cinq

Nous sommes à la terrasse d'une brasserie, avec trois bières sur la table. J'aurais préféré un diabolo fraise. La bière c'est amer et c'est clairement moins bon qu'un diabolo fraise.

- Alors les jeunots ! Vous avez fait bonne route ? Demande Matthew.

Adrien se contente d'hausser les épaules puis de boire une gorgée de bière. À mon tour j'hausse les épaules.

- Ouais, j'ai dormi presque tout le trajet, mais c'était sympa.

Matthew doit prendre ça pour une blague car il explose de rire. Adrien manque de s'étouffer avec sa bière avant de me jeter un regard amusé.

Je vais peut-être me taire.

Une serveuse arrive et nous commandons nos plats. J'opte pour le menus enfant, il est moins cher et le steak haché et les frites me convienent parfaitement.
J'écope en revanche des regards incrédules de mes congénères.

Une fois les commandes faites, et le moment d'incompréhension passé, nous continuons de parler.

- Et quelles sont les activités prévues pour cette semaine ? Demande Adrien.

- Tout d'abord, on va accueillir les enfants tout à l'heure, on va faire le tour de la propriété quand ils seront tous là pour présenter les lieux et on va faire des jeux pour qu'ils puissent socialiser et créer des affinités. Ce soir on va rien faire, ils vont avoir besoin de repos. Et demain on va faire une sortie au lac toute la journée avec pique-nique et tout le tralala.

Wow. Ça fait beaucoup d'informations à assimiler, mais je suis en vie, donc tout va bien.

Je bouge ma tête de haut en bas dans un mouvement lent et régulier pour manifester mon approbation.

- La semaine prochaine, reprend Matthew, nous commencerons les activités. Vous deux, vous commencerez par la course d'orientation dans les montagnes. Les enfants aiment toujours ça.

Je souris.
J'adore courir ! Mais pas courir autour d'un stade, non. Courir, laisser mes jambes me guider vers l'inconnu sans me soucier des conséquences ou d'autres trucs dans le genre. Je trouve ça libérateur.

- J'aime ça, finis-je par dire tout d'un coup.

Adrien me regarde en fronçant les sourcils et avec un sourire bizarre. Je crois qu'il me trouve drôle et totalement folle.
Matthew se contente de lever son pouce en l'air en me faisant un clin d'oeil. J'imite son geste.

Nos plats arrivent finalement et je me délecte de ce que j'ai devant les yeux. Je mange goulument tout ce qu'il y a dans mon assiette et je me laisse aller contre mon dossier de chaise, repu. Heureusement que j'ai pris de la glace en désert, ce n'est pas trop consistant.

Matthew essaie de se renseigner sur ma présence ici étant donné mon jeune âge.

- J'aimerais obtenir mon BAFA, et je dois faire quelques semaines de stage dans une vraie colo avec un tuteur.

Je désigne Adrien du doigts.

- Je comprends mieux, dit Matthew. J'espère que tu vas te plaire ici !

- Il n'y a pas de raisons pour que je n'aime pas, je réponds.

Sauf si Adrien se révèle être un pauvre con dépourvu d'humanité.

Le repas se termine doucement (j'ai pris deux boules de sorbet à la fraise) puis nous rentrons au camp. Je retourne illico dans ma chambre pour défaire mes affaires, ce qui s'avère être une tâche fastidieuse.

Finalement, aux alentours de quinze heures trente, j'entends Adrien crier :

- Lucie ! Viens, les enfants arrivent !

Je sors de ma chambre, légèrement irritée par le fait qu'il ne connaisse toujours pas mon prénom.

- C'est Julie en fait, dis-je en le rejoignant à l'entrée.

J'intensifie l'accentuation de mon prénom en articulant toute les syllabes.
Il me fait un grand sourire, comme si me montrer comment son visage s'éclaire allait le faire pardonner. Je roule des yeux comme toute réponse et je le suis dehors.

