Chapitre 10
Arrivés dans la grande salle circulaire, l'effervescence coutumière qui précède toujours les cessions d'Eos nous accueille de sa douce animation. Les élèves, déjà regroupés par section, patientent gaiement, leurs conversations emplissant la pièce d'un brouhaha aussi joyeux qu'étourdissant. Leur clameur s'estompe peu à peu, tandis qu'un à un, les mentors viennent récupérer leur groupe d'étudiants pour les guider dans leur classe réservée. Parfois, la curiosité me tiraille et je meurs d'envie de passer ces portes closes pour découvrir leurs espaces de travail et le contenu de leur apprentissage. Si je m'imagine un immense laboratoire pour la section Recherche et Développement, ainsi que pour la section Médicinale, ou encore une salle truffée d'ordinateurs et de machines à écrire vieillottes pour la section Journalisme, je me demande bien à quoi ressemblent les leçons de la section Politique ou celles de Droit. J'ai tenté d'interroger Jaz, mais de toute évidence, nous n'avons pas le droit d'échanger sur nos enseignements respectifs avec des membres d'une section différente. Le secret est de mise bien que je ne comprenne pas son utilité. Sérieusement, à quoi bon nous cacher que les élèves de la section Economie passent leur matinée à jouer au petit comptable ? Enfin, tel que je les visualise...
Bientôt, comme à l'accoutumée, seuls les militaires se trouvent encore présents dans le noyau d'Eos. Les minutes s'égrènent et ni mon père — notre nouvel instructeur depuis la mise au repos de Schuman qui pourrit Dieu sait où sur l'île — ni De Clermont ne font mine de se montrer. Seul Hartmann, les bras croisés sur son torse et appuyé à son sempiternel pilier de pierre sombre, se tient parmi nous. Une douce agitation nerveuse traverse les rangs de mes camarades, retranscrite par leurs murmures à peine audibles et leurs échanges de regards inquiets. La dernière fois que M. Le directeur s'est ainsi fait attendre, il nous a annoncé la création de son fight club personnel, soi-disant à des fins pédagogiques, mais le souvenir que je garde de mon premier combat me laisse un goût prononcé d'amertume. Je ne peux m'empêcher de craindre une nouvelle déclaration tout aussi douteuse, la boule au ventre. Sensible à la même remémoration que moi, Adam me donne un léger coup de coude pour me désigner notre entraineur.
— Détends-toi, me souffle-t-il tout bas, Hartmann n'a pas l'air plus contrarié que d'habitude, regarde. Quelle que soit l'annonce, elle ne doit pas être si terrible. Puis ton père ne soutiendrait pas un autre plan foireux de De Clermont. Or, si ton père et le coach s'y opposent, le directeur ne pas mettre en place ses idées tordues. Il lui faut la majorité. Il n'y a pas lieu de s'inquiéter, je suis sûr.
Suivant son geste de la main, j'étudie plus amplement les traits de notre instructeur. Les dents serrées, il darde un regard froid sur les étudiants, comme pour les dissuader de l'importuner. D'un naturel grincheux et bourru, effectivement, M.Hartmann a l'air dans son état normal, ce qui a quelque chose de rassurant. En revanche pour mon père... l'argument porte à controverse. S'il n'ira certainement pas jusqu'à maltraiter ses élèves, mon géniteur reste partisan d'un apprentissage à la dure, « au plus proche de la réalité » pour reprendre ses mots. Or, ce qui nous attend dehors, nous les élèves de la section militaire, n'aura sûrement rien de doux et paisible... Ainsi, l'enseignement qu'il nous prodigue s'en ressent. Machinalement, je me frictionne le coude où un hématome d'un bleu presque noir me tiraille à chacun de mes mouvements, la douleur se réveillant au souvenir d'un coup de pied magistral que m'a administré mon père pour me prouver que ma position était incorrecte. A la dure, c'est le moins qu'on puisse dire...
— On devrait peut-être aller interroger Hartmann ? proposé-je malgré tout.
Il me presse les épaules, comme une ébauche de massage en moins agréable.
