2. Du poulet et du riz

Thomas

Je fus réveillé par un cri aigu à m'en percer les tympans, mais j'étais si fatigué que je me rendormis tout de suite après. J'eus un sommeil lourd, sans rêve, presque douloureux. Et lorsque j'en émergeai, ce fut à cause d'une odeur frétillante de poulet et de riz.

Nourriture, fit immédiatement l'intégralité de mon corps.

Cela faisait des jours que je n'avais pas mangé. Je ne savais pas combien. Je perdais le fil du temps. Mais ce que je savais, c'était que j'étais affamé, et que cette odeur de poulet et de riz était en train de me rendre complètement dingue. Je papillonnai des paupières et m'assis péniblement, la tête aussi lourde qu'une enclume.

Une migraine abominable me terrassa à l'instant où je fus à la verticale.

Je gémis sans pouvoir l'empêcher. Merde, combien de bouteilles avais-je bues ? Hier soir, j'avais dépensé mes dernières pièces dans de l'alcool, et avais décidé de me laisser mourir sous un pont, comme le clochard merdique que j'étais. Mais apparemment, mon plan n'avait pas tout à fait fonctionné – d'une, j'étais encore en vie, de deux, je n'avais pas froid, de trois, ça sentait la bouffe.

Putain de merde. Où est-ce que j'avais atterri ?

Je tentai d'ouvrir les yeux, mais la lumière était bien trop puissante pour mes rétines sensibles et ne fit que redoubler mon mal de tête. Je posai mes paumes contre mes tempes et gémis à nouveau, plus fort. J'avais vraiment, vraiment abusé sur l'alcool.

— Tu es réveillé ?

Une voix inconnue s'éleva de là où provenait la lumière. Je mis une main devant mes yeux pour tenter d'y voir, en vain. Je ne parvins qu'à grommeler tandis que l'odeur de poulet et de riz était en train de sérieusement faire des ravages à mon corps. J'avais faim. La vraie faim. Celle qui faisait l'effet d'une pierre à la place de l'estomac, qui vous vidait de vos forces, qui vous donnait envie de vomir alors même que vous n'aviez plus rien dans le ventre.

Des bruits de casseroles et de choses en train de griller parvinrent du même endroit que la voix. Un couvercle posé sur une poêle. Des pas dans ma direction.

— Non, ne me faites pas de mal, couinai-je en tentant de me protéger de mes bras.

— Du calme, je ne vais rien te faire. Je m'appelle Clémentine Jasmin, et tu es actuellement chez moi, dans mon salon. Je ne sais pas trop ce qui t'a mené là, mais tu es rentré en cassant la fenêtre, et tu t'es endormi sur mon canapé. Et tu, euh... tu étais tout nu, tes vêtements étaient par terre, je les ai mis à laver parce qu'ils puaient la mort. Alors j'ai posé une couverture sur toi pour que tu n'aies pas froid. Là, je suis en train de te faire à manger, parce que tu as la peau sur les os, je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi maigre. Ça va aller ?

OK. Beaucoup trop d'informations à la fois. Clémentine le jasmin ? Moi, à poil ? Un mort ? De la bouffe... Mon Dieu, j'avais faim, si faim. C'était des instincts primitifs de survie qui s'éveillaient face à ce doux fumet de nourriture.

— Manger ? balbutiai-je – c'était pathétique.

— Oui, à manger. Tu as faim ?

— Oui. Faim.

Je n'arrivais pas à faire des phrases entières. Mon cerveau était bien trop fatigué. J'avais l'impression d'être devenu un animal, plus primaire qu'intelligent, plus survivant que vivant. C'était un miracle que je ne sois pas actuellement mort.

Pourtant, Dieu seul savait combien de fois j'avais souhaité l'être.

— Au fait, comment tu t'appelles ? dit la voix d'un peu plus loin.

Moi ? Mon nom ? Je n'étais personne. Qu'une ombre dans la nuit. Un fantôme parmi les vivants.

— T... Thomas, dis-je dans un éclair de lucidité. Je m'appelle Thomas.

— D'accord, Thomas. Tu aimes le poulet et le riz ?

Manger.

— Oui.

Manger. Manger. Manger.

Je me faisais pitié. J'aurais presque préféré finir sous ce foutu pont plutôt qu'avoir atterri chez cette Clémentine le jasmin et son odeur de nourriture.

