Chapitre Neuf {2}
Morgan me rattrape par le bras alors que je manque de tomber. Des perles de sueur suintent sur son front plissé d'angoisse. Je suis hissée à l'extérieur par Diane. Elle fait de même avec Morgan. On se retrouve devant une plaine, il n'y a aucun arbre visible et la Garde est là. La ligne que les soldats forment au loin se rapproche dangereusement. Les filles ont disparues vers la forêt qui se présente derrière moi. Et je suis tentée de les imiter mais on sait tous que c'est ce qu'ils attendent. Ils veulent nous forcer à nous regrouper pour mieux nous exterminer. Je refuse de mourir maintenant alors qu'une vraie résistance vient de commencer. Je scrute la Garde, elle ne s'étend pas jusqu'au bout, nous laissant une chance de s'enfuir. Nous sommes trois, Morgan, Diane et moi, nous pourrons y arriver.
Je soumets mon plan à mes compagnons. Ils inclinent la tête et commencent à partir l'un derrière l'autre, courbés pour éviter les projectiles des soldats. J'hésite deux secondes à aller chercher ses innocentes filles que je ne connais presque pas. Je ne veux pas les laisser mais me résigne en gardant l'espoir qu'elles pourront s'en sortir.
Nous courons le plus vite possible la tête baissée vers le sol et les bras en barrage pour nous protéger. Nous frôlons quelques gardes mais nous passons trop vite près d'eux pour qu'ils nous remarque, ils sont tellement pris par leur combat de l'autre côté, vers la forêt.
Je suis heureuse quand nous regagnons l'entrée cachée principale de la base sans encombres. Je me laisse quelques minutes de répit derrière un arbre chétif, déjà brûlé par une explosion. Mes compagnons m'imitent.
Je regrette aussitôt mon initiative quand un soldat nous remarque, il venait de sortir de l'entrée désormais explosée. Il pointe son arme sur nous et touche Morgan à la jambe, quand nous nous cachons Diane et moi. L'horreur m'envahie. J'essaye de m'approcher de Morgan pour le prendre et réussir à le cacher avec nous mais il y a déjà deux soldats qui le prenne sous les aisselles. Il est pantelant entre leurs bras. Qu'y a-t-il dans ces balles pour qu'il soit dans cet état ? Je suis prête à m'interposer pour le sauver mais Diane me bloque en clouant ses mains sur ma taille. Je hurle alors qu'ils l'emmènent. Personne ne m'entend alors qu'une bombe explose et me fait presque tomber. Je vois les trois silhouettes disparaîtrent dans la fumée des combats.
Par instinct, je coure et les regarde monter dans une carriole bourrée d'armes. Je ne réfléchis pas et donne un coup à un soldat à ma portée, il s'effondre. Comment ai-je fait ? Serait-ce l'adrénaline ? Je ne réfléchis pas plus et enfile les vêtements du soldat par dessus ma combinaison et prend son arme même si je ne sais pas m'en servir. Je ne comprends pas comment, mais Diane réussit à se le procurer et porte quelques minutes plus tard, l'uniforme de la Garde ainsi q'une arme à feu. Nous nous barbouillons de boue et de suie, des arbres calcinés autour de nous, pour éviter que l'on nous reconnaisse et rejoignons le véhicule avant qu'il parte. La fumée des incendies provoqués par les explosions me prend la gorge. Autour de moi tout n'est que cendre et fumée noire. Tout est dévasté. Les soldats ne remarquent même pas notre présence et nous restons tranquille. Je regarde Morgan, il a les yeux fermés et ne bouge plus dans les bras des deux hommes. Je prie pour qu'il ne sois pas mort. Je n'ai pas envie de perdre mon professeur en plus de tout ceux qui vont mourir aujourd'hui.
Je me rends compte que je me suis attaché à lui comme s'il était de ma famille, tous ces gens sont devenus ma nouvelle famille. Je ne peux pas penser à leur perte. Et je vais les sortir de là. En infiltrant la Garde, j'espère que j'aurais la chance de libérer les otages ou alors soutirer quelques informations...
Tout ça est fou et en ce moment tout ce brouille. Le stress, la fumée et la peur me désorientent. Je ne sais plus ce que je fais et suis passée en pilote automatique. À côté de moi Diane cache en partie son visage et ses cheveux repliés sous le béret de la Garde. J'enfonce le mien un peu plus sur ma tête.
Mon cœur va lâcher quand la charrette s'arrête devant un immense bâtiment blanc militaire entouré de barbelés. Nous suivons silencieusement les soldats qui emmènent Morgan en nous faufilant dans la cohue des gardes partant ou revenant de la base.
