8. Bikini
Emmanuel
— À demain, Grace.
Je raccrochai et eus besoin d'un court temps pour me remettre de cet appel. Grace était dans un état pas possible, et je ne savais pas si c'était à cause de son amie, de moi ou des deux combinés ; dans tous les cas, je l'avais rarement connue aussi à cran. C'était une femme très calme, et la voir perdre ses moyens me faisait tout drôle.
— Alors ? me demanda Carmen.
Son visage pixelisé à l'écran se figea, se brouilla, puis l'image revint à nouveau. Skype était bien gentil, mais il ne marchait pas à chaque fois.
Je me penchai vers mon ordinateur et soupirai.
— Elle va t'en redonner une. Mais cette fois, tu l'avales avant même d'avoir mis les pieds hors de l'hôpital !
— Je suis désolée, vraiment désolée, maman a fouillé mon sac à l'instant où je suis rentrée à la maison. Elle croyait que j'étais allée acheter de la drogue et... et quand elle a vu la pilule abortive...
— Je l'appellerai demain. Je lui expliquerai.
— Pourquoi tu as dit à Grace que c'était Léandre ? me reprocha-t-elle en haussant d'un ton. Je t'avais demandé de le dire à personne, tu as...
— Parce que Léandre est celui qui lui fournit les pilules, imbécile ! m'emportai-je, agacé par ses reproches. Et qu'il risque très certainement de demander qui a besoin d'avorter deux fois d'affilée.
Elle déglutit et passa ses mains dans ses cheveux, avant d'y enfouir son visage. Je calmai la colère qui grondait dans mon ventre et me forçai à adoucir ma voix.
— Tout ce que j'essaye de faire, c'est t'aider, Carmen. Tu t'es foutue dans la pire situation au pire des moments, et tu es beaucoup trop jeune pour endosser toutes ces merdes à toi toute seule.
Elle renifla. Une fois. Deux fois. Hoqueta.
— Mais je ne suis pas capable de résoudre tous tes problèmes à moi tout seul.
— Je sais ! Et je suis déjà tellement reconnaissante de tout ce que tu fais pour moi, de... de...
Elle attrapa un mouchoir, souffla toute sa morve dedans avec un bruit d'éléphant enroué et le jeta quelque part hors de l'écran.
— Je t'aurais fait un câlin si tu avais été là, avoua-t-elle.
— Tu n'as qu'à venir ici, en plus, je pourrais en profiter pour te photographier. Il y a un joli parc à côté de mon immeuble, je suis sûr qu'il te plairait.
Un mince sourire étira ses lèvres pâles, avant que l'image se fige de nouveau. Je tapai mon ordinateur et, après un bruit bizarre, il daigna fonctionner.
Carmen avait été mon tout premier modèle – elle dégageait une énergie tellement forte qu'elle se sentait même au travers des photos. Mes plus grands succès étaient ceux où elle apparaissait. C'était un peu notre activité : nous nous promenions, je la photographiais, on s'installait à un café et je lui payais un chocolat chaud. Notre après-midi entre frère et sœur. Du calme, du bonheur, de l'art. Nous nous étions, en fin de compte, toujours débrouillés pour nous procurer ce que nos parents ne nous avaient jamais apporté. Pour combler les vides. Meubler les silences. Rire des malheurs.
— Si tu savais combien j'aimerais, soupira-t-elle. Mais il y a Tom. Et... je ne peux pas le laisser entre les mains de mommy. Not yet, pas encore. Ce n'est pas vraiment le bon moment.
— Je sais. C'est une mauvaise semaine. Ça va passer.
Ça passe toujours, ajoutai-je intérieurement. Son air abattu m'atteignit en plein cœur. Carmen, ma petite Carmen, si jeune et si bousillée. Se rendait-elle seulement compte de combien elle était forte ? Combien elle était courageuse ? Que bien peu d'adolescentes de son âge n'auraient jamais pu surmonter ce qu'elle endurait au quotidien ?
