Chapitre 46
https://youtu.be/FjLyKB8Otg0
25 décembre 2018
Le soleil était haut dans le ciel. Il faisait plutôt beau malgré la température de l'air qui tournait autour des 12 degrés. Il aurait presque été agréable d'être là, à profiter de la vue si la conversation lancée par Monsieur Taylor n'était pas pesante.
Nathan était inquiet. Il n'était pas habitué à voir son père ainsi. Monsieur Taylor était un homme confiant et froid. Il n'exprimait jamais ses émotions, en tout cas, jamais en public. Nathan ne l'avait jamais aussi préoccupé, surtout à son sujet.
– Je ne veux pas qu'il arrive la même chose à Alex et toi, dit-il sans quitter des yeux le ponton.
– On est plus au Moyen- ge Papa, on ne va pas nous brûler.
– Nathan, sois sérieux !
– Mais je le suis Papa. Je ne vais pas quitter Alex parce que cela te déplait que je sois avec un garçon.
– Je m'inquiète pour toi !
– Tu t'inquiètes surtout du qu'en-dira-t-on.
– C'est pas possible d'avoir un fils aussi borné !
Monsieur Taylor se leva brusquement et tenta de refouler sa colère en donnant un cou de pied sur le caillou qui se trouvait à ses pieds. La pauvre roche se retrouva propulsée dans les airs et finit sa course dans le lac. L'homme d'affaires avait connu des clients difficiles dans sa carrière mais finissait toujours par faire pencher la balance de son côté. Il trouvait toujours le bon argument pour avoir le dernier mot. Avec son fils, il perdait tous ses moyens, il était bien trop impliqué émotionnellement pour réfléchir correctement. Il fixa l'étendue d'eau et tenta de retrouver son calme en respirant profondément. Le bruit d'une branche qui se brisa lui fit tourner la tête. Son fils tentait de quitter les lieux. Il courut derrière lui pour le rattraper.
– Nathan, attends, on a pas fini de parler !
– Je n'ai pas envie de t'entendre déblatérer contre moi durant deux heures. Je ne comprends pas pourquoi tu m'as conduit ici.
– Nathan, je voudrais...
– C'est bien ça le problème Papa ! S'écria soudain le jeune homme en plantant son regard dans celui de son père. Tu voudrais. C'est toujours toi qui décide. Pour tout. Tout le temps. Toi ! Toujours toi ! Et moi ? Tu t'es demandé ce que je voulais moi ?
Un silence s'installa entre les deux hommes. Ce n'était pas leur première dispute, ils se chamaillaient souvent. Pourtant, aujourd'hui, cela était différent. Le père de famille ne pouvait pas l'expliquer mais il lisait dans les yeux de son fils, une peine immense. Habituellement, lorsqu'ils se disputaient, Nathan dégageait surtout de l'hostilité à son égard. Aujourd'hui, c'était simplement de la tristesse.
– Laisse tomber ! Conclua Nathan d'une voix lasse.
L'étudiant remonta le petit chemin. Son père le regarda s'éloigner, espérant qu'il se retourna vers lui. Nathan ne le fit pas, il comprit soudainement qu'il avait tout raté. Il voulut le rattraper une nouvelle fois mais ses pieds restèrent collés au sol. Cela ne servait plus à rien. Tout ce qu'il pourrait dire ne pourrait pas le retenir.
Cela faisait des années que c'était compliqué entre eux pourtant Monsieur Taylor n'aurait jamais imaginé couper les ponts avec son fils. Ils étaient souvent en désaccord. Un doux euphémisme pour dire qu'ils se chicanaient à chacune de leur rencontre. Pourtant, malgré cela, ils restaient liés. Même s'il le montrait de la mauvaise façon, Monsieur Taylor aimait son fils.
Il comparait souvent sa relation avec lui à un élastique, l'un comme l'autre tirant d'un côté lorsqu'ils se lançaient des piques. Cependant, malgré tout, ils ne lâchaient jamais et finalement, l'élastique reprenait sa forme initiale. A présent, il avait l'impression que Nathan avait lâché l'élastique et qu'il lui revenait violemment en pleine figure.
– Où es-tu ? Que s'est-il passé avec Nathan ?
Monsieur Taylor avait décroché l'appel mais le regretta aussitôt. La voix en colère de son épouse résonna dans l'habitacle de sa voiture. L'homme roulait sur l'autoroute en direction du centre-ville.
– Je suis en voiture, je vais au bureau.
– Chéri, c'est Noël, pourquoi vas-tu là-bas ? Et pourquoi Nathan et Alex sont-ils partis ?
Monsieur Taylor sentit bien qu'elle était inquiète mais il n'allait pas lui dire les raisons de sa dispute au téléphone. Il ne pouvait pas annoncer que son fils sortait avec cet Alex à son épouse par téléphone. Il devait la ménager. Il fallait qu'il trouve un moyen de lui annoncer sans que cela ne la tue. Il avait besoin de se retrouver seul et de réfléchir. Et pour cela, il lui fallait une cigarette.