— C'est presque prêt, je laisse mijoter encore une petite minute. Comment tu te sens, Thomas ?

Vide.

— J'ai mal à la tête.

— Ouais, moi aussi, t'es pas le seul à t'être pris une cuite, rigola-t-elle en farfouillant je-ne-savais où. Mais j'ai de la chance, je décuve vite. Tu veux de l'aspirine ?

— De la quoi ?

— De l'aspirine. Ça soulagera tes maux de tête. J'ai aussi fait du thé à la menthe, si tu en veux.

— Je... je sais pas, j'ai... faim...

— D'accord, je vois, dit-elle avec un sourire dans la voix. Je vais te faire une assiette. Ne bouge pas, reste au chaud.

Je baissai les yeux et découvris une couverture rouge autour de mes jambes, douce au toucher, qui recouvrait mon corps qui était effectivement... Merde, j'étais nu ! Oh non, cette inconnue de jasmin m'avait vu à poil alors que j'étais complètement ivre !

Putain, mais qu'est-ce qui s'était passé ?

Je voulus regarder autour de moi, mais tout était flou. Je mis du temps à comprendre que c'était à cause de ma myopie, et que je n'avais pas mes lunettes sur le nez. Je tâtonnai le canapé à la recherche de mon seul bien précieux.

— Et voilà, une assiette toute prête pour notre Thomas !

La nourriture s'approchait. J'oubliai totalement mes lunettes. Son fumet aphrodisiaque me fit l'effet d'une drogue, et je me jetai à moitié sur Clémentine lorsqu'elle posa l'assiette sur la table basse devant moi.

— Holà, doucement ! T'as si faim que ça ?

— Manger, dis-je seulement, aveuglé par la famine.

Je ne pris même pas les couverts qu'elle avait apportés et attrapai le poulet avec les doigts, et en fourrai un maximum dans ma bouche, comme si j'avais peur que ce butin inestimable disparaisse. Je mâchai à peine et m'empressai d'avaler que déjà je m'en remis plein le gosier. Clémentine dut m'arrêter en m'attrapant le bras.

— Doucement, si tu manges trop vite, tu vas tout vomir, dit-elle avec la même intonation que ma maman. Tiens, prends un peu de tisane, et avale par petites gorgées. Elle est tiède.

Elle me tendit une tasse et je bus par automatisme – je ne sentis pas vraiment le goût des plantes, juste la chaleur rassurante de la boisson. J'obéis à ses ordres et pris le temps de boire sans me précipiter. Mais à peine eus-je posé la tasse que déjà j'avais les doigts dans l'assiette.

— Stop, stop ! m'arrêta-t-elle. Prends au moins la fourchette, et je veux que tu la reposes entre chaque bouchée ! Tu vas te rendre malade. Tu n'as pas mangé de huit jours, ou quoi ?

— Huit ou neuf, je sais plus, répondis-je d'une voix cassée.

Elle se tut et me lâcha les poignets. J'en profitai pour prendre les couverts et mettre le plus de riz possible dans ma bouche. Je fis quand même l'effort de mâcher, et faillis m'étouffer en avalant. Clémentine ne disait toujours rien.

— C'est pas une blague, hein ? murmura-t-elle.

— De quoi ?

— Ça fait vraiment neuf jours que tu n'as pas mangé ?

— Sept, huit, neuf, j'en sais rien.

— Pourquoi ?

Je ne répondis pas et continuai de manger. Clémentine s'assit sur le canapé et me dévisagea.

Longtemps.

— Pourquoi ? répéta-t-elle lorsque j'eus fini l'assiette – merde, j'avais déjà fini ?

— Parce que.

— Je viens de t'offrir un repas, j'ai bien le droit de comprendre, non ?

— Je... (Mon ventre commença à me faire mal. Je bus le reste de la tisane pour tenter de calmer la douleur.) Je n'avais plus d'argent.

— Et l'alcool ?

— Quel alcool ?

— Tu pues la bière à des kilomètres, dit-elle sans broncher. Ne me dis pas que tu l'as volée, si ?

— Non, je... je l'ai achetée. Mais c'était mes dernières réserves. Je n'ai plus rien.

— Tu as préféré boire plutôt que manger ?