Le premier arrivant est un garçon, très timide aux yeux fuyants et d'un bleu assez intriguant. Il est mignon pour son âge. Ses deux parents ont fait le déplacement pour lui. Adrien s'occupe de l'installer car "les filles de sont pas acceptées dans le couloir des garçons". Pas de problème.

Les cinq autres arrivants sont des garçons et je me demande bien qu'est-ce que je fais au milieu de toute cette testostérone. Bon, ce n'est pas vraiment vrai puisque tous les mioches n'ont même pas douze ans et qu'ils ne sont donc pas entré dans la puberté donc ils ne sont pas bourrés de cette hormone, mais disons que biologiquement parlant, ils ont un penis.

Le septième arrivant est une petite fille adorable du nom d'Anaïs. Elle a de grands yeux d'un brun très foncés et une peau métissée à merveille. Elle est très jolie.

Est-ce que je peux être jalouse d'une petite fille de onze ans ?

C'est avec joie que je l'emmène dans le dortoir des filles où "les garçons ne sont pas acceptés". Elle a l'embarras du choix au niveau des chambres. Et j'ai presque l'impression de voir de l'admiration dans ses yeux quand je lui dis que j'étais la seule fille jusqu'à présent.
Quand elle a terminé de s'installer, je l'emmène dans la pièce principale où elle rejoint Tom, Nathan, Benjamin, Antoine, Quentin et Jean.

C'est quand je retourne m'asseoir sur la chaise en plastique devant l'entrée que je remarque qu'elle m'a suivit.

- Tu ne vas pas rejoindre les garçons pour jouer ? Je lui demande.

Elle secoue vivement la tête alors je lui souris pour la réconforter et je la laisse s'asseoir sur la chaise à côté de moi. Elle ne dit rien et profite des conversations très intelligentes que j'aie avec Matthew et Adrien.

Au fur et à mesure que le temps passe et que de plus en plus de garçons arrivent, je me rends compte que les activités énoncées par Matthew sont très sportives.
C'est déplorable que cela plaise plus aux gars qu'aux filles, mais c'est ainsi.

À la fin de la journée, je suis heureuse d'annoncer qu'il y a six filles dans ce camp : Anaïs, Lou, Lili, Ilona, Éloïse et moi.
Et nous sommes donc face à dix-huit garçons dont je ne me souviens plus trops les noms.
Le dernier enfant arrive à six heures passées ce qui nous laisse du temps pour faire ce que nous avons prévus.
Chaque soir, nous devrons aller à la cantine à vingt heures.

Nous rassemblons tous les enfants dans la salle commune et Matthew commence son discours de bienvenue. Je n'y prête pas trop attention, mais je vois qu'il possède un charisme terrible auprès des enfants.
Je me demande bien quand va arriver le quatrième animateur, Adrien m'a dit qu'il s'appelle Baptiste. J'aime bien ce prénom.

Puis, nous partons tous pour visiter le camp. Je me mets à l'arrière avec Adrien pour vérifier qu'aucun petit ne s'égare ou décide de partir cueillir des fleurs. Je ne sais pas, c'est possible.

- Les groupes sont déjà fait ? Demandé-je.

- Tu veux dire, les deux groupes de dix ? Non, on va attendre ce soir pour les faire. Juste pour voir les affinités et faire les groupes en fonction de ça.

- D'accord.

Adrien est très professionnel.
Il parle clairement en utilisant des phrases courtes mais efficaces qui suivent un mouvement logique et ordonné. Ce qui fait qu'une conversation est assez dure à tenir avec lui puisque qu'il dit tout d'un coup et qu'on a rien à ajouter après.
Le reste de la visite se fait sans que nous échangeons un seul mot, ce qui le laisse plus de temps pour observer tous les petits détails.