Il avait oublié son paquet à la maison. Cela faisait presque cinq ans qu'il avait arrêté de fumer, un peu pour sa santé et beaucoup pour faire plaisir à son épouse. Elle l'avait sonné d'arrêter cette mauvaise habitude après avoir passé un check up qui révéla l'état déplorable de ses poumons. La tâche n'avait pas été facile car il fumait comme un pompier depuis l'université.
Ce matin, après avoir confirmé ses doutes sur Alex et Nathan, il avait ressenti ce besoin de nicotine. Il avait déjà grillé plusieurs cigarettes mais il lui en fallait une nouvelle. Il ouvrit la boite à gant et farfouilla en tentant de garder les yeux sur la route. Il finit par trouver ce qu'il cherchait. Il sortit une cigarette du paquet, l'alluma et il tira une bouffée en cherchant à écourter la conversation téléphonique.
– Je t'expliquerais ce soir.
– Non, maintenant ! Ordonna son épouse.
Monsieur Taylor s'apprêtait à appuyer sur le bouton raccrocher mais sursauta en entendant son épouse. Madame Taylor avait pour habitude de ne jamais prendre partie pour son fils ou pour son mari dans leur dispute mais aujourd'hui, elle n'allait pas laisser sa famille exploser sans rien faire.
Il fût tellement surpris qu'il s'écarta sur la file de gauche, manquant de peu un véhicule arrivait à vive allure. Il retourna dans sa file, soufflant d'avoir réussi à éviter un accident. Madame Taylor entendit tout ce vacarme et s'inquiéta soudain.
– Que se passe-t-il ?
– Rien... Rien, minimisa Monsieur Taylor.
– Il faut qu'on parle de Nathan.
Monsieur Taylor aperçut alors la sortie d'autoroute qu'il devait prendre. Il diminua légèrement sa vitesse et, dans le virage, il sentit alors une légère brûlure sur sa jambe.Il regarda rapidement et vit qu'il avait fait tomber sa cigarette. Il essaya de la prendre mais elle glissa au sol. Il se pencha pour la ramasser.
– Je suis au courant, continua Madame Taylor. Je sais que...
La communication coupa brusquement, Madame Taylor n'ayant pas la possibilité d'avouer à son mari qu'elle connaissait le secret de son fils. La voiture heurta la glissière de sécurité. Monsieur Taylor quitta la route des yeux quelques secondes seulement. Il voulut simplement récupérer cette cigarette qui menaçait d'incendier la voiture.
Il ne remarqua pas qu'un bouchon s'était formé à l'entrée de la ville. Il le vit seulement au dernier moment, à la sortie du virage. Il arrivait bien trop vite. Il tourna le volant brusquement et freina le plus qu'il pouvait. Il réussit à éviter la voiture devant lui mais pas la glissière. L'air-bag se déclencha lors du choc et Monsieur Taylor perdit connaissance presque immédiatement.
30 décembre 2018
Le taxi déposa Namjoon devant le grand bâtiment funéraire. Le lieu était désert mais il préféra garder son masque alors qu'il s'avançait vers la porte principale. Il avança à travers les allées, vérifiant que ce qu'il tenait en main n'avait pas été abîmé par le voyage. Une fleur de crocus était soigneusement emballée. Namjoon avait remué ciel et terre pour dégoter cette plante à cette période de l'année mais il ne se voyait pas lui apporter une autre fleur que celle-ci.
Il approcha du coin réservé aux enfants. Il n'était venu ici qu'une seule fois. Pas par manque de temps, le cimetière n'était pas si loin, il aurait pu venir se recueillir bien plus souvent. Non, il n'avait surtout pas le courage de venir là. Lors de leur retour de tournée, Namjoon était venu ici directement mais c'était déjà trop tard. Ah-Reum était déjà dans cette urne et il pleurait la mort d'une fille qu'il n'avait connue qu'en photo.
Depuis, il n'avait pas eu le courage de revenir devant sa fille, s'en voulant toujours de ne pas être rentré en Corée avant, pour passer du temps avec elle. Il pensait tous les jours à elle mais cet endroit lui rappelait qu'il avait échoué dans son rôle de père. Même si se retrouver dans cet endroit était difficile, Namjoon avait tenu à être présent. C'était un jour important pour Ah-Reum, aujourd'hui elle aurait fêté ses 100 jours.
Il devait être là même si plus il se rapprochait de l'urne de sa fille, plus son coeur se serrait. Il arriva enfin devant l'urne et il ne put s'empêcher de passer ses doigts sur la plaque où était gravée le nom de sa fille en soufflant lorsqu'il effleura la date de sa mort. La dernière fois qu'il était venu là, il n'avait rien fait à part pleurer. Aujourd'hui, même si la peine était encore présente, il arriva à contenir ses larmes et installa dans un petit vase la fleur qu'il avait apporté.
– Je t'ai apporté un cadeau, c'est ta fleur de naissance. Je n'ai réussi à sauver qu'une seule fleur du bouquet que j'ai trouvé.
Namjoon n'était pas croyant, il ignorait si sa fille l'écoutait vraiment mais il avait envie de lui parler. Une façon, sûrement inconsciente de créer un lien avec elle. Et puis, parler lui permettait de ne pas fondre en larmes à chaque fois qu'il posait son regard sur cette urne.
