sept
Matthew à décidé de laisser les enfants jouer calmement ce matin et nous avons donc opté pour une activité coloriage. Ce n'est pas quelque chose qui les ravi au plus haut point, mais ils sont assez obéissants.
Ma tâche de ce matin consiste à aller faire des courses avec Baptiste. À vrai dire, je ne sais pas vraiment de quoi on peut avoir besoin, mais je ne rechigne pas.
Baptiste prend la voiture du camp, qui est une grosse Jeep noire sale, et nous voilà partis.
- Vous faites quoi comme activité vous ? Demandé-je.
- De la voile, et après on inversera.
- Oh c'est cool ça !
Il me jette un regard oblique et sourit de toutes ses dents.
- J'attends de t'y voir, c'est hyper stressant.
Je fais une moue contrariée et je l'entends rire un peu.
- On verra bien ! Je déclare finalement. Au fait, pourquoi on va faire des courses ? On a tout ce qui nous faut au camp non ?
- À part la bouffe, on a rien tu sais. Il nous faut de la lessive, des produits pour se laver, des trucs pour les enfants ... On reste deux mois là-bas tu sais.
Il n'a pas tord. J'aurais sûrement pu emmener moins de choses si j'avais su qu'on pouvait faire des lessives. Et cela m'aurait peut-être laissé un peu de place pour prendre Thomas avec moi ...
Mais il faut à tout prix que j'arrête d'y penser. L'idéal aurait été de partir tous les deux à la conquête du monde, pour tout oublier.
Nous arrivons au supermarché et je suis obligée de courir derrière Baptiste pour suivre sa cadence.
- Je vais commencer par ce dont j'ai besoin, tu prends ce que tu veux aussi, on verra après ce qu'on prend pour les enfants. Mais il faut pas dépasser cinquante euros de budget. Go !
Et il part presque en courant. Il a sûrement du préparer une liste, mais je n'ai besoin de rien. Je vagabonde donc à travers les rayons et je tombe sur les étales de livres et de magazines. Bonne idée.
Je farfouille un peu dans les livres mais je porte rapidement mon dévolu sur les bandes dessinées. Gaston est mon meilleur ami. Je prends une seule BD à cause du prix exorbitant de ces dernières et je continue à déambuler dans les rayons. Je retrouve finalement Baptiste au rayon sous-vêtements.
- Salut, dis-je innocemment.
Il lève la tête vers moi visiblement surpris et repose les caleçons qu'il avait en main rapidement.
- Salut, répond-il gêné. Tu as trouvé ce qu'il te fallait ? Demande-t-il en pointant ma BD du doigts.
Je la lève triomphante.
- Ouais ! Bon je vais refaire un tour, je vais prendre la lessive.
Je m'éloigne aussi vite que je suis venue. S'il cherchait des sous-vêtements, est-ce que ça veut dire qu'il n'en a pas emmené ? Auquel cas il porte le même qu'hier ?
Je n'ose pas y penser et je vais dans le rayon entretient.
Je prends la lessive que prend habituellement ma mère, car je suis sûre que ma mère ne choisit pas sa lessive au hasard. Si elle prend celle-ci, c'est pour une bien bonne raison !
Je me dirige ensuite vers le rayon des loisirs créatifs et j'entreprends de prendre de feutres et des crayons de couleur pour les enfants. Baptiste me rejoint peu après et nous filons vers les caisses.
De retour dans la voiture, le calme prend de nouveau le dessus. J'essaie d'engager la conversation :
- Vous vous connaissez depuis longtemps avec Adrien ?
- Oui, un peu ! On faisait ce genre de camps quand on était petit et une étrange coïncidence a fait que nous nous sommes toujours retrouvé dans les mêmes camps.
Son anecdote me fait sourire. C'est beau une amitié d'enfance.
- Pourquoi cette question ? Reprend-il.
- Je m'interresse, je réponds en haussant le épaules. Et puis, j'ai vu que vous vous entendiez relativement bien.
