dix-sept

- J'en ai marre ! Lui crié-je quand il refait surface. J'en ai marre de toi et de ton cirque !

Il tousse et je le regarde se débattre difficilement dans l'eau. Il rejoint rapidement le ponton mais ne sort pas de l'eau, peut-être à t'il peur de replonger dedans ?

- À combien de filles tu l'as fait ça ? Hein ?

Comme il fait sombre, je ne vois pas l'expression de son visage. Il croise ses bras sur le bord du ponton et secoue sa tête pour dégager ses cheveux de ses yeux.
Tout à coup, je repense à ce qu'il m'avait dit : il a une copine du nom de Melissa. J'éclate alors de rire.

- À quoi tu joues ?! Je demande éberluée.

Il ne semble pas comprendre tout de suite que j'attends une réponse de lui. Notre moment d'égarement m'a beaucoup trop troublé, alors j'essaie d'inverser la situation. Je veux de nouveau être en colère contre lui, sinon il recommencera son petit jeu.

- Je ne joues à rien, répond-il en soupirant.

- "Melissa" ça te dit quelque chose ?!

C'est à son tour de rire et de baisser la tête. J'aimerais le plonger une nouvelle fois dans l'eau, rien que pour le punir de se foutre de moi.

- Melissa, répète-t-il de façon théâtrale.

Je fronce les sourcils mais comme il ne me regarde pas, il ne voit pas la confusion sur mon visage.

- Je suis célibataire si c'est ça qui te dérange, dit-il en plantant ses yeux dans les miens.

J'ignore sa condescendance.

- Je ne comprends pas, répliqué-je en le toisant.

Il hausse les épaules et fais basculer sa tête sur le côté.

- Nous ne sommes plus ensemble !

Au vu de l'intonation de sa voix, je devine que c'est un sujet qui l'énerve un peu. Mais je refuse de prendre ça comme une excuse. Je ne veux pas succomber à son charme car je sais qu'il pourrait me faire perdre le contrôle de mon être. Et pour l'instant, j'ai besoin d'avoir un total contrôle sur moi-même.

Faute de mieux, je tourne les talons pour rentrer au camp.

- Julie attends ! Crie Adrien.

Je l'ignore royalement mais en me retournant, je le vois sortir de l'eau. Je me mets alors à courir vite pour lui échapper. Malheureusement, il me rattrape et m'attrape par le bras, ce qui fait que je suis violemment projetée contre lui. Nous nous étalons tous les deux sur le sol humide.
Je tente de me relever, mais Adrien s'empare de nouveau de mon bras pour m'éviter de fuir.

- Lâche moi ! Crié-je en essayant de me dégager.

- Pas question, répond-il calmement.

Je refuse d'abdiquer alors je continue de me débattre de façon assez virulente. Adrien se lève et moi avec. Il se saisit de mon autre bras, et descends ses mains pour agripper fermement mes poignets ce qui me handicape beaucoup. Cependant il me reste mes jambes, mais Adrien lit dans mes pensées et trouve bon de me faire tomber sur le sol. Il fixe mes poignets le long de mon corps et s'assoit sur mes cuisses, de cette façon, je suis totalement impuissante. J'avais mal estimé sa force, il réussi à m'immobiliser sans vraiment de difficultés ce qui n'est pas une mince affaire. J'arrête donc de me débattre pour le regarder. Je le regrette aussitôt.

Son tee-shirt mouillé (qui est malheureusement blanc) est collé sur son torse révélant une musculature discrète mais très appréciable. Ses cheveux mouillés sont ébouriffés, ce qui lui donne une allure sauvage que j'apprécie beaucoup trop. Sûrement conscient de son image, il me regarde avec espièglerie.

- Qu'est-ce que tu veux ? Demandé-je violemment.

- Je veux parler, répond-il doucement.

- Je n'ai rien à te dire !

- Moi si.

J'essaie de ne pas trop le regarder, mais la tentation est dure à combattre.

- Alors qu'est-ce que tu attends ?!

- J'attends que tu te détendes un peu !

Mes muscles sont tendus parce qu'il est juste au-dessus de moi. Comment veux-t-il que je sois détendue dans une situation pareille ?!
Il semble un peu trop se jouer de la situation, ce qui me déplaît fortement. Il se penche un peu et déplace mes bras pour fixer mes poignets au-dessus de ma tête. Son visage est tout proche du mien. Je me suis décomposée à l'état de guimauve, sensation que je déteste. Adrien devient plus sérieux, même si ses yeux sont plus agités et plus brûlants. J'entends que sa respiration se fait aussi plus lourde. Une vague de chaleur me traverse.

- Pourquoi tu te bats contre moi ? Demande-t-il en chuchotant.

Son souffle s'abat sur mon visage, et le son grave de sa voix me rend toute chose.

- Tu poses trop de questions, dis-je.

- Ça ne répond pas à ma question.

- Tu n'as pas répondu à la mienne, dis-je en faisant référence à l'autre soir.

Quand il s'éloigne, la chaleur de son corps me manque et je frissonne. Je remarque aussi que ma respiration est plus lourde.
Il lâche enfin mes poignets, mais je ne sais pas quoi faire d'eux, alors je ne bouge pas.