J'aurais préféré mourir plutôt que survivre.

— Je... je...

— Tu habites où ? me demanda-t-elle.

J'eus le tournis face à trop de questions.

— Je... je n'habite pas, balbutiai-je maladroitement. En fait, je... je n'ai pas... je ne suis pas...

— Tu es SDF ? devina-t-elle d'une voix douce.

Pourquoi le disait-elle comme si ce n'était pas de ma faute ?

— Ouais, je n'ai nulle part où aller, avouai-je dans un souffle. On m'a jeté dehors.

— Qui ?

— ...

— Thomas, j'ai besoin de savoir. Je veux juste t'aider.

— M'aider ?

— Quoi, tu aurais voulu que je fasse quoi ? Que j'appelle les flics et que je porte plainte pour effraction ?

— Ben, ça me semble logique, non ?

Elle soupira et détourna le visage. Je ne la voyais pas correctement, toujours à cause de cette foutue myopie, mais je vis ses cheveux blonds glisser de son épaule.

— Je vais t'avouer quelque chose, Thomas. (Elle baissa la voix.) J'ai une peur bleue de la police. C'est pour ça que je n'ai appelé personne et que j'ai préféré cuisiner de quoi te nourrir en attendant ton réveil.

— Mais pourquoi ?

— Je viens de te l'expliquer, j'ai peur des policiers.

— Mais pourquoi tu prends soin de moi ?

Elle coinça ses cheveux derrière son oreille, me regarda, et je devinai qu'elle souriait.

— On a tous besoin d'aide. Que ce soit pour vivre ou juste pour monter un meuble, on finit toujours par avoir besoin de quelqu'un à nos côtés. Et à en juger ta maigreur, je me suis dit que toi, tu ne devais avoir personne.

Touché, coulé. Le Thomas Harry était en train de sombrer.

Je portai une main à mon ventre – la douleur s'était réveillée, mais cette fois beaucoup plus vive. Une sueur froide me dévala le dos, et je compris avec horreur que j'avais la nausée. Non, non ! Je ne voulais pas recracher la nourriture ! J'en avais besoin ! Je ne voulais pas...

Trop tard. Je me levai, cherchant de mes yeux invalides un quelconque bassin dans lequel régurgiter, et aperçus ce qui, de loin, ressemblait à un lavabo. Mes jambes lâchèrent avant que j'y arrive et je trébuchai sur le carrelage froid, mes genoux encaissant la totalité du choc.

— Thomas ! Qu'est-ce qui se passe ?

Je ne lui répondis pas. Je n'en avais pas la force. Je parvins tout juste à m'appuyer sur un plan de travail pour me relever et, la seconde suivante, j'étais plié en deux au-dessus de l'évier. Tout mon repas à peine mâché se déversa devant moi, quitta mon corps, mon corps qui avait faim. Mes yeux s'humidifièrent à cause des contractions, et l'odeur affreuse de bile me rendit plus malade encore. Je suais, j'avais froid, je tremblais de partout. Et Dieu que j'avais mal.

— Thomas, ça va aller, ça va aller. (Quelque chose se posa sur mon dos. Je devinai que c'était la couverture qui avait glissé de mes jambes.) Tu as mangé trop vite. Et peut-être un peu trop, aussi. Ce n'est pas grave.

— V... va-t'en, balbutiai-je entre deux vomissements.

— Alors là, ne compte pas sur moi ! Pendant les fêtes, je suis toujours celle qui se coltine les malades. Des vomis, j'en ai vu de toutes les couleurs.

Je tentai de la repousser, en vain. Je finis par abandonner. J'étais à bout de forces. Et puis, lorsque Clémentine ouvrit le robinet et humidifia mon front, je me rendis compte que c'était agréable.

— Tu sais quoi, Thomas ? Tu devrais aller prendre une douche. Ça te fera du bien. J'ai l'impression que tu es à un poil de cul de me claquer entre les doigts.

Je pris un peu d'eau dans ma main et me rinçai la bouche, écœuré. Une inspiration, une expiration, encore. Puis je me redressai, tenant la couverture autour de moi, et me tournai vers Clémentine.

— Même les cadavres ont meilleure mine. Viens, suis-moi, je vais te montrer la salle de bains.