Nous franchissons ensuite les barrières qui délimitent l'entrée du camp. J'aide Baptiste à décharger les affaires et nous nous rendons dans la grande salle.
Les enfants courent dans tous les sens en criant n'importe quoi.
- Ils ont été sages ? Demande ironiquement Baptiste à Matthew.
- Ils sont formidables ! Rétorque ce dernier en levant les bras au ciel. Ils ne s'épuisent jamais. C'est fou !
Nous rigolons mais nous laissons quand même ces petits énergumènes s'amuser.
Quand vient l'heure de manger, la même cérémonie se répète : nous les comptons puis ils se mettent par deux pour traverser le camp.
- Vous devez partir à quatorze heures trente et revenir à dix-sept heures trente, nous dit Matthew à table. Vous avez trois heures, ce qui devrait largement suffire. Normalement tout le périmètre de la montagne est sécurisé mais vous verrez ça quand vous serez sur les lieux. C'est un super endroit, surtout lorsqu'il fait un temps comme celui-là.
En effet, le soleil brille et le ciel est d'un bleu azur réconfortant. Pas un seul nuage n'est visible.
- de notre côté on fait la même chose. On prend le même bus sauf qu'il vous dépose après nous, et le soir il vous prend avant nous. Compris ?
- Oui chef, dit Baptiste.
- Ok, répond simplement Adrien.
Ayant la bouche pleine de petits pois, j'hoche simplement la tête.
- Très bien ! Déclare-t-il alors.
¤¤¤¤¤
Les enfants sont surexcités, et il est très compliqué de leur donner les consignes dans le calme. Ils ont d'énormes sacs qui font surement deux fois leur propre poids mais cela ne les empêche pas de parler.
Nous entrons avec grand peine dans le bus. Je me mets toute seule à l'avant alors que Matthew est derrière pour surveiller les enfants. Baptiste et Adrien se sont mis côte à côte et discutent.
Le paysage qui passe sous mes yeux est magnifique. Les montagnes sont boisées et le soleil met parfaitement en valeur les teintes vertes des feuilles des arbres. Et plus nous montons, plus les feuilles se changent en épines, et les sapins ont remplacé les chênes. Le bus se fait toujours aussi bruyant, même après le départ du premier groupe. À ma grande surprise, Adrien vient à côté de moi.
- Alors comme ça, tu as surpris Baptiste dans le rayon sous-vêtements ce matin ?
Je suis d'abord surprise, puis prise d'un gros fou rire.
- L'information du siècle ! M'écrié-je presque. Vous vous dites vraiment tout dis donc, de vraies filles.
Adrien me frappe doucement l'épaule.
- Bof, répond-il simplement.
Je ne sais pas pourquoi il voulait se mettre à côté de moi juste pour me dire ça, mais je décide d'en profiter pour lui demander quelques éclaircissements.
- On va s'organiser comment pour la course d'orientation ? On va quand même pas laisser gambader des petits de huit ans dans la forêt ?
Il roule des yeux.
- Mais non, on va faire deux groupes de cinq et un de nous sera le chef de groupe, tout simplement !
- Ok ! Et on va faire ça pendant trois heures ?
Il tourne la tête pour me regarder avec un expression blasée.
- Non, bien sur que non. On va d'abord faire des jeux, et après on fera la vraie course d'orientation.
J'hoche la tête et je décide d'arrêter là avec mes questions débiles. Je sais que je le fais plus chier qu'autre chose.
Quand le bus s'immobilise enfin pour nous laisser sortir, nous nous dépêchons de descendre pour empêcher les enfants de courir partout. Nous sommes sur un parking et nous pouvons distinguer la vallée en contrebas. La vue est tout aussi surprenant que saisissante. Il nous suffit de descendre quelques marches pour arriver sur l'herbe fraîche que nous offre les Pyrénées.
- Les enfants ! Interpelle Adrien en frappant dans ses mains. Nous allons descendre dans la petite clairière et je vais vous demander de faire bien attention aux marches, elles glissent un peu. Ensuite on devra resté groupé pour le moment car nous allons faire quelques jeux avant de commencer la course d'orientation. Je vous expliquerai tout ça après, mais pour l'instant, direction la clairière !
