14. Emmanuel William Artem (1)

Emmanuel

C'était elle.

Ses yeux vairons, ses cheveux bruns aux reflets cuivrés, ses taches de rousseur qui ornementaient ses pommettes. Il n'y avait aucun doute, c'était elle.

Je ris intérieurement en songeant à Clémentine. Le monde était si petit ! J'avais rencontré sa meilleure amie par pur hasard. Il avait fallu que je bouscule une petite femme étrange aux allures de fée pour résoudre le mystère qui planait autour du tableau de mamé Laura.

Saska. Au diable les Nathalie ! Saska était un joli prénom. Saska était son prénom.

Je décidai de lui avouer que je connaissais Clémentine plus tard. Quand nous rentrerions à l'appartement, par exemple. Elle ne semblait pas me reconnaître. Savait-elle que c'était moi qu'elle avait croisé dans le hall à 3 heures du matin ? Apparemment, non. Savait-elle que c'était à ma mère à qui elle avait vendu la rose blanche qu'elle était ensuite venue m'offrir ? Encore moins. Je crois que dans son esprit, William Artem et son voisin étaient deux personnes distinctes.

Et ça m'amusait beaucoup.

— Je... Euh... être photographiée ? Moi ? demanda-t-elle en jetant des coups d'œil nerveux à Zoée.

J'avais croisé cette dernière la veille, avec ma sœur, en allant acheter de la crème pour mes paumes brûlées. Je lui avais tout de suite proposé de faire un shooting avec moi si elle voulait. J'avais besoin de modèles, de photos, et surtout de compagnie.

Malheureusement, tous les trains pour la Bretagne avaient été annulés jusqu'au mercredi, ce qui faisait que ma mère avait dû faire le trajet en voiture pour venir chercher Carmen et qu'elles étaient reparties à peine quelques minutes auparavant. Revoir maman m'avait fait tout drôle. Surtout lorsqu'elle m'avait parlé d'une vendeuse aux yeux vairons avec qui je me serais entendu à merveille.

Eh bien, je pouvais enfin le vérifier, car je l'avais juste en face de moi.

Elle était encore plus belle en vrai.

— Oui, toi. Tu as une peau lumineuse et de très jolis yeux. Je te trouve inspirante. Ça te dirait ?

Elle se palpa les joues, comme si mes mots lui semblaient aberrants. Après quelques secondes d'hésitation, elle finit par accepter.

— Super, dis-je en commençant à marcher vers le parc. Venez, ne perdons pas de temps. La nuit tombe vite à cette saison.

Je les entendis chuchoter dans mon dos. Ah, ces filles ! Toujours en train de glousser. Zoée me rattrapa et se posta épaule contre épaule, me dévorant littéralement du regard.

— Saska Lorell est fan de votre art, vous savez.

— Ah bon ? C'est gentil.

— Si vous aviez vu sa tête quand j'ai dit votre nom.

— Eh, je suis là ! s'insurgea la concernée derrière nous.

Je tournai la tête et lui souris. Elle semblait vraiment nerveuse et même mes paroles avenantes ne la calmaient pas. Je l'avais imaginée tellement différente : moi qui avais vu une femme affirmée et presque farouche sur le tableau, je me retrouvais face à une personne hésitante, qui avait l'air peu sûre d'elle et paniquée par le moindre son trop fort.

— Pardon. Viens avec nous, je ne vais pas te manger, l'invitai-je en me retournant pour marcher à reculons.

Je tendis le bras vers elle, paume au ciel. Elle observa ma main, mon visage, de nouveau ma main, puis s'avança jusqu'à moi sans me toucher.

D'accord. Pas de contact.

— Ça me fait plaisir de rencontrer quelqu'un qui aime mon art, lançai-je pour entamer la conversation.

— Ça me fait drôle de rencontrer quelqu'un dont j'aime l'art.

Je m'esclaffai en enfonçant mes poings dans mes poches. Mon appareil photo pendouillait joyeusement à mon cou, sur mon trench-coat qui servait à camoufler mon tee-shirt en pas très bon état.

