Chapitre 16

Le visage toujours aussi fermé, mon père ouvre sans même toquer la porte du bureau de Karen. A travers l'embrasure, j'aperçois le sursaut de cette dernière, surprise par cette arrivée impromptue. Elle nous observe tour à tour tandis que nous nous faufilons un à un dans la petite pièce exiguë. Entassés entre sa table de travail et les fauteuils qui lui font face, on attend dans un silence religieux le sermon qui ne va pas tarder à éclater. Son attention oscille de mon père à nous, guettant une réaction, un indice sur la raison de cette petite assemblée imprévue.

- Jon ? s'impatiente-t-elle, toujours bien droite sur sa chaise de bureau. Que me vaut l'honneur de cette charmante réunion ?

- Ils vont tout t'expliquer, promet-il en nous adressant un regard autoritaire.

Pourtant, aucun de nous n'esquisse le moindre mot. Naturellement, Valentin prend le rôle du leader et porte-parole en s'avançant d'un pas. Il se focalise sur la conseillère d'éducation, attirant par son sérieux, toute son attention.

- M. Santiago nous a surpris en train de nous renseigner sur le passé des Neuf Muses, explique-t-il sans se démonter. Après l'alerte de l'autre jour, nous avons décidé de chercher à comprendre comment quiconque a pu pénétrer l'île en dépit des mesures de sécurité de la Santiago Security.

Mon père, l'air sévère, s'apprête à répliquer mais Valentin ne lui en laisse pas l'opportunité.

- Alors, je sais — et nous savons — que vous nous avez interdit d'interférer dans vos affaires, anticipe-t-il les protestations de mon paternel. Vous nous avez explicitement demandé de ne plus prendre aucun risque et de vous laisser gérer l'affaire, et on a bien intégré le message. Nous sommes des enfants et vous ne voulez que nous préserver. Néanmoins, nous avons estimé que nous pouvions malgré tout nous avérer utiles en réalisant des recherches documentaires au sein de la bibliothèque et que cela ne comportait aucun danger. Pendant que vous fouillez l'île en quête du ou des intrus, nous avons épluché registres, vieux journaux et plans pour découvrir d'éventuelles cachettes qui nous seraient encore inconnues où ils pourraient se cacher. Le tout, parfaitement en sécurité.

Si je n'étais pas dans le bureau de la conseillère d'éducation sous le visage hostile de mon père, je sifflerais presque la prestation digne d'un maître que vient de réaliser notre Président. En l'espace d'une tirade, il est parvenu à couper le sifflet à mon père et réduire à néant les griefs qu'il avait contre nous. Un tour de force digne des meilleurs manipulateurs : d'abord, souligner la faille de mon père dans la sécurité, ensuite, rappeler l'utilité de nos recherches avant d'enfin, insister sur l'absence totale de danger, ce faisant. Je suis admirative. Toutefois, je tente de masquer mon amusement en me plongeant dans la contemplation de mes chaussures. Je remarque malgré tout que je ne suis pas la seule à retenir un sourire.

- Oh je vous en prie, M. Jensen ! répond mon père, épargnez-nous donc le numéro des gentils petits élèves pleins de volonté mais responsables... Je pense que nous nous doutons tous que vos actuelles recherches ne sont que la première étape de vos investigations...

- Ou peut-être bien qu'après avoir compulsé tous ces antiques documents, nous vous aurions simplement fait part de nos trouvailles pour que vous vous chargiez de vérifier les endroits trouvés, intervient brusquement Charline. Vous croyez quoi ? Qu'on est assez stupide pour nous dire « ah tiens, l'assassin — ou peut-être même « les », que sais-je ? — de deux de nos camarades se trouve potentiellement caché là ! Et si nous y allions lui passer le bonjour ? » ?

Karen lâche un soupire, visiblement déjà harassée par sa longue journée qui ne cesse de s'allonger. Dans ses yeux se lisent toute sa fatigue, sa lassitude et son besoin de se reposer. Un élan de compassion m'étreint le cœur mais je n'ai guère la possibilité de lui apporter mon soutien. A la place, elle se masse les tempes.

- Charline change de ton, s'il te plaît, commence-t-elle en tentant d'apaiser la jeune fille.

Mais bien loin des résultats escomptés, au contraire, mon amie explose.

