L'éclat du soleil sur ta peau

Les yeux papillonnants, la conscience prenant le dessus, les membres essayant de se déplier, la vessie sur le point d'exploser, dans un cercueil, un vampire se réveilla. Le vampire en question, faible, si faible, se cogna contre le rebord de son cercueil en essayant de se lever sans réveiller son familier. Sa première mort de la journée. Ou plutôt, de la nuit. Draluc grogna alors qu'il tentait de reconstituer son corps. Il avait l'habitude, il s'en fichait. Il ne voulait juste pas gêner John alors qu'il était encore en train de dormir. Le tatou avait eu envie de dormir avec son maître plutôt que dans son panier et Draluc ne pouvait pas en être plus ravi.



Prenant son téléphone pour vérifier l'heure, il se rendit compte qu'il était bien trop tôt, le soleil ne s'était même pas encore couché. Il soupira, décidant de se lever tout de même, ayant vraiment besoin de passer aux toilettes. Prenant garde à ne tomber sur aucun rayon destructeur alors qu'il sortait de son lit, Draluc se rendit compte que les rideaux du salon étaient encore fermés. Le gorille aurait pourtant très bien pu les ouvrir puisqu'ils ne passaient pas à travers son cercueil.



Après être passé aux toilettes, Draluc fut intrigué de savoir où était Ronald et ce qu'il pouvait bien faire. Il n'entendait pas de bruit dans la pièce d'à côté, ce qui voulait dire que son colocataire n'était pas en train d'écrire. Sans en prendre grande mesure, il ouvrit la porte du bureau en grand. Il sentit immédiatement ses yeux brûler. Les rideaux étaient ouverts, la fenêtre était ouverte et le soleil brillait de mille feux dans la pièce.



Son petit cri attira l'attention de son colocataire qui, d'un rapide mouvement, appuya sur sa tête pour le faire plonger vers le sol et l'épargner de la lumière agressive. Draluc ne réfléchit pas au mouvement alors que la seule chose qui lui traversa l'esprit fut la taille de la main qui s'était posée sur sa tête, aplatissant légèrement ses cheveux pas encore définis.



« Tu devrais pas être là. Va de l'autre côté. » Pas un reproche, un conseil.


« Je resterais ici si j'en ai envie. » Une confrontation, comme d'habitude.



Draluc marcha à quatre pattes sur le sol afin d'éviter le gros du soleil et s'assit de l'autre côté, ouvrant l'un des tiroirs du bureau pour en sortir sa QSQ. Ne se souciant pas de ce que son colocataire vampirique pouvait faire, l'humain reprit sa précédente contemplation de l'extérieur, les bras appuyés sur le rebord de la fenêtre. Draluc aurait voulu se concentrer sur son jeu, il aurait adoré. Mais le spectacle qui s'offrait à lui était bien plus intéressant et il ne pouvait plus faire semblant de regarder son écran.



*-*-*-*-*-*



Mes yeux doivent s'habituer à la lumière. Je n'ai l'habitude que de celle, artificielle, devant laquelle je suis des heures et des heures pour jouer. Mes yeux me piquent mais ils restent obstinément sur toi.



Ce n'est pas la première chose que je remarque mais je finis par voir que tu es en survêtement. Le vêtement de la maison. Celui qui peluche après que je l'ai lavé tellement de fois. Celui qui est usé aux coudes que tu appuies sur le rebord de la fenêtre mais aussi sur le bureau pour écrire. Ce survêtement aux couleurs délavés, au rouge qui s'épuise et qui commence à tirer sur le rose pour ton plus grand malheur. Celui dont le blanc devient peu à peu gris à force de le mettre et de lui en faire voir de toutes les couleurs.



Tu es pieds nus, tes claquettes ne sont nulles part. C'est étrange parce que tu détestes ne pas avoir tes claquettes ou quelque chose dans tes pieds. Tes orteils bougent, se recroquevillent, ne restent pas en place, se croisent. Le vernis rouge sang, le mien, que je t'ai mis il y a déjà plusieurs semaines pour rigoler commence à s'écailler, révélant des ongles un peu longs qu'il va falloir couper.



La première chose que j'ai remarqué, avant même ton survêtement ou tes pieds, c'est ton expression. Tu as l'air en paix. Tu es en paix. Tu n'as pas de cernes sous les yeux. Ou du moins elles ne sont pas aussi approfondies que d'habitude. Tu n'as pas l'air d'avoir passé ta journée à écrire, sans même te reposer un instant. Tu es paisible et je me demande soudainement à quoi ressemble le paysage que tu regardes et s'il est aussi beau que ton expression le laisse penser pour que tu te perdes dans sa contemplation.