Adrien siffle et ouvre la marche tandis que je reste derrière. En effet, les marches sont raides et assez glissantes, mais je suis munie de bonne chaussures.
Une fois dans la clairière, je peux détailler plus curieusement tout ce qu'il s'y trouve. Un petit ruisseau parcourt celle-ci en laissant derrière lui un écho relaxant. D'ici, la route reste peu visible car un peu trop en hauteur. Les sapins et autres conifères envahissent le reste de mon champ de vision. Au loin, nous pouvons voir le sommet de quelques autres montagnes.
Je rejoins Adrien qui regarde les enfants s'émerveiller. J'en entends certains parler de la rivière, d'autres du ciel bleu. Mais la plupart sont muets et regardent juste la grande nature devant leurs yeux.
- Bon, je suppose que vous avez très envie de courir et de bouger, mais aujourd'hui, on va commencer par ...
Adrien laisse le suspens planer et c'est assez amusant de regarder les yeux ronds des enfants.
- ... faire des barrages sur la rivière !
Tout le monde saute de joie.
Moi y compris.
- Alors, pour ça vous allez vous mettre par deux.
Instantanément, les enfants se rassemblent en binôme. C'est d'ailleurs assez naturellement que Jule se met avec Lili. C'est mignon.
- Ensuite, vous disposez de tout ce qui est ici pour construire votre barrage : pierres, bâtons, mousse, tout ! Par contre, personne ne triche ! Je vous fais confiance là dessus ! Et dernière règle ...
Adrien me lance un regard éloquent, mais je ne le connais pas assez pour lire dans son cerveau. Je dis donc la première chose qui me passe par la tête :
- Amusez-vous !
Sur ce, les enfants se mettent à courir dans tous les sens en quête du meilleur matériau.
¤¤¤¤¤
Mon poste consiste à aider les enfants dans leur architecture.
Tom et Nathan sont partis sur une base d'amas de cailloux pas du tout stable, je leur propose donc de solidifier leur structure en y ajoutant des bouts de bois. Ils m'écoutent et me font confiance.
Je crois d'ailleurs que c'est l'une des choses qui me fascine le plus chez les enfants : leur confiance et leur foi illimitée en toute personne. Cette innocence rongée par la vie et le temps me laisse très émotive. Qu'est-ce que j'aimerais retourner à leur âge !
Je rejoins Adrien qui regarde de loin des enfants barboter.
- Ils sont adorables non ? Demande-t-il.
- Ils sont adorables ! Confirmé-je. Qui va gagner selon toi ?
- Lucas et Quentin sont bien partis, mais tu as pas mal aidé Tom et Nathan. Après il y a aussi Lou et Ilona qui ont eu une super idée ! Finalement je me tâte ...
- La prochaine fois, on construira notre propre barrage. Ça nous évitera de baver devant eux ...
- C'est toi qui bave, remarque Adrien. Moi j'admire ...
Je le regarde quelques instants
- T'es plutôt bizarre comme mec, dis-je.
Il tourne rapidement la tête vers moi puis hausse les sourcils.
- Ah ouais ?
- Ouais.
Je voudrais lui dire que j'aie du mal à le cerner, mais je m'abstiens. On se connaît depuis trois jours, c'est carrément normal.
- Toi aussi t'es bizarre comme fille. J'ai toujours l'impression que tu caches des trucs à tout le monde. Parfois même à toi.
Je le regarde encore plus interloquée.
- Pardon ?
- Ouais, je t'assure. Quand je te regarde, tu as les yeux dans le vide comme si tu pensais à rien, mais quand tu parles aux gens, tu as une idée dans le regard qui est impossible à louper. Tu parles presque avec tes yeux.
Je suis confuse par son discours mais je ne dis rien. J'ai peur de ne rien avoir compris.
