Chapitre Cinq {2}

Une fois le repas terminé, je regagne le dortoir et demande les douches. Diane me montre une porte au fond de la chambre.

- Je te conseille de la prendre tôt le matin pour bien te réveiller ; Morgan n'aime pas les élèves inactifs.

-    Merci, Diane mais je fais comment pour laver ma combinaison, j'ai une tâche juste...

Mince, la tâche de sauce a disparue quand je veux la lui montrer. Diane rit :

-    Ne t'inquiète pas, cette tenue est faite dans un tissu en micro-fibres pour éviter que les tâches ne s'incrustent mais glissent dessus. C'est plus pratique en plus elle est imperméable à la pluie et contrôle ta température corporelle.

    Ils ont vraiment pensé à tout, c'est dingue ! Je n'aurais jamais cru qu'un vêtement pouvait faire autant de choses à la fois !

    La salle de bains est gigantesque. Il y a une douche assez grande pour y installer confortablement deux personnes et une baignoire tout aussi grande, trois lavabos se succèdent le long d'un mur agrémenté de grands miroirs et de petites étagères pleines de savons qui sentent divinement bons.

    Je verrouille la porte pour ne pas être dérangée et fais couler un bain. Je rajoute tout un tas de mousse et de billes parfumés. Je renverse presque toute une bouteille de sels de bains par inadvertance, encore mon côté maladroit... Ma tenue enlevée, je pénètre dans l'eau chaude.

    Je me ranime dans ce bain, les senteurs florales du savon m'apaisent et je me laisse aller. Mes muscles se détendent. Je ne m'étais pas rendue compte à quel point j'étais nerveuse mais toutes les tensions disparaissent. Je n'ai encore jamais pris de bain, toujours des douches froides.

    Quand je sors, la différence de température entre l'eau et l'air me vivifie. J'attrape une serviette propre posée sur le coin d'un lavabo et me frictionne. Je m'habille, vide la baignoire et en prenant la porte pour regagner la chambre je me retrouve devant un des miroirs. Je m'approche, surprise de remarquer que cette combinaison me va bien, très bien même. C'est la première fois que je me trouve, comment dire... jolie ?

    Ma natte est défaite et des mèches blondes s'en échappent, formant de petites boucles sur mon épaule. Mes yeux ont changé, le vert de la tenue en fait ressortir le bleu foncé, me donnant un regard plus dur et sombre.

     Je détache mes cheveux et défait ma tresse, décidée à me recoiffer. Les boucles dorées s'affolent autour de mon visage. Comme ça, j'ai l'impression de revoir la petite fille de huit ans qui jouait à la bagarre avec son petit frère. Je les rassemble en une queue de cheval maladroite et entre dans la chambre.

    Il n'y a personne, elles sont sûrement en cours. Je n'ai pas envie d'y aller et de retrouver Morgan. Même s'il s'est radoucit tout-à-l'heure, je préfère rester sur mon lit et ne rien faire. Je peux faire des choix maintenant. Je ne suis contrainte à rien. La société est au dessus et je suis en dessous, en dehors...

    La porte de la chambre est ouverte et je vais la fermer mais quelque chose la bloque. Une silhouette se découpe derrière, Morgan. Il me dépasse d'une tête bien que je fasse un mètre soixante-quinze, lui doit frôler le mètre quatre-vingt dix.

-     Vous n'êtes pas dispensée de cours à ce que je sache ?

-    Je croyais que je pouvais me reposer, répondis-je, même si je savais pertinemment au fond de moi que je ne pouvais pas être aussi libre.

Le Sous-Noyau est peut-être mieux que le Noyau, lui-même, mais un monde ne se dirige pas sans règles. Je suis vraiment naïve d'avoir crue une seconde que j'en étais exemptée.

-    Vous êtes ici pour apprendre, pas pour dormir.

Il me prend le bras mais je me débat et lance :

-    Je sais marcher !

    Je me dégage et le défie de recommencer en lui plantant mon regard dans le sien. Cette fois c'est lui qui capitule et j'en suis plutôt satisfaite.

    Nous arrivons à la salle d'entraînement, toutes les filles sont en duo et des bulles d'eau glissent dans leurs mains.

-    Comment font-elles ça ?

-    Elles transforment l'air en eau, elles jouent avec l'humidité et la température, le chaud et le froid. C'est assez complexe, me dit Morgan.

-    C'est fantastique !

-    Pas autant que vos pouvoirs qui sont encore un mystère, asseyez vous.

-    Encore une méditation ? Je suis déçue et un peu lassée alors que je n'ai fait ça qu'une fois.

-    Nous allons faire autre chose, alors. Courez, affolez votre rythme cardiaque et essayez de faire bouger ou pousser la fougère.

    Je hoche la tête et commence à courir tout autour de la pièce. Après un petit quart d'heure, je suis essoufflée et n'arrive pas à quoi que ce soit avec cette plante. Je m'énerve et n'y arrive pas d'autant plus.

-    Alors, vous n'y arrivez pas ? dit-il sur un ton arrogant.

    Quel enfoiré ! Il savait que je n'y arriverai pas et m'a donc fait suer pour rien. J'ai envie de lui donner une claque rien que pour ce sourire suffisant et hautain qu'il arbore. Il m'a puni pour avoir contester sa décision sur l'exercice de méditation.

    Quand je m'approche, décidée à le frapper puisque je le peux maintenant, nous sommes égaux, hors des conventions du Noyau. Il recule et regarde au-dessus de ma tête. Mais qu'est ce qu'il a encore ?!! Je suis son regard et suis horrifiée de découvrir une plante qui essaye de détruire le plafond comme pour sortir.

