L'écho d'un enfant oublié
Depuis combien de temps avait-il cessé d'être heureux ? Depuis combien de temps ne parvenait-il plus à réellement se détendre, même lorsqu'il était en présence de personnes qu'il appréciait ? Depuis combien de temps arborait-il ce faux sourire, ce sourire mensonger, au lieu d'un vrai sourire, sincère et éclatant de joie ? Ajax n'en savait rien. Ou, plutôt, il refusait, en son for intérieur, d'admettre qu'il le savait. Il savait que cela avait commencé lorsqu'il était par inadvertance entré en contact avec l'Abîme. Il savait que cela avait commencé lorsque les sombres et sanglantes couleurs de ce monde inhospitalier l'avaient affecté et avaient effacé la lueur de vie des yeux de l'enfant qu'il était. Il le savait, mais il refusait de l'admettre. Tout comme il refusait d'admettre que, si l'Abîme avait été le déclencheur du déclin de l'enfant qu'il était, c'était son entrée chez les Fatuis qui avait continué le travail, l'entraînant peu à peu dans une spirale de mort et de violence. Il ne pouvait en sortir, il en souffrait chaque jour un peu plus, il sentait les nombreuses blessures que cette spirale lui laissait. Il y avait, bien sûr, les blessures qui laissaient des cicatrices sur son corps. Il se remettait facilement de celles-là, car elles s'effaçaient toujours. On ne pouvait en dire autant des blessures mentales que cette spirale infligeait à Ajax.
Là où son corps guérissait, son âme s'écrasait sous le poids du sang qu'il avait fait couler. Là où son corps guérissait, son esprit se fissurait à cause des remords, de la culpabilité et des regrets qui l'assaillaient jour après jour, sans répit. Là où son corps guérissait, son cœur sombrait toujours un peu plus dans un abîme obscur et sans fin. Il le savait, il savait que, bientôt, il serait trop tard pour lui, il savait que personne ne pouvait plus rien pour lui. Il le savait, mais il le niait. Le niait-il par orgueil ? Il n'avait nullement la prétention de penser n'avoir besoin de personne pour se sortir de cette spirale. Il avait compris, depuis longtemps, que jamais il ne pourrait en sortir seul. Le niait-il par égoïsme ? Sans doute. Il croyait, égoïstement, que son problème ne concernait que lui, qu'il ne servait à rien d'impliquer quelqu'un dans son déclin inévitable. En cela, Ajax était contradictoire. Il savait qu'il avait besoin d'aide, mais il ne voulait impliquer personne. Le niait-il par crainte ? C'était ce qui le motivait le plus à faire comme si son problème n'existait pas, jour après jour. Admettre qu'il allait mal, c'était, pour lui, admettre ses défauts et ses échecs. C'était montrer, aux yeux de tous ceux qui le connaissaient, qu'il n'était pas aussi fort qu'il le leur faisait croire. C'était leur révéler qu'il souffrait, qu'il ne pouvait s'en sortir seul, qu'il avait besoin d'aide. Or, admettre qu'il avait besoin d'aide était, pour Ajax, un aveu de faiblesse. C'était risquer de se retrouver dépendant de la personne qui essaierait de l'aider. Il ne voulait être dépendant de personne, aussi niait-il ses problèmes, ses craintes et sa vérité.
Pourtant, il y avait une personne à laquelle il songeait parfois à se confier. Il hésitait toujours, persuadé qu'il se ferait rejeter dès qu'il aurait parlé de ce qu'il avait sur le cœur. Alors, indécis, il continuait de mentir, à faire comme si tout allait bien, tandis qu'il sombrait un peu plus dans le désespoir. Seulement, à passer tant de temps à vouloir paraître fort pour cacher ses faiblesses, Ajax finit par atteindre sa limite. Cela se produisit après une énième mission au cours de laquelle il avait ôté la vie de quelqu'un. La nuit même, il fit un long et douloureux cauchemar où il tuait, encore et encore et encore, sans pouvoir s'en empêcher. Il n'était plus lui-même, il n'avait plus le contrôle de rien. Au début, il ne tuait que des ombres sans visage, mais, peu à peu, elles prirent des apparences familières. Une silhouette aux cheveux blonds et aux yeux dorés. Une autre, aux cheveux bleus et aux yeux jaunes en amande. D'autres encore, qu'il connaissait plus ou moins bien. Puis... Il le vit.
Ses longs cheveux châtains attachés en une queue de cheval au niveau de sa nuque et se terminant par un dégradé orangé. Ses yeux, brillants comme le soleil, qui débordaient de tendresse à son égard. Son visage radieux pendant qu'il regardait le roux s'approcher de lui. Son sourire qui se figea sur ses lèvres lorsque le Fatui le transperça de sa lame. Son regard qui se troubla à cause de la douleur, puis la lueur de vie de ses yeux qui s'effaça, remplacée par un vide, un néant de mort. Ajax se réveilla en sursaut, reconnaissant à grand peine sa chambre. Son cœur se serra, son estomac se tordit, il fut pris d'un haut-le-cœur. Il tremblait. Il pleurait. Il avait peur. Il avait envie de vomir. Mal en point comme il l'était, il ne remarqua pas immédiatement que la personne qui se trouvait près de lui s'était également réveillée et le fixait avec inquiétude. Il ne s'en rendit compte que lorsque celle-ci s'adressa à lui d'une voix sincèrement douce et inquiète.
« Qu'est-ce que tu as ? »
Le roux resta silencieux, recroquevillé, ne souhaitant que pouvoir se soustraire aux yeux de cet homme qui s'inquiétait pour lui.
« Ajax... Réponds-moi. S'il te plaît... »
Cette souffrance que le Fatui entendit dans sa voix lui fit mal. Il détestait savoir son ami, son conjoint, son amour dans cet état. Il ne supportait pas de savoir que c'était de sa faute. Il sembla se tasser un peu plus, comme si il cherchait à disparaître entièrement. Puis, d'une voix rendue frêle par la peur, il s'adressa au châtain près de lui.
« N... Ne me regarde pas... »
Pourquoi ces mots ? Car il se sentait honteux. Il se sentait maudit, souillé et impur, à cause de tout le sang qu'il avait fait couler de ses mains. Il entendit un mouvement près de lui, sentit les mains de son âme sœur effleurer ses joues délicatement et lui faire doucement relever la tête.
« Pourquoi devrais-je cesser de te regarder, Ajax ? Tu es magnifique. La plus belle personne que j'ai eu l'occasion de rencontrer.
- Je ne suis pas...