— Carmen ?
— Oui ?
— Je suis fier de toi.
Elle me fit un immense sourire sincère. Je ne pus m'empêcher de le lui rendre, contaminé par sa joie.
— Moi, je suis fière de t'avoir comme grand frère. Un jour, tu deviendras célèbre grâce à tes livres, et je pourrai me la péter en disant que je suis ta sœur. Imagine le truc, ce serait dément !
— Ha, ha, ha ! ironisai-je sous les rires de Carmen. Le jour où ça sera le cas, tu pourras...
Quatre coups décidés retentirent contre la porte de mon appartement. Je m'interrompis et tendis l'oreille.
— Y a quelqu'un, je dois te laisser, dis-je à l'attention de ma sœur. On se rappelle.
— OK. À plus !
Je lui soufflai un baiser, atteignant un stade assez élevé de niaiserie, et coupai l'appel à contrecœur. J'avais l'impression d'enchaîner problème sur problème, ces derniers temps. Aucune pause. Aucune respiration.
Je plaquai mon œil contre le judas et tentai d'apercevoir la personne qui avait toqué, mais rien. Sourcils froncés, je déverrouillai la porte et me retrouvai face à la plus petite mamie que j'aie jamais vue.
— C'est vous, le nouveau voisin ? me demanda-t-elle sans préambules, plissant son visage constellé de nombreuses taches de rousseur.
— Euh... oui, c'est m...
— Écoutez-moi bien, mon garçon, me coupa-t-elle en pointant un doigt boudiné et minuscule sur ma poitrine. S'il y a le moindre problème, vous aurez affaire à moi. Et, croyez-moi, c'est le dernier de vos souhaits.
Elle devait faire le tiers de ma taille, et ses cheveux blancs étaient si fins qu'on pouvait voir la peau de son crâne. Pourtant, j'avais rarement autant craint les menaces de quelqu'un.
— Bon, maintenant que c'est dit, je me présente, Laura. Mais appelez-moi mamé. J'ai cuisiné des petits gâteaux au chocolat. Vous venez en goûter quelques-uns, afin de m'assurer que je n'ai pas perdu la main ?
Je crois que j'aimais bien cette mamie.
— C'est avec plaisir, mad... mamé.
— Je vous attends dans mon appartement. En face du vôtre, celui où le chat roux fait le guet.
Je portai mon regard plus loin et vis un matou absolument horrible me toiser. Les poils orange, le nez écrasé et les oreilles déchirées, il était à l'image exacte de sa maîtresse.
— Très beau chat.
— Oh, ne me mentez pas, je sais qu'il ressemble à un trou de vieille prostituée. Mais votre tentative de galanterie est charmante. Si j'avais eu cinquante ans de moins, j'aurais sûrement couché avec vous.
Je plaquai mon menton sur mon buste et lui jetai un regard incrédule. Même avec cinquante ans de moins, je crois que je n'aurais jamais invité une femme aussi vulgaire dans mon lit. Mais outre ce fait, elle me semblait assez sympathique. Et puis, elle m'offrait des gâteaux au chocolat : elle avait des arguments convaincants.
Je vis du coin de l'œil le chat éternuer, crachant une boule de poils et de morve par terre, qu'il s'empressa de lécher minutieusement. Je fis une grimace sans même m'en rendre compte.
— Ne vous occupez pas de Bikini, ce n'est qu'un vieux tas de graisse qui mange tout ce qu'il trouve. Allez mettre un tee-shirt, mon garçon, et retrouvez-moi en face, dit-elle en faisant demi-tour.
Je me rendis compte qu'en effet, j'étais torse nu. La gêne grimpa jusqu'à mes joues et me brûla les oreilles, me donnant la vague impression d'être une écrevisse suspendue au-dessus d'un barbecue.
