Chapitre 7

Le lendemain, je me réveillai avec une atroce migraine due, certainement, à la fièvre. Je ne l'avais pas deviné, mais Zara avait un lit superposé qu'elle partageait avec Zélie. A mon réveil, je me cognai contre le sommier du lit juste au-dessus de moi, je chancelai et me rattrapai à la tête du lit. Je n'avais aucune idée de l'heure et de mon apparence. Je tentai de me recoiffer avec mes doigts. A tâtons, je me dirigeai vers la porte. Je l'ouvris. La première chose que je sentis fut une présence dans la pièce. Mon instinct me dirigea vers elle. Je me cognai, au moins deux fois le pied dans un meuble puis je reconnus Kris grâce à son odeur et à son imposante présence.

- Salut ! Il me répondit en cognant ses phalanges contre les miennes. J'entendis qu'il mâchait quelque chose quand il s'approcha de moi. Il devait être près de huit heures. Je ne savais pas quel jour on était, mais si j'étais tombé malade un vendredi, si j'étais resté dans ce centre de recherche une semaine et si j'avais passé une nuit chez Efia, on devait être un samedi. Je tâtonnai et trouvai un plan de travail avec un tabouret. Je m'y installai.

- C'est quand ton anniversaire ? me demanda Kris, en posant quelque chose devant moi. Je devinai qu'il s'agissait d'un chocolat chaud. Je le remerciai d'un signe de la tête, avant de répondre :

- Le 27 décembre.

Kris a soupiré. J'ai saisi la tasse, de nouveau perdu dans mes pensées. Kris était le meilleur ami de Zara, il devait savoir où elle allait. Mais il ne me le dirait jamais. C'était logique. Je ne trahirais jamais Mia, lui ne trahirait jamais Zara. Et il avait l'air d'un gars bien, donc impossible qu'il laisse Zara faire un truc dangereux. J'ai avalé une gorgée de chocolat. Des pensées se bousculaient dans ma tête, il me fallait un moyen de traquer Zara sans me faire repérer, ni par elle, ni par Kris, ce qui se révélait compliqué. Si je voulais vraiment découvrir ce que Zara manigançait, c'était parce que j'étais redevable envers Efia et Kris. La première m'avait offert un toit et de la nourriture, quand à Kris, il m'avait aidé alors que rien ne l'y obligeait. Et de plus, je voulais rencontrer cette fameuse Zélie pour lui poser des questions : qui était Mira pour elle, où travaillait-elle et sur quoi ? C'est d'un air rêveur que je bus de nouveau une petite dose de chocolat. Soudain, Kris s'est exclamé :

- Je vais te passer des fringues, après tu viendras avec moi. Je t'emmène quelque part.

Je fus surpris et m'empressai d'avaler le reste du chocolat encore chaud, puis je suivis Kris en m'accrochant légèrement à son tee-shirt. Il me conduisit dans une pièce qui m'était inconnue. Comme je percevais, un peu, la luminosité, je devinai qu'elle avait une grande fenêtre et qu'elle n'était pas bien rangée. Kris me fit zigzaguer dans la pièce, puis il s'arrêta et commença à fouiller quelque part, sûrement dans une armoire ou une commode et il en sortit des vêtements. Toujours des vêtements. En deux jours j'avais changé déjà trois fois d'habits. Mais bon, je saisis les fringues qu'il me tendait : un jean et un simple tee-shirt. Il sortit de la pièce, qui devait être un bureau. Je m'habillai rapidement et, chancelant, je rejoignis Kris.

Je me demandais où il pouvait m'emmener. Dans un magasin ? Dans son restaurant ? Il y avait des tas de possibilités ! Kris me fit monter dans sa voiture qui sentait toujours le tabac. Je m'installai sur le siège passager avant et Kris prit le volant. Le moteur vrombit et la voiture commença à avancer. On sortit de la place de parking sur laquelle Kris s'était garé la veille. Le trajet fut silencieux, et je ne saurais dire combien de temps il a duré. Peut-être une vingtaine ou une trentaine de minutes. En tout cas, Kris se gara quelque part dans Paris. Quand je descendis de la voiture, une odeur de chien mouillé me chatouilla immédiatement les narines, et des aboiements parvinrent à mes oreilles. Je devinai immédiatement où nous étions et ce que nous étions venu faire. Je sentis le sourire de Kris. Il s'approcha de moi et a posé sa main sur mon épaule en me disant :

- Mon beau-frère travaille ici. Il forme des chiens d'aveugle, je l'ai appelé hier soir et il m'a dit qu'il pouvait m'en filer un gratos. On y va ?