— On sera vite fixé de toute façon, refuse-t-il sereinement. Et puis quand bien même il s'agirait encore là d'un des plans douteux dont De Clermont a le secret, on n'aura pas vraiment d'autre choix que de s'y plier... Malheureusement, tu es toujours sur la sellette pour ton comportement en dépit de tes résultats et j'ai bien peur qu'il en soit ainsi indéfiniment.
Comme aimantés, mes yeux se posent sur le grand tableau digital. Dessus se dresse le classement général des membres de la section. En onzième position, mon nom apparaît, ce qui est d'autant plus satisfaisant qu'aujourd'hui, mes notes ne sont plus corrélées avec celles d'Adam. Je ne dois ma place qu'à moi-même. Quant à mon coéquipier, il a pu retrouver la tête de classement, au coude à coude avec Ambre, peinant à remonter le score lamentable que je lui ai causé.
Mais si, de fait, mes résultats ne constituent plus une menace pour ma scolarisation aux Neuf Muses, il en va autrement de mon insubordination...
L'arrivée empressée du directeur m'arrache de mes pensées. Il gravit les trois marches du tatami d'une puissante enjambée avant de se camper face à nous. Les chuchotements s'interrompent aussitôt.
— Très chers élèves, durant le mois à venir, nous allons partiellement modifier vos leçons pour incorporer un nouvel enseignement à votre formation, commence-t-il pompeusement, ménageant son plus bel effet.
Je fronce les sourcils malgré moi, méfiante. Un mauvais pressentiment se niche au creux de mon estomac tandis que ma main cherche par réflexe celle de mon partenaire. Que nous a-t-il encore concocté ? Adam exerce une légère pression sur mes doigts, m'exhortant au calme.
— Nous allons diviser la classe en deux, poursuit notre instructeur, indifférent à mon trouble. Pendant que la première moitié suivra les leçons habituelles, la deuxième bénéficiera de cet apprentissage spécial puis inversement. A la fin de vos deux semaines d'apprentissage, nous vous ferons passer un examen de validation. Pour des raisons d'équités, nous vous interdisons de communiquer avec l'autre groupe pour tenter de glaner des informations ou pour donner de faux renseignements afin que personne ne puisse se préparer à ce qui vous attend, autant au niveau de l'évaluation que de l'enseignement lui-même, me suis-je bien fait comprendre ?
Un concert d'assentiment parcourt la foule. Satisfait, le père de Charline nous offre alors un sourire qui me file les chocottes.
— J'invite donc les trente premiers élèves au classement à suivre M.Santiago et moi-même pendant que le deuxième groupe restera avec M.Hartmann.
Toujours aussi suspicieuse à l'égard de ce mystérieux projet, je pousse malgré tout un soupir de soulagement. Au moins, je reste avec Adam. Comme s'il lisait dans mes pensées, ce dernier m'adresse un clin d'œil malicieux.
— Allons donc découvrir ce que nous réserve notre proviseur adoré... m'encourage-t-il avec un entrain feint.
Sans un coup d'œil à mon attention — comme toujours me direz-vous... — mon père nous conduit dans une salle secondaire. Mon imagination débordante s'imaginait déjà une salle sombre avec des panneaux entiers d'armes et autres éléments de tortures suspendus au mur, mais c'est, presque déçue, que je découvre une salle de classe parfaitement classique, si ce n'est par sa taille immense. Les tables, regroupées en petits îlots de travail, occupent l'espace dans un alignement désordonné. Au fond se dresse un vieux tableau à craie comme on en voit plus de nos jours. Avec surprise, je découvre déjà un mot inscrit dessus d'une écriture simple et efficace, sans ornement ni fioriture, répondant à un seul besoin d'utilité. « MENSONGES ». Adam et moi échangeons un regard sombre. Qu'est-ce que cela peut bien vouloir signifier ?
Mon attention se porte alors sur le mur gauche de la salle d'étude. Parfaitement alignés, une trentaine d'élèves attendent, comme nous, des explications. Je repère parmi eux les boucles blond vénitien de Valentin et la coupe impeccable de Liam. J'en déduis que leurs camarades doivent faire partie de la section Politique. Devant mon air interrogateur, mes deux amis haussent les épaules, aussi ignorants que nous.
On nous fait signe de prendre place le long du mur d'en face tandis que De Clermont préside de nouveau notre petite assemblée. Toujours aussi théâtral, il nous fait signe de nous taire d'un geste de la main avant d'enfin soulager notre curiosité nerveuse.
