2. L'amour n'est pas mort
Atlantic
« Non l'amour n'est pas mort en ce cœur et ces yeux et cette bouche qui proclamait ses funérailles commencées. »
Un crayon. Une gomme. Une feuille blanche. Le poème de Robert Desnos qui se rejouait dans ma tête.
« Écoutez, j'en ai assez du pittoresque et des couleurs et du charme. »
Cela faisait deux heures que j'étais planté devant cette foutue feuille, en quête d'inspiration, et que je n'arrivais pas à penser à autre chose qu'à ces proses.
« J'aime l'amour, sa tendresse et sa cruauté. »
Oui, j'aimais l'amour, à l'en haïr. Comment une chose si belle pouvait-elle faire si mal ? Comment guérissait-on d'un cœur brisé ? Je devais écrire, il fallait que je sorte ces sentiments qui me bouffaient de l'intérieur. Il fallait que je mette des mots sur cette douleur, que je trouve des réponses à mes questions. Mais depuis douze longs mois que je cherchais, j'en étais toujours au même stade : j'avais mal et Léopold me manquait.
« Mon amour n'a qu'un seul nom, qu'une seule forme. »
Léopold. Il me hantait. J'avais l'impression de le voir partout, à chaque angle, dans chaque ombre. Combien de chansons avais-je écrites à propos de lui ? J'osais à peine l'imaginer. Je n'en dormais plus. Je pensais qu'avec le temps, mes sentiments se tariraient, mais c'était l'inverse : chaque jour qui passait était une torture de plus. Il manquait un morceau de mon être, un morceau que j'avais laissé à Lyon.
« Tout passe. Des bouches se collent à cette bouche. »
Après l'avoir surpris en pleine fellation avec l'un de ses employés, j'avais pris mes cliques et mes claques et étais monté dans le premier avion pour les États-Unis, destination Los Angeles. Cette ville portait nos initiales, L.A. Je refusais de me l'avouer, mais je crois que quelque part, dès l'instant même où j'étais monté à bord, j'avais eu espoir que Léopold comprenne ce discret clin d'œil et me rejoigne à l'autre bout de l'océan. Ce n'était bien sûr pas arrivé. J'étais naïf, et c'était bien connu : l'espoir tuait.
Je fis tournoyer le crayon entre mes doigts. Écrire. Écrire. Écrire. Je devais écrire quelque chose, n'importe quoi, faire cesser cette agonie par tous les moyens. Un an. Une année interminable, à compter chaque heure, à sécher chaque larme. Il fallait que j'agisse, que j'arrête de me vautrer dans mon mal-être et de me rassurer avec l'idée que c'était une fatalité. Merde, Atlantic, grandis. D'autres avaient surmonté des épreuves bien pires que celle-là.
« Mon amour n'a qu'un nom, qu'une seule forme. »
J'avais bien changé depuis mon arrivée en Amérique. J'étais devenu un autre homme, brisé et fatigué, mais miraculeusement debout. Je passais beaucoup de temps à la salle, ce qui m'avait valu une prise de masse considérable, et sachant que j'étais déjà naturellement musclé, j'étais devenu carrément intimidant. Mais ça me faisait du bien, de m'épuiser ainsi. De donner une dimension physique à la souffrance. J'étais devenu un vrai coureur de jupons, aussi. Je passais mon temps dans des bars, des boîtes gays, à faire la fête et coucher avec n'importe qui. Noyer ma tristesse dans le sexe, remplacer la froideur de mon cœur par la chaleur d'une étreinte. Chercher l'odeur de Léo dans les corps des autres, me faire mal, me faire du bien. Jouir et oublier. Baiser, être baisé, prendre, être pris, comme une bête, un sauvage en manque. En manque de quelque chose, de quelqu'un.
« Et si quelque jour tu t'en souviens
Ô toi, forme et nom de mon amour... »
Est-ce que tu te souviens de moi, Léo ? Est-ce que j'ai laissé une empreinte sur ton âme aussi évidente que celle que tu as laissée sur la mienne ? Est-ce que le manque te tue, toi aussi ? Non, connaissant Léopold, il n'était pas du genre à perdre son temps. Il vivait à cent à l'heure. Pas le choix, quand on est une célébrité mondiale, et que la planète entière a constamment les yeux sur vous. Je n'avais pas le droit de le regretter. J'étais celui qui avais foutu le camp, qui avais fui, comme un lâche, incapable d'affronter la réalité, effrayé par les conséquences. C'était ma faute. Ou la sienne ? Après tout, c'était lui qui avait fichu en l'air ce que nous avions bâti. Il avait tout détruit, alors qu'il était la personne en qui j'avais le plus confiance. Il avait posé une bombe sur l'édifice de ma vie et appuyé sur la détente sans même y accorder le moindre regard.