— Bikini ? m'exclamai-je en faisant le lien entre ce surnom ridicule et le chat psychotique qui semblait à deux doigts de planter ses griffes dans mes orbites.
— Vous auriez voulu que je l'appelle comment ? Face-de-Cul ?
Elle s'effaça derrière la porte de son appartement, Bikini sur ses talons, la queue relevée. Un relent de chocolat fondu flotta jusqu'à moi et me sortit de ma torpeur – le tee-shirt !
Je m'empressai d'aller ramasser celui que j'avais laissé traîner depuis plusieurs jours et fourrai mon nez dedans, avant de décider d'y mettre un bon coup de déodorant. Je faillis m'asphyxier avec le spray, et c'est en toussant que je fermai mon appartement et poussai la porte de celui de ma voisine.
La première chose que je remarquai fut le fusil à pompe accroché au mur, juste à l'entrée. J'eus un moment d'immobilité le temps de détailler l'arme et me rendre compte qu'effectivement, c'était une vraie, et je priai intérieurement de toutes mes forces pour qu'elle ne soit pas chargée.
— Roh, ne faites pas attention à ça, il appartenait à mon mari, dit mamé Laura en me voyant poireauter sur le seuil, les yeux rivés sur le fusil.
— Il fait de la chasse ?
— Faisait. Il est mort il y a six ans d'une pneumonie.
— Toutes mes condoléances.
Elle haussa les épaules, l'air parfaitement ennuyé.
— Ce n'est pas comme si j'avais été amoureuse de lui. Allez, à table, mon garçon. Les pâtisseries vont refroidir.
Je la suivis dans son appartement, qui était à peine plus grand que le mien – il avait une pièce de plus, qui j'imaginais devait être sa chambre. Il y avait un nombre incalculable de babioles rangées ici et là, si bien que mon regard ne savait même plus où se poser. Pour couronner le tout, Bikini fila entre mes jambes en crachotant à mon attention.
— Je crois que votre chat ne m'aime pas.
— Il n'aime rien, hormis se lécher le troufion, alors ne vous faites pas de bile. Venez, venez ! Asseyez-vous.
Elle tira une chaise presque aussi haute qu'elle et prit place à ma droite, autour de la table ronde qui devait occuper la moitié de la pièce. Des gâteaux fraîchement sortis de leur moule trônaient dans un plat en cristal, dégageant une odeur plus que salivante de sucre et de joie. Sans hésiter, mamé Laura en prit un et croqua dedans à pleines dents. Je l'imitai et plongeai avec bonheur dans la saveur chocolatée encore chaude.
C'était fondant à l'intérieur, moelleux à l'extérieur. Je dus me retenir de gémir.
— Mamé, il faut que je vous avoue : c'est absolument divin.
Elle éclata de rire, plissant son petit visage ridé, un son qui me fit quelque chose dans le cœur. Je n'avais jamais eu de grands-parents ; ils avaient tous été emportés par la mort avant que je puisse les connaître. Je venais à peine de rencontrer cette mamie, mais elle dégageait cette maternité que j'avais tant cherchée dans ma famille et que je n'avais jamais trouvée. Elle emplissait l'air de son âme au vécu riche, le colorait de son langage vulgaire et sa personnalité atypique. Oui, je crois que j'avais un coup de foudre pour mamé Laura. Un coup de foudre amical. Presque familial.
— Vous habitiez où avant d'atterrir dans cet immeuble de paumés ? me demanda-t-elle en me tendant un deuxième gâteau.
— La Bretagne. J'ai quitté ma famille, et j'essaye tout doucement de tracer ma carrière.
— L'art, hein ? Vous êtes un artiste ? Ça se voit à la façon dont vous regardez autour de vous.
Je clignai des yeux plusieurs fois. Je crois que ma réponse mit une ou deux secondes de trop à venir.
— C'est-à-dire ?