Je restai sans voix, je ne savais pas quoi dire. Il venait vraiment de faire ça pour moi ? J'allais vraiment avoir un chien pour me guider ? Et ce, gratuitement, en plus ? Voyant que je ne bougeais pas, Kris me tira pour me faire entrer. Je restai toujours sans voix : aucun être humain normalement conçu ne pouvait être aussi gentil. Moi-même je n'aurais ni eu l'idée ni l'envie de faire quelque chose de semblable pour quelqu'un, surtout si je ne le connaissais que depuis quarante-huit heures. Kris a légèrement rigolé.

- Je sais à quoi tu penses, mais te n'inquiète pas ça ne me coûte rien. Et pour l'entretien, mon patron veut bien que tu travailles pour lui pendant un ou deux mois. Le salaire est bas, mais suffisant !

Je mis quelques secondes à me rendre compte de ce qu'il se passait vraiment. Et ma seule réponse fut un simple merci. C'était peu pour tout ce qu'il faisait. Mais que pouvais-je dire de plus qui ne soit pas faux cul et cliché ? Rien de spécial. Kris me tira définitivement à l'intérieur du chenil. Ça empestait le chien. Kris m'emmena à un comptoir. Y'avait juste un petit hic...ma plus grande phobie c'était les chiens...Depuis le début je n'osais pas lui dire, par peur de le vexer ou de le mettre en rogne. Pourtant, je sentais qu'avec les chiens d'aveugles ça allait être différent. Après tout, ils sont formés pour vivre avec des humains et les guider, donc aucune chance qu'ils ne me mordent ou qu'ils deviennent subitement méchants. Mais même en le sachant, j'étais mal à l'aise.

Un homme s'est approché de nous, il sentait le chien comme la lavande sent bon. Il a salué Kris puis il s'est approché de moi et m'a checké.

- Salut, je suis Basile, le beau-frère de Kris. Viens, j'ai sélectionné quatre chiens, tu me diras celui qui te plait le plus, me dit-il. J'ai hoché la tête puis je l'ai suivi, accompagné de Kris. Je me demandais comment ils étaient beaux-frères...Famille recomposée ? Mariage ? je n'en savais rien. Basile nous a amené dans une petite salle, dès qu'on est entré quatre chiens sont arrivés sur nous. Mon cœur a loupé un battement et mes muscles se sont raidis. Pourtant, les chiens sont restés calmes, ils n'ont pas aboyé, ils n'ont pas tenté de grimper sur moi ou de me lécher. Non, ils sont restés totalement pacifiques et se sont contentés d'approcher. Ça m'a détendu. J'ai senti que Basile s'était frayé un chemin entre les animaux. Il s'est accroupi et j'ai compris qu'il caressait ses chiens.

- Tu peux choisir ! dit-il. J'étais gêné, je n'osais pas m'approcher et comme je ne voyais plus, je ne pouvais pas choisir le chien le plus mignon ou le plus beau. Soudain, Kris a saisi ma main et m'a fait m'accroupir, puis il l'a dirigée sur la tête de l'un des chiens. Je fus surpris et un peu mal à l'aise, mais je finis par sourire de son initiative et me suis laissé faire. Kris lâcha ma main et je me retrouvai seul à chatouiller un chien d'aveugle. J'entendis alors Basile rigoler.

- Celui-là s'appelle Bayo, c'est un Saint-Pierre, il a sept ans, m'a expliqué l'éleveur. J'ai hoché la tête quand j'ai senti qu'un autre chien s'approchait de moi. Mon premier réflexe fut de me raidir, mais la bête est venue se frotter contre moi, en poussant une sorte de gémissement. Immédiatement, je me détendis. J'abandonnai Bayo pour venir caresser ce petit jaloux. Il était encore plus doux que lui et avait le poil démêlé et empestait moins qu'un chien « normal ». Sans que je ne m'y attende, ce petit chenapan m'a fait tomber à la renverse et a placé ses pattes avant sur mon torse pour venir renifler mon visage. J'ai poussé un petit cri de surprise avant de sourire. Avec un autre chien, j'aurais très mal réagi, je me serais mis à paniquer, mais je sentais que ce chien était spécial, comme s'il était fait pour moi. Basile et Kris ont éclaté de rire derrière moi.