- Je ne te comprends pas, dit-il pensif.

- Je ne te comprends pas non plus, répliqué-je.

Cela le fait sourire, du coup, je deviens une guimauve fondue. Je ferme les yeux pour ne plus le voir.

- Pourquoi tu fermes les yeux ? Demande-t-il interloqué.

- C'est plus facile quand je ne te vois pas.

Je le sens se rapprocher de nouveau.

- Pourquoi ?

Son souffle est sur mes lèvres, ce qui m'indique qu'il est surement beaucoup trop près de moi. Ma respiration s'accélère contre mon gré et mon cœur entame une course rapide.
Consciente que je peux de nouveau utiliser mes mains, je lui prends les épaules pour le reculer de moi. Mes yeux sont cependant toujours clos.

- Je te l'ai déjà dit, avoué-je en repensant à l'autre soir.

- Je sais, dit-il rêveur.

Apparemment, il est bien décidé à rester assis sur moi. Je commence à avoir des fourmis dans les jambes.

- Ouvres les yeux, s'il te plaît ...

La douceur dans sa voix à raison de moi, alors je plante mon regard dans le sien. La première pensée qui me traverse l'esprit est que je le trouve beau, mais ses yeux possèdent un camaïeu d'émotions qui sont encore plus belles. Il chuchote dans un souffle :

- Je n'aurais pas essayé de t'embrasser si je n'avais pas été sûr que mon envie était réciproque.

J'avale ma salive avec difficulté. Son ton doux et plein de tendresse rempli mon cœur d'une chaleur agréable.

- Je sais, murmuré-je.

Alors il me fait un sourire pincé et se lève.

- À demain Julie, déclare-t-il.

Puis il s'éloigne à grands pas.
J'attends plusieurs minutes avant de me lever à mon tour pour partir. Je ne veux pas prendre le risque de le revoir.

Je rentre rapidement et me mets tout aussi vite au lit. Seulement, mon cerveau tourne à plein régime, il est impossible que je m'endorme maintenant. Je suis trop bouleversée par tout ce qu'il vient de se passer ; d'abord l'appel de Thomas, puis Adrien. Je ne peux réprimer un sourire que je maudis. Je n'ai aucune idée de ce qui m'arrive, et c'est pour ça que je suis terrifiée. J'ai essayé de comprendre Adrien, en vain. Ses paroles, son comportement, son caractère. Tout ça n'est qu'un immense casse-tête.
Nous avons failli nous embrasser deux fois ce soir. Et je l'ai repoussé deux fois. Deux parts de moi se contredisent. L'une adorerait se laisser aller et profiter. L'autre veut être maître d'elle même.

Quand on me laisse le choix, j'ai la véritable manie de toujours choisir le mauvais.

¤¤¤¤¤

Pendant le petit-déjeuner, je n'ose pas relever les yeux. Adrien est tout aussi gêné et ça me fait bizarre de le voir déstabilisé, lui qui est habituellement très calme. Toutefois, il y a quand même un dialogue, notamment grâce à Baptiste et Matthew.
Je n'ai que très peu dormi cette nuit, et bien que je n'en ressente pas les effets maintenant, je sais que ça me sera préjudiciable plus tard dans la journée. Heureusement que nous commençons la course d'orientation, je ne pense pas que j'aurais supporté le fait d'être seule avec Adrien pendant une après-midi entière. Et je suis d'autant plus soulagée que je vais passer ma mâtinée avec Baptiste à l'atelier poterie.

Après le petit-déjeuner, c'est donc l'heure d'installer l'atelier pendant que les enfants sont avec Adrien et Matthew. L'argile est livré en gros blocs, alors Baptiste m'aide pour la couper en petits bouts qui seront ensuite redistribués pour les enfants.

- J'aime bien la poterie, dit-il en empoignant un bout d'argile. Avoir les mains dans la gadoue, j'aime ça !

Il lève ce bout de la même façon que Simba est levé par Rafiki dans Le Roi Lion. Cela me fait rire un peu fort. Ma fatigue n'aura pas raison de ma bonne humeur. Il repose le bout en me souriant.

- Ça me rassure de te voir rire, vu ta tronche quand on mangeait.

Sa manière de parler me surprendra toujours, mais j'aime son côté franc. Il dit les choses sans se poser de questions.

- J'ai mal dormi, dis-je en me frottant un œil.

- Adrien aussi a mal dormi, ajoute-t-il en me perçant du regard.

Je baisse les yeux en rougissant malgré moi. Baptiste est loin d'être un idiot et je sens peser un lourd sous-entendu sur ses paroles. Je soupire en haussant les épaules pour essayer de paraître indifférente. Ça ne marche pas.

- Écoutes, dit-il plus bas. Je ne sais pas ce qui se passe entre vous.

Je crois que c'est la troisième fois que je l'entends dire cette phrase.

- Mais je ne suis pas dupe, finit-il.

Je pince mes lèvres, prête à affronter ce qu'il va me dire.

