L'éclat au loin
Il était une fois une femme et un homme très amoureux. Ils avaient eu leur propre conte de fée, qui s'était une fois encore bien terminé : ils s'étaient mariés et avaient beaucoup d'enfants.
C'est ainsi qu'une fois de plus, la femme attendait un énième enfant. Une grossesse de trop, pouvait-on dire, car la grossesse s'avérait compliquée. Depuis des mois, elle n'en pouvait plus, se demandant ce qui avait pu lui passer par la tête pour qu'elle attende de nouveau un enfant. Sûrement le manque de moyen de contraception. Cependant, le mari avait trouvé un moyen pour soulager sa bien-aimée. Etrangement, ils avaient cette découverte alors qu'il revenait de son jardin. Une campanule raiponce s'était faufilée parmi son potager et, bien que la plante fût comestible, il avait décidé de l'arracher. Il l'avait cependant donné à sa femme puisqu'après tout cela se mangeait et quelques minutes plus tard, un effet miracle s'était produit. Elle se sentait bien. Mieux qu'elle ne l'avait jamais été.
L'homme comprit qu'il devait pour la rendre heureuse en retrouver et même s'il s'en voulait d'avoir arraché ce qui aurait pu du coup être une source providentielle, il savait que sans cela, jamais il n'aurait su. Et désormais il allait en retrouver ! Mais il eut beau parcourir des chemins entiers, aller dans les villages voisins, jamais il n'en rencontra. Il savait pourtant que cette plante devait venir d'un endroit et il se décida après moultes hésitations à regarder le jardin de sa voisine.
Ce qu'il y vit l'émerveilla. Son portager était bleu-violet. Partout, l'on retrouvait cette fleur à cinq pétales, ouverte ou en forme de cloche. Des campanules raiponces, partout !
Il se décida rapidement à en voler puisqu'il n'aimait pas du tout cette voisine et cela contente sa dame. Ainsi, sa grande rivale au village était perdante et elle avait ses campanules raiponces !
Cependant, la voisine, remarquant les faits, ne fut pas aussi heureuse et très mécontente, lui interdit l'accès. Elle surveillait désormais son jardin, et le mari n'y avait plus accès. La femme quant à elle, en demandait toujours plus et l'homme dû se résoudre à en quémander à sa voisine.
La voisine refusa au départ, avant d'accepter sous certaines conditions. La première était d'obtenir leur maison et de les voir partir au loin, il refusa, la seconde de lui donner tout l'or qu'ils possédaient, il refusa. Il devait penser à sa famille et à ses enfants. Il devait les nourrir après tout et leur promettre un bel avenir. La dernière de lui donner l'enfant à naître. Il accepta, ce n'était qu'un embryon après tout. Et ainsi sa femme serait vivante et contente. Que demander de plus ?
Lorsque vint le moment de l'accouchement, cela se passa sans heurt grâce à la campanule raiponce et une fois l'enfant dans ses bras, l'homme se sentit soudainement de nouveau père. C'était sa fille, sa dernière-née. Mais la voisine apparût et prit l'enfant avec elle.
« Il m'appartient désormais. »
L'homme ne put qu'acquiescer sous le regard de sa femme qui ne comprenait rien. Il ne lui avait rien dit. Comment expliquer que le prix des campanules raiponces était leur propre enfant ?
La voisine avait profité de cette occasion pour déménager et retourner dans sa chère forêt. Elle y possédait une tourelle perdue au milieu d'on ne sait où, et qui semblait épargnée de la forêt aux alentours. Aucune végétation autre que l'herbe ne poussait autour. Ce n'était que quelques mètres plus loin que la forêt reprenait ses droits.
C'est dans cet environnement que grandit l'enfant que la vieille femme avait décidé de nommer Campanule, en l'honneur de la campanule raiponce qui lui avait permis d'avoir cette jeune fille.
Quand Campanule eut 12 ans, elle exprima son désir de se couper les cheveux. Mais la vieille femme, qui avait peur de perdre ce qu'elle avait obtenu, refusa. Depuis toujours, elle s'arrangeait pour que Campanule ne coupe pas ses cheveux, ou très peu juste pour qu'ils puissent grandir plus vite.
A cause de ce désir, Campanule fut enfermée dans la haute pièce de la tourelle. Pour seule compagnie, elle avait les rares visites de sa mère adoptive et des produits pour s'occuper d'elle-même et de ses cheveux. Des plantes venues de partout rivalisaient les unes avec les autres pour lui permettre d'être en bonne santé.
Avec le temps, ses cheveux grandissaient de plus en plus. Campanule passait son temps à les soigner, mais elle n'avait qu'une envie : les couper. Ils la gênaient tellement qu'elle pouvait à peine bouger. Elle essayait cependant.
Un jour, sa mère vint la voir et, voyant la longueur de ses cheveux lui expliqua que désormais la porte ne fonctionnerait plus et que, si elle voulait voir du monde et manger, il faudrait que, dès qu'elle entendrait une formule magique, elle lance ses longs cheveux par la fenêtre. La première chose à laquelle pensa Campanule fût la douleur que cela allait sûrement engager et sa mère la rassura en lui expliquant qu'avec un système de poulies, cela ne ferait pas si mal que ça.