- Non ! je ne changerai pas de ton, refuse-t-elle catégoriquement. Vous nous mentez, nous soupçonnez, nous prêtez des intentions dont vous n'avez absolument aucune certitude et vous voudriez que je me calme ?! Alors que vous nous traitez en ennemi ? On essayait seulement de vous aider tout en respectant les ordres que vous nous avez donnés ! On n'a pris aucun risque et vous le savez ! Et pourtant, nous voilà tous là, à subir vos réprimandes et attendre une sanction. Le tout, sur la base de pure présomption.

Mon père hausse un sourcil autoritaire en s'approchant d'un pas mais la jeune fille aux cheveux violets n'en démord pas. Fièrement campée devant lui, elle croise les bras, pleine de défi.

- Cessez donc vos jérémiades, Mlle. De Clermont, tance mon paternel avec un dédain que je ne lui avais encore jamais connu. J'écouterai ce que vous avez à me dire quand vous arrêterez de vous comporter comme une gamine puérile et capricieuse qui n'a d'autres activités que celle d'emmerder son monde avec sa pseudo rébellion immature. Vous ne revendiquez rien si ce n'est qu'on daigne vous accorder de l'attention, chose faite à présent. Maintenant, je vous prierai de vous taire et de ne plus vous humilier ni vous, ni les autres, pour le reste de votre vie, me suis-je bien fait entendre ? Tout ceci n'a rien d'un jeu, bon sang !

- Jon ! s'insurge Karen en se levant de son siège. Tu outrepasses tes prérogatives !

Mais son rappel à l'ordre autoritaire ne suffit pas à effacer ce qui vient d'être lâché. Charline recule d'un pas comme s'il l'avait giflé. Pourtant, son regard reste aussi glacial et fier qu'il l'était. Les poings serrés, impuissante, j'observe la jeune Française se remettre dans le rang, les yeux brillants pour seuls témoins de la blessure provoquée par les mots de mon père. Ma conscience me hurle d'intervenir, de défendre mon amie mais une petite voix, plus insidieuse, me souffle que cela ne ferait qu'aggraver les choses. Lâche, je n'ose esquisser le moindre geste vers elle. Par chance, Adam se montre plus courageux que moi ; toisant rageusement mon père, il enlace ses doigts avec ceux de son amie d'enfance. Mais son véritable soutien provient à notre plus grande surprise de quelqu'un d'autre :

- Vous croyez qu'on joue, qu'on ne voit pas le danger que toute cette situation représente mais c'est vous qui êtes aveugle et borné, lâche Liam d'une voix éteinte, sarcastique. Comment aurait-on pu passer à côté ? moi je vous le demande ! Mon père ne sort plus de Downing Street sans une armada avec lui et m'a formellement interdit de revenir à la maison pour les vacances. Adrian n'ose plus allumer son téléphone de peur d'y voir le nom de sa mère. Adam passe chacune de ses heures libres au chevet de sa belle-sœur. Votre fille et lui ont failli y rester il y a quelques semaines à peine ; votre fille qui, comme moi, a manqué de se faire enlever et ceux à plusieurs reprises ! Nos dix doigts ne suffisent même plus à compter les blessés et les morts que toute cette histoire a engendrés ! Et vous voudriez que la menace nous échappe ? Mais vous avez raison ! continuons de faire comme si nous n'étions en aucun cas impliqués et attendons bien sagement que vous parveniez à nous protéger, ça nous réussit tellement pour le moment !

Un silence de mort accueille son constat. Le masque inaccessible de mon père se fend peu à peu pour laisser place à une colère noire, effrayante. La tempête gronde, mon souffle se bloque dans mes poumons. J'attends qu'elle éclate. Mais l'orage ne tombe pas, coupé court dans son élan par la conseillère d'éducation, piteuse, vaincue, la tête entre ses mains sur son bureau :

- Ils ont peut-être raison, Jon... admet-elle dans un souffle.

Les mots lui pèsent, c'est évident. Elle aimerait qu'il en soit autrement, continuer de se bercer sous l'illusion de notre fausse sécurité, s'obstiner à nous tenir à l'écart de tout pour nous préserver mais elle se rend à l'évidence : ils ont eu beau faire tout ce qu'ils pouvaient, nous sommes concernés, nous courrons le même risque qu'eux. S'entêter à nous maintenir dans l'ignorance ne nous mènera nulle part, et elle le sait.

- Quoi ?! se révolte mon paternel. Tu voudrais qu'on les mêle à nos affaires ? Ce ne sont que des enfants Karen !