- Trouver cette fleur en décembre était déjà un défi mais le plus dur pour moi à été d'en prendre soin, continua le garçon. Je crois que je les ai trop arrosés et... Enfin bref, je crois que j'ai encore honoré le titre de roi de la destruction qu'on m'a donné. J'ai réussi à sauver juste celle-ci. C'est un crocus sativus, la fleur qui donne du safran. Lorsque j'ai appris sa signification, j'ai trouvé qu'elle te correspondait parfaitement ma petite Ah-Reum.
- Ah oui ?
Namjoon sursauta en se tenant le coeur. Il imagina une demi-seconde que sa fille lui répondit avant de voir la propriétaire de cette voix s'approcher de lui. Il se sentit rougir d'avoir été ainsi surpris alors qu'il ne faisait rien de mal. La jeune femme lui adressa un sourire et il devina qu'elle ne se moquait pas de lui mais qu'elle semblait surtout surprise de le croiser ici.
- Et quelle est la signification de cette cette fleur ? Demanda Ji-Kyung en sentant la fleur déposée par Namjoon.
- Une jeunesse sans regret, répondit le garçon après un moment d'arrêt.
Après avoir humé l'odeur de cette fleur, Ji-Kyung posa son regard sur Namjoon qui restait bloqué sur lui. Visiblement, il ne savait pas comment réagir.
– Tu veux peut-être que je m'en aille, supposa la jeune femme.
– Quoi ? Non !
– Tu as l'air d'avoir des choses à dire à Ah-Reum.
– S'il te plait, reste !
Ji-Kyung chercha à s'éclipser mais elle fût retenue par la main de Namjoon qui se glissa dans la sienne. Elle accepta de rester et s'approcha de l'urne de sa fille. Comme à chaque fois qu'elle se retrouvait devant les restes de sa fille, son estomac se noua. Pourtant, aujourd'hui, elle sentit le noeud se desserrer un peu. Elle sentit alors une chaleur et regarda sa main, réalisant alors que Namjoon la tenait toujours.
Quelques minutes plus tard, après s'être recueillis ensemble devant la tombe de Ah-Reum, ils quittèrent le bâtiment. Arrivés à l'extérieur, Ji-Kyung prenait la direction du parking pour récupérer sa voiture lorsqu'elle vit Namjoon sortir de son portable pour commander un taxi. Elle lui proposa de le raccompagner mais le rappeur refusa gentiment. Elle insista un peu et le rappeur finit par monter à ses côtés dans le véhicule.
La voiture quitta le parking et le garçon se demanda s'il avait bien fait d'accepter cette proposition. Etait-ce vraiment une bonne idée de se retrouver dans un espace clos, durant un long moment, avec elle ? Déjà qu'il avait dérapé au musée, il y a quelques jours, à l'appelant Chaton, il avait peur de faire une nouvelle gaffe.
– Tu aurais dû me dire que tu voulais venir voir Ah-Reum, je t'aurais conduit, dit soudain Ji-Kyung. Enfin, tu voulais peut-être passer du temps tout seul avec elle. Je suis désolée de t'avoir interrompu tout à l'heure.
– Tu n'as rien interrompu, lui répondit Namjoon.
La jeune femme marqua un stop. La voiture resta à l'arrêt alors que la rue transversale était vide. Namjoon qui fixait la route pour depuis le début s'en étonna et tourna la tête vers sa gauche. Ki-Kyung tenait le volant, le regard vide. Elle fixait un point, elle était plongée dans ses pensées et peu concentrée sur sa conduite.
– Ji-Kyung, souffla Namjoon inquiet.
La jeune femme ne répondit pas. Il l'appela de nouveau et lorsqu'elle tourna la tête finalement vers lui, il vit ses yeux brillants de larmes. Il n'eut pas le temps de comprendre qu'elle se jeta à son cou et se mit à pleurer abondamment.
– Elle me manque tellement Nam ! Réussit-elle à articuler entre deux pleurs.
Namjoon n'était pas loin de se mettre lui aussi à pleurer. En grande partie parce qu'il partageait le même sentiment mais surtout parce que voir Ji-Kyung dans cet état lui fendait le coeur.
On avance encore dans la relation entre Nathan et son père. Je voulais montrer que c'est pas l'homophobie, le plus gros problème de son père mais plutôt son incapacité à communiquer avec son fils. Il commence simplement à s'en rendre compte mais cela est peut-être trop tard. A-t-il survécu à son accident ? Réponse au chapitre suivant.
Pour Namjoon et Ji-Kyung, je pensais à cette scène depuis longtemps, quand je pensais à comment les rapprocher tout les deux, cette anniversaire semblait une bonne excuse. Finalement, ils se sont revus un peu avant mais cette visite au cimetière va les rapprocher (voir le petit spoiler un peu plus bas).
Il fait vraiment froid en ce moment, couvrez-vous bien ! Passez une bonne semaine. A dimanche prochain !
LA SEMAINE PROCHAINE
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