- Tu l'es. » le coupa-t-il avant qu'il ne puisse finir de nier. « Tu l'ignores simplement. J'aimerais tant que tu puisses te voir comme je te vois.
- Ce que tu vois en moi n'existe pas... Je ne suis pas aussi... magnifique que tu le penses... » murmura-t-il, toujours de sa voix dont on sentait qu'elle était sur le point de se briser.
Ajax lui-même se sentait comme un vase tombé d'une table et dont les fragments, éparpillés sur le sol, étaient piétinés, brisés, bafoués par la vie et les souffrances qui la composaient. Zhongli, le conjoint du roux, l'attira contre lui dans une douce, chaleureuse et rassurante étreinte comme lui seul savait les faire.
« Ne te sous-estimes pas ainsi. Sais-tu ce que je vois, lorsque je te regarde ? Je vois une belle personne. Je vois un jeune homme fort, puissant et magnifique. Je vois un jeune homme qui est persuadé qu'il n'est rien de tout cela, à cause de ce qu'il a vécu dans sa vie. Je vois un jeune homme qui ignore quels sont ses qualités et ses talents, car ils sont cachés derrière sa douleur. Et, derrière ce jeune homme, je vois un enfant effrayé par les difficultés de la vie. Il est normal d'avoir peur, Ajax. Cela ne te rend pas moins fort. Avoir peur... Ne pas toujours être capable de tout porter tout seul... Il n'y a rien de plus normal. Tu n'as pas à avoir honte de cela. Tu n'as pas à avoir honte de ce que tu ressens, que ce soit heureux ou triste. Tu es très bien tel que tu es. Ne l'oublie jamais. Tu es aussi beau que fort, mais être fort ne signifie pas être invulnérable. Être fort, c'est savoir s'écouter, savoir écouter ses limites et savoir quand prendre une pause pour se ressourcer. Le comprends-tu, Ajax ? »
Le Fatui ne sut que répondre, déstabilisé par cette tirade de son conjoint. Ses paroles le troublaient de par leur complexité, mais également de par l'écho qu'elles faisaient résonner en lui. Il se reconnaissait dans ces mots qu'il avait tant besoin d'entendre et qu'il aurait dû entendre bien avant ce jour-là.
« Je n'ai pas besoin d'une réponse immédiate. » lui dit le Liyuéen, qui avait senti sa confusion. « Prends simplement le temps d'y réfléchir.
- D'accord... » acquiesça-t-il, avant de bailler.
Son cauchemar, suivi par toute cette agitation, l'avait épuisé, sans compter que c'était encore le milieu de la nuit. Le châtain eut un sourire et se rallongea, entraînant Ajax avec lui et l'installant au creux de ses bras.
« Repose-toi. Je vais rester à tes côtés. Tout ira bien.
- Merci...
- De rien. Bonne nuit, Ajax. »
Le roux ne lui fournit aucune réponse, ayant déjà sombré dans les méandres d'un paisible sommeil sans rêves. Au matin, il se sentait bien mieux, mais quelque chose lui pesait encore. Il regarda son conjoint près de lui, puis se fit une réflexion. "Je veux son bonheur, même si il ne durera que le temps de mon existence à ses côtés. Je veux qu'il soit heureux et qu'il n'ait plus à s'inquiéter pour moi. Il n'y a qu'un seul moyen d'y parvenir..." Il se leva lentement et sans bruit, veillant à ne pas réveiller le Liyuéen, puis, sûr de son choix, il se prépara, tant physiquement que mentalement. Il avait pris sa décision et devait aller jusqu'au bout, qu'importe les difficultés et les obstacles sur son chemin. Sans se laisser le temps ou le droit d'hésiter, il sortit de la maison qu'il partageait avec Zhongli, partant vers le lieu où tout allait se jouer.
†
En se réveillant à son tour, Zhongli perçut une absence. Près de lui, là où Ajax était supposé se trouver, endormi et paisible, il n'y avait plus qu'un vide, froid et désagréable. Il fit le tour de la maison, certain qu'il serait dans l'une des pièces, mais il dût rapidement se rendre à l'évidence : il était seul dans le bâtiment. C'était déjà arrivé, il en avait l'habitude, mais, ce jour-là, cette situation d'ordinaire commune lui laissait un goût amer dans la bouche. Il n'aimait pas cet instinct qui lui criait que quelque chose n'allait pas. C'était comme une douleur sourde, dans son cœur et son esprit, qui l'exhortait à retrouver son conjoint. Il se vêtit plus convenablement, se rendit dans la rue et regarda autour de lui. Tout semblait normal, comme si rien n'avait changé, mais il sentait dans l'air un danger à peine perceptible, comme un orage menaçant alors que le soleil brillait au milieu d'un éclatant ciel bleu sans nuages. Pensif, concentré, tendu, il suivit la trace de ce danger, finissant, sans s'en rendre compte, par arriver devant la Banque du Nord. Sentant qu'il approchait de ce qu'il cherchait, il dirigea son attention sur ce qui l'entourait, réalisa où il se trouvait, prit conscience de l'attroupement rassemblé à proximité de l'organisation snezhnayenne.
« Que se passe-t-il ici ? » demanda-t-il à un Liyuéen près de lui.
« Je n'en sais rien. Les Millelithes bloquent l'accès et écartent quiconque tente de s'approcher un peu trop. Cependant, quelques personnes disent avoir entendu les bruits d'un conflit. Sans doute un téméraire qui ne pouvait pas payer ses dettes... » supposa-t-il, sans se rendre compte que son interlocuteur ne l'écoutait déjà plus et se frayait un chemin au milieu de la foule agitée.
Il n'aimait pas cette sensation. Il la détestait. Ce mauvais pressentiment qui ne cessait de croître en lui, anéantissant peu à peu son espoir de retrouver Ajax indemne. Ses craintes se confirmèrent lorsque, ayant évité les gardes, il arriva devant l'entrée de la Banque du Nord. Accueilli par la cauchemardesque vision d'un massacre brutal et par une écœurante odeur de sang, cherchant du regard celui qu'il espérait tant ne pas trouver là, il finit par le voir, étendu au milieu des corps sans vie des employés de la Banque. Il s'approcha, refusant de croire ce qu'il voyait, mais les entailles sur ses vêtements, ses cheveux roux maculés de sang, son visage blême, sa respiration irrégulière et les faibles battements de son cœur ralentissant toujours plus sa cadence ne lui laissaient pas la possibilité de nier cette situation. Zhongli resta immobile, perturbé, sous le choc, incapable d'admettre ce qu'il se passait, incapable de réagir. Il avait, autrefois, déjà vu des morts et des blessés, mais il ne pouvait comparer cela au fait de voir Ajax, son amour et sa lumière, à l'agonie devant lui. Il ne pouvait que rester là, figé, pendant que des gens fouillaient le bâtiment en quête d'autres survivants. Il n'eut aucune réaction lorsque quelqu'un s'adressa à lui, tentant de le sortir de cette torpeur qui paralysait son esprit.