Je hurle intérieurement et ai envie de tous les tuer sur le champ car ils sont là pour détruire nos camps mais surtout aussi parce qu'ils travaillent pour le Dirigeant, grand maître suprême !!! Ce ne sont que des imbéciles !
Nous ne pouvons pas les suivre quand ils ferment une porte à clé, nous laissant à l'extérieur. Je peste et Diane me lance un regard compatissant. Heureusement qu'elle est là, je n'aurais pas tenu sinon.
- Où crois-tu qu'ils l'ont emmené ? Je ne reconnais pas ma voix. Elle est dure et déformée à cause de la fumée qui a irrité ma gorge, c'est comme un cri guttural. Diane annonce :
- Ils l'ont fait prisonnier, je crois. Nous devrions nous intégrer ici quelques temps, avant de pouvoir accéder à cette salle.
- Oui, allons trouver une chambre et nous faire passer pour des gardes. Avec un peu de chance il y aura s'en doute des morts et des lits en trop.
- Oui et avec le nombre qu'ils sont je ne crois pas qu'ils remarqueront la différence. Par contre, il faut faire quelque chose pour nos cheveux et notre poitrine.
C'est vrai que nos cheveux sont un problème mais avec le chapeau ça ne devrait pas en poser. Mon uniforme est assez grand pour camoufler ma poitrine mais celle de Diane, un peu plus proéminente, se voie encore sous l'uniforme qui est plus petit que le mien. Je lui arrange ses vêtements de façon à créer une illusion d'optique.
Nous nous sommes intégrer à une chambre où se trouvent un lit superposé et un petit lit plus loin. J'ai retenu tout de notre trajet pour me rappeler de l'emplacement de Morgan. J'ai bien l'intention de le ramener ! Je me sens redevable de tout ce qu'il a fait pour moi : ses cours, ses paroles, son aide...
Je suis bouleversée quand Diane s'approche, elle s'assoit sur le lit du bas où j'ai élu domicile, et me dis:
- On le retrouvera. Repose toi maintenant...
Je ne me fais pas répéter et sombre dans un sommeil agité où je revis en boucle l'enlèvement et la balle qui a traversé la jambe de mon instructeur.
Je suis réveillée par une secousse et des paroles :
- Réveille toi mon gars ! Tu dois souffrir le martyr avec ce cauchemar.
J'ouvre les yeux sur un grand gringalet avec des cheveux bruns coupés au ras et des yeux chocolats inquiets. Il doit avoir une petite vingtaine d'années.
Je me redresse et le scrute en me remémorant les derniers épisodes. Je m'improvise dans mon rôle de soldat et ne bouge pas d'un pouce tout en restant droite. Je ne dis rien craignant qu'il n'entende ma voix féminine. Sachant qu'aucune fille ne travaille et n'est dans l'armée. Je vérifie que mes cheveux sont camouflés par le béret.
- Ça va ? me demande le jeune homme, portant l'uniforme de la Garde, il est intact, et n'a apparemment pas participé au combat ou alors s'est-il changé ? Je l'ignore et aussi notamment le temps que j'ai pu passé à dormir. La bataille est-elle finie ?
- Je suis content d'avoir enfin des compagnons de chambres mais s'ils sont fous ça ne va pas trop me plaire. C'est quoi ton nom ?
Je prends le premier nom qui me passe par la tête :
- Mor... Morgan, ma voix cassée et irritée par la fumée, la rend un peu plus masculine.
- Ça va mieux, Morgan ? Moi, c'est Tom. Tu viens d'arriver avec le nouveau régiment, c'est ça ?
Je hoche la tête. Je me demande où est Diane et regarde le lit du dessus.
- Ne t'inquiète pas Marc est allé prendre une douche. Tu sais vous êtes tombés dans une chambre de luxe avec une douche personnelle, il prend un ton enjoué et péteux.
Donc Diane se fait appeler "Marc", elle aussi a dû paniquer et donner un nom vite. Elle sort par une porte qui doit être celle de la salle de bains, ses cheveux sont coincés sous le béret et elle porte un uniforme propre en essayant le plus possible de cacher son visage féminin en regardant le sol.
- Si tu veux, toi aussi tu peux aller te doucher, m'informe Tom.
Je fais signe que je n'en ai pas besoin.
- Comme tu veux, juste pour dire que tu es bien barbouillé. Il me regarde avec un léger dégoût mais je m'en moque puisque que le but est de me cacher.
- Vous êtes pas très bavards tous les deux, conclut-il.
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