peut-être... Mais ce n'est pas à ce moment puisque ce n'est pas l'ennemi qui approche mais l'ami.
J'aperçois alors des milliers de silhouettes qui foncent vers nous. Ils sont tous armés, tout est hétéroclite allant de l'épée au lance-pierre en passant par quelques armes à feu, arcs et masses. Quelques jeunes de l'âge de Jules les accompagnent. Ils affichent tous un air déterminé. La force de leur regard me transperce. Ils émanent d'eux une aura de puissance et c'en est impressionnant. Je n'avais jamais ressenti ça. Cette impression est tellement enivrante, je reconnais alors cette fibre de la bataille.
Ils se regroupent tous après leur course, d'autres personnes s'ajoutent au fil du temps. Je ne sais pas combien ils sont mais je pense que ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. J'ai devant moi tous les renégats du pays. Pourquoi je sais que ce sont les Renégats ? Parce qu'au milieu de toute ce groupe avancent mon père, Rebekah, Will, Hugo, Maxence, Hélène, Constance et Kristal.
Je manque de sauter dans leur bras mais reste assise par terre à cause de ma blessure. Voir tout le monde de si bas rend le nombre de renégats encore plus important.
Morgan s'agenouille à côté de moi pour me tendre la main. Il m'aide à me relever avec un sérieux que je ne lui ai jamais vu, je pense que l'ambiance doit y participer. Sa main s'agrippe à ma taille pour me stabiliser. Je lève ma jambe pour préserver ma cheville blessée et lève la tête vers Marc. Mon père.
Il me fixe si intensément que je pourrais en perdre l'équilibre. Je hoche la tête en signe de compréhension. Ils sont là pour le Dirigeant.
- Accompagnez les. On fait diversion pendant ce temps là, dit-il aux Élémentaires. Kate, je dois te dire quelque chose avant de partir, finit par annoncer mon père.
Je ne dis rien et il s'approche. Il fait signe à Morgan de nous laisser. Marc prend le relai et me tient ensuite par les épaules avant de m'avouer :
- J'ai quelque chose d'important à te dire Katelynn. Il faut que je t'explique tout avant d'y aller. Kat...
Ses paroles sont troublées par une explosion. Le sol tremble et une odeur nauséabonde de poudre et de fumée nous prend rapidement la gorge. Quand je me tourne vers lui, ses yeux sont effrayés :
- J'aurais voulu te dire tant de choses avant que tu n'y ailles mais le temps nous presse. Sache juste que ton bracelet n'est autre que celui de ma sœur. Elle l'a conçue pour ses propres pouvoirs pour mieux les contrôler mais dans ton cas, il n'a fait que les amplifier. Avant de mourir, Rose a réussit à transférer son pouvoir ainsi que son esprit dans ce bracelet. J'espère qu'elle te viendra en aide au moment venu. Ne fait pas attention aux apparences, elles sont trompeuses. Je t'aime ma fille.
Je n'ai pas le temps de lui répondre qu'il court déjà vers le lieu de l'explosion suivit par tous les Renégats. Il n'y a que la bande de garçons, Rebekah et Kristal qui restent avec nous. Marc a tout préparé, il a prévu des renforts.
Ces révélations m'ont fait un choc. Rose ma tante aurait donc sauvegardé son âme dans le bracelet qui fait maintenant partie de moi ? C'est donc comme ça qu'elle peut communiquer avec moi. Tout est plus clair même si l'explication est improbable. Que voulait-il me dire de plus ? Et sa dernière phrase de me méfier des autres à quoi me servira-t-elle dans un moment si grave ?
Ses tous derniers mots m'ont touchés. Personne n'a jamais mis autant d'affection dans une phrase comme celle-ci ni même ma mère.
Je ne peux pas réfléchir plus longtemps sur ça. Il faut agir.
- Allons-y ! crié-je.
- On y va ! hurlent-ils, tous ensemble.
Je laisse couler une larme face à tant de solidarité et de force. C'est si inimaginable. Je n'aurai jamais pensé qu'un jour je combattrai au milieu d'inconnus.
Je me rends soudain compte que je ne les connais pas. Quand je vois Kristal, je remarque que ce n'est pas qu'une mère qui m'a recueillie dans son camp mais une amie qui m'a toujours soutenue. Elle a beau être assez frêle et petite, je suis sûre que sous son apparence innocente, c'est une battante. Rebekah est une fille pétillante malgré son mauvais caractère, elle a du cran et n'a peur de rien, elle est mon amie tout autant. Will et moi ne sommes pas très proches et il n'a beau pas vraiment m'apprécier, il est quand même venu m'aider. Il a bon fond mais sûrement vécu autant d'horreurs que nous tous. Il se protège à travers son arrogance et la distance qu'il créé entre les gens. Chacun ses défenses. Tout le monde y a eu recourt ici... Maxence a beau est être un gentil petit sudiste à l'accent chantant, il est plus fort qu'on ne le pense. Hugo est de loin le plus amical des trois, avec son physique assez fantomatique, blanc comme un linge et filiforme, il intimide au départ mais c'est quelqu'un qui apporte son aide quoi qu'il arrive. On sent qu'il a eu une meilleure vie que les autres mais n'en parle jamais. Notre passé, nos caractères, comportements, affinités ou non, relations ou pas, n'ont plus d'importance. C'est la guerre et la seule chose à retenir c'est de se soutenir pour vaincre. Je comprends tout à fait les mots de mon père maintenant mais ce n'est pas la dernière découverte que je ferai, ce n'est pas encore fini. Non c'est loin de l'être, le véritable combat ne fait que commencer.
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