Bien qu'il ne soit pas blessé, son état actuel fit qu'on le mena au Cottage Bubu en même temps que le Fatui, qui avait reçu des soins d'urgence, mais dont la vie était toujours en danger. Le Liyuéen fut placé dans une pièce différente de celle où était soigné le blessé, afin qu'il puisse avoir le temps et la tranquillité nécessaires pour se calmer et reprendre ses esprits. Il avait beau chercher, tenter de deviner ce qu'il s'était passé, il ne comprenait pas. Qui avait fait ça ? Pour quelle raison ? Pourquoi son conjoint s'était-il rendu à la Banque du Nord aussi tôt ? Il se sentait coupable de ne pas s'être réveillé, de ne pas avoir été à ses côtés. Il aurait dû être là, avec lui, il aurait pu le protéger. Les secondes devinrent des minutes et les minutes devinrent des heures, durant lesquelles Zhongli ne fit que se reprocher de ne pas avoir été avec Ajax, ce matin-là. Bien plus tard, alors que le soleil déclinait dans le ciel et laissait peu à peu place à la nuit, le propriétaire du Cottage Bubu, un homme nommé Baizhu, vint le voir. Ils s'étaient déjà rencontrés à plusieurs reprises et se connaissaient depuis un moment, mais jamais encore il n'avait vu le châtain dans un tel état d'abattement. Les yeux vides d'émotion, les joues marquées de traces de larmes et l'air à bout de force, il fixait tristement le sol devant lui, n'ayant guère remarqué qu'il n'était plus seul dans la pièce.
« Sa vie n'est plus menacée. » lui dit le guérisseur, pour attirer son attention.
Cela fonctionna, car il leva la tête et dirigea son regard vers celui qui lui faisait face.
« Puis-je... aller le voir... ? » questionna-t-il d'un murmure lent et faible témoignant de son épuisement.
« Vous pouvez, mais il n'est pas encore revenu à lui.
- Je vois...
- Suivez-moi. »
Le Liyuéen hocha la tête et, guidé par Baizhu, se rendit dans la chambre où se trouvait Ajax. Zhongli se figea à nouveau, comme lorsqu'il l'avait découvert blessé, couvert de sang, au milieu du carnage de la Banque du Nord. Son cœur se serra quand son regard se posa sur sa peau pâle et sur le bandage qui enserrait sa tête.
« Risque-t-il d'avoir des séquelles... ? » demanda-t-il avec crainte.
« Il est encore trop tôt pour que je me prononce à ce sujet. Je pourrais vous en dire plus dès qu'il aura repris connaissance. Cependant, il faut que vous sachiez que j'ignore le temps que sa guérison prendra. Ses nombreuses blessures lui ont fait perdre une importante quantité de sang, avant que je ne le soigne.
- J'attendrais le temps qu'il faudra...
- Je n'en doute pas, mais il est hors de question que vous le fassiez ici. Rentrez chez vous et reposez-vous. Vous en avez besoin. »
Zhongli hésita, réticent à l'idée de ne pas rester avec Ajax.
« Vous pourrez revenir demain. Allez vous reposer. Je vous le demande, en tant que médecin.
- Très bien...
- J'ai conscience que ce n'est pas évident. Prenez votre temps. Il ne faut pas que je vous oblige à vous en aller, mais que le fassiez de vous-même.
- Merci...
- Vous n'avez pas à me remercier. Je vais vous laisser. Rappelez-vous : rien ne presse. Bonne soirée, sir Zhongli. »
L'Archon ne lui répondit que du bout des lèvres, lui souhaitant également une bonne soirée, même si le cœur n'y était pas. Une fois que Baizhu fut sorti de la pièce, il resta simplement là, à regarder le Fatui avec tristesse et angoisse. "Qu'est-ce qui a mal tourné ? Qu'est-ce que j'ai mal fait... ? J'ai essayé de t'aider, mais tu ne me disais rien... Et maintenant, tu es... Reviens, Ajax... S'il te plaît... Reviens..." Il se détourna et quitta finalement le Cottage Bubu, se dirigeant vers la maison qu'il partageait avec cet homme qu'il aimait tant. À mi-chemin, rongé par les remords, la douleur et la solitude, il s'immobilisa. Avait-il la force de se rendre dans ce bâtiment où existaient tant de leurs souvenirs en commun ? Il savait que non. Aussi, il abandonna cette idée, à cause de laquelle il souffrait juste en y pensant, et partit se réfugier dans sa Sérénithéière. Il n'y venait plus qu'occasionnellement, depuis qu'il côtoyait Ajax, car il préférait vivre directement à Liyue avec lui, jour après jour, plutôt que de demeurer seul, dans cette dimension loin des mortels. Puisque, cette fois, ses envies étaient différentes, l'ambiance éternellement paisible de ce monde factice lui convenait parfaitement.
Il entra dans le seul bâtiment de ce domaine, saluant à peine l'esprit qui en était le gestionnaire, et, une fois à l'intérieur, se laissa glisser contre un mur, cessant de retenir tout le désespoir qu'il avait en lui. À cet instant, la tristesse, la peur et la douleur prirent le pas sur le reste et laissèrent Zhongli dévasté, incapable de faire autre chose que pleurer pour son amour. C'est dans cet état que le trouva Xiao, l'un des Adeptes de Liyue, bien plus tard. Habituellement, il ne se rendait jamais ici, car il rejoignait toujours l'Archon Géo en ville, au point d'avoir fini par apprendre à en connaître de nombreux endroits. Or, cette fois, ne l'y ayant pas trouvé, il était venu en cette dimension, espérant l'y voir. Il comptait, initialement, lui poser des questions à propos de coutumes mortelles dont il ne comprenait ni l'intérêt, ni la signification, mais voir cet homme tourmenté par quelque chose qu'il ignorait et ne pouvait, par conséquent, pas comprendre, le déstabilisa au point qu'il en oublia la raison pour laquelle il était venu. Que devait-il faire ? Comment devait-il réagir ? Il ne savait pas. Il ne comprenait pas. Il ignorait même quels mots employer pour définir l'état dans lequel était le dieu des contrats. Que faire ? Qui pouvait l'aider ? La réponse à cette question lui vint aussitôt, même si l'idée de demander à ce maudit Fatui roux d'intervenir lui déplaisait fortement. Il quitta la dimension de la Sérénithéière, se rendant immédiatement à l'endroit dont il avait connaissance comme étant le domicile d'Ajax. Seulement, celui-ci était vide.
