L'exposition
Sur le chemin qui les conduit à destination, Laura ne peut s'empêcher d'être émerveillée par la magie que dégage la ville de Paris de par ses lumières, son architecture. C'est tellement différent de ce qu'elle a connu plus jeune, c'est-à-dire un petit village sur la côte atlantique où l'on va à la plage comme l'on se rend chez le coiffeur. L'océan, la plage, l'air iodé lui manque parfois, mais ce n'est pas en restant dans son village de cinq milles habitants qu'elle avait une chance de devenir une grande journaliste. Cela n'est pas encore le cas mais elle espère réellement que cet article sur les sites de rencontre propulse sa carrière et à terme être l'une des chroniqueuses les plus en vogue.
Les voilà arrivées à destination, l'endroit est magnifiquement aménagé. Elle, qui pensait que ce serait assez guindé, est agréablement surprise par l'esprit intimiste et simple de l'exposition. En effet, les lampions de couleurs jaunes orangés réchauffent l'atmosphère et il n'y a pas de serveur juste un petit buffet froid à disposition des invités. Les toiles sont suspendues grâces à un effet de contrepoids. Le tout donne un effet pittoresque, bohème qui rappelle le Paris d'entant, le Paris des artistes. Les œuvres quant à elles sont chaudes, lumineuses, vivantes. Laura est réellement abasourdie par ces différentes misent en scène, elle qui d'habitude n'est pas sensible à la peinture en règle général, elle est pour ainsi dire scotchée. Mona passe son bras sous le sien et l'emmène à la rencontre de l'investigateur de cette mise en scène, Anton.
Laura inquiète, interrompt Mona et lui dit :
- Mona ! Je ne sais pas aligner plus de trois mots en anglais, comment je vais pouvoir comprendre ce qu'il me dit ?
- Arrête de paniquer pour rien, Anton parle couramment le français. Pour faire bref, sa mère est française et son père américain, ils se sont rencontrés lors d'un vol Paris / New York. Lui revenait d'un voyage d'affaire et elle était hôtesse de l'air sur ce vol. Ils ne se sont plus quittés depuis et les fruits de leur amour sont Anton et Mike, deux très bels hommes, célibataires. N'est-ce pas romantique ?
- Euh romantique, je ne sais pas mais je n'avais pas besoin de connaître la vie entière d'Anton. Il suffisait juste que tu me dises qu'il parle français, ça me va très bien. Franchement Mona, je ne me sens pas de faire une énième connaissance, je ne le sens pas.
- Allez Lau ! Arrête de faire ta vieille ! Tu as bientôt 30 ans et non 70 ans ! Même ma grand-mère s'éclate plus que toi ! Tu veux finir comme Mme Cochard avec quatre chats et pas une seule personne à qui parler ?
- Non c'est vrai, mais tu seras toujours là même si je finis seule avec quatre chats ? Tu ne m'abandonneras pas hein ?
- Bien sûr que Non Chaton ! Mais pour éviter que ça n'arrive, tu vas faire un effort. Tiens j'aperçois Anton la bas. Approchons que je te le présente.
Laura s'approche doucement de l'homme dos à elle. Il semble grand, environ 1m85, avec de larges épaules habillé élégamment, costard sans cravate noir. Mona l'interpelle, l'homme élégant à la carrure rassurante se retourne. Laura plonge alors dans ses yeux noir ébène, elle y aperçoit comme une flamme dansée. Elle se perd dans ce regard sombre qui promet milles et unes choses. La voix de Mona la ramène doucement à la réalité, honteuse de l'avoir dévisagé autant, elle baisse la tête et dit bonjour d'une toute petite voix, comme une petite fille prise en flagrant délit de gourmandise. Elle-même ne se reconnait pas, c'est bien la première fois qu'elle se retrouve aussi troublée par un homme. Elle n'écoute même pas la conversation, trop concentrée à réguler sa respiration et reprendre ainsi le contrôle de son corps. Heureusement pour elle, Mona sait très bien faire la conversation toute seule. Anton semble absorbé par ce qu'elle raconte, Laura comprend rapidement qu'il est intéressé par Mona et qu'elle est totalement transparente à ses yeux. Résignée elle décide de s'intéresser enfin à ce que raconte Mona. Il s'avère qu'elle raconte simplement mais avec énormément de détails la vie de Laura qui la coupe immédiatement. Elle n'a pas envie que Mona expose sa vie à un parfait inconnu quand bien même ils se connaissent depuis près de cinq ans maintenant.
