Chapitre Douze {3}

Le cliquetis si coutumier des épées des soldats teintent derrière la porte. Ils sont deux. Leur pas sont étouffés par la moquette mais je distingue deux voix différentes mais inaudibles de là où je suis. Que feront-ils s'ils nous trouvent dans un espace interdit au public ?

Morgan est tellement calme et sa respiration si faible que je l'oublie pendant un instant.

Il a lâché mon bras mais se tient toujours aussi près de moi. Mon souffle comble le vide. J'ai l'impression de respirer si fort que même un animal ayant courut des kilomètres ne ferait pas mieux.

Les gardes se rapprochent :

- Tu sais ce qu'on cherche ? demande une voix de ténor.

- Une anomalie ou un truc du genre, répond une autre plus grave.

- Je ne la supporte plus cette nana. Elle se croit la chef quand le Dirigeant part. Tu penses qu'elle a le droit ?

- À ton avis ?

- Oui, tu as sans doute raison... On ne peux rien faire, c'est elle la plus gradée, finit Voix Aiguë.

Ils s'éloignent et nous n'entendons pas la suite de leur conversation. Qui est cette femme dont ils parlent ? Serait ce Anne ? Je n'arrive pas à me faire à cette idée. Morgan m'attrape le bras et chuchote :

- Venez, il faut que vous retourner à la chambre.

Je le suis et nous ne reparlons plus de tout le trajet mais avant de me laisser mon professeur me glisse au creux de l'oreille :

- Faites attention et rendez-vous demain après votre service au même endroit.

- D'accord, je vais prévenir Diane.

Je me retourne pour entrer dans la chambre mais il me bloque le passage :

- Ne l'en informez pas.

Il disparaît sur ces mots. J'ai à peine le temps de le voir emprunter un autre couloir. Je ne comprends pas sa requête. Pourquoi ne pas le dire à Diane. Elle est dans notre équipe. Nous sommes sur la même mission, non ? Il faut que je le lui demande à notre prochain entretien. J'entre et trouve ma coéquipière assise sur mon lit. Elle est arrêtée dans la contemplation du sol. Tout le monde se comporte bizarrement, ou est-ce moi qui déraille ?

- Tout va bien ?

Diane détache ses yeux du sol. Son visage s'illumine d'un sourire quand elle me voie :

- Oui, je veux juste te parler.

- Vas-y. Je m'assois à son côté et elle reprend :

- J'ai l'impression que l'on stagne. Tu ne trouves pas que l'on ne découvre rien ?

Je voudrais tellement lui faire part de ce que j'ai découvert mais je ne sais pas pourquoi je garde le silence. Pourquoi écouter Morgan ? Des deux, il est celui à qui je fais le moins confiance, pas du tout, même. Alors que j'essaye de faire sortir les mots de ma bouche, ils refusent de franchir les lèvres comme si une partie de moi avait envie d'écouter les recommandations de l'Élémentaire. Je n'y peux rien... La voix moqueuse résonne dans ma tête: «Raté ! » J'ai envie de lui balancer quelque chose à la figure mais comme à chaque fois que l'envie me prend, je me raisonne en pensant que ce n'est qu'une stupide voix. «Je t'ai manqué ? »

- Non ! lui crié-je à voix haute.

- Katelynn ? Tu parles à qui ?

Les yeux dorés de Diane reflètent une pointe d'inquiétude et aussi de peur.

- À personne, pourquoi ?

Meilleur moyen de passer pour une personne normale : discuter avec une voix imaginaire qui vous taquine ! La carte de l'innocence est ma seule option. Tu me revaudras ça ! articulé-je intérieurement. «Peut-être ou peut-être pas...», la voix rit.
Je suis folle ! Bientôt je m'imaginerai vivre dans un monde tout rose. Il faut que j'en parle à Morgan. Je pense qu'il me prendra au sérieux. Je reprends la conversation avec tout le naturel dont je suis capable :

- Ne t'inquiète pas. On vient d'arriver. On trouvera quelque chose.

Je mens de mieux en mieux. Rien qu'à cette pensée, j'ai dû mal à avaler ma salive. Je ne m'aurais jamais crue capable de mentir aussi bien et sans remords.

- Oui, tu as sûrement raison, répond Diane à moitié convaincue.

- Il faut que tu te reposes, ce n'est pas parce que tu as mauvaise mine mais que... Bon en fait si mais ce n'est pas pour te vexer mais tu en as vraiment besoin. Pendant ce temps, je vais me doucher.

C'est vrai qu'elle a une mine horrible. Des cernes bleus tirant sur le violet cerclent ses yeux. Elle est très fatiguée et doit sans doute prendre trop à cœur son travail. J'ai l'impression que ses services sont plus longs que les nôtre, à Morgan et moi. Elle m'offre un dernier regard puis renonce et va se coucher.

