Chapitre Dix {1}

Lors des deux jours qui suivent, je commence à maîtriser mon "anneau".

J'ai réussis à soigner les plaies de Morgan. Je suis restée tout mon temps à son chevet, espérant qu'il se réveille d'un moment à l'autre. Les infirmières venaient tous les jours l' hydrater, lui faire sa toilette et même le raser.

Morgan à l'air tellement vide et calme. Il me fait peur, il est de plus en plus blanc mais toujours aussi chaud. Certaines fois, je pose mes mains sur sa peau pour être en contact immédiat  avec le végétal, lui insuffler directement de l'énergie pour mieux le guérir. Étrangement son corps est toujours bouillant, preuve que mon professeur (je ne sais même pas pourquoi je l'appelle toujours comme ça. Une habitude, sans doute ?) est toujours en vie ou qu'il a de la fièvre mais je préfère penser à la première option. Je ne crois pas qu'un Élémentaire de feu puisse avoir de la fièvre ou alors elle serait bien plus élevée que la normale...

Je suis constamment fatiguée à cause de toute l'énergie que je dépense pour ses soins et je n'arrive pas à dormir. Je suis trop nerveuse et agitée.

Je pars pour aller déjeuner dans le petit réfectoire de la base, minuscule comparée aux précédentes, qui est toujours quasiment vide. Je mange tranquillement, discute de l'état de Morgan et de notre situation actuelle, avec Tom :

- Il ne donne aucun signe, je ne crois pas qu'il se réveille dans la semaine.

- Tu crois qu'il faudrait penser à partir sans lui ? demande-t-il.

- Peut-être. Je ne sais pas.

- On n'a plus de temps. À chaque minute le Dirigeant réfléchit à une nouvelle attaque contre nous.

- Oui, j'en suis consciente mais je ne crois pas être capable de le laisser.

Il prend un air dubitatif et articule :

- Qu'est ce qu'il y a entre vous, au juste ?

- De quoi tu parles ?

- Vous êtes ensembles ? Tu sais je ne te juge pas, l'amour peut faire faire n'importe quoi.

Je suis choquée par ce qu'il pense de moi et rétorque un peu trop fort :

- Moi et lui ? Sérieusement ? Je te rappelle qu'il est mon prof. De plus, il est invivable, je ne le supporterai pas. Je plains à l'avance la fille qui sera éprise de lui.

Les yeux de Tom sont devenues deux billes, il ne s'attendait pas à ça. Il bredouille :

- Je suis... désolé. Je n'ai pas voulu. Enfin je...

Je le coupe, il me fait mal au cœur en pataugeant de cette façon :

- Arrête, tu t'enfonces. Tu t'es trompé, fin de l'histoire. On peut parler d'autre chose ?

Je quitte la table bien après le départ de Diane et Daphné, elles sont toujours ensembles, comme collées l'une à l'autre.

Quand j'arrive dans la chambre de Morgan, je remarque ses yeux, ils sont ouverts. Ses iris vert sombre fixent un point, Diane est à l'autre bout de son lit et lui parle :

- ... sais, c'est Katelynn qui t'a soigné, elle est restée ici presque des jours entiers. Elle disait qu'elle se sentait redevable. Elle ne faisait rien d'autre à part attendre.

- C'est vrai, Kate était là ? La voix de Morgan est cassée et sèche.

- Oui, c'est même elle qui nous a entraîné dans ton sauvetage, moi et Tom.

- Tom ?

- Oui, c'est le neveu d'Hélène. Il nous a aidé au camp militaire. Tu lui demanderas des explications plus tard. Je dois te laisser avec le médecin, maintenant, il va t'examiner.

- Tu pourras demander à Kate de venir me voir.

- Comme tu veux, sur ses mots, elle quitte la pièce.

Je me cache, dans l'angle d'un mur pour ne pas subir une leçon sur le fait d'écouter aux portes.

Pourquoi veut-il me voir, si tôt ? J'ai envie d'entrer et de lui poser la question mais le médecin doit vérifier son état de santé.

Je vais le voir après que Diane me l'ai demandé. Morgan n'est plus sur son lit, il marche de long en large dans la pièce, il a revêtu une combinaison rouge et noire.

- Qu'est ce qu'il y a ? demandé-je, cachant mon impatience.

- Je voulais vous voir pour ça, il déboutonne sa tenue et abaisse le tissu qui recouvre son torse, le laissant pendre sur ses hanches.

Je détourne les yeux, gênée, même si j'ai passé quelques jours à le toucher pour refermer ses plaies alors qu'il ne portait qu'un fin pantalon. J'ai même parcouru sa jambe où la balle a été extraite. Mais maintenant c'est différent, il est conscient et c'est lui qui prend l'initiative. Je me sens coupable, je l'ai guéri c'est sûr. Mais le voulait-il, lui, être guéri ? J'ai agi sans son accord mais depuis l'épisode dans la voiture, depuis que je savais pour mon don de guérison, je voulais continuer à le soigner pour me racheter. C'est à cause de moi qu'il s'est retrouvé au camp, j'aurais pu le cacher au dernier moment...