— Je suis comme tout le monde, repris-je en voyant qu'elle n'était pas très loquace. Il ne faut pas se sentir intimidé par moi. Je suis juste un homme et, en plus, j'ai des tonnes de défauts.

— Ce n'est pas tout le monde qui fait d'aussi beaux tableaux.

— Chacun son domaine de prédilection. Moi, c'est l'art, d'autres, c'est la cuisine ou la pédagogie...

— Ou le récurage de chewing-gum en fin de journée dans les lycées, ajouta Zoée.

Nous nous tournâmes vers elle en même temps. Je pense qu'à cet instant, la même pensée nous traversa l'esprit : que faisions-nous avec quelqu'un comme elle ?

Ah oui, c'est avec elle que je dois faire le shooting, initialement.

Saska rit. Pour de vrai. Sans retenue, sans limites, un joli son cristallin naquit de ses lèvres. Elle rejeta la tête en arrière, yeux clos, et laissa sa joie éclater dans l'air et répandre ses miettes sur nous.

Zoée me surprit en train de dévisager son amie, car elle me lança un coup d'œil taquin et franchement explicite. Je haussai les épaules pour lui signifier qu'elle se faisait des idées. J'avais passé l'âge de tomber dans les bras de toutes les filles qui me souriaient.

— Tenez, c'est joli ici, dis-je pour ramener l'atmosphère à quelque chose d'un peu plus sérieux. Ça vous va si on y fait les premières prises ? Vous êtes à l'aise ?

— Je suis aussi détendue qu'un mollusque mort, répondit Zoée en sautillant jusqu'au banc que j'avais désigné. Par quoi commence-t-on, William Artem ?

Comptait-elle dire mon nom de famille à chaque fois ?

— Mets-toi derrière le banc et accoude-toi. Regarde vers le soleil couchant. Je vais prendre quelques clichés pour tester la luminosité, alors ce n'est pas grave s'ils ne sont pas fabuleux.

J'attrapai mon appareil photo et l'allumai. En quelques secondes, je fignolai les quelques réglages, mis un genou à terre et confiai mon regard à celui de la caméra. Quelques photos plus tard, j'étais certain d'avoir l'ambiance parfaite.

— Génial. On va commencer. Saska, tu veux bien lui réajuster ses lunettes ? Elles paraissent de travers ici. (Elle opina sans un mot.) Extra. Tout est nickel.

Je me plongeai dans un univers de lumières, silhouettes et instants éternisés. Je ne vis même pas le temps passer.

— C'est ton tour, Saska.

— Quoi ?

Elle se tourna vers moi et écarquilla les yeux. Je fus brièvement happé par leurs couleurs distinctes avant de secouer la tête et répéter :

— C'est à toi. Tu es toujours d'accord pour que je te photographie ?

— Euh, hum... oui, bien sûr, mais... mais...

— Ne t'en fais pas, ça va bien se passer. Regarde comme Zoée rayonne.

Nous toisâmes la concernée qui était en train de tourner sur elle-même, bras tendus, en proie à un bonheur total. Les quelques passants qui nous croisaient prenaient soin à faire un détour pour l'éviter.

— Tu veux dire que moi aussi je vais me mettre à faire la toupie ?

— Non, mais qu'être photographié, c'est moins terrible que ça en a l'air, dis-je, riant devant son attitude à moitié sérieuse.

— Bon !

Elle inspira un grand coup et ferma les yeux. Je détaillai son visage avec minutie, songeant à la meilleure manière de le mettre en valeur. Elle avait des traits vraiment magnifiques. Maintenant, mon job, c'était de le lui prouver. De la sublimer tout en la laissant être elle-même, au plus pur, au plus simple.

Être photographe n'était vraiment pas un métier facile, j'en étais conscient. Mais j'aimais bien les défis. Et elle en était un.

— OK. Mets-toi dos à moi et tourne la tête vers là-bas. C'est ça. Regarde un peu plus haut. Attends, ne bouge pas.

Elle obéissait sagement, suivant mes instructions à la lettre. J'abaissai mon appareil et m'approchai d'elle, dans le but de mettre ses cheveux derrière son oreille pour dégager son visage.