Afin de fuir la situation, Laura décide d'aller chercher à boire au buffet. Une bouffé d'air pour elle qui déteste les événements mondains. Elle s'attarde sur les mignardises mises à disposition, il y'en a pour tous les goûts : des vérines crabes avocats, des minuscules muffins salés au foie gras, des toasts caviars d'aubergine chorizo... Le problème récurrent de Laura est qu'elle se laisse facilement distraire et ne fait plus attention à ce qui l'entoure.
Elle se retourne et tombe nez à nez avec le fameux Anton, sa tête arrive au niveau de son torse où elle peut sentir un parfum ambré mélanger à son odeur corporel. Elle ne peut s'empêcher de fermer légèrement les yeux pour apprécier pleinement cette odeur qui représente parfaitement la notion de virilité chez un homme. Mais elle se reprend vite et s'excuse pour sa maladresse. Amusé par la situation, il lui répond avec un très léger accent américain :
- Je sais que je sens bon mais quand même ! Mon eau de parfum c'est Sauvage de Dior si vous souhaitiez le savoir. Je peux vous offrir un échantillon comme ça vous pourrez penser à moi la nuit dans vos draps.
- Sans façon, ne vous méprenez pas ! Ce n'est pas votre parfum qui m'attire, je suis simplement souvent dans la lune. Et puis vous ne sentez pas si bon que ça.
- Ah bon ce n'est pas ce que les jolies demoiselles me disent pourtant. Enchanté, je suis Anton mais vous deviez déjà le savoir Laura.
- Enchanté, effectivement je le sais déjà, vous devez déjà connaître toute ma vie. Je pense que dans ce cas nous n'avons pas grand-chose à nous dire de plus. Bonne soirée Anton et félicitation pour votre exposition.
- Attendez ! Nous avons à peine échangé deux mots ensemble, il serait intéressant de poursuivre et de se découvrir autour d'un verre, loin de ce gratin parisien non ?
- Je ne suis pas intéressée désolée, je pense que la jolie demoiselle derrière vous sera plus séduite par votre proposition. Bonne soirée.
Le temps qu'Anton se retourne pour savoir de qui elle parle, elle avait déjà filé à l'anglaise. Elle a du répondant et il aime ça.
Laura s'engouffre dans un taxi tout en envoyant un message d'excuse à Mona, prétextant une migraine atroce qui l'oblige à rentrer se reposer. Il n'est que vingt-deux heure mais elle a l'impression qu'il est trois heures du matin. Cet homme est l'arrogance même se dit-elle, il ne faut pas qu'elle s'en approche car elle sait par avance qu'elle va souffrir avec ce type d'individu. Elle ne veut plus souffrir pour un homme, de ce fait, elle prend la décision de ne jamais le revoir et de passer vite fait à autre chose. Elle rentre chez elle et est accueillie par Milki dormant paresseusement sur le canapé, il daigne lever la tête pour apercevoir la personne qui ose troubler son sommeil. Voyant que ce n'est que sa maîtresse, il se rendort presque aussitôt.
Quel accueil, je suis contente de te voir aussi Milki.
