Chapitre Neuf {1}
J'ai repris mes petites habitudes et rejoins la salle à sept heures après un petit déjeuner copieux. Morgan m'attend. À cette heure-ci, il n'y a personne et mon professeur s'est amusé à y installer une multitude de plantes et fleurs qui me sont inconnues.
- Bonjour, j'espère que vous êtes en forme. Nous nous attaquons à un niveau supérieur aujourd'hui.
- Pfff... soufflé-je. Il fait abstraction de ma remarque et continue :
- Je vous met au défi de réussir à les contrôler toutes en même temps à la fin de la journée.
Ce n'est pas gagné. Puisque je ne sais même pas les animer, seulement les agrandir et encore de façon incontrôlée.
Après plusieurs méditations et explications. J'arrive à agiter la feuille d'une petite fleur. Je crois que ça va être long...
Mais je suis surprise d'atteindre mon objectif avant le repas :
- Pas mal, vous vous défendez assez bien...
Piquée par sa remarque sarcastique qui est bien sûr intentionnelle et faite pour jouer avec mes nerfs, il me teste. J'agis instinctivement. Par ma seule pensée toutes les plantes convergent vers Morgan, le piègent en s'enroulant autour de lui et le soulèvent :
- Alors, c'est toujours "pas mal" ? lancé-je, le mettant au défi de me sortir une autre critique.
- C'est acceptable...
Je déteste quand il fait ça. Il sait que je ne supporte pas ce genre de fausses réflexions, il fait tout ça pour m'énerver. Et il y arrive brillamment. Je resserre l'emprise des végétaux :
- Et maintenant ? Je ne lâcherai pas l'affaire tant qu'il n'avouera pas que je suis une bonne élève. C'est bête, je sais, mais j'y suis sensible.
- Je ne vous croyais pas si susceptible ! J'avoue, pour vous faire plaisir, bien sûr, (il me fait un clin d'œil moqueur) vous êtes très performante.
- Vous voyez vous savez dire autre chose que "assez bien" si on choisit bien ses mots.
- Dans votre cas, je dirais plutôt les manières, avec de bonnes manières vous obtenez ce que vous voulez. Maintenant, pouvez vous me reposer ?
- Je ne sais pas, dis-je, une pointe de malice dans la voix, le méritez vous, en si mauvais prof que vous êtes ?
Je m'amuse bien à le taquiner, même s'il a un caractère difficile, j'aime rire de temps en temps avec lui.
- Je crois que je suis même le meilleur instructeur à des kilomètres à la ronde ! S'il vous plaît, descendez moi je ne voudrais pas abîmer de si belles fleurs ; il les montre qui les enserre.
J'accède à sa demande, il redevient sérieux et m'annonce en toute franchise :
- Vous avancez bien, continuez comme ça pour la suite mais maintenant allons manger.
Cette fois je m'assois en face de lui pour le repas et il m'explique tout ce que je pourrais faire, comme maîtriser complètement le végétal et réanimer les plantes mortes. Un peu trop ambitieux à mon goût, mais pourquoi pas ?
Nous reprenons les exercices de contrôle sur les plantes et il me libère seulement pour le souper. J'ai exécuté presque tous les exercices à la perfection.
Je me couche, le ventre plein et dors comme un bébé.
La semaine se passe tranquillement, les mêmes exercices s'enchaînent et je commence à m'ennuyer. Les autres élèves dont je n'ai toujours pas retenue le nom sont épatés et me regarde avec de l'admiration. Ils me dévisagent comme ils le feraient avec une bête de foire, ce qui est exaspérant.
Morgan m'a donné ma journée mais il débarque à dix heures du matin dans le dortoir. Les filles bavent en le voyant même celles que je ne connais pas. Réaction qui m'est toujours incompréhensible, soit dit en passant, alors j'ai conclu qu'elles devaient avoir été piquées par un insecte qui leur a transmis la maladie "Morgan".
- Kate, je sais que je dois vous laisser aujourd'hui mais j'ai trouvé quelque chose, pouvez-vous venir ? Un petit V se forme entre ses sourcils foncés.