— Comme vous en avez sûrement pris conscience, déblatère-t-il avec suffisance, le monde dans lequel nous évoluons, nous autres membres de l'Elite, est régis par le mensonge. Du politique qui déforme parfois la vérité pour attirer la foule au traître qui espionne pour le compte de l'ennemi, le mensonge est partout, à différents niveaux. Bien ou mal, peu nous importe aujourd'hui, vous êtes libres de vous faire votre propre avis. Il n'empêche que la duperie gouverne notre société qu'on le veuille ou non. Ainsi, savoir qui ment, sur quoi et pourquoi devient alors primordial...
Il se ménage une petite pause oratoire, le temps que ses propos pénètrent consciencieusement nos esprits. Un voile de murmure répond à son silence. Bien que son ton cérémonieux m'insupporte, je ne peux nier que ses mots ont éveillé tout mon intérêt et font écho en moi. Ils correspondent parfaitement à la délicate situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement, à grande comme à petite échelle. De la taupe qui transmet des informations sur nous à Octavius, aux cachotteries des adultes en passant par leurs tentatives permanentes de nous manipuler, être capable de faire la part du vrai et du faux serait un atout non négligeable.
— C'est pourquoi nous allons vous apprendre à déceler la tromperie tout en développant vos talents pour le bluff. Vous aurez au total deux semaines d'apprentissage et deux autres ensuite pour valider votre examen, que nous vous détaillerons en temps voulu. Pour le moment, sachez simplement que vous allez apprendre à relever les incohérences d'un discours, à percevoir les tics qui trahissent un manque d'honnêteté et à noter les informations que votre interlocuteur vous transmet malgré lui. En parallèle, nous vous enseignerons comment masquer vos mensonges, l'art de la diversion, de la divulgation maitrisée pour que vous puissiez à votre tour le manipuler...
Charmant programme... Totalement immoral, mais terriblement utile. Et le silence qui plane autour de moi reflète parfaitement le malaise palpable dans lequel le discours de notre directeur a plongé mes camarades...
Indifférent à nos états d'âme, notre instructeur nous répartit en quinze groupes de quatre. Par chance, je me retrouve avec Adam, Valentin et Liam.
— Te réjouis pas trop vite, Will, me tance l'anglais aussitôt. S'ils nous ont mis ensemble, c'est justement parce qu'on se connaît si bien. Ce qu'ils veulent nous pousser à faire, c'est nous méfier des uns des autres. Tu aurais eu moins de scrupules à raconter des histoires à ton ennemi ou à découvrir que lui t'a menti qu'avec nous. Et, quels que soient les secrets qu'on peut se cacher, tu peux être sûre que le but de l'exercice sera de les révéler au grand jour...
Soufflé net, mon enthousiasme s'évapore en une fraction de seconde. Le moins qu'on puisse dire, c'est que Liam n'y est pas allé par quatre chemins, mais son analyse semble judicieuse et perspicace. Je me disais bien que le projet de De Clermont était encore trop propre, il manquait le coup tordu...
— Maintenant que les groupes sont constitués, sachez que c'est avec eux que vous passerez votre examen final, explique mon père, prenant la parole pour la première fois. Mais pour le moment, vous allez jouer à deux vérités, un mensonge. Chacun votre tour, vous allez raconter à vos coéquipiers deux souvenirs que vous avez réellement vécus et un autre, fictif. Le but est simple : découvrir lequel est faux. Avant chaque tour de table, vous aurez cinq minutes pour réfléchir à vos histoires. En parallèle, à chaque fois qu'un de vos camarades parle, vous devrez noter sans rien dire sur une deuxième feuille quel est selon vous le mensonge. A chaque fin de tour, vous mettrez en commun vos avis et le menteur devra avouer qu'elle était la mauvaise histoire. Faites le compte, tout au long de la cession, de combien de fois vous avez eu bon, et combien de fois vous vous êtes trompés. Notez vos impressions, ce qui vous pousse à désigner un récit plutôt qu'un autre, et à mi-séance seulement, vous pourrez les mettre en commun avec vos camarades pour découvrir quels éléments trahissent les mensonges de vos coéquipiers. Tout est clair ?