À l'instant où ma main toucha sa peau, elle paniqua et fit un bond en arrière. Je lus toute l'horreur que je lui inspirais dans ses iris : ce fut comme un électrochoc. Je l'effrayais. Quelque chose en moi l'épouvantait au point d'avoir le réflexe de me fuir.

Mais qu'avais-je fait ?

— Oh... oh, mon Dieu, je suis désolée, William ! Pardon, je ne... je ne t'ai pas vu arriver, et tu m'as... tu m'as prise par... surprise.

— Y a pas de souci, c'est plutôt pour toi. J'ai fait quelque chose qu'il ne fallait pas ?

— Non, non, absolument pas, je... je...

Elle se perdit dans ses mots. Je frottai ma poitrine, le cœur froissé, et pris sur moi pour ne pas paraître contrarié. La dernière fois que quelqu'un m'avait regardé avec tant d'épouvante, c'était Carmen, lorsque je lui avais crié dessus, à l'appartement. Je ne cessais de terrifier toutes les personnes qui m'entouraient – mais là, je ne comprenais pas. Je n'avais pas haussé le ton. Je n'avais rien dit de méchant. Au contraire. Je n'avais rien fait susceptible d'engendrer une telle réaction. Je l'avais juste...

... touchée.

— Tu as la phobie du contact ?

— Quoi ? Non ! Je ne... je ne... j'ai du mal quand... quand... quand quelqu'un...

— Quand quelqu'un te touche par surprise ?

— C'est ça, souffla-t-elle, soulagée que je comprenne ce qu'elle essayait vainement d'expliquer.

— Ce n'est pas grave, je t'assure. Je ferai attention. Désolé.

Comment pouvais-je la blâmer ? Moi-même, je ne supportais pas que l'on me touche le cou. Le souvenir des mains de maman enserrées sur ma gorge jusqu'à m'en faire perdre connaissance, un jour où elle avait bien trop bu, avait laissé des séquelles irréparables dans chaque veine et chaque nerf de mon corps. Chacun avait ses failles et chacun se devait de respecter celles des autres. C'était comme ça que ça marchait, la maturité.

— Ça va aller ? lui demandai-je en faisant un pas en arrière pour lui laisser plus d'espace personnel.

— Oui. C'est moi qui m'excuse. J'ai parfois des réactions... exagérées.

— On peut dire que tu es pleine de surprises, dis-je en tentant de la détendre.

Ce qui sembla fonctionner, car les coins de ses lèvres frémirent et finirent par se soulever. Je lui demandai si elle pouvait reprendre sa pose et, cette fois, je la prévins que j'allais remettre ses cheveux correctement. Elle se laissa faire, sans rien dire, mais observa quand même tous mes faits et gestes, sur ses gardes.

Qu'avais-je fait pour la paniquer à ce point ?

— C'est super. Ne bouge pas, tu es parfaite.

Elle ouvrit la bouche, mais se retint au dernier moment de répondre. Je ne soulevai pas. Apparemment, Saska était une femme qu'il ne fallait pas brusquer.

Je repris mon appareil photo et cadrai l'image. J'essayai sous plusieurs angles : debout, un peu plus à droite, à genoux, au sol, mais jamais je n'étais vraiment satisfait. Il n'y avait pas le truc qui faisait que la photo attirait l'attention. On ne sentait pas l'art émaner de cette scène.

— Mmm. Saska, j'ai une meilleure idée. On va aller en ville. Tu connais un café avec une jolie façade ?

— Euh, oui. Ce n'est pas correct, ce que je fais ?

— Si, si, ce n'est pas toi qui poses un problème. C'est le décor. Il faut qu'on essaye autre chose.

C'était particulier, cette manie à toujours tout prendre en faute. Comme si elle était persuadée qu'elle était responsable de toutes les erreurs du monde. Était-ce moi qui la stressais à ce point ?

— Vous allez quelque part ? piailla Zoée en s'arrêtant de tourner pour nous observer.

— On va en ville. Tu veux venir ?

— Non, c'est bon. Je suis bien, ici.