- Des enfants qui s'y retrouvent mêler avec ou sans nous, rappelle-t-elle. Des enfants qui nous ont plus d'une fois prouvé qu'ils étaient capables, volontaires et pleins de ressources. Des enfants qui jusqu'à présent se sont sortis de bien des situations compliquées par leurs seuls moyens. Qu'on le veuille ou non, ce n'est jamais nous qui les avons secourus mais bien eux seuls qui se sont tirés d'affaire. Ils ont raison : nous ne pouvons pas leur demander de nous faire confiance pour les protéger alors que nous avons toujours failli à notre tâche.

Accablée, elle relève malgré tout la tête. Elle nous balaie rapidement du regard, s'attarde sur mon père avant de revenir à nous. Elle nous adresse un sourire pâle, éploré.

- Le mieux qu'on ait à faire maintenant, conclut-elle, c'est de leur donner le plus d'informations possibles, qu'ils aient toutes les clés en main pour se protéger eux-mêmes d'Octavius. Et à nous de faire de notre mieux pour les aider dans leur combat.

Une larme lui échappe. Elle dévale sa joue avant de s'échouer sur le bois brun de l'imposant bureau. Le temps semble suspendu. Bien qu'elle nous approuve, aucun de nous ne se réjouit de son abandon. Sa décision lui déchire le cœur, la tourmente bien trop pour qu'elle parvienne à conserver son expression maitrisée. Son émotion et la solennité dont elle fait preuve me serrent la gorge. Les visages déconfits de mes amis me confirment qu'ils ressentent la même chose. Quant à mon père, l'abattement a eu raison de sa colère. Profondément lasse, l'inquiétude toujours présente au fond de ses prunelles vertes, il nous étudie à son tour, en quête d'un signe quelconque qui pourrait soulager son dilemme. Mais tout ce qu'il a devant lui, c'est une bande de jeunes, l'air grave mais déterminé, qui se sont inconsciemment rapprochés les uns des autres, bloc compact attendant le verdict final. Il soupire.

- Vos recherches ont-elles été fructueuses ? s'enquiert-il doucement, ce que j'interprète comme sa reddition.

Le cercle se concerte en silence afin de désigner le porte-parole. Valentin est certes le plus proche d'être considéré comme notre leader, ce n'est pas lui qui a orchestré nos investigations. Jaz avance d'un pas.

- Rien d'encore sûr mais tout porte à croire qu'une pièce secrète, peut-être même tout un réseau de salles et de couloirs serpente sous nos pieds. Les registres ont révélé plusieurs disparitions inexpliquées, les plans ne semblent pas fidèles aux dimensions des bâtiments et...

- En effet, des passages secrets traversent l'île de part en part, confirme mon père en l'interrompant. Mais ces passages, nous les connaissons. Tous. Et très bien...

- Eos... comprend Valentin dans un murmure.

Mon père hoche la tête.

- Lorsqu'ils ont été creusés, ils n'étaient pas question d'en faire des couloirs à usage régulier. Ils devaient relier le château avec la demeure des domestiques, le village, la porte près de la bibliothèque et l'ancien port. Ils ont été tenus secret très longtemps seules quelques personnes triées sur le volet en connaissaient l'existence. Ce n'est qu'à l'acquisition de l'île par l'Organisation d'Athéna qu'ils ont été découverts, aménagés et le réseau de galeries développé. La création de la grande salle date de ce moment-là à peu près.

- Donc avant, il n'y avait que des couloirs, bien moins nombreux, et aucune salle ? s'assure Leander.

Karen et mon père froncent les sourcils mais acquiescent de nouveau.

- Les journaux de Nora Buchanan mentionnent une grotte aménagée dont la description n'évoque rien à aucun d'entre nous, reprend Jaz, une once de fierté perçant dans la voix.

- Et à quoi elle ressemble, cette grotte ? relance mon père.

Ma colocataire s'efface théâtralement afin de me laisser la parole. Etant celle qui a lu le passage, je m'acquitte de la corvée après lui avoir adressé un haussement de sourcil moqueur.

- Beaucoup de termes gaéliques m'ont échappé alors je ne saurais la décrire précisément mais en gros, il s'agit d'une grotte creusée de mains d'hommes dans laquelle trône une statue que Nora Buchanan identifie à « Bean Nighe ». C'est un esprit du folklore écossais qui présage la mort, une femme qui traine dans les petites rivières et ruisseaux à la nuit tombée pour laver le linge des personnes qui vont bientôt mourir. Je ne crois pas que la statue la représente elle, vraiment, j'ai plus l'impression qu'elle évoque à Nora Buchanan ce personnage. Elle est souvent illustrée comme une vieille femme hirsute et mal vêtue, à l'allure flétrie et malade.