Nouveau hochement de tête silencieux. Un brin nerveuse face à l'étrange exercice, je me munis d'une feuille et d'un stylo, réfléchissant déjà à ce que je vais leur raconter. L'avantage d'avoir vécu sur un bateau et parcouru les quatre coins du globe, c'est que j'ai l'embarras du choix et que le spectaculaire ne traduira pas nécessairement un mensonge, ou à l'inverse, je pourrais en cacher un derrière une histoire faramineuse qui passerait inaperçue car plausible... En revanche, dans un moment pareil, je me rends compte que je connais bien mal le passé de mes amis alors qu'eux doivent déjà connaître une grande partie des souvenirs des uns des autres, ce qui va être un gros inconvénient. Il va falloir que je sois minutieuse et attentive.
Mon père signale la fin des cinq minutes et j'ai déjà en tête mes histoires. Après un bref débat sur qui se lance en premier — débat clos derrière une lâche galanterie à coup de « les dames d'abord » — je commence mon récit. Dans un premier temps, je raconte une expédition avec mon grand-père où nous avions nagé au milieu d'un banc de dauphins — presque vrai, en vérité, il s'agissait d'orques —, ensuite, je leur dépeins le souvenir que je garde d'un très vieux château écossais dans lequel nous avons séjourné et que mon grand-père prétendait hanté — la frayeur de ma vie —, enfin, je leur narre ma première virée seule sur un minuscule catamaran et la difficile manœuvre que j'étais parvenue à réaliser du premier coup — misant sur le fait que les connaissances dans le domaine d'Adam devraient le pousser à se méfier de ce souvenir.
Mes amis inscrivent brièvement sur leur feuille avant de poser leur stylo. Ceci fait, Liam se jette à l'eau. Le récit de sa première visite du 10 Downing Street, son essai d'une Bugatti sur un circuit et d'un saut en parachute l'été dernier — peu probable étant donné que l'Angleterre était en proie à une sacrée tempête, je me souviens encore des journaux d'information relatant les vents couchant les arbres, soulevant les toitures, les vagues immenses... A défaut de l'histoire elle-même, au moins la date et la localisation données sont fausses, c'est certain.
Nouvelle prise de notes puis c'est au tour de Valentin. Puis celui d'Adam. Nous corrigeons — aucune erreur. En revanche, comme je m'y attendais, Adam est tombé dans le piège que je lui ai tendu. On recommence. Nouvelle correction, encore aucune faute. Nouveau tour, une erreur. Dernier échange avant la mise en commun des impressions. Tout juste. Mes amis m'observent avec un mélange de doute et d'admiration. Si au début, mes déductions sont hasardeuses, peu à peu, mon instinct prend le relai et je devine avec assurance l'histoire erronée. Une impression bizarre, le plus souvent, m'aiguille dans mon choix, mais je serai bien incapable de désigner avec précision ce que c'est. En revanche, niveau mensonge, je suis la plus nulle du groupe. L'un d'autre eux démasque toujours mes inventions et mes pièges ne suffisent pas à inverser la donne. De toute évidence, on lit en moins comme dans un livre ouvert...
A la mise en commun, je suis loin devant mes camarades avec un quasi-sans-faute — seul Valentin a réussi à me berner avec une fausse mimique pour me faire douter. Mes camarades me demandent comment je fais. J'essaie de leur dépeindre ma sensation, mais il me faudrait encore quelques tours, sûrement, pour arriver à mettre le doigt sur ce qui les trahit. Déçus, ils reprennent l'exercice. Peu avant la fin de la cession, mon père vient contrôler nos fiches et nos notes. Lorsqu'il découvre la mienne, il m'englobe d'un regard étonné, légèrement suspicieux, très impressionné. D'autant que mes notes sont imprécises sur ce qui me met la puce à l'oreille. Désireux de m'observer en pleine action, il se joint à notre table, causant ainsi un lourd malaise que chacun essaie de masquer en poursuivant l'exercice et en tentant d'oublier sa présence. Le trouble n'aidant pas, à ce tour, mes trois camarades trouvent mon mensonge. Toutefois, je démasque encore chacun des leurs avec assurance. Adam a à peine eu le temps de commencer son récit que je l'ai percé à jour. Même chose au tour suivant. Mais maintenant, je sais ce qui les trahit tous les trois.