J'obéis, les jambes tremblantes. Elle me guida à travers son salon, et je me pris plusieurs fois les pieds dans ce qui s'avéra être des cartons, certains vides, d'autres pas. Je crus presque entendre l'un d'eux miauler lorsque je tapai malencontreusement dedans. Je le mis sur le compte de la fatigue.

Clémentine me fit monter des escaliers qui menaient sur un petit couloir. Elle me tira à droite et me fit rentrer dans une salle d'eau étonnamment grande comparée au reste de la maison, et me dit, sans aucune forme de pudeur, de me déshabiller.

— P... pardon ?!

— Ne fais pas comme si je n'avais pas suffisamment vu ton cul pour un type que je ne connais pas. (Elle actionna la douche pour laisser l'eau se réchauffer.) Allez, hop ! À poil !

Elle se tourna et fouilla dans une étagère incrustée dans le mur avant d'en sortir une serviette propre. J'étais toujours immobile, tétanisé à l'idée de devoir laisser tomber la couverture, seule barrière entre mes parties intimes et les yeux trop perçants de cette nana.

L'espace d'un instant, je regrettai d'avoir décuvé. Saoul, la vie était bien moins problématique.

— Fais gaffe avec l'eau chaude, elle peut vite monter et devenir brûlante. Tu peux te servir dans les flacons, j'ai de tout : savons, shampooings, masques, après-shampooings, huiles, mousses, démêlants...

— Clémentine, est-ce que tu peux juste... me laisser ?

Elle me dévisagea comme si j'avais dit une connerie, et je réalisai que mes paroles étaient sûrement offensantes, surtout envers quelqu'un qui m'offrait de la nourriture et de l'eau chaude alors que j'avais foutu le bordel dans sa maison. Je m'apprêtai à m'excuser lorsqu'elle hocha du menton et sortit de la pièce, sans un mot.

Je relâchai un soupir que je ne savais même pas contenir.

Je vérifiai que le jet était à bonne température, puis laissai tomber cette couverture de malheur et m'engouffrai dans la cabine. La sensation de l'eau chaude sur ma peau me parut étrange, éthérée. C'était agréable, et j'eus un choc en réalisant que tout n'était pas douleur. Pour la première fois depuis longtemps, je fermai les yeux et m'autorisai à ressentir pleinement quelque chose.

Je restai longtemps sous cette douche, paupières closes, mon corps rougeoyant à cause de la chaleur. Mes cheveux s'étaient collés à mon front et l'eau dégoulinait sur mon visage, rassurante, comme si elle me caressait. Je revins à l'instant présent lorsque j'entendis un bruit à l'extérieur de la pièce, et je me souvins d'un coup où j'étais et ce que je faisais : je rouvris les yeux et cherchai du shampooing parmi les bouteilles rangées à mes pieds. J'en versai dans ma main, et l'odeur m'assaillit de plein fouet. C'était frais, c'était propre.

Cela faisait des jours que la seule odeur que je respirais était celle de la mort.

Je me lavai consciencieusement le corps de la tête aux pieds, frottant comme si ma peau était recouverte d'une épaisse croûte tenace. Lorsque j'eus fini, je me sentais encore sale, alors je recommençai. J'étais d'un calme inhabituel mais bienvenu. Comme si mes pensées étaient transparentes, qu'elles passaient devant mes yeux une par une, tranquilles, puis repartaient et s'oubliaient sans demander leur reste. Je passai un temps considérable à me frotter le visage, comme pour effacer l'image de ce Thomas maigre et blafard que me renvoyait chaque miroir. Des fois, je ne me reconnaissais même pas. Je savais que ce visage familier était le mien, mais je n'arrivais pas à me dire que le jeune homme en face qui me dévisageait, c'était moi. J'étais mon propre étranger.

Je coupai l'eau et sortis, grelottant à cause de l'écart de température. Je m'empressai de m'enrouler dans la serviette qu'avait sortie Clémentine pour moi et de me frictionner la tête, d'essuyer chaque goutte qui tombait sur mes épaules, coulaient le long de mes jambes. Mes gestes étaient mécaniques, indifférents, et j'étais incapable de dire ce que je ressentais. La serviette était douce, comme celles dans les hôtels. L'odeur du savon flottait autour de moi, portée par la buée qui avait recouvert les deux miroirs présents. J'avais l'impression d'être une chrysalide enlacée dans du coton.