-    Arrêtez ça ! m'ordonne-t-il.

-    Je ne peux pas.

    Il me prend les poignets et me plaque contre le mur, visiblement il transpire de colère et de peur. Si cette plante, fait effondrer le plafond, il sera mal quand il devra expliquer qu'il n'a pas su gérer une fille.

-    On ne joue pas ici ! C'est bien compris ? Vous êtes sous mes ordres ! Alors arrêtez ça !

-    Je ne peux pas !

Nos cris font approcher les filles :

-    Qu'est ce qui ce passe ? questionne Diane

-    Regardez par vous même, et les six jeunes filles changent bien vite d'expression, elles ont peur.

-    Et cette inconsciente ne veux pas faire redescendre cette chose. Il me secoue, la pression sur mon bras s'accentue.

-    Lâchez moi !

-    Non, pas avant que tout soit réglé !

    Je ne sais pas comment faire. Je ne sais pas utiliser mon pouvoir... Je n'arrive à rien faire. De toutes façons dès que j'ai quelque chose, je suis obligée de toujours tout gâcher... Je me laisse tomber contre le mur, désespérée. Morgan m'a lâchée. Je vais être renvoyée d'ici et finir à la rue, j'en pleure déjà. Je suis beaucoup trop maladroite pour avoir ce genre de don, inconsciemment, je le savais depuis le début.

-    Il n'y a que comme ça que vous obéissez ? Il faut vous crier dessus comme avec une enfant, il rit.

-    Comment ?

Il se retire sur le côté, la plante est inerte sur le sol. Comment ai-je fais ça ?

-    C'est très intéressant, apparemment vos émotions contrôlent tout, alors quand vous saurez dompter votre mauvais caractère vous pourrez tout faire. Votre don est immense, Katelynn.

    Je suis surprise qu'il m'appelle par mon nom complet. Je lui ai fait plaisir. Moi, qui le croyais dur comme un roc et insolant.

Je ne me vexe pas et suis fière  de mon "mauvais caractère" comme il l'appelle.

    Je me relève et regarde le végétal. Il a l'air vidé de toute énergie comparé à tout-à-l'heure.

-    On n'en fait quoi ? demande Rebekah.

-    Apportez le à Marc pour la décoration de son bureau et qu'il voit les progrès de notre nouvelle recrue. Il est redevenu sérieux mais je sens qu'il est content de lui. Apparemment il tient à cœur son travail de professeur.

Elles obéissent et disparaissent avec la plante.

    Morgan me sourit. Une petite fossette se creuse sur sa joue gauche. Je ne sais pas quoi faire, je suis désarmée. Je n'avais jamais penser qu'il puisse faire autre chose que me taquiner et m'énerver.

    Il se contraint à l'effacer mais au coup d'un gros effort car je vois la commissure de ses lèvres résister.

Je me jette à l'eau :

-    Pourquoi êtes vous si heureux ? Je vous ai juste écouter.

-    Ce n'est pas pour ça.

-    Pourquoi alors ?

-    J'ai trouvé quelqu'un comme moi. Des étoiles scintillent dans ses yeux.

-    Quoi ?!

Il continue :

-    Vous fonctionnez comme moi, avec vos sentiments. Aucun Élémentaire que j'ai rencontré ne faisait ça et normalement seul les spécialistes en feu utilisent leur pouvoirs ainsi. Personne d'autre...

-    C'est si important?

-    Vous ne savez pas comment la solitude me pèse.

    C'est sûr je n'ai jamais été seule. J'ai juste passé les cinq dernières années, isolée, depuis le changement de comportement de Jules. Je sais tout à fait ce que cela fait, de se sentir tellement seul, qu'on se retrouve dans un monde à part... Je suis ravie d'en être sortie...

-    Je sais ce que c'est.

-    Non, rétorque-t-il sur son habituel ton dur.

-    Croyez ce que vous voulez...

    Je sais qu'il se considère comme être l'unique solitaire du monde, je faisais la même chose...

-    C'est fini pour aujourd'hui, allez vous restaurer.

    Je m'assois à la même place que tout à l'heure. Il faut vraiment que je me repère dans le temps. Je suis complètement déréglée. Quoi que faire abstraction du temps qui coure me fait paraître invincible, je peux tout faire...

    Quand je me tourne vers Morgan, séparé par deux filles de ma place, il a le regard fuyant et baisse la tête vers son assiette. Il s'est trop livré et le regrette, malheureusement... J'aurais aimé parler de mon ancienne solitude avec lui mais je n'ai pas la force de me confier, surtout pas à quelqu'un comme lui, trop distant et secret.

    Je mange une ration normale, cette fois...

Une fois mon plateau débarrassé, je me retrouve dans la chambre poster devant l'horloge, elle affiche deux heures de l'après-midi. Je voudrai avoir constamment l'heure sur moi, pour réussir à m'habituer à vivre sous terre.

    Je demande une montre à Cassiopée, qui me prend le poignet et détache un bouton de ma manche. Je découvre une petite pendule noire avec des aiguilles en métal, incrustée dans le tissu de la combinaison. Je remercie l'inventeur de cette tenue, il a vraiment tout prévu ! Avoir l'heure à son poignet est beaucoup plus pratique.

    Je passe le reste de l'après-midi, sur mon lit regardant défiler les secondes sur ma montre... Cela fait longtemps que je n'ai pas passé un moment à rien faire. Je m'étais toujours forcée à m'occuper pour ne pas devenir folle, quand j'habitais encore chez ma mère...

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