Tes yeux restent obstinément fixés devant toi. D'un bleu si clair, avec quelques reflets plus foncés. La couleur de l'océan lorsque le soleil se reflète dessus. Père m'a déjà raconté à quoi ressemble l'océan le jour lorsqu'il était encore un dhampir et que grand-père ne l'avait pas encore transformé. Je me souviens de sa description alors que j'ai l'impression de voir des vagues dans tes yeux. Le bleu de l'iris, avec ses différentes teintes de bleu qui se regroupent en une masse qui s'éclate contre le rocher que forme ta pupille.



Tes traits ne sont pas aussi anguleux que ce que tu aimerais. Même si tu te tues au sport et à la musculation, la forme de ton visage reste juvénile. Tes pommettes sont hautes lorsque tu souris de ton sourire excité d'enfant. Mais à cet instant, tu es si paisible que ces pommettes ne sont visibles que dans mon esprit. Tu t'efforces de paraître adulte lorsque tu es dehors mais devant cette fenêtre, la rondeur de tes joues ou la hauteur de ton front caché derrière ta frange n'ont aucune importance.



Ta peau n'est pas aussi parfaite que ce que tu aimerais. Ton rythme de vie et de travail ne te permet pas d'avoir une douce peau lisse. Elle est irrégulière et parsemée de tâches ou de boutons qui traînent, comme si ton acné d'adolescent ne t'avait pas encore tout à fait quitté. Tu aimerais faire quelque chose à ce sujet et les filles t'ont conseillé des marques de crème. Tu en as encore quelques traces sur le bout du nez et juste en dessous de la bouche, n'ayant pas fait pénétrer correctement la crème dans ta peau.



Un rayon de lumière éclaire violemment ton visage et je dois me rappeler de respirer, que même étant un vampire, j'ai besoin de respirer. J'aurais pu détendre l'atmosphère en disant une réplique ringarde que tu m'aies volé mon souffle mais cela attirerait ton attention et gâcherait l'instant présent en effaçant les traits que tu as maintenant. Je me sens isolé dans ma bulle, comme un voyeur qui regarde le jardin d'en face et ses habitants. Comme un visiteur qui s'arrête des heures devant une peinture ou une sculpture et ne peut les quitter des yeux.



Ton visage et ses traits sereins, avec ses imperfections et sa beauté cachée pas si cachée est la plus belle sculpture qui n'ait jamais existé, rendant fou de rage les artistes qui n'ont pas eu l'occasion de le voir. La lumière qui m'éblouit et se reflète sur toi, faisant briller et projetant une lumière sur le mur l'éclat de ta boucle d'oreille, est la plus belle peinture qui n'ait jamais existé. Rendant fou de jalousie les artistes qui ne peuvent assister au spectacle intime et divin.



A mon arrivée dans cet appartement, lorsque j'ai vu plus de fois que la normale cette boucle d'oreille, sur ton oreille, sur la table de chevet lorsque tu décides d'aller te coucher, sur la table lorsque tu la nettoies, je me suis demandé si c'était la bonne oreille. Je ne te l'ai pas dis en face « est-ce que c'est l'oreille gay ? ». Recherche faite, ce n'est pas la bonne oreille. Et je me suis demandé s'il y avait vraiment besoin que tu montres par ta boucle que tu es gay ou non.



Parce qu'au fond de moi, lorsque je regarde le soleil frapper de plein fouet cette boucle et faire rebondir son éclat sur le mur plus sombre à côté, m'hypnotisant pendant un court instant alors que je regarde la lumière sur le mur bouger pendant que tu penches ou relève la tête. Au fond de moi, j'aimerais que personne ne sache si c'est vrai ou pas ou ne se pose de questions.



Je ne veux pas voir les autres te courir après, hommes ou femmes. Je ne veux pas que les autres se rendent compte à quel point tu es beau. Spécialement lorsque tu es accoudé à cette fenêtre, prenant un bain de soleil apprivoisé qui illumine ta peau, faisant disparaître petit à petit la crème qui restait. Je veux être, et pour l'instant je suis, le seul à pouvoir t'admirer dans cet état de vulnérabilité et de confiance inconsciente.



Une légère brise passe et soulève de peu ta frange. Un petit peu pour faire rebondir tes cheveux mais pas assez pour te décoiffer complètement. Non pas que tu sois particulièrement coiffé. Tu ne t'es jamais soucié de ta coiffure et ça se voit. Cette structure sans effort qui rend jaloux un bon nombre de personnes, moi le premier. Tu passes seulement un coup de peigne pour démêler, secoue la tête et te voilà parti pour la journée. Tu ne passes pas une heure dans la salle de bain pour les structurer.