Nous passons devant le bâtiment des autres adolescents. Il y a ceux de treize à quatorze ans, puis de quatorze à quinze, de quinze à seize, et ainsi de suite. Peut-être que je pourrais trouver des amis là-bas si Adrien se révèle aussi peu enclin a une conversation avec moi.
C'est assez vexant d'ailleurs.

Le complexe est avec simple, c'est une route unique et droite avec différents bâtiments de chaque côté. Le tout est envahit par la végétation. Au bout se trouvent plusieurs terrains, de basket et de foot notamment, une air de jeux avec balançoires et structures en bois. Et il y a aussi une salle réservée pour les plus de quinze ans avec un baby foot, un billard et un espace wifi.

Le camp n'est pas vraiment fermé, il y a plusieurs issues mais seuls les animateurs ont le droit de sortir. Je pense que j'irai faire une petite virée un de ces quatre pour explorer les alentours sauvages.

L'atmosphère est plongée dans une bonne odeur de forêt. De nature. De joie. De vie.
Thomas a sûrement raison, cette vie qui m'accueille est sûrement la meilleure des choses.

- À quoi tu penses ? Demande Adrien.

Je sursaute.
Il ne parle jamais, et quand il le fait, c'est au mauvais moment.
Je souris tout de même tout en lui répondant :

- À rien.

Il rigole alors je fronce les sourcils.

- Je ne suis pas idiot, dit-il. Je vois bien que tu penses à quelque chose.

Ce gars est vraiment bizarre. Il est distant et presque froid, et là, il croit que je vais lui dire à quoi je pense ?

- Je pensais au fait que tout ça ...

Je fais un tour sur moi en ouvrant les bras.

- ... c'est magnifique.

Il me regarde, toujours avec ce sourire sur le visage. Puis il hoche la tête.
Je tente mon coup.

- Et toi ?

Il n'hésite même pas avant de répondre.

- Je pensais à ma copine.

- Oh tu as une copine ?

Il se tourne vers moi.

- Ça te surprend ?

Je secoue la tête.

- Non, je suis contente pour toi. Elle s'appelle comment ?

- Mélissa, répond-il.

Je ne sais pas quoi dire de plus alors je réponds "j'aime bien" même si c'est pas forcément vrai.

Notre "conversation" s'arrête là. C'était court mais c'est pas mal.

On arrive finalement à notre bâtiment et Matthew explique aux enfants le jeu que nous allons faire.

- Il y aura un ballon et celui qui a le ballon devra dire quelque chose sur lui puis le passera à quelqu'un d'autre qui dira quelque chose sur lui puis qui le passera à quelqu'un d'autre, etcaetera. Vous avez compris ?

Tous les enfants répondent "oui" en coeur et Matthew lance le ballon au hasard. C'est un garçon qui l'attrape.

- Je m'appelle John.

Il le passe à un garçon.

- Je m'appelle Nathan !

Tous les enfants disent ainsi leur prénom. Un deuxième tour se fait où nous apprenons des choses plus personnelles et je manque plusieurs fois de m'écrouler de rire.

- Mon frère mangeait ses crottes de nez.

- Ma soeur fait encore pipi au lit alors qu'elle a presque huit ans.

- Je suis fils unique.

- Parfois, je joue avec mes chaussures.

- L'année dernière, je me suis déguisé en chien pour halloween.

- Je suis bilingue !

J'aimerais beaucoup écoper de son bilinguisme.
Soudain, Anaïs me lance le ballon. Je ne sais pas vraiment quoi dire alors je décide simplement de me présenter.

- Je m'appelle Julie et je suis une animatrice.

Je relance le ballon dans la foule d'enfants et Adrien me regarde médusé, ses sourcils sont froncés et sa bouche est ouverte en signe d'incompréhension. Je lui fais un grand sourire et je ferme les yeux, c'est un peu ma façon de dire "désolée, mais pas trop quand même".
Finalement, un petit garçon lui lance la balle à son tour.

- Je m'appelle Adrien et je suis un de vos animateurs.

