Chapitre 2

Ça a commencé doucement. Puis c'est monté en puissance. À aucun moment, je n'avais prévu ça. Je pensais que j'allais être épargné. Mais non. Je faisais partie de ces millions atteints de la fièvre grise.

Ça a commencé par les nausées. Puis la fièvre et enfin la vision brouillée. Je ne disais rien à personne. Je n'avais pas envie de finir dans un centre. Alors j'ai gardé le secret. Vous voulez aussi savoir ça ? Je vous avais prévenus. Vous êtes entrés dans un cercle vicieux. Comme moi.

Ça a commencé lors d'une journée de cours banale. Comme tous les matins, je me suis levé. C'était un vendredi, alors j'étais un peu épuisé. Je devais déposer Elodie à l'école avant d'aller à la fac. J'ai regardé l'horloge que j'avais installée au-dessus de ma télé. Elle indiquait sept heures quinze. En mordant dans une tartine, je suis allé la réveiller. Je lui ai servi un chocolat chaud et une tartine. Mon téléphone a sonné. En trainant des pieds, je suis allé le chercher. C'était une notification d'un blog tenu par la mère de la copine actuelle de Mia, qui était médecin. Etant donné que le titre de l'article était « Une fièvre inconnue », j'ai cliqué. Je me suis installé dans le canapé, en disant à Elodie de se dépêcher. C'était assez bien présenté, il y avait une photo d'un œil gris. J'ai commencé à lire « Alors que cela fait déjà deux mois que la Fièvre Grise est apparu en France, en Espagne, en Allemagne et en Belgique, on ignore encore comment elle se transmet. Les chercheurs ont écarté la possibilité qu'elle soit transmissible par le toucher. Donc, aucune crainte, vous pouvez continuer de vous enlacer et de vous saluer. Mais est-ce une MST ou est-elle transmissible par voie orale ? Ou encore se transmet-elle par l'air ? Cette fièvre reste mystérieuse. Nous nous ne savons ni comment elle se transmet ni la gravité de cette maladie. Nous en sommes certes à 17 897 malades, mais à seulement 18 morts. Les contaminés souffrent mais ne meurent pas... » l'article continuait ainsi mais je n'avais aucune envie de lire les pensées d'une femme qui disait que dix-huit morts, c'est rien. Je me suis relevé.

- Elodie va te préparer, allez, on part dans vingt minutes, ai-je dit. Elle s'est levée et est partie s'habiller. J'ai rassemblé mes livres de cours dans ma sacoche et je me suis installé à la table de la cuisine, parlant avec Mia par message. Elodie est rapidement revenue, vêtue d'une robe blanche. J'ai pesté.

- On est en novembre, mets un truc plus chaud. Elle a semblé déçue mais elle est allée se changer. Pour revenir une dizaine de minutes plus tard avec un jean et une chemise. Je lui ai tapoté l'épaule, elle a pris son sac et on est descendu. On a marché en direction de son école. Mais j'avais mal à la tête, comme la veille. Je me suis adossé à un mur pour reprendre mes esprits.

- Ça va ? a demandé Elodie. J'ai levé mon pouce en l'air et ai repris la route. Son école était à quinze minutes à pied alors on est arrivé rapidement. Je l'ai laissé devant la grille qui n'était pas encore ouverte, mais il y avait plein de monde. Aucune chance qu'elle ne soit agressée, kidnappée ou quelque chose comme ça. J'ai pris la direction du métro. J'avais toujours mal à la tête. En une vingtaine de minutes, je suis arrivé à la fac. J'ai rapidement trouvé Mia et sa copine Sophia.

- Salut ! a dit Mia.

- Ça va ? Elle a hoché la tête. On s'est dirigé vers notre salle de cours, Sophia était dans un autre cours. Le nôtre a démarré normalement, la prof nous faisait revoir les lois du mariage. Mais j'avais mal à la tête. C'était comme si on m'enfonçait un poignard dans le crâne et qu'on le remuait. J'ai fini par poser ma tête sur mes cahiers. J'entendais tout en sourdine. Mia essayait de me secouer mais en vain. La Prof a fait le tour de la salle, je m'étais installé au fond. Quand elle m'a vu affalé sur la table, elle m'a donné un léger coup sur le crâne avec un livre. Souvent quand quelqu'un a mal à la tête, on évite de lui cogner dessus...mais bon.

- Mr Faurnier ! Concentrez-vous ! s'est exclamé la prof.

- Madame ! Il a mal à la tête ! a riposté Mia. Je savais qu'elle avait un fort caractère mais de là à parler comme ça à une prof. La Prof m'a regardé comme si j'étais un objet avant de dire :

- Conduisez-le à l'infirmerie, Mlle Prévot. Mia a hoché la tête. Elle m'a soulevé et m'a calé contre son épaule. J'étais relativement petit et maigre, et elle, plutôt grande avec de larges épaules. Elle m'a trainé jusqu'à l'infirmerie. J'avais envie de vomir et ma vision devenait floue. Je savais ce qu'il m'arrivait, mais j'espérais avoir tort. Devant l'infirmerie, Mia m'a adossé contre un mur, le temps de se recoiffer. L'infirmier était le père de Sophia. Je supposai donc qu'elle voulait faire bonne impression. Elle a attaché ses boucles blondes en queue de cheval. Puis elle m'a repris le bras.

- Mia...ça sert à rien...ais je soufflé. Elle a pesté et m'a regardé. Puis m'a dit :

- Si, ça sert à quelque chose ! Tu es souffrant, et nous savons très bien ce que tu as ! Ce fut à mon tour de soupirer. Elle était tellement têtue. Elle a poussé la porte de l'infirmerie qui donnait sur une sorte de salle d'attente, puis sur la vraie infirmerie où se trouvait le père de Sophia qui recevait les étudiants. Il y avait déjà un garçon dans la salle d'attente. Il y avait le tibia en sang.