Ce n'était qu'une douche, mais c'était la meilleure chose qui me soit arrivée depuis des semaines.

Je fus sorti de mes pensées par quelques coups contre la porte.

— Thomas ? C'est moi, tu as fini ? J'ai des vêtements pour toi.

Je calai la serviette autour de ma taille du mieux que je pus et ouvris. Clémentine me fixa quelques secondes, puis elle tendit vers moi un tas de tissus, tout sourire.

— Ils sont à mon meilleur ami, ça devrait être pile-poil ta taille. Ce couillon oublie toujours la moitié de ses affaires quand il vient ici. Il n'a pas l'habitude de vivre loin de moi.

— Merci...

— Comme tu as passé pas mal de temps à faire ta Vénus sous la douche, j'ai pu cuisiner un peu. Si tu as de nouveau faim, sers-toi, c'est fait pour.

Je ne sus quoi répondre. Je faillis lui demander de répéter pour être sûr que j'avais bien compris. C'était si... absurde ? Irréel ? Inattendu ? Je n'arrivais même pas à le décrire. Pourquoi est-ce que Clémentine ne m'avait pas juste foutu dehors, comme tous les autres avant elle ?

— Thomas ?

— Désolé, je... je vais m'habiller. Merci.

— Tu tires une tête de poisson frit, gloussa-t-elle. Je t'attends en bas.

Elle s'éclipsa et me laissa seul. J'enfilai les vêtements à la va-vite, inconfortable dans ces tissus étrangers. J'avais l'impression de les avoir volés audit meilleur ami. Une fois vêtu, je tirai le col jusqu'à mon nez, inspirai, et fis une grimace. Non, vraiment, je n'étais pas à l'aise.

Je rejoignis Clémentine dans le salon et la cherchai du regard. Je réalisai soudain que je n'avais toujours pas mes lunettes, et que je n'y voyais pas grand-chose – il devenait vital que je les retrouve. Ce fut pour cette raison que je faillis hurler lorsqu'une main se posa dans le creux de mon dos. Je n'avais vu personne arriver.

— Du calme, c'est moi, dit Clémentine avec un sourire dans la voix. Viens t'asseoir. Il faut qu'on discute un peu.

Je me laissai mener jusqu'à la cuisine et m'assis sur une des chaises hautes, manquant de me casser la gueule. Je remarquai que devant moi se trouvaient une assiette, une tasse et un verre d'eau vides. Je déglutis.

— Je suis désolé..., répétai-je, pensant que c'était ce que Clémentine attendait.

— C'est pas vrai, t'es encore pire que Saska, gloussa-t-elle. T'es désolé de quoi ?

— De... la situation ?

— Du fait que t'aies cassé ma fenêtre, enfermé Princesse dans le lave-linge et atterri la bite à l'air dans mon canapé, tu veux dire ? (J'eus trop honte pour acquiescer.) J'avoue que c'était pas cool pour Princesse. Mais elle va bien, c'est le principal. T'es pardonné.

Elle le prenait avec une telle légèreté que je crus qu'elle se foutait de ma gueule.

— Tu as faim ? demanda-t-elle en voyant les récipients devant moi.

— Pas vraiment. Mais j'ai... j'ai soif.

— Boisson chaude ou froide ?

— Froide.

Elle me servit un verre d'eau dont je bus la moitié d'une traite. Je ne savais toujours pas de quoi elle voulait parler, et c'était si angoissant que ça m'en avait coupé l'appétit. J'eus vaguement envie de vomir à nouveau, à mon plus grand désespoir.

— Thomas, est-ce que...

Clémentine cherchait ses mots. Elle allait m'engueuler, c'était sûr. Me demander de la rembourser pour le bordel que j'avais causé, de m'en aller et faire en sorte qu'elle n'entende plus jamais parler de moi. C'était toujours comme ça que ça finissait. Je foutais la merde et on me jetait dehors. Pourquoi est-ce que cette fois-ci, ce serait différent ? La vie n'était que cycles et répétitions. On obtenait ce que l'on méritait.

Je plongeai le nez dans mon verre d'eau pour ne pas avoir à croiser son regard.

— ... tu aimerais habiter ici quelque temps ?

Je m'étouffai.

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