En effet, elle semblait bien. Elle leva les yeux et marcha doucement, inspirant à fond, et s'éloigna comme ça. Tout simplement. Cette nana était aussi folle qu'elle était géniale.

Une fois qu'elle fut au loin, elle agita le bras, et je vis du coin de l'œil Saska lui répondre, un sourire aux lèvres. Ça l'embellissait vraiment. Et quelque part, au fond de moi, je crois que je me promis inconsciemment de tout faire pour la voir joyeuse le plus possible.

Je m'approchai d'elle et lui indiquai d'un mouvement de tête les grilles du parc. Nous marchâmes dans un silence apaisant dont nous avions besoin l'un autant que l'autre. Je ne la connaissais que depuis une heure, mais je pouvais affirmer sans aucun doute que nous nous ressemblions, comme deux artistes tristes avaient la même vision du monde. Il y avait quelque chose de similaire entre nous, et aussi quelque chose de fondamentalement différent. Mais je ne savais pas quoi.

Saska me guida dans les rues de Paris dont les immeubles cachaient l'œil énorme du soleil. De temps en temps, elle me posait une question sur mes goûts, la photographie, mes tableaux, et j'y répondais avec enthousiasme. C'était toujours extrêmement libérateur d'entretenir une conversation sur nos passions : mais en plus, avec Saska, c'était gratifiant, parce que ça l'intéressait. Parfois, elle se mettait à rire, et je prenais soin de me taire pour profiter de ce précieux son. Et toujours, je faisais attention à ne pas lui couper la parole, à maintenir une certaine distance entre nous, à ne pas la toucher. Je crois qu'elle le remarqua et que ça lui fit plaisir.

Finalement, alors que j'avais complètement oublié pourquoi nous déambulions sur les trottoirs, suivant ses pas par automatisme, elle s'arrêta net. Il me fallut une seconde pour me rappeler ce que nous étions venus faire en ville.

— Voilà. C'est ici. Qu'est-ce que tu en penses ?

Elle désigna un café tout simple, peu fréquenté, avec quelques décorations lumineuses sur la devanture qui donnaient un côté vintage. Je sus immédiatement que c'était l'endroit parfait.

— Waouh ! Tu te sens bien, dans cette ambiance ?

— Plus ou moins. Je suis venue plusieurs fois ici avec ma meilleure amie, avant qu'elle ne déménage.

Clémentine, devinai-je. Je me retins de justesse de lui poser la question et préférai garder encore la surprise. Je me demandais quelle pourrait être sa réaction en découvrant que son voisin était son artiste de référence : allait-elle être gênée ou au contraire ravie ? Peut-être qu'elle ne supportait pas ma présence. Peut-être qu'il lui fallait simplement du temps pour apprendre à l'apprécier.

— Qu'est-ce que je dois faire ?

Je méditai sur sa question, sans pour autant y trouver de réponse. En fait, c'était à elle de choisir. Tout ce qu'elle aimait était forcément juste : il fallait maintenant qu'elle ose se libérer devant moi, un parfait inconnu, un homme potentiellement intimidant, même si je faisais tout pour que ça ne soit pas le cas. Mais Saska n'était pas une femme normale et, à ses yeux, je n'étais pas n'importe qui.

— Mmm ! Ton manteau serait plus joli si on le croisait, un peu comme un kimono. Tu permets ?

Je laissai mes mains en suspension devant sa taille. Elle acquiesça et, avec toute la douceur dont j'étais capable, je défis son habit et l'arrangeai comme je le souhaitais.

Elle tourna la tête de côté à mon contact. Sa respiration s'accéléra imperceptiblement et elle eut un faible mouvement de recul. Apparemment, quoi que je fasse, je lui inspirais une répulsion féroce.

— Ça y est. Ce n'est pas trop serré ? (Elle murmura que non.) Maintenant, fais ce que tu veux. Je te suivrai.

— Ce que je veux ?

— Tu peux même faire la toupie, si tu en as envie, répondis-je avec un clin d'œil.

