09 décembre
Par une des membres de la CdL : MyriadeDemots
Voilà plusieurs années que ma famille me convie pour les fêtes. Ma propre mère ne supporte pas de me savoir loin d'elle. Mon père, lui, n'admet pas que je puisse avoir gagné mon indépendance sans me servir de son nom.
Tous deux ont fait fortune dans l'immobilier. Ils ont eu dans ce domaine une carrière florissante et, à l'apogée de leur art, se sont offert une somptueuse résidence : un duplex dans le quartier bourgeois de l'Upper East Side, au cœur de Manhattan.
Je peux tout à fait imaginer l'agencement réalisé. Une large guirlande grimpe sur la rampe en bois massif de l'escalier menant au palier supérieur. Un sapin grandiose trône dans le living room et de larges chaussettes ornent le rebord de la cheminée.
Cette débauche de moyens a toujours provoqué chez moi un agacement par son côté ostentatoire. Certes, ils m'ont inculqué la valeur de l'argent, mais la souffrance occasionnée par leurs absences m'a permis de comprendre que le nombre de chiffres sur un compte bancaire n'était pas une fin en soi.
Durant des années, la seule personne m'ayant accordée de son temps, avec la dévotion d'une sainte, se prénommait Meryl. Officiellement, elle était gouvernante. Officieusement, elle était ma grand-mère, ma nounou, mon amie et mon indic.
Un beau jour, prête à essuyer les plâtres, elle m'avait informé du traquenard qui se tramait, pour éviter un esclandre au cours du repas. Laissant ses oreilles fureter, elle avait eu vent de la dernière lubie de mes parents : me dégoter un mari à l'occasion du réveillon.
Un gentleman de bonne famille, aux opinions similaires aux leurs, pour mieux régenter ma vie et me pousser à quitter la campagne dans laquelle je m'étais installée. Longuement, Meryl s'était évertuée à m'expliquer la maladresse de leur démarche.
Selon ses dires, ils souhaitaient renouer le contact, me voir mariée, maman et un jour, peut-être, me nommer à la tête de leur empire. Prête à garder le secret pour éviter une confrontation malaisante, j'avais donc maintenu ma venue en insistant pour les rejoindre par mes propres moyens.
Je voulais surtout aller voir le sapin du Rockefeller Center. Observer l'épicéa d'une vingtaine de mètres, bordant une patinoire bondée d'où s'élevaient les rires d'une foule virevoltante. M'émouvoir des lumières ornant cet arbre mythique.
Il m'avait fallu parcourir bon nombre de kilomètres pour cela et m'équiper telle une alpiniste pour vaincre le froid polaire de la grosse pomme, mais, enfin, j'y étais. Soudain, une voix s'éleva parmi les autres :
— La vue est magnifique, n'est ce pas ?
Surprise par un ton que je ne connaissais pas, mais qui avait eu pour mérite de tendre chacun de mes muscles, j'avais pivoté. Malgré l'obscurité tombante, la lueur des pampilles électrifiées se reflétait dans ses troublants iris vert azur.
— Féerique.
Détournant les yeux un instant, agressée par le bruit incessant des Klaxons, j'avais été attristée de voir cette mystérieuse silhouette s'éloigner dans la nuit aussi vite qu'elle était arrivée. Avait-on le droit d'être aussi pressé un jour pareil ? À en croire les aiguilles de ma montre, oui.
Ma mère devait d'ores et déjà pester contre mon incapacité à faire preuve de ponctualité, j'aurais pu le jurer. Néanmoins, lors de mon arrivée au bercail, elle se contenta de garder le silence et rangea son regard réprobateur. Elle me serra dans ses bras, puis susurra quelques mots au creu de mon oreille :
— J'ai quelqu'un à te présenter !
Dans son dos, une ombre, qui n'en finissait plus de se matérialiser, me fit perdre tous mes appuis. L'homme se tenant au beau milieu de notre entrée n'était nul autre que celui qui avait croisé ma route au Rockefeller.
— Je crois ne pas avoir eu la présence d'esprit de le faire par mes propres moyens. Austin Byron, c'est un plaisir de faire votre connaissance.
J'avais beau y songer, tout en déposant ma main dans la sienne, je ne me souvenais pas d'avoir déjà eu une si belle surprise au pied du sapin.
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