« Un jour sur la mer entre l'Amérique et l'Europe... »
Pourquoi les États-Unis, et non pas l'Italie, la terre de mon enfance ? Je ne savais pas. Peut-être que j'avais eu besoin de dépaysement, de recommencer ma vie à zéro. D'être une nouvelle personne, dans un nouvel endroit, sans passé ni attaches. Je pensais que ça marcherait. Comme s'il suffisait de s'éloigner pour oublier quelqu'un qu'on aime. À vrai dire, même le mot « amour » me paraissait trop faible. C'était tellement plus que ça. Il était la personne que j'avais cherchée toute ma vie, celle que j'avais tant attendue sans vraiment y croire. Le genre de romances qui n'existent que dans les livres, jusqu'à qu'on se rende compte que c'est réel, et que l'homme que l'on tient dans nos bras, c'est le bon.
Enfin, tout ça, c'était ce que j'avais cru. Mais ce qui appartenait aux livres restait dans les livres. La vraie vie, elle, était moche et cruelle, et il n'y avait que l'art qui pouvait la rendre supportable.
« À l'heure où le rayon final du soleil se réverbère sur la surface ondulée des vagues, ou bien une nuit d'orage sous un arbre dans la campagne ou dans une rapide automobile,
Un matin de printemps boulevard Malesherbes,
Un jour de pluie,
À l'aube avant de te coucher,
Dis-toi, je l'ordonne à ton fantôme familier, que je fus seul à t'aimer davantage et qu'il est dommage que tu ne l'aies pas connu. »
Je changeai la musique que diffusait ma chaîne hi-fi pour mettre Rêverie de Debussy. Les notes s'élevèrent, douces et indifférentes, et apaisèrent quelque peu le chaos en moi. J'avais toujours trouvé refuge dans l'art, quelle que soit sa forme : la musique, la danse, le chant, l'écriture, la peinture, la sculpture... Tout ce qui pouvait rendre ma vie poétique, romantique, tout ce qui me donnait l'illusion que c'était beau et tragique, un cœur brisé, et que je n'étais pas en train de sombrer sérieusement. Qui me faisait oublier que mon appartement était un vrai chantier, que je dormais dans les mêmes draps depuis des semaines, que la vaisselle sale s'entassait, et que mes innombrables chansons inachevées se perdaient entre les tasses froides et les sachets de préservatifs. Que je passais le plus clair de mon temps à naviguer entre mon lit, la salle de sport et le lit des autres. Je me forçais à oublier tout ça, à le rendre artistique, pour ne pas avoir à affronter cette laideur en face. Que j'étais juste paumé et misérable. Et qu'il fallait vraiment que je me mette un coup de pied au cul.
Mais je n'y arrivais pas. Je n'en avais ni l'énergie ni l'envie. C'était si facile de se noyer dans son chagrin plutôt que de se battre contre le courant. C'était tellement simple de se laisser aller, et si difficile de s'avouer qu'on était dans le pétrin. Je continuais à attendre un homme qui m'avait oublié, me réconfortant dans l'espoir illusoire qu'il viendrait me sauver, alors que j'étais le seul à pouvoir me remettre sur mes deux pieds.
Léopold ne viendrait pas. Léopold ne m'aimait plus. Des fois, je me demandais s'il m'avait seulement déjà aimé. Et quand cette pensée m'effleurait l'esprit, je me mettais à pleurer de manière incontrôlable, désespéré à l'idée que je n'étais qu'un figurant dans la vie de mon personnage principal.