L'expression de mon père parle d'elle-même ; il ne voit pas davantage de grottes qui correspondent que nous. Il interroge Karen mais celle-ci secoue la tête.

- Tu peux te renseigner auprès de Charles, suggère mon père. Pendant ce temps, je vais demander à Douglas s'il peut nous traduire plus amplement ces journaux.

- A ma connaissance, nous en savons autant que M. Le Directeur, souligne la conseillère d'éducation. Je lui demanderai mais je doute qu'il nous apprenne quoi que ce soit. Quant à Douglas, il est très... occupé. Demande plutôt à Elinore, elle maitrise aussi bien le gaélique que son père.

- Elle va poser des questions, souligne Jaz, visiblement réticente.

Karen fronce les sourcils.

- Et alors ?

- Vous... hésite ma meilleure amie, vous allez lui dire quoi ?

- La vérité, répond la conseillère. Elle court le même risque que Will et Liam. Nous avons décidé d'être francs avec vous, il n'y a pas de raison qu'on agisse différemment avec elle.

La nouvelle n'enchante pas ma colocataire mais elle ne réplique rien. Être dans la confidence n'est pas un privilège mais une question de survie. Puisqu'en tant que fille du principal trésorier de l'Organisation, une menace pèse sur elle au même titre que nous, si nous devons collaborer avec Elie, nous le ferons, tant pis.

- Très bien, je verrai avec elle, consent mon père. Je vais aussi organiser une deuxième fouille de l'île, sait-on jamais. Quant à vous dix...

Le regard de mauvais augure qu'il pose sur nous m'arrache un frisson.

- Puisqu'il a été décidé qu'à partir de maintenant, vous serez informés de l'évolution de la situation et que vous comptez vous impliquer, deux trois choses vont être à modifier.

Et la liste des conditions de notre nouvelle collaboration fut annoncée. Tout d'abord, la clé de notre coopération relève d'une parfaite transparence, dans un sens comme dans l'autre. Mon paternel nous a donc convoqués le lendemain soir à un débriefing complet durant lequel, il sera attendu que nous révélions absolument tout ce que nous savons et qu'ils en feraient de même. A cette mention, Adam et moi avons échangé une interrogation muette : devrons-nous leur parler de notre entrevue avec Octavius ? Et de nos soupçons sur la taupe ? Nous disposons de vingt-quatre heures pour prendre une décision, peser le pour et le contre.

Ensuite, notre nouvelle implication risque de nous mettre davantage en danger. Ou tout de même, de nous faire courir un autre danger. Pour Octavius, il ne s'agira plus seulement d'enlever les enfants de ses opposants pour mettre en place un chantage déloyal, mais de se débarrasser de parasites qui lui mettront des bâtons dans les roues et qui lutteront véritablement contre lui. Ainsi, mon père exige que nous suivions tous une formation au combat. Nos entraînements privés à Adam et moi s'étendront à nous tous, y compris aux membres du cercle qui ne prennent pas part à Eos.

Pour finir, il nous sera formellement interdit de prendre des initiatives personnelles sans concerter mon père, Logan, Karen ou Hartmann au préalable. Tout comme une parfaite obéissance à leurs ordres est exigée.

Un frisson d'excitation traverse le groupe. Après des semaines à agir dans leur dos, ils nous incluent enfin dans leurs actions. Nous ne serons plus considérés comme des enfants mais bien comme des adultes capables et raisonnés. Cela signifie beaucoup de responsabilités mais au moins, nous n'aurons plus la sensation d'être totalement dépassés et impuissants. Nous agirons enfin et pour le compte de l'ensemble de l'école et de l'Organisation, plus seulement de nous. Cela change tout.

Après s'être assuré que nous étions tous d'accord, mon père nous libère d'un geste flou. Une énergie nouvelle nous traverse tandis que nous quittons le bureau de la conseillère d'éducation. Nous parlons de tout et de rien avec légèreté mais un voile étrange recouvre nos conversations. Comme si elles étaient... forcées. A peine avons-nous atteint le couvert des arbres que Valentin lâche, sans appel :

- On se donne rendez-vous sur la pelouse ouest à midi. Hors de question qu'on se pointe à leur briefing sans avoir au préalable convenu de ce qui sera dit ou non, de notre côté.

- Val... hoquette Jaz, tu ne comptes pas jouer franc-jeu ?