Elle rigola et le fit pour s'amuser. Je m'empressai de dégainer mon appareil et de prendre une photo, mais le cliché était flou. Outre ce fait, l'énergie de l'image était très forte, comme avec Carmen : on sentait qu'il émanait quelque chose d'elle. Quelque chose de puissant. Quelque chose d'humain.

— Tu peux recommencer ?

— Quoi, à tourner ?

— Oui. C'était très bien.

Elle ferma les yeux et obtempéra. Cette fois, j'étais prêt, et je pus prendre plusieurs images sous plusieurs angles. Mon œil devint celui de la caméra et je ne fis qu'un avec ces moments d'immortalité. Photographier, c'était capturer l'instant, le rendre éternel, transférer le réel en un bout de papier. C'était, à l'aide de la vue, faire sentir les odeurs, la chaleur, les goûts, et tous les autres sens. Plonger le spectateur dans un moment qui n'existait plus. Lui faire revivre ce qu'il n'avait pas vécu.

La photo, c'était comme un moyen de voyager dans le temps. Ou du moins, c'était ainsi que je l'interprétais.

Je sortis de ma bulle lorsque Saska se mit à rire, mains sur les genoux. J'abaissai l'appareil et la contemplai se tordre en deux, en proie à une hilarité nerveuse, sans pouvoir s'arrêter.

— Saska ? l'appelai-je en riant moi-même sans trop savoir pourquoi.

— D... désolé, mais je me sens tellement r... ridicule... à tourner sur moi-même.

Elle n'arrivait même plus à aligner plus de deux mots à la suite. Je ne pus m'empêcher de la rejoindre et, ensemble, nous rîmes jusqu'à en avoir mal au ventre, faisant tourner quelques têtes curieuses. Il n'y avait même pas de raison : elle expulsait juste toute la pression qu'elle subissait depuis une heure, toute la tension accumulée. Je pris conscience qu'elle ne faisait pas que rire lorsque quelque chose de brillant traça son chemin sur sa joue.

— Eh, qu'est-ce qu'il se passe ? lui demandai-je en m'avançant bras autour du ventre pour calmer mon allégresse.

— J... je n'en sais absolument rien... Oh, pardon, William, je ne fais que tout gâcher !

Et ce fut comme ça qu'elle se mit à pleurer.

J'avais le réflexe de prendre les gens dans mes bras lorsqu'ils allaient mal, mais, avec Saska, je sentais que c'était différent. Qu'elle était différente. Ça me déstabilisait tellement que je ne sus pas quoi faire : j'étais doué pour écrire, moi, pas pour parler ! Comment devais-je faire pour l'apaiser uniquement avec mes mots ? Était-ce seulement ce dont elle avait besoin ? Ou ce dont elle avait envie ? Bordel, que devais-je faire ?

— Je... je crois que j'ai des mouchoirs, dis-je en tâtant mes poches.

Bingo. Je trouvai un paquet et le lui tendis. Elle s'en empara avec un « merci » étranglé, puis se moucha de toutes ses forces. Pendant une fraction de seconde, j'eus l'envie de la prendre contre moi, de la serrer jusqu'à ce que ses pleurs se tarissent, de la protéger de ce qui semblait tant l'effrayer, quoi que ce fût. Et je compris que, ce qui l'effrayait, c'était justement la perspective que je l'enlace.

— Thé ou café ? questionnai-je sans réfléchir.

— Hein ?

— Tu préfères le thé ou le café ?

— L... le thé.

— Suis-moi. Viens, Saska, ne te fais pas de souci. On a terminé avec les photos. C'est fini.

Je tendis ma main vers elle, l'invitant à la prendre. Elle l'examina durant deux longues secondes, puis fit un pas. Elle n'allait pas la prendre. Elle n'allait pas me toucher. C'était sa façon de se protéger : aucune proximité, aucun contact. Un mur froid et impénétrable.

J'allais abaisser le bras quand quelque chose de chaud effleura ma paume. Ses doigts étaient aussi fins que des brindilles, mais, lorsqu'ils rencontrèrent les miens, je sus que Saska n'était pas seulement une femme abîmée : c'était une femme en train de guérir.

— Je te suis.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top