Tu les aplatis sous ton chapeau mais lorsque tu l'enlèves la fin de la nuit venue, ils reprennent joyeusement leur forme, sans aucune conséquence. Une masse blanche argentée qui s'éclaire comme si elle était parsemée de milliers de paillettes en ce moment. Je t'ai déjà aidé à te sécher les cheveux à la sortie du bain alors je le sais, ils sont doux. Plus doux que ce que je n'ai jamais touché dans ma vie. Mes doigts sont passés entre les mèches et j'ai eu l'impression que s'il y avait une similarité à toucher un nuage alors ce serait tes cheveux.



Mes doigts tremblent et se resserrent sur ma console, freinant mon envie soudaine d'à nouveau passer mes doigts dans tes cheveux. De sentir la douceur de ta crinière coupée négligemment lorsque tu les sens un peu trop longs sur ta nuque ou qu'ils te gênent devant les yeux. Les reflets argentés dansent devant mes yeux et je me mets à halluciner que tes cheveux seuls pourraient participer à un baller international, le vent les secouant majestueusement.



Pour repousser une mèche qui s'égare devant tes yeux, tu lèves la main et balaye en arrière ta toison indisciplinée. Mon regard passe alors de tes cheveux à tes mains, avec le désir aussi puissant que celui de planter mes mains dans tes cheveux que celui de les planter dans tes propres mains et de ne jamais les lâcher, t'entraînant à l'autre bout du monde pour te faire découvrir toutes les merveilles qu'il recèle.



Tu es un chasseur, tu es un manuel, tu as des cales et des irrégularités à force d'utiliser ton revolver. Tu as des petites coupures que tu n'as pas soigné, jugeant que ce n'était pas nécessaire. Tu as le bout des doigts usés à force de frapper les touches de ton clavier d'ordinateur. Tu as les lignes des paumes interrompues. Tu as les veines qui ressortent sur le dos de la main. Tu as des vieilles marques de morsure qui datent du début de ta carrière.



Tu as les ongles rongés, certains plus courts que d'autres, l'un des signes les plus visibles de ton anxiété. Tu as encore des morceaux de vernis rouge sang qui s'accrochent près de tes cuticules, râlant que ça devrait partir puisque le reste n'avait pas tenu. Tu as le toucher le plus doux qui existe quand tu caresses John. Et tu as cette absence à l'annuaire gauche que j'aimerais combler.



Je suis le seul à le voir à cet instant mais tu es le reflet de la générosité, de la gentillesse, de l'affection, de la fierté, de l'assurance. Tu es tellement pleins de défauts, ceux que je te hurle au visage chaque jour, ceux que tout le monde te reprochent constamment. Mais le soleil qui t'embrase et t'embrasse et qui fait briller tes yeux, ta peau, tes cheveux me laisse seul témoin de tout ce qu'il y a de meilleur en toi.



Je n'avais jamais réfléchi avant à la façon dont les gens pouvaient ressembler quand les autres les observent. Je n'avais jamais réfléchi à la poésie d'un instant, d'un regard, d'un paysage, d'une relation. Je n'avais jamais réfléchi aux petites images qui marquent un esprit pour toujours, restant gravées au fin fond et accompagnant une existence pour l'éternité. Mais aujourd'hui, c'est une certitude qui me frappe de plein fouet. Si je ne dois garder qu'une seule image de l'amour, ce sera la tienne.







-------------------------------------------------

Et voilà ma participation à mon propre challenge "Par tes yeux".


J'avais tellement envie de passer plusieurs pages à décrire physiquement un personnage par le biais d'un autre et je me suis dis que je pouvais donc le proposer à d'autre, puisque le concept est sympa.


Au début, je ne savais pas vraiment sur qui je voulais le faire. Je savais simplement que je voulais que ce soit romantique et un amour à sens unique, un amour caché au fond de l'esprit qui se traduit par cette description.

J'ai fini par statuer sur ronadora parce que vous savez à quel point je les adore, ils m'obsèdent. Et je me suis rendue compte que dans mes précédents ronadora, j'explorais soit leurs deux sentiments en même temps, soit ceux de Ronald seul. Je me devais donc de faire une histoire du point de vue de Draluc seul.

La fic a en partie été inspirée par l'image en média d'ailleurs, je pense que ça se sent. Et voilà la deuxième partie qui passait pas en haut.


A la base, l'histoire devait être découpée en trois parties, la première le contexte à l'imparfait, la deuxième la description au présent et la troisième je savais pas trop mais au futur. Sauf que j'aime tellement les deux dernières phrases et que ça faisait une fin parfaite que je pouvais pas me résoudre à faire une autre partie derrière.


Playlist écriture : - "Abstract" Hozier


Sinon, comme d'habitude, en espérant que vous avez aimé ^^




Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top