Bien décidé à le trouver, il sonda les environs à la recherche de son énergie. Il la perçut rapidement et se téléporta aussitôt au Cottage Bubu, surpris qu'il y soit alors qu'il faisait nuit. Xiao ne tarda pas à comprendre pourquoi lorsqu'il vit le Fatui étendu dans un lit, la peau blême, couvert de bandages d'où émanait une odeur de plantes médicinales. Maintenant, il comprenait pourquoi Zhongli était dans cet état. Il ne comprenait pas leur relation, mais il voyait bien qu'ils s'appréciaient mutuellement beaucoup. Malheureusement, cela le plongeait dans une impasse. Puisque celui qui était le plus à même de venir en aide au Liyuéen n'était actuellement pas en état de le faire, vers qui était-il supposé se tourner ? Grave-Lune ? Taille-Monts ? Souffle-Nuages ? Ce n'était peut-être pas le plus judicieux, car, à sa connaissance, aucun d'eux n'avait jamais été dans la situation de l'Archon. Il pensa à Ganyu, mais oublia bien vite cette idée. Si elle aurait été un bon choix, le fait qu'elle soit constamment débordée de travail et fatiguée le conduisit à envisager une autre solution. Après quelques secondes, il finit par trouver qui était la personne la plus adaptée pour apaiser le dieu tourmenté. Il chercha son énergie, la trouva et la rejoignit. L'Adepte se trouva alors face à une vieille femme aux cheveux gris et dont le dos était voûté par les années. Du moins, c'était ce que voyaient ceux qui ignoraient qui elle était réellement. Il s'agissait en réalité d'un Adepte qui avait choisi d'altérer son apparence d'origine afin de vivre parmi les mortels.
« Et bien... Voilà quelqu'un que je ne pensais pas voir ce soir. » fit madame Ping, cessant d'admirer des lys vernis dont la floraison était proche. « Il y a bien longtemps que nous ne nous sommes vus, Xiao. Que me vaut le plaisir de ta visite ?
- J'ai... (Il s'interrompit, puis se reprit.) Le Souverain de la Roche a besoin d'aide.
- Il t'envoie donc la demander à une vieille dame comme moi ? J'ai peur de ne pas pouvoir faire grand-chose.
- Vous êtes au contraire la mieux placée pour cela. Du moins... de mon avis. ... S'il vous plaît. » ajouta-t-il maladroitement, surprenant son interlocutrice par ces quelques mots qu'elle n'avait pas l'habitude de l'entendre prononcer.
« D'accord. Commence par me dire quel est le problème.
- Je ne saurais l'expliquer avec exactitude. Je... Je pense qu'il est mieux que vous le voyez par vous-même...
- C'est donc grave à ce point ? Est-il blessé ?
- Non. En tout cas... pas physiquement. Je ne sais pas quoi faire...
- Hm... Où est-il ?
- Dans sa Sérénithéière.
- Ah la la... Très bien, j'y vais. Accompagne-moi. Je pense que nous ne serons pas trop de deux. »
Il acquiesça d'un discret mouvement de la tête et accompagna madame Ping jusqu'au domaine où s'était réfugié l'Archon Géo. Lorsque le jeune homme aux cheveux bleus lui avait dit que Zhongli avait besoin d'aide, l'Adepte n'avait pas pensé que c'était à ce point. Aussi, lorsqu'elle le vit, lorsqu'elle vit son regard vide et ses joues marquées par ses pleurs, elle comprit pourquoi, parmi toutes ses connaissances, c'était elle que Xiao était venu voir. Malheureusement, elle-même ne voyait pas réellement ce qu'elle pouvait faire dans l'immédiat, étant donné qu'elle ignorait ce qui l'avait mis dans cet état mental désastreux.
« Sais-tu ce qu'il lui est arrivé ? » demanda-t-elle à tout hasard au Dompteur de Démons, au cas où celui-ci saurait quelque chose.
« ... Peut-être. Connaissez-vous ce Fatui roux, avec lequel le Souverain de la Roche passe le plus clair de son temps ?
- Le dénommé Ajax ? Je vois de qui il s'agit. Est-il responsable de cette situation ?
- Pas de son plein gré. Il... semble avoir eu un accident. Il est actuellement en convalescence au Cottage Bubu. Je n'en sais pas plus.
- Il est en effet probable que c'en soit la cause... Je ne pensais pas qu'il lui donnerait vraiment son cœur. Quel imbécile. » marmonna-t-elle avec tendresse.
« Pouvez-vous faire quelque chose pour l'aider à aller mieux ?
- Je peux essayer, mais, quoi que je fasse, ce sera toujours moins efficace que la guérison de ce jeune homme.
- Faites ce que vous pouvez. Je vous en prie...
- Ne t'en fais pas. Veux-tu rester pour m'aider ?
- Je... (Il hésita avant de répondre.) Non. Je ne vous serais d'aucune utilité. »
Sans plus de paroles, sans laisser le temps à madame Ping d'ajouter quoi que ce soit, il se matérialisa à l'extérieur de la Sérénithéière. La vieille femme lâcha un discret rire amusé. "Il est en train de devenir plus mature." Puis, elle se concentra sur celui qu'elle était venue aider.
†
De son côté, Xiao erra un moment dans les rues de Liyue, troublé. Il n'aimait pas savoir Zhongli dans cet état. Il détestait ce sentiment d'impuissance qui le hantait depuis qu'il l'avait trouvé ainsi. Il aurait aimé savoir comment se rendre utile. Était-ce cela que le dieu avait tenté de lui expliquer, lorsqu'il lui avait dit qu'il était en train de devenir plus adulte ? Que signifiait "être adulte" ? Pouvoir aider les autres ? Pouvoir leur être utile ? Si c'était de cela qu'il s'agissait, alors il voulait être adulte. Comment était-il supposé faire, alors qu'il ne comprenait même pas pourquoi il se posait toutes ces questions ? Il soupira, s'obligeant à arrêter d'y penser. Il n'obtiendrait pas plus de réponses en continuant à se torturer l'esprit de cette façon. De plus, il s'en rappela enfin, il avait quelqu'un à rejoindre avant que le soleil ne se lève. Il se transporta instantanément à leur lieu de rendez-vous et le chercha du regard.