Ça y'est je deviens sénile je parle à mon chat. se dit-elle avec une pointe d'amertume. Elle file à la salle de bain une nouvelle fois, prend une douche pour détendre ses muscles qui semblent durs comme du béton. Une fois douchée et rincée, Laura enfile un pyjama en pilou-pilou blanc et se glisse dans son grand lit froid. A peine les yeux fermées, un regard sombre comme la nuit hante ses pensées.
La nuit fut courte, Laura n'a pas réussi à fermer l'œil plus de trois heures d'affilées. Ce regard ténébreux n'a pas arrêté de la hanter, son corps ne répondait plus correctement comme si c'était ce regard, cette voix suave qui en avait pris le contrôle. C'est avec de grosses cernes sous les yeux, qu'elle se résigne à se lever de son lit et se préparer pour se rendre au travail. Une tasse de café à peine avalée qu'elle dévale les quatre étages qui la séparent de l'entrée de l'immeuble. Comme à son habitude elle est déjà en retard, elle se précipite dans le parking de la résidence à la recherche de sa petite Toyota Aygo rouge Ferrari. Une fois localisée, elle se précipite dedans démarre le moteur tout en montant le volume de la radio pour écouter les infos du jour. Sur le chemin qui la mène à son bureau, elle ne peut s'empêcher de commenter à haute voix les commentaires du chroniqueur radio sur l'exposition d'Anton Mc Clairen.
Non ce n'est pas aussi brillant que ça en a l'air ! Bon j'avoue j'exagère, ses peintures sont extraordinaires. Mais quelle personne arrogante, sans savoir vivre ! Et surtout quel coureur de jupon, il n'a fallu qu'une demi-seconde pour qu'il se retourne pour voir sa prochaine proie. Ma parole, ce type n'a rien d'exceptionnelle ! Arrêtez de l'encenser !
Laura ne comprend pas pourquoi tout le monde s'intéresse à ce foutu américain. Sachant qu'il avait dans un premier temps flirté avec Mona sous ses yeux avant de se rabattre sur elle. Comme si elle n'était qu'un choix par dépit. Cette dernière pensée lui arrache une grimace de déception mêlée à de la douleur. Au même moment son téléphone sonne, elle sait qu'elle ne doit pas répondre au volant, mais il s'agit peut-être d'Angelina sa bosse qui a besoin d'elle pour assouvir une énième lubie. Elle prend le risque et décroche, la voix de Mona retentie dans l'habitacle lui demandant pourquoi elle avait planté Anton dans la soirée. Laura n'a pas la force de chercher une excuse vaseuse et lui explique simplement la vérité qui est qu'elle a eu peur et qu'elle ne veut pas d'un don juan dans sa vie qui est assez remplie actuellement. Mona la recadre immédiatement en lui expliquant que Monsieur Mc Clairen n'était pas ce type d'homme, qu'il avait lui aussi faillit se marier avec une riche héritière il y'a maintenant plus de six ans et que cette dernière s'était enfuit le jour même du mariage avec son chauffeur. A ces mots, Laura ressent un élan de culpabilité, elle l'avait jugé trop vite comme à son habitude. Mais il était trop tard, la prochaine fois elle prendra le temps de connaître la personne en face d'elle avant de la juger. Elle raccroche rapidement avec Mona car elle vient d'arriver dans les bureaux de Elle, le magazine pour qui elle travaille.
Une fois installée dans son bureau au 31ème étage de la tour Montparnasse, elle se met à souffler avant de checker ses mails et vérifier ses différents comptes sur les sites de rencontre. Elle est rapidement attirée par un message pour ainsi dire atypique d'un profil mystérieux.
Mademoiselle Lau,
Votre profil atypique a attiré mon attention, Je viens donc à votre rencontre pour échanger avec vous et apprendre à vous connaître. Je sais que c'est la démarche de toutes les personnes qui vous écrivent. (Et j'imagine qu'il y'en a beaucoup avec des profils regorgeant de photos plus narcissique les unes que les autres)
Ma démarche sera un peu plus différente, je propose que vous et moi n'échangions aucune photo pour laisser la magie de l'esprit opérée. Nous saurons à quoi nous ressemblerons qu'une fois en face à face.