Finalement, il passe rapidement à autre chose en interpellant Anaïs et Éloïse qui se jetaient de l'eau. Puis le silence reprend sa place.
Après une demie heure à attendre et à conseiller les enfants, ils ont tous plus ou moins terminé leur chef d'oeuvre. La plupart des barrages sont très bien réussis et je me surprends même à être en admiration devant quelques uns. Pathétique.
Nous déclarons tous les enfants vainqueurs et pour la peine, chacun reçoit deux Carambars que Monsieur Adrien-l'animateur-parfait avait emmené.
- Tu penses à tout en fait, déclaré-je.
- Ouais si tu veux. Mais pour faire médecin il faut non ?
Il me lance un sourire en coin et un clin d'œil ironique. Je ne réplique pas car il explique aux enfants le déroulement du reste des activités.
Nous faisons une autre balle aux prisonniers où les filles affrontent les gars. Mes petites se débrouillent super bien, mais l'agressivité des gars a raison de nous. Je n'ai pas joué beaucoup pour laisser cette joie à mes princesses. En revanche, Adrien ne s'est pas fait prier et c'est d'ailleurs lui qui a capturé presque toutes les filles.
C'est enfin au tour de la course d'orientation.
- Alors, on va faire deux équipes ! Les filles contre les gars ça vous dit ?
Les enfants répondent tous un magnifique "oui". La mixité à cet âge est assez compliquée ...
- Bon, alors le but est de retrouver trois balises qui sont cachées dans la forêt ou même ici. Le responsable de chaque aura un sifflet et il faudra siffler dedans pour indiquer à l'équipe adverse que vous avez gagné.
Ensuite je m'occupe de distribuer les cartes et je prends une boussole en main. Je vais vers les filles qui sont plus que motivées pour gagner.
Quand Adrien siffle le début de la course, tout le monde court en direction de la forêt. Je regarde la carte sous plusieurs angles avant de trouver le bon, puis je prends la tête de la course pour guider mon petit groupe.
- C'est par ici les filles ! Crié-je.
Nous sommes toutes très motivée et nous trouvons rapidement la première balise. En revanche, la suivante nous donne du fil à retordre. Elle est finalement cachée dans le tronc d'un arbre.
La dernière se trouve près de la clairière où nous étions tout à l'heure, il faut donc que nous fassions demi-tour. Nous avons mis environ trente minutes pour trouver deux balises. En regardant ma montre, je vois qu'il est dix-sept heures. Le temps a filé à une vitesse folle.
Nous débarquons enfin dans la clairière et nous nous mettons en quête de la balise. Je laisse les filles le faire pour reprendre un peu mon souffle.
C'est vrai que cet endroit est tout simplement génial. La forêt fraîche nous couvre des coups de soleil qui s'annoncent. L'air est froid et pur, rien de mieux pour se vider la tête.
Ce n'est que le troisième jour, mais je sais déjà que mes vacances vont être inoubliables. Courir avec des enfants et être entourée d'innocence est le meilleur moyen d'oublier. Je m'en veux un peu de penser ça, de me dire que je suis beaucoup mieux ici que chez moi, avec Thomas. Et je vais surement me dire ça tous les jours.
Soudain, j'entends des cris.
- Julie ! Julie on l'a trouvé ! Julie !
Je me réveille et je cours en direction des filles qui agitent avec enthousiasme la carte.
Lorsque j'arrive à leur niveau et que je vois la balise, je prends mon sifflet en main et je souffle à l'intérieur de toutes mes forces. Les filles se bouchent les oreilles. Puis nous nous mettons en cercle pour chanter et crier n'importe quoi.
Quand les garçons arrivent enfin, ils ont le visage baissé, et les filles ne manquent pas de leur faire savoir que nous avons gagné. Adrien me rejoint.
- Qui rira bien rira le dernier, me dit-il.
- Ne vends pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué, rétorqué-je.
- Oups, j'avais oublié que j'avais affaire à une L.