« Je commençais à croire que tu t'étais perdu. » l'interpella alors une voix au ton neutre, puis inquiet. « Tu as eu des ennuis ?
- Non. Ne t'en fais pas, personne ne sait. » répondit-il, en se tournant vers le jeune homme blond qui s'était approché de lui par derrière. « Nous serons encore tranquilles ce soir.
- Je suis ravi de l'entendre. Que veux-tu que je te raconte, cette fois ?
- Parle-moi de ton monde.
- Encore ?
- J'aime t'écouter le faire.
- Très bien. » accepta-t-il dans un petit rire, avant d'entamer l'un des récits qu'il lui avait maintes fois conté depuis qu'ils s'étaient rencontrés.
†
Les jours suivants se poursuivirent paisiblement, à Liyue. Xiao se rendait secrètement à son rendez-vous nocturne. Madame Ping prenait soin de Zhongli et l'amenait parfois au Cottage Bubu, pour qu'il ait des nouvelles d'Ajax. Cependant, le temps passait et le Snezhnayen ne se réveillait pas. Baizhu essaya de découvrir ce qui en était la cause, mais il fut incapable de trouver la moindre piste. Les blessures du Fatui guérissaient bien, son rythme cardiaque et sa respiration étaient revenus à la normale, il avait repris des couleurs, mais il demeurait inconscient. Cette situation le préoccupait, car plus le roux restait dans cet état et plus cela devenait dangereux pour lui. Ses capacités de guérisseur conduisaient les gens à penser qu'il était capable de miracles, mais la vérité était bien éloignée de ces racontars répandus dans la rue. Il pouvait soigner des blessures physiques et apaiser l'esprit grâce à ses remèdes, mais rien de ce qu'il connaissait ne lui permettait de subvenir aux besoins primaires du corps d'une personne dans le coma sur le long terme. Ce faisant, il sentait la vie de son patient s'estomper sans qu'il ne puisse l'en empêcher. Un mois s'écoula, jusqu'au jour où, en arrivant au Cottage Bubu pour l'ouverture matinale, le médecin découvrit qu'Ajax avait disparu. Il sonda tout le bâtiment, mais il ne perçut que les traces énergétiques presque effacées de Qiqi, de Gui et des clients venus le consulter la veille. L'affaire fut signalée aux Millelithes, puis à la Guilde des Aventuriers, mais ils n'eurent guère plus de succès que lui.
†
« Tu es sûr de toi ?
- Oui.
- Et si ça ne fonctionnait pas ?
- Je suis confiant. Je réussirais.
- Pourquoi est-ce que tu veux le faire ? »
Un bref silence résonna.
« Personne ne mérite de perdre un proche.
- ... C'est vrai. Est-ce que... je peux t'aider ?
- Bien sûr. Ton aide va renforcer mes chances de réussir.
- Que dois-je faire ?
- Tends-moi tes mains. »
Il le fit. L'autre les prit dans les siennes.
« Et ensuite ?
- Laisse-moi te guider. »
Il hocha la tête, plongea son regard doré dans ses yeux jaunes, puis tous deux se fondirent dans l'esprit du jeune homme roux devant eux, partant à la recherche de ce qui l'empêchait de se réveiller.
†
Il faisait un rêve agréable. Le plus agréable qu'il lui avait été donné de faire depuis de nombreuses années. Il voyait une fratrie faire une bataille de boules de neige devant leur maison. Il voyait un père et son fils pêcher sur la glace, grâce à un trou qu'ils avaient creusé eux-mêmes. Il les regardait, mais il ne comprenait pas pourquoi il le faisait. Il ne les avait jamais vus, mais ils lui étaient anormalement familiers. Qui étaient ces personnes qui apparaissaient dans son songe ? Qui étaient ces enfants et ces adultes qu'il voyait partager un bon repas dans la joie et le bonheur ? ... Qui était-il, déjà... ? À peine eut-il formulé cette interrogation qu'il fut assailli par un insupportable mal de tête. Incapable de bouger ou d'atténuer sa souffrance par quelque moyen que ce soit, il ne put qu'assister à la disparition de ces adultes et de ces enfants, aspirés par un Abîme sans fond. Rapidement, il ne resta que ce garçon qui pêchait sur la place avec son père. La canne à pêche avait disparu également, remplacée par un poignard à la lame affutée. Les vêtements de ce garçon, auparavant couvert de la neige qui tombait du ciel, étaient à présent maculés de sang. C'était d'ailleurs la seule couleur qu'il pouvait voir. Ce rouge vif l'hypnotisait. Sans rien connaître de ce garçon, sans rien connaître du danger qu'il représentait, il eut peur. Jusque dans son esprit, son âme et son cœur. Pourtant, ce garçon ne l'attaquait pas, tandis que des gouttes de sang tombaient de son arme, laissant une trace rouge sur le sol, à mesure qu'il s'approchait de lui. Puis, il s'adressa à lui, le faisant sursauter.
« Sais-tu qui tu es ? »
Il frissonna, terrifié par cette voix sans émotions, qui répéta sa question.
« Sais-tu qui tu es ? »
Il ne put que balbutier une autre question, effrayé.
« Q... Qui es-tu... ?
- ... Je suis toi. Sais-tu qui tu es ?
- Je... »
Qui était-il ? Si ce garçon qui lui faisait face était lui, alors... il était définitivement un assassin. Pourtant, il lui semblait que quelque chose n'allait pas, dans cette réponse. Était-ce réellement ce qu'il était ? Ne pouvait-il pas être autre chose ? Il repensa à cet enfant qu'il avait vu pêcher sur la glace avec son père. Il repensa à cet enfant qu'il avait vu s'amuser avec sa fratrie. Ne pouvait-il pas être cet enfant ? Pourquoi devrait-il être celui qui lui faisait face, celui qui semblait prêt à le tuer pour le plaisir de le faire ?
« ... Je ne suis pas toi...
- Dans ce cas, qui es-tu ?
- Je suis... A... (Son mal de tête s'amplifia, le coupant dans ce qu'il disait, lui faisant oublier ce qu'il voulait dire.) Je suis... Je...