— Les artistes ont un regard spécial. Ils ne voient pas le monde comme les mortels : ils l'examinent, le décortiquent, essayent de le comprendre tout en gardant une part de mystère. Ils y voient les beautés et les imperfections.
— Mais ce sont les imperfections qui font les beautés, répondis-je avec un sourire triste que je n'expliquais pas.
Elle fit tourner l'une de ses nombreuses bagues en or autour de son doigt, me fixant comme si j'étais un fondant au chocolat particulièrement appétissant. Je la lâchai des yeux une seconde, trop perturbé par ses iris ni sages ni fous, puis osai de nouveau lui faire face.
— Vous en avez dans le ciboulot. Ce n'est pas comme tous ces petits cons, de nos jours, qui ne sont pas capables de se cuire des pâtes sans l'aide de leur maman. Mangez votre deuxième gâteau, il va être froid.
Je ne me le fis pas redire deux fois et m'exécutai. C'était presque meilleur que le premier. Dieu merci, le destin avait décidé de me laisser un peu de repos et de m'envoyer une des plus grandes pâtissières de tout Paris !
— Vous êtes une artiste, mamé ?
— On ne parle pas la bouche pleine ! me morigéna-t-elle en me donnant une tape sur l'épaule. (Elle fit une courte pause le temps de m'enterrer du regard.) Oui, je... je peins beaucoup. Tenez, par exemple, ce tableau...
Elle pointa un doigt tremblotant et déformé par une légère arthrose derrière moi. Je me retournai et, après avoir rapidement inspecté le fusil dont le canon était orienté dans ma direction, reportai mon regard sur le mur d'à côté. Je vis, littéralement, la plus belle femme au monde.
Mamé Laura n'était pas artiste : elle était créatrice de chefs-d'œuvre. Le tableau qui pendait sagement au mur méritait sa place dans une exposition, ou mieux, un musée – ou encore mieux, mon salon. Il était d'un réalisme tellement troublant que mon cerveau n'arriva pas à le dissocier de l'imaginaire. Pendant quelques secondes, je fus happé par le regard vairon et incroyablement intelligent de cette nymphe à la peau pâle. Nue, étendue sur une couche de velours et les courbes gracieuses, elle semblait presque bouger et danser devant mes yeux, comme un ruisseau sous la caresse du soleil. C'était magnifique ; il n'y avait pas d'autre mot. Magnifique.
— Je me suis inspirée de ma petite voisine qui habite juste à côté de chez vous, dit mamé Laura qui s'était approchée sans que je m'en sois rendu compte.
Je n'arrivais même pas à bouger la tête pour la regarder. Si elle avait reproduit le visage de notre voisine, je n'osais pas imaginer combien elle devait être époustouflante, belle, fascinante. Ses deux yeux chacun de leur propre couleur semblaient raconter une profonde histoire, et ses cheveux bruns, presque roux, encadraient son visage orné de taches de rousseur. Sa bouche pulpeuse et colorée d'un rouge cerise flamboyant ne cessait d'attirer mon attention, m'empêchant même de regarder son corps dénudé que je devinais voluptueux. Ses yeux, Dieu, ses yeux ! Ce devait être de la sorcellerie – jamais un tableau ne m'avait tant bouleversé d'un simple regard. Jamais une femme ne m'avait tant bousculé intérieurement. Grace, à côté, était risible. L'art qui se dégageait de ces coups de pinceau dépassait l'entendement.
— Mamé, c'est extraordinaire.
— Bof, ce n'est pas le plus beau. Mais c'est le plus petit, et le seul qui rentrait dans mon appartement.
— Dites, la voisine, elle ressemble vraiment à ça ?
Elle s'approcha du tableau, et tout doucement, posa sa main dessus, comme un enfant dont elle était fière. Ce simple geste m'émut.
— Pas exactement. Elle n'a pas les lèvres si rouges ni les cheveux si longs. Mais elle a exactement ces iris, ce marron automne et ce bleu gris.