Est-ce que cela vous intéresse ? Est-ce que j'ai réussi à attiser votre curiosité ? Si c'est le cas n'hésitez pas à me recontacter.
Je répondrais à toutes vos questions sauf à celles énumérées ci-dessous :
- Mon prénom, mon nom
- Ma description physique
- Ma profession
- Mes origines
En vous souhaitant une excellente journée Mademoiselle Lau.
Monsieur C.
Doit-elle lui répondre ? Et si c'était un psychopathe ? Et s'il n'était pas à son goût ? Car il ne faut pas se mentir l'attirance physique est importante dans une relation. Après une réflexion de dix bonnes minutes, elle décide de lui laisser sa chance et de ne pas faire la même erreur de jugement comme elle l'a fait récemment avec Anton. Donc elle se met en tête de trouver une réponse tout aussi intrigante que celle reçue.
Bonjour Monsieur C,
Je suis effectivement surprise par votre message pour le moins anodin. Plusieurs interrogations grignotent mon esprit. Qui me dit que vous n'êtes pas un psychopathe ou bien un vieux pervers caché devant votre écran d'ordinateur ?
Cependant, ayant tendance à juger les gens trop rapidement, j'ai décidé que pour une fois je vais me prêter à votre jeu qui semble intrigant. J'ai moi aussi quelques conditions :
- Je ne vous poserai pas les questions énumérées qu'à la condition que si et seulement si nous sommes amenés à nous voir vous y répondrez sans faux semblants.
- Je ne souhaite pas communiquer mon numéro de téléphone avant que j'ai décidé que nous aurions franchi un cap bien particulier.
Si vous êtes d'accord, je vous invite à répondre aux questions suivantes :
- Chocolat ou Vanille ?
- Epicée ou Aigre-doux ?
- Soirée Canapé ou Soirée Mondaine ?
- Voyager aux quatre coins du monde ou construire une grande famille ?
- Des enfants ? Si oui combien ?
- Marié ? Divorcé ? Gay ?
- Monogame ou polygame ?
- Titanic ou 50 nuances de Grey ?
- Carnivore ou Vegan ?
Dans l'attente de votre réponse,
Bien amicalement,
Mademoiselle L.
Laura décide de se remettre au boulot et commence la première ébauche de son article qui n'est pas facile à mettre en forme. En effet, elle s'aventure dans un domaine où elle a beaucoup de lacunes. Elle n'a eu qu'un seul grand amour dans sa vie qui s'est soldé par un terrible échec. Depuis à part quelques rendez-vous sans suite, sa vie est sentimentale est aussi remplie que le désert de Gobie.
En y songeant, elle visualise encore une fois ce regard ténébreux et se remémore cette odeur qui a marqué son esprit au fer rouge. Il ne sort pas de sa tête ça en devient problématique. C'est au même moment que son smartphone sonne, c'est J-C le rencart d'il y a deux jours. Elle hésite à décrocher mais se résigne à le faire dans le but de son article.
- Allo ?
- Bonjour Laura, c'est Juan Carlos, ça va ?
- Oui très bien, qu'est-ce que tu veux ?
- Désolé j'ai mon téléphone portable qui a fait des siennes ces derniers temps, impossible de te recontacter. J'aimerai savoir si tu étais disponible en fin de semaine. J'aimerai me faire pardonner pour le comportement de goujat que j'ai eu la dernière fois en t'emmenant dans un restau sympa. Qu'en dis-tu ?
- Okay, mais je te préviens ce n'est pas parce qu'on se revoit que cette fois-ci je vais céder. Tu passes me prendre devant Starbuck à 19H Vendredi ?
- Oui j'ai compris que tu étais particulière et ça me va, bonne journée Laura.
- Bonne journée Juan Carlos. Bye
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