- Qu'attends-tu ? Donne-moi une réponse. »
Il fouilla dans ses pensées, dans sa mémoire, quelle identité était la sienne. Était-il un assassin ? Était-il un enfant qui n'espérait que de pouvoir s'amuser avec sa famille, jour après jour ? Était-il le conjoint de quelqu'un ? "Tu l'es." lui répondit un vague écho venu de nulle part. "Souviens-toi. Il t'attend." Son cœur se serra. Quelqu'un l'attendait. De qui s'agissait-il ? Où se trouvait cette personne ? Que devait-il faire pour la rejoindre ? Le pouvait-il seulement ? "Tu le peux. Tu as juste à le vouloir. Souviens-toi de son nom. Souviens-toi du tiens. Allez. Tu peux le faire. Tu en es capable." Il ferma les yeux, se laissant guider par un instinct dont il découvrait l'existence. Peu à peu, dans son esprit, se dessina la silhouette familière d'une personne dont il ne se souvenait pas. Ses longs cheveux, châtains et oranges, attachés en une queue de cheval au niveau de sa nuque. Son sourire éclatant, dirigé vers lui. Ses intenses yeux dorés. Un nom se forma sur ses lèvres. Il le prononça d'une voix douce.
« Xiansheng... »
"C'est bien. Maintenant, qui es-tu ?" C'était une question plus complexe. Il ne pouvait même pas se voir. Il ignorait à quoi il ressemblait. Sa voix semblait sans âge, ne lui permettant pas de déduire si il était jeune ou âgé. À nouveau, il ferma les yeux, s'imprégnant de l'image de ce garçon jouant avec sa fratrie et pêchant sur la glace avec son père. Lorsqu'il rouvrit les yeux, le garçon aux vêtements tâchés de sang et au poignard ensanglanté avait disparu, remplacé par un miroir. Il eut soudainement peur de s'en approcher. Si il s'y regardait, qu'y verrait-il ? Un assassin ? Un enfant heureux ? Un homme amoureux ? Non... La question n'était pas ce qu'il allait y voir, mais ce qu'il voulait y voir. Qui voulait-il être ? Il s'approcha de la surface réfléchissante, tremblant d'appréhension, puis regarda. Il y vit deux personnes. Ce Xiansheng, qu'il avait précédemment visualisé dans ses pensées, et... lui.
Des courts cheveux roux. Un air espiègle. Des yeux bleus brillant de vie et de joie. Ils s'embrassaient et s'enlaçaient, riaient, parlaient de tout et de rien. En somme, c'était une vision de bonheur pur et simple. Du moins, si on ne prêtait attention qu'aux détails les plus évidents. Il regarda derrière les deux hommes, attiré par une tâche rouge. Il reconnut le poignard ensanglanté que tenait le garçon qui lui avait demandé son identité. Alors, il comprit. Il était un homme amoureux, heureux, mais aussi un homme qui avait tué à maintes reprises. Il sut que, si ce passé d'assassin était derrière lui, il ne s'effacerait jamais réellement et qu'il devrait toujours s'en rappeler, afin d'éviter qu'il ne revienne le hanter. Enfin, il sut son nom. Il orienta son regard sur le garçon couvert de sang, qui lui faisait à nouveau face. Il savait à présent quoi lui répondre.
« Sais-tu qui tu es ?
- Je ne suis pas toi. J'ai été toi, mais je suis Ajax. Et toi... Tu es un souvenir que je ne dois pas oublier.
- ... C'est vrai. Tu ne dois pas m'oublier, pour ne jamais sombrer à nouveau. »
Sous les yeux d'Ajax, le garçon couvert de sang et armé d'un poignard ensanglanté laissa la place à un garçon arborant un grand sourire innocent et tenant un bouquet de fleurs du même bleu que leurs yeux.
« Tiens. » lui dit-il en lui tendant le bouquet, dont il se saisit doucement.
« ... Merci. Je suis désolé de t'avoir fait autant souffrir.
- C'est derrière nous, maintenant. Allez, va. Il t'attend.
- Tu as raison. »
Ajax s'endormit doucement, puis rouvrit les yeux dans un lieu dont il ne connaissait rien. Il se redressa avec difficulté, engourdi par le mois qu'il venait de passer dans le coma, dont il n'avait pour l'instant nullement conscience. Il réalisa rapidement que sa vue était floue, mais la raison exacte ne lui parvint pas immédiatement. Ce ne fut que lorsque des larmes tombèrent de ses joues sur ses mains qu'il se rendit compte qu'il pleurait sans bruit. Il les essuya doucement, puis s'intéressa à ce qui l'entourait. Il était, visiblement, dans de très vieilles ruines. Il ne comprenait pas ce qu'il y faisait. Lorsqu'il avait perdu connaissance, il était... Où était-il, lorsqu'il avait perdu connaissance ? "La Banque du Nord... Je voulais me libérer des Fatuis, pour être heureux avec Xiansheng. Donc, j'ai... Je les ai tués." À présent qu'il s'en souvenait, il regrettait d'avoir fait ce choix. "Ce n'est pas le moment d'y penser... Je dois rejoindre Xiansheng." Il se leva prudemment, incertain d'être stable sur ses jambes. Heureusement pour lui, il réussit à rester debout, même si il tremblait. Alors qu'il se dirigeait vers la seule issue de cette pièce, un mouvement derrière lui se fit se figer. Était-ce un ennemi ? Un allié ? Que devait-il faire ? Il n'était pas armé et, surtout, il n'était pas en état de songer à se défendre.
†
Xiao revint difficilement à lui, fortement affecté par ce qu'il venait de vivre. Il s'était douté que ce ne serait pas de tout repos, mais jamais il n'aurait soupçonné que ce serait aussi douloureux. C'était comme si il avait combattu durant de nombreuses heures d'affilée, sans jamais prendre la moindre pause. Son regard dériva sur ces mains qui tenaient les siennes, puis sur le visage du jeune homme à qui appartenaient ces mains. Crispé, il semblait souffrir autant que lui, si ce n'était plus.
« Aether... » l'appela doucement l'Adepte, tentant de le réveiller.
Cela sembla fonctionner, car le blond ne tarda pas à ouvrir ses yeux dorés, croisant alors le regard du Liyuéen inquiet. Il se redressa à son tour, grimaçant de douleur.
« Est-ce que ça va... ? » lui demanda l'immortel aux cheveux bleus.
« Je crois... Et toi ?
- J'ai la tête qui tourne et mal partout.
- Rien de surprenant, jusque-là... Tu te portes même étonnamment bien, pour une première fois. Lorsque j'étais à ta place, je me souviens d'avoir passé deux jours entiers sans pouvoir me lever. Tu es vraiment très résistant.
- Merci... ? » fut tout ce qu'il trouva à répondre, n'étant pas très familier des compliments.
Il sentit alors un regard dirigé vers lui et se tourna vers son origine. Il découvrit Ajax, qui les fixait d'un air perplexe.