Les enfants ont maintenant pleinement compris l'utilité du ballon et nous sommes complètement inclus dans leurs échanges.
Et puis, tout à coup, Adrien récupère la balle et déclare :

- Je veux devenir médecin.

Ah.

Ok.

Je n'étais psychologiquement pas prête pour entendre ça. Surtout que je commençais tout juste à avoir une conversation avec ce spécimen de type humain. Ça va être dur de remonter la pente et de passer par dessus cette information.

Je me reçois le ballon en pleine figure ce qui me réveille brusquement. Tous les enfants éclatent de rire, Adrien y compris.
Sans réfléchir je lâche d'une seule traite sans quitter Adrien du regard :

- Je n'aime pas les médecins et les brocolis.

Les enfants rient de plus belle.

Non ce n'est pas une blague.

Je passe la balle à un gamin qui me regarde avec des yeux de merlans fris. J'avoue qu'il est trop mignon.

Je passe le reste du jeu à scruter Adrien. Comment je n'ai pas pu remarquer qu'il avait un regard pervers et des mains baladeuses ?!

C'est insensé.

Matthew met, enfin, fin au jeu et nous allons tous vers le réfectoire pour manger. Adrien me rejoint.

- Alors comme ça tu n'aimes pas les médecins.

Je le toise. J'essaie de deviner à travers ses yeux s'il y a quelque chose de malveillant. Mais j'ai du mal à cacher mon espèce d'aversion pour les médecins quand je réponds :

- Non.

Il a le culot de rigoler. Je le regarde d'un oeil mauvais.

- Ah mais c'est que tu ne déconnes pas en plus ! Et bien je suis désolé pour toi Lucie, mais tu vas devoir t'y faire.

Il me fait une tape dans le dos.

- Écoutes moi, Adrien, j'ai très bien vu que tu ne confondais les prénoms d'aucun enfant. Alors si tu pouvais m'appeler par mon vrai prénom ce serait bien, merci.

- Et comme ça, tu m'associes à des brocolis ? Dit-il en ignorant royalement ma remarque.

Je soupire bruyamment et je roule des yeux avant d'aller m'asseoir à côté de Matthew. Adrien se place face à moi et son expression amusée m'énerve.
Il se fout de ma gueule ! Devant moi !

J'essaie de chasser toute idée mal placée comme lui lancer une cuillère de purée de carottes dans la tronche ou encore jeter mon verre d'eau sur lui. Mais, après tout, il n'est pas méchant avec moi, il se trompe juste de prénom et il a des sujets de conversations bizarres.

Et il veut être médecin.

Mais il n'est pas méchant.

Je passe mon repas à regarder mon assiette et les tables des enfants pour m'assurer que je n'ai pas le don de télépathie et qu'aucun d'entre eux ne va se mettre à jeter de la purée.

J'essaie de me calmer un peu, mais chez moi je n'arrive à me calmer que en :
1 - nageant jusqu'à ce que mort s'en suive.
2 - courant jusqu'à ressentir d'horribles crampes qui feraient que je m'écroule au sol.

Bon, j'exagère. Mais c'est les seuls moyens pour moi de me calmer. Je relâche la pression psychologique par des moyens physique. Je ne suis pas de ceux qui exposent le pour et le contre de leur énervement sur une feuille ! Loin de là !

Finalement, et non sans soulagement, je quitte le réfectoire avec tous les petits mômes pour prendre les douche et les mettre au lit. De mon côté c'est facile et assez calme. En revanche, j'entends les cris des garçons excités ainsi que les réprobations des deux animateurs. Mais je respecte scrupuleusement la règle : les filles ne sont pas acceptées dans le couloir des garçons.

À vingt et une heures, mes cinq princesses sont couchées et le calme est revenu chez les garçons.
Le problème c'est qu'avec la nuit que j'ai rattrapé, il n'est pas assez tard pour que je sois fatiguée. Je décide donc de partir à l'aventure. Je vais me trouver un coin au calme et je vais appeler Thomas et mes parents.