La jeune fille fut dubitative mais elle n'avait pas le choix alors elle s'habitua et prit encore plus soin de ses cheveux. Car sinon, il lui était impossible de manger ou de voir la moindre personne, et c'était ce qui importait. Et puis sa mère lui avait expliqué que c'était pour son bien et elle devait sûrement avoir raison. Au moins, sa mère avait retenu une de ses requêtes : dorénavant, elle savait quand elle venait et avait un peu d'intimité ! Sa mère n'allait plus rentrer sans toquer à la porte.
Un beau jour, le prince, énervé contre ses parents, faisait une balade à travers les bois. Il alla plus loin que d'habitude et vit de loin un éclat doré. C'était à travers les arbres et les buissons et il dût se résoudre à ce qu'il ne s'agisse pas d'un trésor, mais il décida d'aller voir de quoi il s'agit.
C'est alors qu'il vit une scène surréaliste. Une jeune femme faisant monter une vieille à l'aide ce qui semblait être ses cheveux. D'abord surpris par la longueur des cheveux, il finit par regarder le visage d'une blancheur éclatante de la jeune fille. Il trouva ça étrange et décida de revenir le lendemain en rebroussant chemin.
C'est ainsi que le prince de la contrée finit par connaître la formule magique et, un beau jour, prenant son courage à deux mains, il prononça les mots sous la tourelle.
« Campanule, Campanule,
Lance tes longs cheveux »
Et sans même remarquer que ce n'était pas la voix habituelle, elle le fit. En voyant le prince apparaître, Campanule fut terrifiée : de qui pouvait-il bien s'agir ? Voir une personne qui lui était totalement inconnue dans sa pièce, alors que depuis des années elle ne voyait que sa mère, était effrayant.
Mais en même temps, elle était heureuse. Enfin elle voyait quelqu'un d'autre. Enfin, elle faisait autre chose que prendre soin de ses longs cheveux. Il se montrait intéressant, savait énormément de choses et rapidement elle fût en admiration devant lui et lui fit promettre de revenir la voir.
Le prince, se sentant important auprès de Campanule, n'eut pas de mal à accepter sa requête et par ce simple moyen, ils se virent et se revirent.
Ainsi, Campanule devint l'élève du prince. Lui, si fatigué de ses propres leçons au Palais, de la situation de la contrée et de toutes les choses qu'il devait et ne pas faire, pouvait enfin se reposer et se sentir en même temps important. Car dans la solitude, Campanule avait toujours été, et à personne, elle ne pouvait le comparer. Elle prenait simplement ce qu'elle pouvait prendre et acceptait tout avec plaisir, comme les seules choses pouvant la sortir de son quotidien de soins et d'ennuis. Ils devinrent tellement proches, que le nom de Campanule fût jugé trop long et raccourci en un Nule affectif. Ensemble, ils pouvaient parler. Le prince était certain que ses paroles ne seraient pas répétées et qu'elle était donc la confidente parfaite. En sa Nule, il avait enfin une personne qui l'écoutait et qui ne répéterait pas tout à son père, quelqu'un qui le voyait à sa juste valeur. Et cela le réjouissait. Au final, ils grandissaient ensemble.
Peu à peu, Campanule finit par vivre par le prince et commença à rêver au voyage, à tout ce qu'il y avait dans ce monde. Elle élargissait ses horizons. Elle changeait, devenait quelqu'un d'autre... Elle voulait partir, aller là où ses pas la porterait, être libre.
Et si au départ, le prince faisait très attention en venant voir Campanule, avec le temps la vigilance s'estompât peu à peu. Un jour, la mère adoptive de Campanule, revenant chez elle, remarqua d'étranges traces autour de sa tourelle. La terre, humide, avait laissé apparaître les traces du cheval du prince, et elle n'en possédait pas.
Elle comprit tout de suite qu'un intru avait osé franchir le seuil de sa demeure, et pire encore aller voir sa fille.
De Campanule, qui ne savait pas lui mentir, elle obtient toutes les informations, et le jour suivant, elle tendit un piège au prince. Il ne vint pas, ayant des devoirs ailleurs. Le piège se refermât cependant sur lui quatre jours plus tard, alors que la vieille femme en avait assez d'attendre et était donc encore plus énervée.
C'est là qu'éclatât la plus grande dispute entre la mère et la fille qui voulait protéger son ami. On dit que cette dispute s'entendit dans les confins du pays, et que même le Roi l'entendit. Ce fut d'abord entre le prince et la mère, l'un voulant continuer à voir son amie, l'autre refusant absolument que quiconque s'en approche. Au cours de cette dispute, des secrets se révélèrent. Campanule apprit les circonstances de sa naissance, ne parvient pas à comprendre sa mère et décidé qu'il était temps de devenir elle-même. Pour montrer son esprit de rébellion, pour montrer qu'elle ne voulait plus obéir à sa mère, Campanule décida de faire le geste le plus symbolique de sa vie. C'en était fini ! Sous les cris de sa mère et du prince, elle prit une paire de ciseau et coupa ses cheveux. Sans se douter, que désormais, il n'y avait plus aucun moyen de redescendre de cette tourelle, et que, sauf en essayant de réattacher les cheveux coupés et ceux encore présents sur sa tête, ils allaient tous les trois finir dans cette tourelle s'ils ne trouvaient pas une solution...
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