Aimée avec une majuscule.
Aimée s'arrête au bord du muret. de toute façon, elle n'aurait pu continuer plus loin sans plonger dans l'océan, son océan qu'elle chérie tant. (cela n'aurait pas été plus mal.) elle ne sait pas nager. elle aurait bien aimé dire que c'était sa dernière occupation, mais le problème est que tout semble avoir un degré de gravité extrême dans la tête d'Aimée. les pensées se bousculent, désordonnées. non, non, laissez de la place à celle-ci. ça manque de celle-là dans ce coin, n'oubliez pas celle-ci ! pourquoi ? lorsque tu conduis sur l'autoroute, la probabilité de heurter un animal mort et de finir dans un trou de la chaussée à regarder le ciel pour l'éternité et plus grande que celle de gagner au loto. non, tu n'as pas de sources valides. des bactéries sont en ce moment même en train de circuler sur et sous ta peau. elles finiront par te bouffer. tu ne t'appartient pas. chacun de tes gestes est commandé, peut-être par ton cerveau qui ne t'appartient pas plus que ces bactéries puisqu'on peut te l'enlever. alors, tu ne seras plus qu'une carcasse (rien de moins que ce que tu es déjà, finalement). ton âme se sera évaporée et les microbes pourront commencer à déguster. peut-être devrais-tu vraiment apprendre à nager.
alors Aimée arrête de faire sautiller ses jambes (elles ne t'appartiennent pas non plus) – un vieux tic nerveux. elle pense aux conseils de son psy, respire, respire, le carré, quatre temps de pause et ça repart. des fois ça la fait rire parce qu'elle faisait le même exercice mais avec ses jambes dans son cours de danse. à peine pense-t-elle au fait que ça lui manque finalement un peu, il y a cette autre intrusive qui débarque. tu as le même QI que Jim Morrison. mais tu ne feras jamais rien de grand. maman, qui t'appelait loupiote, t'a laissée, tout le monde part. même les écrits. ton passage sur terre se résume à une enveloppe et des tee-shirts à manches longues. tu n'écriras pas « the end » (déjà fait). dans soixante-dix ans plus personne ne se souviendra de toi. (encore faudrait-il que tu te souviennes de toi-même. tu ne trouveras pas de remède à alzheimer). la vieillesse fait peur à Aimée. comme un tas d'autres choses. assise sur ce mur et face à l'océan, sa jambe se remet à trembler, mais cette fois-ci au rythme de cette jolie chanson de Neil Young dont elle fredonne les paroles. et elle se dit qu'elle aussi préférerait brûler franchement plutôt que de s'éteindre à petit feu.
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