Je hoche la tête et les filles me regardent avec envie. On dirait vraiment qu'elles sont hypnotisées... Je me libère de leur attention et ferme la porte de la chambre, une fois dans le couloir.
- Regardez, il me montre un cercle en bois mort. Je reste perplexe.
- Pouvez-vous le "rajeunir" ? Il trace des guillemets invisibles avec ses doigts.
- Comment ?
- Essayez juste.
Je ralentis ma respiration et ferme les yeux pour réussir à me concentrer. Cette technique de relaxation est devenue une habitude. Je le fait à chaque manipulation végétale.
Quand je pense à la demande de Morgan, rien ne se produit. Je ne suis pas étonnée.
- Je n'y arrive pas.
- Mais si, concentrez vous un peu plus.
Je ne mâche pas mes mots :
- Morgan, laissez moi un peu tranquille ! Je ne suis pas à votre disposition pour vous sortir un nouveau tour de magie à chaque fois que vous le voulez ! J'ai besoin de me reposer comme tout le monde ! Je lui crie dessus. Mais il s'en moque et répond :
- D'accord, je vais vous lâcher un peu mais gardez le au moins et si vous pouviez réessayer un peu plus tard...
Je me fais violence pour retenir ma main de finir sur sa joue. Il n'est pas sérieux ? Il n'arrête donc jamais de travailler ?
- Peut-être, je me retourne et lui lance un "bonne journée" sans émotions et me réfugie sur mon lit.
Je sens dix paires d'yeux qui me brûlent la peau :
- Quoi ? lancé-je
- Qu'est ce qu'il t'a dit ? me demande Alice
- Rien, il m'a donné du travail en plus, et je montre le bois mort circulaire.
- Un bracelet ? Cassandre se penche pour l'attraper mais je le garde.
- Non, c'est du bois mort. Pourquoi tu penses que c'en est un ?
- Ça y ressemble, c'est vrai, continue Diane.
- Mais ça ne l'est pas, je peux me reposer maintenant ? me défendis-je, irritée.
Morgan m'a mise de mauvaise humeur avec ce devoir en plus. Elles se dispersent et me laissent.
Je m'étends sur mon matelas et me perds dans mes pensées tout en triturant le morceau de bois sans vie qui forme un cercle parfait, comme si la plante avait voulu retrouver l'autre extrémité pour plus de réconfort avant de mourir. Morgan est un bourreau de travail, je le plains. Le pauvre n'a que cela à faire, il ne s'entend, et ne le veut pas, avec personne. Je suis la seule avec qui il parle...
Mon esprit vagabonde vers Marc, que je n'aperçois que rarement à la cantine maintenant... C'est lui qui a permis le sauvetage de mes compagnes de chambres. Mais qui d'autre a survécu ? Toute la base a été attaquée et le bâtiment devait recueillir des centaines de personnes... En pensant à tous ses morts, une boule se noue dans ma gorge. Je décide de m'éloigner de ces sombres pensées quand un tremblement fait bouger mon lit.
La secousse se répète, plus intensément. J'ai l'impression de déjà vu... Le soir de mon anniversaire... J'ai ressenti les même. La première chose qui me vient est : la Garde.
Les filles hurlent autour de moi, je me perche sur mon lit :
- Arrêtez !
À mon cri elles se tournent vers moi, je continue :
- Avec le plus de calme possible, trouvez une sortie et sauvez vous !
Elles s'exécutent. Je cours à côté de Diane dont une veine bat à sa tempe, elle aussi sait ce qui se passe. Ma compagne de chambre est inquiète mais ne laisse pas transparaître sa peur. Je l'admire pour son courage.
Entre temps j'ai passer l'anneau de bois sec à mon poignet et quelque chose me chatouille, je regarde : la couleur marron du bois est remplacée par un vert naissant, la vie s'agite à l'intérieur de ce morceau perdu de plante...
Je me concentre sur notre itinéraire. Une fille blonde conduit notre groupe jusqu'à une trappe dans le plafond, au fond d'un couloir. Elles s'aident pour monter et sortir quand une secousse retentit une nouvelle fois sous nos pieds et je me bouscule à quelqu'un.
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