A la fin de la classe, mon père nous retient.
— Valentin, Liam, vous n'êtes vraiment pas mauvais pour bluffer, complimente-t-il. Et comme vous savez déjà comment mentir, j'imagine que vous avez plus de faciliter à percevoir les gestes qui traduisent le faux chez les autres. Adam, tu t'en sors très bien pour une première.
Son regard se pose sur moi. Gênée, je me trémousse sur ma chaise, les mains moites.
— Quant à toi, Willow, que dire ? Je ne vais pas m'éterniser sur tes talents de menteuses, je pense que tu t'es bien rendu compte qu'il y avait du travail. En revanche, tu as presque un sans-faute à la détection ! Certains de mes meilleurs hommes n'ont pas de tels résultats ! Comment fais-tu ?
Ayant mis le doigt sur l'élément dénonciateur, je peux enfin leur expliquer :
— Tous les trois, sans exception, quand vous mentez, vos voix changent légèrement de tonalité. C'est très discret, mais maintenant que je l'ai perçue, j'entends que ça. Au début, c'était l'intonation qui variait, mais je crois que Valentin s'en est rendu compte et a essayé de modifier ça, quand je me suis trompée et après le compte rendu, vous avez tous cherché à contrôler votre intonation.
— A l'ouïe tu le fais ? n'en revient pas mon père. Incroyable... J'imagine que ça doit avoir un lien avec cette histoire d'oreille absolue dont me parlait ta mère.
N'ayant aucune idée d'où me vient cette sensibilité, je me contente d'un haussement d'épaules.
— L'oreille absolue ? interroge Liam.
— Oui, explique Adam. Certains musiciens ont la faculté d'identifier une note, une tonalité rien qu'en écoutant le bruit qu'elle produit. On ignore encore si c'est une faculté innée ou si ça se développe en grandissant, mais certains des plus brillants musiciens en étaient dotés. Aujourd'hui, les personnes qui ont l'oreille absolue parviennent à te dire quelles notes produit la sirène des pompiers par exemple. On soupçonne que des gens autres que des musiciens disposent de la même faculté, mais que leur absence de connaissance musicale leur rend impossible l'identification précise d'un do ou d'un ré, mais qu'ils parviennent malgré tout à les distinguer.
Je hoche la tête.
— C'est ce que t'as fait quand Hartmann nous a tendu son piège puis plus tard lors de notre épreuve de survie ? me demande-t-il encore, son regard pénétrant rivé au mien. La première fois, tu as dit que tu avais perçu comme une « fausse note dans les bruits de la forêt ». Avec Rangers, c'était la même chose ? C'est ce qui t'a réveillé, je me trompe ?
— Sûrement... admets-je.
— C'est trop cool ! s'exclame Liam avec un entrain enfantin. On dirait un super pouvoir !
Indifférent à la remarque puérile de l'anglais, mon père poursuit :
— Et tu crois que tu serais capable de le faire avec tous ?
Nouveau haussement d'épaules.
— Sans essayer, dur de le savoir, réfléchis-je à voix haute. Mais j'en doute. Ce qui m'a mis la puce à l'oreille, c'est la différence entre la façon dont Valentin, Adam et Liam s'expriment habituellement et lorsqu'ils m'embobinent, mais si j'ai perçu cette différence si distinctement, c'est parce que je discute souvent avec vous. Avec quelqu'un dont je ne suis pas familière du timbre de voix, de l'intonation... je doute que ça soit aussi évident.
Mon père se plonge dans ses réflexions. Mon malaise s'accroit. Je n'aime pas cette attention, mes fidèles compagnes Angoisse et Nervosité reprennent possession de moi. Pour me donner contenance, je range mes feuilles et mon stylo, prête à partir, vite imitée par mes amis. Mon géniteur ne semble pas réagir, ce que nous interprétons comme une autorisation de partir. Mais au moment de franchir la porte, mon père me retient :
— Dis-moi, Willow, est-ce que Schuman t'est assez familier selon toi pour que tu puisses percevoir ses... ses changements d'intonation ou je-ne-sais-quoi ?
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