Une part de moi aurait aimé ne jamais le rencontrer. Au moins, je pourrais dormir la nuit, sans savoir que Léopold Han, cette superstar irréelle qui inondait les réseaux et affiches du monde entier, était un homme si fascinant, si unique, si vrai, un homme si facile à aimer, et que j'avais eu la chance – était-ce seulement de la chance ? – d'avoir partagé un bout de sa vie. Je pourrais vivre en croyant ce que les médias disaient sur lui, je pourrais regarder ses films sans avoir envie de détruire ma télé, je pourrais aimer ses photos sur les réseaux sans me mettre à chialer parce qu'il avait l'air heureux. Je pourrais mener ma vie et tomber amoureux, sans avoir à le chercher dans chaque personne que je croisais. Sans me douter que cette célébrité onirique était mon unique amour.
Mais ne pas l'avoir rencontré, aurait-ce été pire ? Fouler cette Terre sans avoir vécu tout ce que nous avions partagé ? Il m'avait ouvert les yeux sur mon art, restait aujourd'hui encore ma plus grande source d'inspiration, et m'avait prouvé que l'amour existait et que la vie avait en fin de compte de la valeur. Si je ne l'avais pas rencontré, je serais resté un pauvre serveur à Venise, qui ne se battait pas pour ses rêves, trop fatigué par son quotidien de monsieur tout-le-monde pour avoir l'énergie de se rebeller.
L'ignorance valait-elle mieux que la douleur ? Cela faisait des mois que je me posais la question, et je n'avais toujours pas trouvé la réponse. Je commençais à croire que je ne la trouverais jamais. Certains mystères n'étaient pas faits pour être résolus.
« Dis-toi qu'il ne faut pas regretter les choses : Ronsard avant moi et Baudelaire ont chanté le regret des vieilles et des mortes qui méprisèrent le plus pur amour. »
Je mordillai mon crayon. Fis un trou dans ma gomme avec la mine. Me retins de froisser la feuille.
« Toi quand tu seras morte
Tu seras belle et toujours désirable. »
Écrire. Écrire. Écrire. Rien ne me venait. Ce foutu poème qui tournait en boucle. Ces mots qui résonnaient un peu trop en moi. Comme si Desnos l'avait vécu, lui aussi, comme s'il comprenait mon malheur. Je posai la pointe de mon crayon et, après moult réflexions, consentis à écrire le seul mot qui me venait : Léopold. En boucle. Léopold, Léopold, Léopold, Léopold, Léopold...
« Je serai mort déjà, enclos tout entier en ton corps immortel, en ton image étonnante présente à jamais parmi les merveilles perpétuelles de la vie et de l'éternité, mais si je vis
Ta voix et son accent, ton regard et ses rayons,
L'odeur de toi et celle de tes cheveux et beaucoup d'autres choses encore vivront en moi,
Et moi qui ne suis ni Ronsard ni Baudelaire,
Moi qui suis Robert Desnos et qui pour t'avoir connue et aimée,
Les vaux bien... »
Moi qui ne suis personne, mais qui t'aime comme si j'étais quelqu'un, moi qui ai fui et moi qui regrette, moi qui te cherche sans oser te trouver...
« Et qui ne veux pas attacher d'autre réputation à ma mémoire sur la terre méprisable. »
... Moi dont l'identité s'efface sans toi, dont l'art est creux sans ton âme pour le nourrir, dont le cœur se lamente sans le tien pour lui montrer comment battre,
Moi qui aimerais t'oublier, mais dont ton souvenir se fait plus précis à chaque seconde,
Moi qui aime et moi qui hais,
Je te le demande, Léopold Han ; l'amour est-il mort entre tes bras ?
⁂
— Atlantic ? Eh, oh, Atlantic !
Je sortis de mes pensées. L'instant présent me fit l'effet d'une gifle : j'étais dans une de mes boîtes de nuit préférées, en compagnie de Dean, Samuel et Emma, trois de mes rares amis francophones. Samuel était penché vers moi, une expression agacée sur le visage, et je lui fis mon plus beau sourire innocent.
— Tu ne m'écoutais pas, encore une fois, soupira-t-il. Je te demandais si tu voulais danser. Y'a un type, là-bas, qui n'arrête pas de te fixer. On pourrait le chauffer un peu, si ça t'intéresse.
Je tournai la tête vers l'endroit qu'il avait désigné du menton et, pendant un instant, fus incapable de respirer. Comme si quelque chose venait d'éclater dans mon cerveau. Pan, bruit blanc, antimatière. J'oubliai la musique assourdissante, j'oubliai la boîte de nuit, j'oubliai Samuel. Puis l'homme sourit et je me rendis compte que ce n'était pas lui.