Je prends un gilet, ma lampe de poche et bien sûr mon portable puis je sors de notre bâtiment. Il ne fait pas encore nuit mais je pense revenir assez tard. Je refais le chemin que nous avons fait plus tôt et avant d'arriver au bout du complexe, je bifurque dans la forêt.
Je marche jusqu'à trouver la clôture et je la longe. Je découvre un trou et je m'y faufile.

L'adrénaline gagne mon corps et je cours.
Je cours vite.
Aussi vite que je le peux à travers les arbres.

Je retrouve alors un chemin et je décide de le suivre, après tout, cela est assez rassurant.
Je ralentis ma course car je manque maintenant de souffle. Je constate alors avec surprise que le chemin mène à un lac. Un beau lac.

C'est sûrement là que nous irons demain.

Je suis la rive un moment avant de trouver un quai. Je vais m'asseoir au bout et j'enlève mes chaussures pour pouvoir tremper mes pieds dans l'eau froide. Un frisson me traverse.
C'est vraiment froid.

Je pose la lampe de mouche à côté de moi et je prends mon portable. Je regarde d'abord si j'ai des messages mais rien ne s'affiche sur mon écran. Je pensais pourtant que Thomas allait me harceler ...

Je décide de commencer par appeler mes parents comme ça je pourrais passer plus de temps avec Thomas.
Je compose le numéro et après plusieurs tonalités la voix de ma mère retentit dans mon oreille.

- Coucou ma chérie !

- Coucou maman ! Vous allez bien ?

- Oui parfaitement bien ! On attendait tous ton appel, il y a même Théo !

Je rigole en m'imaginant sa tête.

- T'inquiètes pas Théo, je ne serai pas longue !

J'entends quelqu'un marmonner et maman le réprimander.

- Enfin bon ! Alors tout se passe bien ma chérie ? L'endroit est sympa ?

- Oui, c'est super agréable ! Là je vous appelle d'un lac qu'il y a près du complexe où se rassemblent tous les bâtiments des différentes colonies. C'est en pleine forêt et les locaux sont tous récents car ils ont été rénovées l'année dernière ! C'est vraiment bien, je sens que je vais m'y plaire !

- C'est merveilleux ! Tu t'es fait des amis ?

Je m'en doutais que maman allait me poser cette question.

- Et bien, Adrien est sympa.

J'avale ma salive.

- Mais je suis la seule fille animatrice. Et il y a seulement cinq petites filles. J'avoue que le dortoir des filles est très calme comparé à celui des garçons !

Ma mère rigole et j'entends mon père dire de loin :

- Méfies toi quand même, les filles peuvent être de vraies garces !

Je rigole mais je sais pertinemment que c'est vrai.

- Je tâcherai de les contrôler !

- C'est bien ma puce.

Je soupire.

- Je pense que je vais vous appeler une fois par semaine mais j'essaierai de vous envoyer des messages, d'accord ?

- D'accord ...

J'entends la déception dans la voix de ma mère.

- Et s'il y a le moindre problème, je vous appelle !

- On fait comme ça m'a puce, bonne nuit et à la semaine prochaine alors ?

- Oui, bonne nuit à vous tous, bisous je vous aime.

- Bisous, on t'aime fort !

Je raccroche.
Pfiou.

Je tape ensuite le numéro de Thomas et j'approche le téléphone de mon oreille.
Plusieurs tonalités passent et finalement je tombe sur sa boîte vocale.
Bizarre.
D'habitude il répond toujours.

Je recommence et cette fois-ci il décroche. J'ai quand même cru qu'il allait me faire un gros vent.

- Coucou Soleil !

- Salut Thomas ! Pourquoi t'as pas décroché la première fois ?