— Elle est...
Je ne trouvai pas de qualificatif. Il y avait des choses trop fortes pour les mots.
— Elle est jeune, jolie et célibataire, mon garçon, dit-elle avec un clin d'œil. Mais je vous préviens, l'approcher est un vrai parcours du combattant. Elle n'a jamais daigné ouvrir toutes les fois où je suis allée toquer à sa porte.
— Pourquoi ?
— Comme si je le savais, tiens ! Les rares moments où je la croise, elle se carapate aussi vite que si je portais la peste. Elle fuit le monde. Elle fuit tout. C'est une trouillarde.
Je me grattai distraitement le menton, sentant un début de barbe me démanger la peau. Cette voisine m'intriguait. Beaucoup.
— Vous connaissez son nom ? demandai-je en attrapant un troisième gâteau.
— Non. Il n'y a pas d'étiquette sur sa porte ni sur sa boîte aux lettres. Mais je crois que c'est quelque chose comme Natalie, ou... Magaly... ou bref, je n'en sais foutrement rien. Z'avez qu'à toquer chez elle et espérer qu'elle vous ouvre. Peut-être qu'en voyant un beau garçon comme vous, elle changera d'avis.
Elle ricana à sa propre remarque et revint s'asseoir à côté de moi. Je me détachai à contrecœur du tableau et recentrai mon attention sur elle.
— Vous peignez encore aujourd'hui ?
— Mhf. Oui. Un peu. Ma vue me joue des tours, et je suis trop fatiguée pour pouvoir travailler durant des heures. J'ai un tableau en cours, mais...
Elle fit un long soupir à fendre l'âme tout en frottant ses mains sur ses cuisses. Elle parut prendre dix ans de plus, tout à coup.
— Mais je ne pense pas le finir un jour.
— Ce serait dommage, mamé, vous avez un vrai don. Je veux dire, ce tableau... (Je pointai mon pouce par-dessus mon épaule.) C'est le plus beau que j'aie jamais vu.
— Moooh, n'exagérez rien ! Tenez, reprenez un gâteau. J'en ai d'autres à sortir.
D'un bond, elle se leva et se traîna jusqu'au four qui était plus haut qu'elle. Entre-temps, je sentis quelque chose de rêche et poilu me titiller les mollets. En me baissant pour regarder sous la table, je croisai Bikini, qui me toisait comme s'il avait déjà creusé ma tombe, puis il s'assit et se lécha le derrière. Je crois que c'était une façon de me dire : « Va te faire foutre, humain. »
— Il a quel âge, votre chat ?
— Douze ans. Mais vous savez ce qu'on dit, ils ont neuf vies.
La perspective que cet animal horrible me hante durant neuf vies me fila des frissons. Était-ce une sorte de malédiction ? Mais où est-ce que mamé avait bien pu trouver un truc aussi horrible et aussi rancunier ? Je n'étais même pas sûr qu'il fasse vraiment partie de la race des chats. Cette façon meurtrière de me dévisager et de...
— Et voilà ! annonça mamé en posant son plat en cristal couronné d'une dizaine de gâteaux fumants. Vous aimeriez à boire ? Thé, café, whisky ? J'ai une excellente bouteille qui attend depuis un bon bout de temps dans la cave de l'immeuble.
— Non merci, je n'ai pas envie d'alcool. Je veux bien un thé, merci.
Elle retourna s'affairer sur son plan de travail tandis que je grignotai l'une de ses pâtisseries. Je me tournai presque malgré moi vers le tableau et fus de nouveau frappé par la beauté brute de cette femme. C'était comme si elle me regardait, moi, droit dans l'âme, et qu'elle me défiait – de quoi, je ne savais pas. De la trouver, peut-être ?
Je plissai les paupières et un sourire joueur vient retrousser un coin de mes lèvres. Elle voulait que je découvre son identité ? Très bien.
Je ne refusais jamais un défi.
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