Je fis du mieux que je pus pour cacher ma déception. Mon cœur battait à cent à l'heure.
— Alors ? insista Samuel. On le drague, ou pas ?
— Ouais. On y va.
Je finis ma bière d'une traite et pris la main que Samuel me tendait. C'était un bel homme, un grand métis aux cheveux mi-longs, qui avait toujours un grand sourire éblouissant sur le visage. Nous formions une sacrée paire, tous les deux. Samuel était aussi chaud lapin que moi, et son activité préférée, c'était danser sensuellement contre moi pour exciter les mecs qui l'intéressaient. Contre toute attente, sa technique marchait du tonnerre.
Il m'emmena sur la piste, pas trop près du centre, de manière à ce que l'homme ait une vue imprenable sur nous. Il attrapa mes hanches et se colla à mon buste, me sortant son regard le plus espiègle. Je rentrai dans son jeu comme je l'avais déjà fait des dizaines de fois et le fis danser.
Le type dont nous essayions d'attirer l'attention était un asiatique, petite vingtaine, recouvert de tatouages et de piercings et vêtu tout de noir. De loin, pendant quelques secondes, j'avais cru voir Léopold ; la même attitude désinvolte, la même façon de se tenir. Mais pas le même sourire. Ni les mêmes cheveux, à bien l'observer. Et il n'avait pas du tout les mêmes goûts en matière de tatouage.
Samuel se pendit à mon cou et lança un clin d'œil à l'homme. Je le vis se raidir sur son tabouret. Je ne savais pas quoi ressentir : d'habitude, je ne ratais pas la moindre occasion de finir au lit avec un beau gosse. Mais le fait qu'il ressemble autant à Léo me dérangeait. Comme si... je le trahissais. Comme si je lui faisais déshonneur, en m'abaissant à coucher avec quelqu'un de similaire. C'était ridicule, évidemment. Je chassai ces pensées et redirigeai mon attention sur Samuel, qui était désormais dos à moi et avait collé ses fesses à mon bassin. C'était parfaitement indécent, mais Samuel faisait partie de ces personnes qui n'avaient pas peur du ridicule. Dans son monde, la pudeur n'existait pas.
Je commençais à avoir chaud. Nous étions nombreux sur la piste, la musique vibrait dans toute la salle, et Samuel dansait contre moi dans toutes les positions imaginables. J'espérais que ce faux Léopold était un bon coup. Je n'étais pas difficile, quand il s'agissait de partenaires éphémères, mais ce soir – et c'était bien le premier –, je n'avais pas la tête à ça. Je repensais au poème que j'avais écrit plus tôt dans la journée, ce qu'il signifiait, pourquoi j'avais choisi ces mots-là et pas d'autres. Ce que je ressentais, ce que je ne voulais pas ressentir. Et Léo. Léo, Léo, Léo, constamment là, dans ma tête, dans mon cœur, à me hanter jour et nuit, à m'empêcher de vivre dans le présent. Une bouche sur ma bouche. Merde, Samuel était en train de m'embrasser. Il était vraiment motivé, ce soir. Plusieurs fois, je lui avais demandé si ce n'était pas moi, qu'il essayait de draguer à travers toutes ces mascarades, mais il m'avait toujours maintenu que non, et qu'il n'y avait rien de plus efficace que de donner un avant-goût de ce qui les attendaient à ses futures conquêtes. Il appelait ça « l'effet lesbien », en référence à tous ces connards hétéros qui fantasmaient à l'idée de voir deux filles ensemble. Ça me laissait sceptique, mais je jouais le jeu quand même. Et puis, Samuel ne me donnait pas vraiment le choix.
Le type se leva et se dirigea vers nous. Mon visage devint brûlant. C'était là que tout se jouait. Samuel cessa de remuer dans tous les sens et accueillit l'homme avec son sourire le plus charmeur. Ce dernier se posta près de nous, les yeux brillants de désir, et posa une main sur mon bras.
— Je te paie un verre ? cria-t-il par-dessus la cohue.
— Volontiers.