Je me relève et la salue une dernière fois avant de me retrouver dans les douches communes. Tout n'est que vieux carrelages abîmés et fissurés à quelques endroits. Le sol est sale. Pour un local occupé par le personnel de ménage c'est à l'inverse de cette image.

L'eau froide coule le long de ma colonne vertébrale et je frissonne. Mes muscles sont crispés et en ce moment je n'arrive pas à les détendre. J'essaye de calmer ma respiration pour me décontracter. Cet exercice de méditation fait maintenant partie de mon quotidien. Je sors de la douche et me frictionne.

Je suis trop fatiguée pour remettre ma combinaison et mon uniforme et préfère me coucher avec des sous-vêtements propres et une chemise que j'ai piochée à la laverie, située à côté de la salle de bains.

Je me glisse sous les draps. L'épuisement me fait plonger immédiatement dans un sommeil profond.

- Kate !

Je me réveille en sursaut. Et saute de mon lit prête à partir sous la menace des tirs de la Garde.
Mais je suis loin de ça, très loin... Il n'y a que Morgan. Aucun soldat en vue et le silence plane dans la chambre. Je prends mon air le plus mauvais et commence à lui crier dessus :

- Vous êtes fou !

Je suis à deux doigts de l'étrangler. (Je sais, c'est un peu forcé mais ce matin j'ai eu la peur de ma vie.)

- Le service commence dans deux minutes et vous dormiez toujours. J'ai essayé de vous réveiller par tous les moyens et c'est le seul qui ai fonctionné. Vous avez un sommeil de plomb, au sens propre du terme, répond-t-il.

- J'ai faillit avoir une crise cardiaque !

- Ce n'était pas le but. Son ton est vide, inexpressif.

"Et toujours pas d'excuses ! " remarque la voix. Pour une fois je lui donne entièrement raison ! Ça ne lui effleure pas une seconde qu'il soit en faute dans l'histoire. Non ! Pas le moins du monde ! Ce qu'il peut être énervant !

Je me tire les cheveux. Il est insupportable ! Je souffle et respire à plusieurs reprises pour garder mon sang froid. C'est très mauvais de commencer la journée dans cet état. Je me connais, si je démarre comme ça je n'ai pas fini d'être de mauvaise humeur. Je le regarde dans les yeux et siffle :

- Endormie ou éveillée, je suis toujours inutile pour vous alors je ne voie pas pourquoi vous vous êtes mis dans la tête de me servir de réveil !

- Vous avez en partie raison mais je me dois de vous y faire participer un tant soit peu.

- Vous mériterez d'être cloué au mur. Vous êtes d'une telle impudence !

- Peut-être, mais je ne crois pas en être arrivé à ce stade.

Il est toujours aussi calme. Je déteste le voir si indifférent ! Il me met encore plus en rage !

- Vous... Vous...Arghhh !

Je me retiens de le frapper quand il affiche un sourire moqueur et satisfait face à ma colère. Il m'examine de la tête aux pieds et son sourire s'élargit. Je me regarde pour voir ce qui l'amuse à ce point et remarque que je suis presque nue, je ne porte que mes sous vêtements et la chemise bien trop courte qui ne recouvre que le haut de mon corps. Je ne m'étais pas aperçu de ça hier soir. Je vire au rouge et lève mes yeux une dernière fois vers lui. Lui aussi va bientôt devenir rouge s'il n'arrive pas à sortir le rire qu'il essaie de retenir. Je lui lance un regard noir pour lui faire peur mais cela ne fait qu'augmenter son envie de rire. Je plaque mes mains de façon à tirer sur le fin tissu pour me recouvrir le plus possible. Je baisse la tête de honte, prends vite mes affaires et pars en coup de vent vers la salle de bains. Me cachant derrière une cabine de douche je retire cette chemise qui atterrit dans une flaque d'eau, sûrement la preuve du passage de quelqu'un avant moi. J'enfile vite ma tenue et ma robe par dessus. Je suis très pudique et me retrouver à la limite de la nudité devant ce... (mieux vaut que je garde ces insultes pour moi). Mais en tout cas je n'aurais pas pu faire mieux. "Tout à fait d'accord avec toi ! On commence à s'entendre, ma p'tite ! On est de plus en plus souvent du même avis !" rit la voix.

Si je devais dressé une liste des gens que je ne supporte pas,cette voix prendrai la seconde place derrière Morgan !

Je me dépêche pour ne pas le croiser et rejoins la chambre de ma patronne. La porte que je referme derrière moi et qui me sépare de lui devient ma sauveuse. Je délire complètement... Une inspiration, une expiration me permettent de redescendre un peu et de me concentrer sur mon travail.

Anne est là, elle m'attendait :

- Bonjour ! Je suis contente de vous revoir. J'ai tant de choses à vous dire. Savez-vous ce qu'à oser faire le cuisinier ? Vous n'en croirez pas vos oreilles, je vous assure... Il...

Voilà une journée qui se promet d'être palpitante ! Pffff...

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