« Tu veux bien m'expliquer ce qu'il s'est passé ici ? Qu'est-ce que je fais là ? Qu'est-ce que tu fais là ? Et qui est-il ? »
À cette dernière question, il désigna Aether, qu'il n'avait jamais vu avant ce jour-là. Les deux jeunes hommes se levèrent, puis le blond s'adressa au roux.
« Je vais vous expliquer, mais laissez-moi d'abord me présenter. Je me nomme Aether. Je suis le frère de Lumine et... (Il hésita, agrippant nerveusement la main de Xiao pour se rassurer.) Le chef de l'Ordre de l'Abîme... »
L'Adepte jeta un regard vers le Fatui, se méfiant de sa réaction. Après tout, l'Abîme et les créatures qui y vivaient avaient toujours eu mauvaise réputation auprès des habitants de Teyvat. Voilà pourquoi, depuis plusieurs mois, il ne voyait son ami qu'en cachette, à l'insu de tous.
« Tu es le chef de l'Ordre de l'Abîme... ... Soit. Et donc, qu'est-ce que vous faites ici, tous les deux ? Pourquoi je suis là ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- Après le massacre que tu as perpétué à la Banque du Nord, tu... as passé plus d'un mois dans le coma. C'est Aether qui t'en a fait sortir.
- Un mois... ? Mais... et Xiansheng ?
- Il... Son état s'est amélioré, mais... Il vaut mieux que tu ailles le voir rapidement. »
Ajax se crispa, inquiet pour Zhongli.
« Amène-moi à lui. Je veux le voir.
- Est-ce que tu te sens vraiment en état de...
- Oui, alors vas-y !
- ... Aether, est-ce que tu viens avec nous ?
- Je... D'accord. »
Xiao prit alors la main du blond dans la sienne, plaça l'autre sur l'épaule du Snezhnayen et les transporta tous les trois jusqu'à la maison de l'Archon et du Fatui.
« Voilà. Il est dans votre chambre. ... Ne t'avise pas de le blesser plus qu'il ne l'est ou je te le ferais regretter. »
Le roux ignora totalement la menace de l'Adepte, se dirigeant vers la pièce où était son amour. Une fois devant la porte, il se sentit nerveux. Allait-il lui en vouloir ? Lui faire des reproches ? Être heureux de le voir ? Le prendre dans ses bras ? Il ne savait pas, mais il craignait sa réaction. "Non... Je ne dois pas hésiter. Il m'attend." Il toqua doucement sur la surface en bois, attendant ensuite une réaction qui ne vint pas. Il tenta alors une autre approche.
« Xiansheng... Ouvre-moi, s'il te plaît... »
†
Quand il avait commencé à se faire passer pour un mortel, Zhongli l'avait fait par curiosité. Il voulait voir comment vivaient les Liyuéens en l'expérimentant par lui-même. Cela lui avait plu et était devenu sa nouvelle vie. Puis... Il avait rencontré Ajax. Un jeune homme espiègle, rieur, mais qui cachait de nombreuses blessures qui ne guérissaient pas. À sa grande surprise, l'Archon avait fini par s'attacher à lui à force de le côtoyer, jusqu'à en tomber amoureux. Au début, cela s'était avéré agréable, presque idyllique, parce que les sentiments qu'il avait envers le Snezhnayen étaient réciproques. À présent... Il souffrait de cet amour, qu'il était le seul à continuer de ressentir, puisque son conjoint était dans le coma. Que devait-il faire ? Comment faire pour annihiler ses émotions, qui rendaient désormais sa vie insupportable ? Il continuait d'espérer que le roux se réveillerait et viendrait le voir, avec son éternel sourire aux lèvres, mais plus le temps passait et moins il croyait que cela finirait par se produire.
Il ne sortait plus, demeurant seul dans cette chambre qui avait vu naître tant de leurs souvenirs en commun. Plusieurs personnes avaient tenté de l'en faire sortir, mais il avait ignoré chacune d'entre elles, ne voulant plus voir personne. Aussi, lorsque quelques coups discrets résonnèrent contre la porte de la pièce, il n'eut aucune réaction, restant silencieux. Du moins, ce fut le cas jusqu'à ce qu'il entende cette voix... et ce surnom qu'il était le seul à lui donner. Pourtant, il ne pouvait se résoudre à envisager que ce soit vrai. Maintes fois, il avait rêvé qu'il le retrouvait, pour, au final, ne vivre qu'une amère déception lorsqu'il se réveillait de ce songe plein d'espoir. Alors, il ne voulait plus y croire. Il ne voulait plus prendre le risque d'y croire et de souffrir à nouveau, en réalisant que ce n'était finalement qu'une illusion née des espérances de son cœur meurtri. Il ne voulait pas y croire, il ne voulait pas l'envisager, mais cette voix familière continuait de s'adresser à lui, l'appelant avec douceur.
« Va-t-en... Va-t-en... ! Je sais que tu n'es pas là... Laisse-moi...
- ... Non. Je ne vais pas te laisser seul alors que tu es dans cet état. »
Zhongli sentit qu'on l'attirait dans une étreinte qu'il aurait reconnue entre mille. Il se refusait pourtant encore d'y croire.
« Tu m'as déjà laissé...
- ... Je sais. Je suis désolé. Je suis de retour, maintenant... et je ne pars plus. Je te le promets, au nom de l'amour que je te porte et de l'importance que tu as pour moi. »
À ces mots, l'Archon tressaillit. Il avait déjà entendu cette phrase. C'était... lorsque, pour la première fois, Ajax lui avait évoqué les sentiments qu'il éprouvait à son égard. Il lui avait promis, en employant les mêmes mots, qu'il resterait à ses côtés aussi longtemps que le lui permettrait son espérance de vie de mortel. La mort, au sens mortel du terme, était quelque chose qu'il avait du mal à comprendre, en tant que divinité âgée de plus de six millénaires. Cependant, il avait bien vite remarqué que c'était quelque chose qui angoissait son conjoint, car elle signifiait qu'ils ne pourraient pas vivre éternellement ensemble. Entendre à nouveau ces mots lui rappela qu'il lui avait promis de ne jamais le quitter de son vivant. À cet instant, un murmure en lui dit au Liyuéen que leur histoire n'était pas encore terminée, parce que celui qu'il aimait vivait toujours. Il respirait, son cœur battait pour lui, pour eux, et il pouvait encore se réveiller. Alors, il trouva le courage d'ouvrir les yeux, de regarder autour de lui, de croiser les iris céruléennes du jeune homme qui le tenait toujours dans ses bras. Son cœur se mit à battre plus vite, de nervosité, d'angoisse et de bonheur.