- Pas plus qu'eux, si tu veux mon avis... réplique le concerné.

- Mais enfin ! ironise Adam, qu'est-il arrivé à notre bon vieux Président ? Lui d'habitude si enclin à obéir aux adultes...

Son meilleur ami lui répond par un regard entendu.

- Que veux-tu que je te dise Adam ? Je sais que Will et toi travaillez sur quelque chose d'important même si j'ignore quoi et je doute que cette chose soit audible par M. Santiago et Karen.

Un vent froid s'abat sur nous. Valentin vient de lâcher sa bombe devant l'ensemble du cercle, Mathias et Adrian. S'ils n'avaient pas tous des soupçons, maintenant, ils en ont. Les questions vont fuser et nous ne pourrons pas y répondre. La méfiance va s'instaurer et toute tentative de collaboration sera définitivement impossible. Déjà qu'avec la brouille entre Cha' et Liam, le cercle ne faisait plus preuve de la même cohésion, à présent, ça va devenir l'enfer... Mus par le même réflexe stupide, Adam et moi échangeons un regard paniqué. Mais cela ne fait que conforter les pressentiments de nos amis.

- Vous travaillez... sur un truc ? s'enquiert timidement Jaz.

Elle qui pensait simplement que nous entretenions une relation secrète, voilà ses présomptions balayées. Je ne sais pas ce que je préfère... Lâchement, je baisse la tête, ne pouvant soutenir leur regard interrogateur. Pas alors que ce « truc » consiste en vérité à démasquer qui du groupe nous trahit, de leur avouer qu'ils sont pour le moment tous suspects. Ou presque, Liam a été innocenté dès le départ et Charline vient d'être blanchie.

- Oui, confirme platement Adam. Mais nous ne pouvons pas vous dire quoi. Pas encore.

- Et t'espères que ça va nous suffire ?! s'emporte Adrian. Alors que maintenant plus que jamais, on doit faire front unis, vous décidez de nous cacher des choses sûrement essentielles et vous voulez qu'on s'en satisfasse ?! Karen et Santiago nous tenaient déjà à l'écart, maintenant voilà que tous les deux, vous vous y mettez aussi ?! Vous qui nous chantiez vos merveilleux refrains sur la confiance ?

Nous n'avons rien à répliquer alors nous ne répliquons rien. Piteusement, la tête baissée, nous attendons que la tempête passe.

- Et toi ? poursuit l'espagnol en s'adressant à Valentin. Tu te doutais de quelque chose et tu ne nous as rien dit ? Tu n'exiges pas de savoir ? Tu es prêt à les couvrir sans même savoir de quoi il retourne ?!

Au centre de l'attention, le blondinet nous observe Adam et moi avant de faire face au reste du groupe.

- Oui, se contente-t-il de lâcher avec aplomb.

- Oui ?! OUI ?! répète Adrian.

- Oui, confirme le Président. Je suis prêt à taire certaines choses s'ils me le demandent. J'ai confiance en eux. Pleinement. Totalement. Aveuglément. S'ils nous ont rien dit, c'est qu'ils avaient une bonne raison de le faire. En revanche, je ne peux pas en dire autant de M. Santiago. J'ai peur qu'ils ne nous disent que ce qu'ils veulent bien, suffisamment pour nous donner l'illusion qu'ils sont transparents avec nous tout en nous cachant encore et toujours certains secrets. Il n'y a pas de raisons que l'on se montre plus honnête qu'eux.

Comme si sa voix suffisait à clore le débat, nos amis n'ajoutent rien pour le restant du trajet jusqu'au dortoir. Je sens leur regard passé d'Adam, à Valentin, à Adrian, à moi, guettant le moindre indice, la moindre inclinaison vers une révélation. La culpabilité pèse sur moi comme une chape de plomb. Ma langue brûle de se délier. Mes poings se serrent, mes ongles meurtrissent la chair de ma main tellement l'envie de soulager leur interrogation muette me tiraille mais je lutte contre mon instinct. Je lutte contre mon besoin d'être franche et honnête. Alors je me tais. Afin d'être sûre de ne pas nous trahir. De ne pas compromettre notre enquête. De ne pas nous mettre en danger en révélant que l'identité de l'espion n'a jamais été aussi proche d'être découverte. Pourtant, au fond de moi, j'ai l'impression qu'on se trouve aussi loin de le démasquer que ce que nos secrets nous éloignent déjà les uns des autres... 

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