- Alors j'ai vaguement compris que quelque chose s'était passé hier soir, ou pas justement. A vrai dire, il m'a un peu raconté ...

Curieusement, je ne me sens pas gênée de parler de ça avec Baptiste. Je lève donc les yeux pour le regarder. Nous nous fixons quelques instants puis je demande :

- Je suis censée répondre à une question ?

Il rit doucement et secoue la tête.

- Non. Non, mais ça ne t'empêche pas de me dire pourquoi il ne s'est rien passé ...

Mes yeux s'agitent et j'ai envie de me ronger les ongles. Malheureusement, ils sont plein d'argile. Je décide donc de hausser les épaules. Après tout, je ne lui dois aucune explication.

- Parce qu'en fait, je ne comprends pas trop votre ... relation.

Je ne peux réprimer un petit rire.

- Relation ? Demandé-je.

Il pose un regard blasé sur moi qui veut clairement dire "Arrêtes de nier". Je hausse de nouveau les épaules.

- Bon, si les sous-entendus ne sont pas assez explicites, je vais changer de méthode : pourquoi est-ce que tu l'as repoussé ?

Je m'empourpre encore quand je réalise que je n'ai pas vraiment de réponse appropriées. Je me vois mal lui dire que je veux garder le contrôle sur moi, et que ce n'est pas le cas quand je suis un peu trop proche d'Adrien.

- Je ne l'aime pas, je réponds alors.

Cela fait rire Baptiste, puis il fait une grimace.

- Parle pas d'amour. Vous êtes bien tous les deux non ?

J'ouvre de grands yeux et je secoue la tête, ce qui étonne Baptiste.

- Ah merde, tu me disais pas ça dans le sens "je suis pas amoureuse de lui", mais vraiment dans le sens "je ne l'aime pas, je peux pas le blairer" !

- Non, quand même pas, dis-je en roulant des yeux. Mais je sais pas ... Il est bizarre. Je n'arrive pas très ben à le cerner ...

Il me regarde avec interrogation, alors je comprends que je dois continuer.

- Il est chiant, déclaré-je. Il est lunatique au plus haut niveau. Il est souvent désagréable et ...

- Ouais, je le connais aussi, me coupe Baptiste. Pourtant, je l'aime bien, et je suis sûr qu'au fond tu l'aimes bien. Peut-être même plus, ajoute-t-il. Et je suis sur que ça ne t'empêche pas de le trouver très attirant ...

- Ce n'est pas toi qui disais qu'il ne fallait pas parler d'amour ? Je demande en levant es yeux au ciel.

- Je n'ai pas parlé d'amour, répond-il avec malice. Je suggérais juste le fait que tu l'aimes un peu plus que bien.

Je ne réponds rien par crainte de dire une connerie. Il m'embrouille plus qu'autre chose. Il est vrai que je ne peux pas nier que je peux trouver Adrien appréciable(vraiment appréciable). Simplement, j'ai parfois envie de le faire disparaître de mon champ de vision. C'est étrange d'ailleurs, cette ambivalence : soit je veux ne plus jamais le quitter des yeux, soit je veux ne plus jamais le voir.

- En tout cas, lui t'aime un peu plus que bien, dit Baptiste en interrompant le cours de mes pensées. Et tu as surement dû le détecter.

Nous avons tous les deux arrêtés ce que nous faisions, à savoir, couper l'argile. Baptiste parle comme s'il concluait quelque chose.

- Si je prends en compte le fait que tu l'aimes un peu plus que bien aussi, comment se fait-il qu'il reste une barrière entre vous ?

Sa question sonne alors comme une ouverture de dissertation. Il me pose véritablement la question, je le vois à ses sourcils un peu haussés.

- La barrière est en béton armé, contré-je. Et il n'y a aucune prise pour l'escalader.

Il secoue la tête en faisant la moue.

- Non je crois pas. De son côté il a construit une échelle pour escalader la barrière. Ce qui l'empêche de passer de l'autre côté pour te rejoindre, c'est que tu as mis des barbelés au-dessus du mur. Qu'est-ce que tu ne veux pas qu'il voie de ton côté ? Pourquoi tu l'empêches de passer ?

Cette image me semble trop représentative de la situation pour que je me sente à l'aise. Comme je suis dans une impasse, la vérité sort d'elle-même de ma bouche.

- C'est pas contre lui. De mon côté, je ne peux pas escalader le mur pour enlever les barbelés. Je suis prise au piège par moi-même.

Il réfléchit profondément à ce que je viens de lui dire, je le sais car quand Matthew vient nous voir pour nous demander comment ça se passe, il ne cille pas, laissant ses yeux plantés dans les miens.
Ce que je viens de dire n'est pas seulement une révélation pour Baptiste, c'en est aussi une pour moi, car je comprends que je suis la seule qui peut résoudre le problème : il faut que j'escalade le mur en dépit des efforts que je dois fournir. Mais encore faut-il que j'accepte de résoudre le problème. Dans un sens, je me satisfait largement de cette situation, car je dois avouer que le changement qui pourrait se faire si j'arrive à escalader le mur me fait bien trop peur.

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