Je lui tire la langue et il fait de même. Je suis d'abord surprise, mais j'admire quand même ses yeux plissés et sa langue tirée.
Après quelques minutes de festivité, nous voyons le bus arriver. Les enfants se rangent et montent dans le bus en direction du camp. En m'asseyant à ma place, je me sens exténuée, mais paradoxalement pleine de vie. Je pense que les enfants ont ce pouvoir sur nous. Le pouvoir de nous faire sentir enfants. Je m'autorise à fermer les yeux et le voyage se passe dans un calme relatif.
¤¤¤¤¤
Après avoir dîné et couché les enfants, je me dirige comme tous les soirs depuis samedi sur le petit ponton, mon téléphone en main. Je l'ai rechargé toute la journée alors il a intérêt à s'allumer. Après une dizaine de minutes, il est enfin réactif et je reçois tout un panel de messages venant de Thomas.
Thomas : Désolé, j'avais oublié mon téléphone. J'étais parti me promener.
Thomas : Tout se passe bien de ton côté ? J'espère que tu vas m'appeler ce soir, et promets moi de me raconter ta journée !
Thomas : Je suis allé rendre visite à tes parents tout à l'heure, tout se passe bien pour eux, ils m'ont dit de te faire de gros bisous (et ta mère m'a fait un clin d'œil en disant ça, tu sais pourquoi ?)
Thomas : Je suis passé devant la boîte aux lettres de monsieur Kipu, et il l'a retiré, du coup le facteur ne passe plus. Le pauvre quand même ...
Je rigole plusieurs fois, et je suis contente de voir qu'il semble de bonne humeur, quoi qu'il est facile de paraître enjoué dans un message. Je compose donc son numéro.
- Allô ?
- Allô Thomas ?
- Hey mon Soleil ! Tu vas bien ? Putain tu appelles tard hein ! Il est presque vingt-deux heures, tu es pas censée dormir ?
Je sens l'ironie dans sa voix et cela me fait plaisir de retrouver le Thomas que j'ai toujours connu.
- Très drôle Superman. Autrement ça va super, on a fait de la course d'orientation aujourd'hui. Et toi tu vas bien ? Tu as fait quoi te ta journée ?
Je me couche sur le ponton pour regarder la lune presque pleine. Je me dis que peut-être Thomas regarde lui aussi la lune à cet instant précis.
- Je suis allé voir ma grand-mère avec mon père et ma soeur et je passe une semaine chez elle. Je veux m'enfuir un peu de la maison, comme toi.
- Tu fais quoi ?
- Je suis dans la cabane de son jardin, tu sais dans le grand chêne là. Celui que mon grand-père a faite pour moi. C'est pas très confortable, mais j'entends les cigales et ça me détends. Et toi ?
- Je regarde la Lune.
Thomas ne répond pas instantanément.
- Moi aussi, avoue-t-il.
Je reste quelques secondes avec le combiné collé à l'oreille.
- Je suis désolée de ne pas pouvoir être joignable pendant la journée ...
- Non ce n'est pas grave. Je fais pas mal de trucs dans le village, je passe la tondeuse chez les voisins ou je vais faire les courses. Je joues aussi au Scrabble avec ma grand-mère. Tu vois, ma semaine va être chargée ...
- Tant mieux, je suis sûre que ça va te faire du bien.
- Je ne sais pas, on verra. Je pense à ma mère toutes les heures, j'ai peur de ne pas être là, auprès d'elle quand le moment arrivera ...
- Ce ne sera pas maintenant Thomas, ça va être de plus en plus dur, pour elle et pour vous tous, mais ne perds pas espoir maintenant. Elle se fait soigner, tout va aller mieux.
Il ne répond pas, mais j'entends sa respiration. Je ferme les yeux et je l'imagine à côté de moi.
- Tu m'appelleras tous les soirs ? Chuchote-t-il.
- Je vais essayer, je réponds.
- Tu ne devrais pas, tu es partie pour prendre l'air, pour te vider l'esprit, je ne veux pas être celui qui t'accable de ses problèmes.