- Alors celle-ci, quelle charmeuse ! s'est exclamé Basile, son nom c'est Wisa, sa mère était une Golden Retriver et son père un Labrador, alors elle a ça dans le sang ! Ça va faire un an qu'elle est ici et quand elle est arrivée elle avait deux ans, en gros elle trois ans.

Alors comme ça, ce n'était pas un chien mais une chienne. Je me suis mis à sourire comme un débile, et j'ai commencé à lui gratter le museau. On est resté quelques minutes ainsi. Je n'avais pas besoin de voir les autres chiens, je savais que c'était Wisa qu'il me fallait. Elle avait l'air joueuse et câline, et vu comment Basile en parlait, elle ne paraissait ni méchante ni craintive. J'ai gentiment poussé la chienne, enfin ma chienne pour me relever et j'ai dit à Basile :

- C'est Wisa que je prendrai, s'il te plait. On est d'accord qu'elle est sympa ?

- Généralement tous les chiens guides sont sympathiques, mais Wisa est particulièrement sociable et calme, m'a-t-il répondu. Bon, il n'a pas exactement répondu à la question que je lui posais, mais ça revient au même. Kris m'a fait sortir du box et m'a amené sur un canapé un peu plus loin. On a discuté quelques temps de l'entretien et de l'utilité d'un chien, puis il m'a appris que Basile était le petit ami de sa grande sœur et, enfin, Basile est revenu avec Wisa. Il a tendu un paquet et m'a passé la laisse de Wisa.

- Je t'ai mis assez de croquettes pour deux semaines , je te donne la laisse et à l'entrée ,du chenil, tu donnes mon nom et ils te passeront de la litière. Bon, allez, à bientôt, mon frère ! a dit Basile. J'étais très mal à l'aise, Basile me donnait tout ça alors qu'il ne me connaissait même pas...

- Euh...vous...vous êtes sûr ? bafouillais-je, la laisse de Wisa entre les mains. Basile rigola un bon coup et plaça sa main sur mon épaule.

- J'adore aider, et puis, si Kris a confiance en toi, alors moi aussi ! Et je n'ai que vingt-six ans, tutoie-moi !

Je lui ai rendu son sourire et je l'ai remercié. Avec Kris, on s'est rendu à l'accueil et, comme prévu, on nous donna de la litière. Wisa nous suivit sagement jusqu'à la voiture. Là, Kris mis le tout dans le coffre et m'autorisa à la garder sur mes genoux, à l'avant donc, jusqu'à ce qu'on arrive à une animalerie pour acheter un peu de matériel, genre une gamelle, un harnais, un collier d'identification et un petit jouet. Une fois devant le magasin, Kris me proposa de rester dans la voiture. Je tentai de riposter, mais il m'enferma et partit seul acheter le matériel pour Wisa. Je ne pus que soupirer, tout de même amusé. Kris revint une petite demi-heure plus tard, je sentais qu'il n'avait pas dû se contenter du strict nécessaire.

- C'est hyper gentil, mais c'est aussi gênant...lui ai-je dit.

Il m'a tapoté l'épaule en m'assurant que ça ne le dérangeait pas, et que, dans le pire des cas, je pourrais le rembourser quand j'aurais reçu ma première paye. On est retourné à l'immeuble où habitaient Efia et ses filles. J'espérais pouvoir enfin rencontrer la fameuse Zélie, et, au passage, avoir une petite conversation avec Zara, si sa langue fourchait et qu'elle me révélait accidentellement où elle passait ses journées. Mais bon, elle semblait trop intelligente pour tomber dans un piège aussi simpliste que celui-ci. Lorsqu'on est rentré à l'appartement, il était déjà midi. Malheureusement, aucune des filles d'Efia n'était présente. Le repas fut donc assez silencieux. Je présentai Wisa à Efia, Kris l'ayant tenu au courant. Ensuite, j'allai promener ma chienne dans les rues du quartier, accompagné de Kris. La première balade se passa sans encombre. Wisa avait vraiment été formée, elle s'arrêtait au passage piéton, ne marchait pas trop vite et n'allait pas renifler tous les passants. On s'arrêta dans un café, où, bien sûr, les chiens étaient interdits. Heureusement que Kris avait pensé au passeport de Wisa prouvant qu'elle était une chienne d'aveugle. Après une balade d'environ deux heures, nous rentrâmes à l'appartement. Cette fois, Zoé et Zara étaient rentrées, mais surtout, il y avait Zélie....

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