Et tandis que je le suivais jusqu'au bar, je me retournai pour faire un clin d'œil à Samuel, qui m'intimait d'y aller. Presque s'il était plus excité que moi. Je n'eus pas le temps de lui dire quoi que ce soit que déjà, il avait trouvé un autre mec à utiliser comme barre de pole dance. Je soupirai et me concentrai sur l'homme devant moi.
Je découvris rapidement qu'il s'appelait Daisuke, qu'il était japonais et ne parlait pas très bien anglais. J'avais du mal à comprendre ce qu'il me racontait, aussi, au bout d'un moment, fatigué par les basses qui me faisaient trembler sur ma chaise et l'alcool qui me réchauffait les veines, je finis par hocher la tête sans même chercher à comprendre. Il me fit boire un cocktail, puis deux, et je faillis refuser le troisième, mais plus je le côtoyais, plus je me disais que j'allais en avoir besoin. Il ne ressemblait pas tant que ça à Léopold, ils avaient juste quelques ressemblances, surtout au niveau du style. Mais Léo avait un visage plus fin, un regard plus perçant, et une double paupière à l'œil droit. Ses tatouages, qui mêlaient élégance et vulgarité avec brio, remontaient jusqu'à son cou, descendaient sur ses doigts, parsemaient tout son corps comme s'ils avaient toujours été là. Ceux de Daisuke étaient d'une banalité affligeante. Des cœurs, des chiffres romains, une phrase motivante sur l'avant-bras... Lorsqu'il me tendit un quatrième verre, je lui fis signe que je n'en voulais pas : je commençais à me sentir nauséeux. J'avais eu la mauvaise idée de mélanger les alcools, et même si j'étais un grand gaillard, je ne tolérais pas très bien les substances. Daisuke n'insista pas.
La soirée se poursuivit, les heures défilèrent, et je continuai de faire semblant de comprendre tout ce que me racontait Daisuke. Ses mains se faisaient de plus en plus baladeuses, d'abord sur mon genou, puis mon dos, ma cuisse, et désormais ma fesse. J'avais l'impression de tourner. Et moins j'étais sobre, et plus je voyais Léopold en lui. Je finis par abandonner et laisser mon esprit céder au pire : je fis semblant que c'était lui. Ça m'allégea le cœur, d'imaginer qu'il était tout contre moi, une main sur mon cul, tout sourire, matant mes lèvres avec appétit. Ça me rappela une époque que je voulais enfouir sans rien faire pour y parvenir. Je finis par l'embrasser. Je l'avais sûrement coupé au beau milieu d'une phrase, mais je m'en fichais : j'en avais envie.
Après ça, le temps avança de manière étrange. Je me sentis complètement détaché de la réalité, comme si j'étais dans mon imagination, et que je pouvais tout stopper en ouvrant les yeux. Léo me fit sortir de la boîte, appela un taxi, me ramena chez lui. J'eus le réflexe d'envoyer un message à Samuel pour lui dire où j'étais et avec qui. J'ignorai ses nombreux SMS qui disaient « Léopold ??? Comment ça t'es avec Léopold ? Il est ici ? ». Je voulais me perdre dans cette illusion, même si je savais que j'allais en souffrir, une fois sobre. Mais à cet instant, je m'en fichais : je voulais juste faire semblant que Léo était là, qu'il m'aimait, qu'il me touchait, et que notre amour n'avait jamais connu de fin.
Daisuke me tripotait bizarrement. Il était pressé, du genre à vouloir jouir plutôt que prendre du plaisir. Je le laissai faire, le laissai me manipuler comme une vulgaire poupée, le laissai me sucer quand il vit que je n'avais pas éjaculé. Je n'étais plus dans mon corps. J'étais sur une autre planète, dans les bras de Léopold, conforté par ses mains chaudes et son odeur qui me donnait la sensation d'être chez moi. Je regardai Léo – Daisuke –, l'embrassai une dernière fois, et m'endormis quelques instants après. Je ne savais même pas si j'étais dans son lit ou sur son canapé. Ma peau vibrait, comme électrisée, mélange de trop d'alcool et de sexe moyen. Mon sommeil fut peuplé de rêves inexplicables et de beaucoup, beaucoup de larmes.
Quelque part, entre deux mondes fantastiques, la mélodie de Rêverie s'éleva, et je jurerais avoir entendu Léo murmurer mon nom.
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