- Ne dis pas de la merde Thomas.
- Non, je dis la vérité Julie, arrêtes de m'appeler et pense au moment présent. Profites des enfants et des montagnes au lieu de te préoccuper de tout le monde.
- Tu dis n'importe quoi depuis le début. Tout d'abord, tu m'incite à partir, puis tu m'en veux, et enfin tu me dis de t'oublier ? Je ne comprends pas ce que tu veux Thomas ...
- Moi non plus Julie. Peut-être que j'aie besoin de temps aussi. Pour moi.
- Alors on ne s'appelle plus ?
- Samedi, je t'appelle samedi.
- Ok.
Sur ce, il raccroche.
Les conversations avec Thomas sont les conversations les plus frustrantes que je n'aie jamais eu. La tristesse gagne mon âme, mais je ne me laisse pas submerger. Je le comprends dans un sens, et peut-être que c'est mieux en effet.
- C'était ton petit copain Lucie ?
Je sursaute un grand coup et je me redresse. Adrien apparaît calmement près du ponton. J'aimerais lui lancer une pierre mais je n'en ai pas sous la main.
- Non Riz Soufflé. Pourquoi tu viens toujours là toi ? C'est moi qui ai trouvé cet endroit avant toi.
- À chaque fois que je viens, j'espère que tu ne sois pas là, répond-il en s'asseyant à côté de moi.
J'hausse les sourcils.
- Tu pouvais repartir, je sais que tu m'as entendu.
- Je sais, avoue-t-il.
Je pousse un profond soupire. Est-ce que tous les soirs, la même scène va se répéter ?
- Est-ce que je peux savoir pourquoi tu es là ? Demande-t-il alors.
Je suis très étonnée par sa question.
- Et bien ... je veux obtenir mon BAFA ... Et je suis obligée de faire ça ...
- Non, je ne te parle pas de ça, je veux savoir pourquoi, pour quelles raison, tu passes les deux mois de tes vacances perdue dans un camp avec des mioches partout ?
Je comprends ce qu'il veut savoir. Il veut clairement que je lui explique le pourquoi du comment, la mort de ma mamie, Thomas, mon frère. Tout ce que je ne veux pas qu'il sache.
- Je pourrais te poser la même question.
Cette fois, c'est à son tour de me regarder. Je continue :
- Tu vas rentrer en première année de médecine, tu devrais être en train de chercher un bel appartement pas trop cher, une voiture, t'organiser pour les cours, et toutes les autres choses dans le genre.
- On a déjà eu cette conversation, remarque-t-il.
- Oui, et ça ne t'est pas venu à l'esprit que je n'avais pas envie d'en parler ?
Mon ton est un peu agressif, et je m'en veux quand je découvre le regard d'Adrien. La lune se reflète dans ses yeux foncés. Je baisse la tête.
- Excuse-moi, dis-je alors.
- Ouais, on va passer deux mois ensemble, faudrait pas commencer à se frapper maintenant.
Il soupire.
- Mais sérieusement, pourquoi tu es là ? Ton petit-copain semble être à l'autre bout du monde. Il doit avoir vraiment besoin de toi car vu ta tête il a pas mal de problèmes, et tu es là, dans un camp en tant qu'animatrice ?
Je presse mes paupières. Pourquoi est-ce qu'il insiste ?!
- C'est bon ? On peut passer à autre chose maintenant ?
- Je suis ton tuteur, je suis censée faire que ton séjour se passe bien. Si tu ne me fais pas confiance, ça ne va pas le faire.
- On se connait depuis trois jours ! Tu n'as pas besoin de connaître ma vie dès maintenant !
Après cet échange assez vif, je reprends un peu de contenance.
- Et Thomas n'est pas mon petit-copain.
- Ah ! Il s'appelle Thomas alors !
- Non, il s'appelle Jean-François Claude.
Adrien se met à rire et je ne peux m'empêcher d'afficher un sourire. Son rire est communicatif et je me laisse finalement aller dans le même fou rire que lui.
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