- Regardez moi. (Il est calme) Est-ce vous qui avez fait disparaître mes blessures ?

Je reste dos à lui et marmonne :

- Oui...

- Comment? C'est impossible...

Je me tourne brusquement, il ne m'en veut pas ? Il préfère savoir comment j'ai réussi...  ça ?
Morgan croyait en moi. Il me savait capable de plein de chose et maintenant c'est lui qui remet en doute mes capacités ? Je ne comprends pas, je ne le comprends pas. Pourquoi être curieux sur ce genre de sujet alors qu'il doit me réprimander sur le fait que je l'ai fait sans son autorisation ?
J'hésite, mais attrape tout de même un scalpel posé sur un plateau aseptisé et trace une légère coupure sur sa paume. Il essaye de parler :

- Qu'est ce...

- Taisez vous !

Je me concentre sur la blessure, sur le sang, sur l'entaille peu profonde, comme les autres fois. La bracelet se change en grande tige verte, l'énorme feuille se pose sur sa main et la lueur si particulière brille.

Morgan me regarde sans laisser paraître la moindre émotion. Il est silencieux puis fixe ensuite la feuille qui se retire doucement. Il n'a aucune réaction. Ce qui m'inquiète un peu. Il est tellement imprévisible, je ne sais pas à quoi m'attendre.

- Comme ça... conclus-je.

Le silence s'installe. De longues minutes s'écoulent puis Morgan se tourne et sûrement dans un accès de pudeur remet sa combinaison sur ses épaules.

- Vous pouvez y aller, glisse-t-il, toujours de dos.

Je n'en crois pas mes oreilles ! Je le soigne, lui montre comment je réussis cet exploit et tout ce qu'il me dit c'est d'aller voir ailleurs ? Il me met à la porte sans un merci ?!

- Non, rétorqué-je sans réfléchir. Mon ton est dur et indiscutable.

- Non ?

- Vous n'êtes pas sourd à ce que je sache ? craché-je, agacée.

Il me montre un visage impassible. Ses iris verts ne me quittent pas. Il a l'air d'hésiter, j'ai dû me faire comprendre. Ce genre de personne ne doit pas être de celle qui remercie après un service rendu. Je n'aime pas ces gens là. Cela les écorcheraient vif de prononcer cinq lettres ? Juste par politesse ?

J'attends, bien décidée à lui faire dire, voir à lui arracher ce petit mot si simple, qu'est le merci.

Je ne peux pas supporter cette vision plus longtemps. Qu'est ce qui cloche chez lui ? Énervée, je m'apprête à quitter la chambre quand il me retient :

- Pourquoi ?

Je n'ai pas envie de lui répondre à mon tour et me faufile dans le couloir. Je commence une course folle à travers les couloirs. Mes pas résonnent sur le carrelage immaculé et me conduisent à ma chambre. Je referme brusquement la porte.

Je m'étale tellement brutalement sur mon lit qu'il grince et bouge de quelques millimètres.

Si j'étais restée plus longtemps, Morgan aurait fini avec un œil au beurre noir. Il sait très bien que si je ne l'aurais pas fait, d'autres l'auraient guéri à ma place parce que c'est un élément important pour cette guerre, même non déclarée, c'en est une. Un Élémentaire de feu est une arme redoutable contre des soldats avec leurs petites armes à feu, lui c'est un lance-flammes ambulant. Il détruirait tout sur son passage.

Mais j'ai surtout fait ça parce qu'il est celui qui m'a pris sous son aile, même s'il y était obligé. Il m'a appris tant de choses, il m'a protégé lors des attaques, il a toujours trouvé un refuge. Même si ce n'était que pour lui au départ, il ne m'a jamais renvoyée. Et moi, au moment où il avait besoin qu'on le libère des gardes, je n'ai rien fait. Je suis resté là, près de Diane. J'aurais fait quelque chose si elle ne m'avait pas rappelé à l'ordre ? Elle avait raison, ou peut-être pas ?...

En tout cas, quand elle m'a dit qu'on ne pouvait rien faire. J'ai baissé les bras, je ne me suis même pas débattu, j'ai accepté... Et maintenant, je me sens coupable de ne pas avoir agi ce soir-là. Je me rachète comme je peux. Morgan n'est pas obligé de savoir mes raisons. Il peut tout aussi bien me remercier ou pas et continuer sa vie tranquillement. Mais il n'a pas choisi cette voie et je l'en blâme. Pourquoi doit-il tout savoir ? Je ne suis pas contrainte à les lui révéler de toutes façons et je ne suis pas non plus forcée de lui obéir sans dire un mot. Ce n'est pas parce que je suis son élève qu'il est obligé de me traiter comme un animal de compagnie, je ne lui obéis pas. Je suis encore plus surprise qu'il m'est demandé de partir avec autant d'assurance.

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