- Il est occupé, a-t-il dit quand Mia a toqué.

- T'inquiète, je gère, a-t-elle répondu. Une voix grave nous a dit d'entrer. Je n'étais allé qu'une seule fois à l'infirmerie et le père de Sophia ne travaillait pas encore là. Je ne l'avais vu que deux fois, la première en déposant Mia chez sa copine, un soir, pendant les grandes vacances et la deuxième fois alors que je me baladais dans la rue avec Mia, on a croisé Sophia et son père. En gros, je ne l'avais jamais vu dans le cadre universitaire. Mia a poussé la porte. Le père de Sophia, était un homme mince et grand, aux cheveux gris et aux yeux froids. J'ai pu voir que Sophia était assise sur le bureau et discutait avec son père. Soit elle séchait, soit elle commençait plus tard, ou alors son prof était absent. Quand elle nous vit entrer, elle descendit du bureau, embrassa Mia et sortit.

- Je vous apporte Romain Faurnier, Mr Herberty, a dit Mia. L'infirmier a hoché la tête et a dit à Mia de m'installer sur une chaise. Je n'étais plus maître de moi-même. J'avais tellement mal à la tête et mon ventre me faisait souffrir le martyre.

- Pourquoi est-il ici ? a demandé Herberty. C'était un peu idiot de demander ça, j'avais les mains serrées sur mon ventre et je suais.

- Mal à la tête et au ventre, répondit Mia, bon, je vous laisse ! Elle est sortie en claquant la porte. L'infirmier m'a regardé avant de sortir une feuille et un stylo. Je n'ai pas pu voir ce qu'il inscrivait.

- Depuis combien de temps ? a-t-il demandé. Je savais que si je répondais honnêtement, je disais adieu à tout. Il allait m'envoyer dans un Centre de Rétention, où j'allais être traité comme un chien. Le Gouvernement préfère investir dans les armes, au cas où les Etats Unis ou la Chine décideraient de nous lâcher une bombe sur la tête, que dans la médecine. Et s'ils investissaient dans la médecine, c'était pour produire des vaccins empoissonnés. Les prétendus centres où on prend soin de nous, c'est une couverture pour enfermer tous les êtres devenus inutiles à l'économie. Une personne aveugle ne pourra pas devenir médecin, footballeur, professeur ou agent de sécurité. Toutes ces professions utiles où on a besoin de voir, plus de 17 800 personnes ne pouvaient plus les exercer.

- Ce matin, ai-je répondu. Même si ça datait d'hier soir, voire même d'hier après-midi. Herberty a hoché la tête et a encore écrit quelque chose sur la feuille.

- Lève-toi, s'il te plait. Je me suis exécuté, me rattrapant de justesse au dossier de la chaise. L'infirmier est passé derrière moi et a pris mon pouls. Puis il m'a fait courber le dos, mais j'avais tellement mal au ventre que je suis tombé à genoux sur le sol.

- D'accord, a dit Herberty. Ce « D'accord » ne présageait rien de bon. Avec qui ou avec quoi était-il d'accord ?

- Hum...Faurnier, mettez-vous là, contre le mur, vous allez me lire les lettres et mots que je vais afficher. Bien sûr. Quoi de mieux ? C'était tellement mesquin mais aussi intelligent. Je ne pouvais pas lire ni des lettres ni des mots si je voyais flou. J'allais devoir inventer et passer pour un fou, ou alors je disais que je ne pouvais pas lire sans mes lunettes. Ce qui était entièrement faux, étant donné que je n'avais pas de lunettes. J'ai vu quelque chose s'afficher sur le mur d'en face. Mais c'était trop petit, trop fin pour que je puisse lire.

- Que lisez-vous ? m'a demandé Herberty. Je voulais répondre, vraiment, je voulais lui dire que je n'arrivais pas à lire. Mais les mots se sont bloqués dans ma gorge. Je n'arrivais pas à parler. D'un coup, je ne me suis senti partir. Mon corps et mon esprit se sont séparés. Mon cerveau ne contrôlait plus mes organes et mes muscles. Je suis tombé sur le sol. Mes tempes ont cogné le carrelage glacé. L'infirmier s'est précipité vers moi et a pris mon pouls. J'étais vivant, je le savais. J'étais vivant, mais mon esprit avait quitté mon corps. Je ne contrôlais plus rien. La fièvre était devenue la maitresse de mon corps. Quand il a vu que mon cœur battait, il s'est dirigé vers son téléphone. Il a commencé à taper un numéro. Mais je l'ai senti hésiter. Pendant deux secondes, il a vraiment hésité. Pour, finalement, inscrire un autre numéro. Il m'a pris dans ses bras et m'a amené dans le hall. La sirène d'une ambulance a retenti. Une foule d'étudiants a débarqué dans le hall. Herberty me portait toujours et les étudiants se sont encore plus rapprochés. Je n'ai rien vu, j'ai juste deviné le martèlement des pas, les vibrations sur le sol, le souffle. Etrange mais réel. Soudain, je me suis senti soulevé puis déposé sur quelque chose de dur. Un brancard sûrement.

- Quelqu'un a appelé ses parents ? a demandé une voix de femme.

- Je le fais ! a répondu la voix de Mia. Au son de sa voix, j'ai essayé de bouger. Mais je n'ai pas réussi. Il s'est passé dix minutes ou bien deux heures. Dans le coma, on perd toute notion du temps. Puis, plus rien. Rien du tout. Néant.

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