- J'ai du faire un marathon dans toute la maison et quand j'ai enfin trouvé mon portable, c'était trop tard.

- D'accord ... enfin bon, tu vas bien ?

Il ne répond pas tout de suite.

- Oui et toi ?

Je ne réponds pas tout de suite.

- Oui.

Le silence se fait à l'autre bout de la ligne. J'entends juste la respiration de Thomas.

- Thomas ?

- Oui ?

- Tu es sûr que ça va ?

- J'ai cru que tu n'allais jamais m'appeler.

- Je suis désolée Thomas mais je n'oublierai jamais ce genre de choses.

- Ouais ...

- Tu es sur que ça va ? Répété-je.

- Je m'ennuie sans toi. Je sais pas comment je vais faire pour survivre deux mois sans voir ta tête tu sais.

On y revient. Il m'assaille à coup de culpabilité.
Dans ta tronche Soleil !

- Dis, tu es parti vite ce matin. Qu'est-ce que tu avais ? Tu ne m'as même pas demandé de t'écrire une carte postale, ça te ressemble pas ...

Il soupire. Je devine presque qu'il ouvre et referme sa bouche plusieurs fois pour dire quelque chose mais que les mots ne franchissent pas sa bouche.

- Je pensais que ce serait plus simple si je faisais ça comme ça.

Je ne suis pas convaincu par ce qu'il dit. Et puis, ce n'est pas comme si nous nous quittions pour toujours ...

- C'est ridicule Thomas. J'ai cru que tu m'en voulais ! J'aurais voulu te dire au revoir en bonnes et dues formes.

- Pardon Julie ...

Je ne dis rien.
Ça m'a vexé même si je ne lui en veux pas.

- Aller, parle moi de ton tuteur !

- Oh oui ! Je dois te raconter ça absolument ! Il s'appelle Adrien et il a dix-huit ans et tu sais quoi ? Il veut être médecin !

Thomas rigole. Très fort.

- T'es pas sérieuse ?

- Si ! Fallait que je tombe sur un futur médecin !

- Ça va, il n'est pas encore médecin. Il est juste en fac de médecine, ça ne veut rien dire.

- Ouais je sais mais je commençais à le trouver sympa et j'apprends ça. Du coup je me dis que je peux pas m'attacher à lui tu vois. Il sera médecin plus tard ...

Thomas rigole de plus belle.
Je sais qu'il me trouve ridicule par rapport à ma phobie des médecins et tout ce qui est relatif au milieu médical. Mais je n'y peux rien.

- C'est pas drôle Thomas. Ça m'a fait un sacré effet de l'apprendre !

- Il n'est pas encore médecin, tu peux socialiser avec lui sans qu'il ait des pulsions bizarres ok ? Tout va bien !

- Ouais ... enfin bon ! Et toi de ton côté ?

- Rien de spécial. Morbide. Emma a passé sa journée à pleurer dans mes bras et dans ceux de papa. Je n'ai même pas été voir ma mère et j'ai marché dans la ville toute la journée.

- Tu es où ?

- Au parc.

- Tu vas rentrer pour dormir ok ?

- Il fait chaud.

- Je m'en contre fous !

Il ne dit rien, il soupire juste.

- Je vais te laisser, mais promets moi de rentrer pour dormir. S'il te plaît.

- Je te promets.

- Merci.

Silence.

- Je t'aime, je vais te laisser. Bonne nuit !

- Je t'aime aussi Soleil ! Tu me rappelles quand ?

- Je ne sais pas, demain je vais essayer mais je ne suis pas sûre ...

- D'accord. Dors bien.

Puis il raccroche.
Je soupire un grand coup.
Je dois oxygéner mon cerveau tout de suite. Je m'allonge sur le ponton et je regarde le ciel devenir de plus en plus obscur. L'air se refroidit et l'odeur de la forêt reprend ses droits.

Je dois peut-être rentrer non ?

Non.
C'est cool ici.

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