« Ajax... (Il sentit des larmes poindre et ne chercha pas à les retenir.) J'ai cru... que je t'avais perdu...
- Je ne suis pas du genre à partir pour si peu et... Si c'est pour toi, je reviendrais toujours, Xiansheng. Parce que je veux continuer de voir ton magnifique sourire et tes incroyables yeux dorés. Parce que je veux continuer de t'écouter, lorsque tu te lances dans de longues tirades sur Liyue, son passé et ses coutumes. Parce que je veux continuer à t'aimer, jour après jour et nuit après nuit, jusqu'à la fin des temps. Je ne te laisserais plus jamais.
- ... Tu es vraiment un imbécile... et moi aussi, puisque je t'aime au point de souffrir quand tu t'éloignes...
- Raison de plus pour que nous restions toujours ensemble.
- Tout paraît toujours si simple, avec toi...
- C'est parce que tu compliques inutilement les choses. »
Zhongli lâcha un petit rire, rassurant ainsi Ajax, qui craignait de ne pas réussir à l'apaiser.
« Tu as raison... Je suis vraiment compliqué.
- Peut-être, mais c'est comme ça que j'ai appris à t'aimer.
- Tu es toujours aussi doué pour séduire les autres.
- Que veux-tu ? Ça fait partie de mon charme ravageur !
- Et de ton égo surdimensionné. »
Ce fut cette fois au Snezhnayen de rire. Le châtain en fut troublé, car il ne l'avait encore jamais entendu rire de cette façon. C'était franc, sincère, sans filtre. C'était authentique.
« Tu as quelque chose de différent. Comme si... tu étais enfin heureux.
- ... J'ai toujours été heureux. Je n'étais juste... pas tout à fait moi-même. (Face à l'expression perplexe de l'homme aux yeux dorés, il esquissa un sourire où apparaissait une pointe de tristesse.) Je t'expliquerais, mais pas maintenant. Nous avons des choses à faire, toi et moi.
- Lesquelles ?
- Et bien... Pour commencer, remercier ceux grâce auxquels je me suis réveillé. »
Ajax se leva, entraînant Zhongli avec lui. Une fois debout, il sortit de la pièce avec son conjoint et se rendit dans celle où il était arrivé avec Xiao et Aether. Tous deux étaient toujours là, mais dans une ambiance qui laissa mal à l'aise les derniers arrivants. Le blond pleurait en silence, tandis que l'Adepte, près de lui, lui tenait la main et essayait de le calmer, sans succès. Le roux voulut demander ce qu'il se passait, mais l'Archon le devança.
« Que fais-tu ici ? » fit-il froidement, s'adressant au dirigeant de l'Ordre de l'Abîme.
Ce dernier se contenta de le fixer sans rien dire. Ce fut le jeune homme aux cheveux bleus qui intervint, espérant réussir à désamorcer la situation avant qu'elle ne dégénère.
« Ne le blâmez pas pour sa présence, s'il vous plaît. Il n'a pas l'intention de nous nuire.
- Ne perçois-tu pas l'énergie qui émane de lui ?
- ... Si. Cependant, cela fait plusieurs mois que je le côtoie et pas une fois je n'ai eu l'impression qu'il représentait un quelconque danger pour Liyue. »
Zhongli fut silencieux, pensif. C'était la première fois qu'il voyait Xiao prendre la défense de quelqu'un. D'ordinaire, il était le premier à se méfier de quiconque pouvant être une menace pour la nation des contrats. Si ce fait le faisait douter, il ne suffisait pas à le convaincre que la présence du blond n'était pas une mauvaise chose. Constatant cela, Ajax s'en mêla.
« J'ignore quelles sont tes raisons de ne pas avoir confiance en lui. Tout ce que je sais à son sujet, c'est que c'est lui qui m'a sorti de mon coma. Essaye de l'écouter avant de l'agresser, d'accord ?
- Il t'a réveillé ?
- Oui. »
Le châtain soupira légèrement.
« Très bien. (Il regarda à nouveau le jeune homme venu d'un autre monde.) Dans quel but as-tu fait cela ? Qu'as-tu gagné à le faire ?
- ... Rien. Je l'ai fait parce que... ta situation affectait Xiao. Je voulais juste qu'il aille mieux. »
L'Archon se tourna cette fois vers l'Adepte, cherchant confirmation de ce qu'il venait d'apprendre. Le Yaksha hocha lentement la tête, lui indiquant qu'il n'y avait rien de faux dans ce que venait de lui dire Aether.
« Soit. Dans ce cas, je te remercie d'être intervenu pour aider Ajax.
- Je n'ai pas besoin de remerciements. Puisque j'en ai terminé ici, je m'en vais. J'ai quelque chose d'important à faire.
- Tu sais ce que je pense de tes actions en faveur de l'Abîme.
- Ça n'a rien à voir avec l'Abîme.
- Tout ce que tu fais depuis cinq siècles les concerne.
- Pas cette fois. Je n'en fais plus partie, depuis presque deux mois. Je vais voir Lumine.
- Je ne sais pas si je peux te croire.
- C'est pourtant la vérité.
- Comment puis-je en être sûr ?
- Je serais sa garantie. » fit Xiao, se mêlant à la conversation. « Je l'accompagne. Ainsi, je pourrais m'assurer qu'il n'était pas avec l'Abîme.
- Je t'interdis de...
- Ce n'était pas une proposition. »
Il saisit Aether par le bras et s'évapora avec lui, ne laissant derrière eux que des volutes émeraudes et ébènes.
« Je ne l'avais encore jamais vu comme ça. » plaisanta Ajax, que cette situation amusait.
« Moi non plus. Cela ne me plaît guère.
- Tu t'en préoccuperas plus tard. Xiao est plus que capable de percevoir le danger et de se défendre. Comme je te le disais, toi et moi avons des choses à faire.
- Comme ?
- Comme une longue nuit d'amour, puis une promenade dans Liyue. Qu'en penses-tu ? »
Zhongli hésita, tout de même inquiet pour l'Adepte, puis acquiesça.
❃
8000 mots, tout pile
Je me sens épuisé comme si j'avais couru un marathon
Et encore, je n'ai pas abordé toutes les idées que j'ai eu en écrivant ce One Shot ^^"
Les autres apparaîtront dans un autre OS, qui se déroulera en parallèle de l'histoire de celui-ci et sera plus centré sur Aether et Xiao
SimplementNari : voilà pour ma participation ! ^^
Allez, je vous fais plein de gros bisous-
Passez une bonne journée/soirée/nuit pendant que je vais me remettre de mes émotions une nouvelle fois XD
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