Par une des membres de la CdL : ypertext

J'attendais dans le froid glacial de ce qui était une nuit d'hiver, à deux pas de ma porte d'immeuble. Mon nez glacé, enroulé dans mon écharpe, j'avais glissé mes mains dans mes poches pour retenir le maximum de chaleur. J'attendais que mon petit bonheur à moi se pointe pour notre douce soirée de Noël. Ce dernier n'aimait pas que j'attende à l'extérieur, et il allait, assurément, me le reprocher. Mais je savais, qu'en échange, il allait m'offrir ce câlin si précieux, pour me réchauffer et s'excuser. Et ce câlin valait bien toutes les transgressions du monde.

Le sourire aux lèvres, je relevai ma tête vers le ciel, sentant des flocons éphémères me toucher le visage. Je savourai cette fraîcheur en frissonnant.

— Bonsoir beauté, murmura une voix à mon oreille.

Je ne sursautai pas, l'ayant entendu arriver, bien avant qu'il ne se fasse connaître.

— Bonsoir toi.
— Vous êtes vilaine d'être sortie par ce temps glacial..., continua-t-il en posant un baiser délicat sur ma joue.

Je savourai ce contact avec bénédiction.

— Mais je suis ravie de vous voir toute frigorifiée sur le pas de votre porte, attendant votre prince charmant.

Je lui tapai maladroitement dans l'épaule en pouffant.

— Monsieur le prince est bien présomptueux.

— Il faut.

Il ne me laissa pas le temps de lui répondre et déposa un baiser parfait sur mes lèvres. Un de ses baisers qui me surprend, auquel je ne m'attends pas, mais que j'espère secrètement.

— Tu es très belle ce soir.

Je sentis mes joues s'échauffer sous le compliment. Il aimait bien me dire que j'étais belle, comme s'il confirmait pour deux, que mon enveloppe charnelle était agréable aux yeux. Moi, je ne savais pas. Je ne savais pas si j'étais belle, peut-être que le monde me trouvait hideuse. La plupart du temps, je m'en fichais, je n'avais pas la notion de la vue, encore moins de la beauté, alors ça m'importait peu. Mais parfois, soudainement, je me réveillais en sursaut, terrifiée, la boule au ventre et cette angoisse qui me vrillait les nerfs. A quoi pouvais-je ressembler ? Les sueurs froides à trois heures du matin je connaissais, les insomnies aussi. Alors quand il me disait que j'étais belle, au pied de mon immeuble, au creux de mon oreille alors que nous faisions l'amour ou entre deux rayons de supermarché, j'étais happée par cette envie de l'aimer.

— Toi aussi tu es beau, répondis-je sincèrement.

Et il l'était, j'en étais persuadée. J'aimais lui dire que c'était parce que je ne sortais qu'avec des gens beaux, mais la réalité était plutôt que, sous mes doigts, tout son corps semblait parfait.

— Et si on arrêtait de se lancer des fleurs pour aller à ce marché de Noël ?

— Je te suis ! répondis-je.

— Sachant quand même viser, je lui administrai un coup derrière la tête.

— Je ne te vois pas mais je t'entends.

— Tais-toi et accroche toi ou je te perds dans les rues.

Nous n'étions pas loin du marché de Noël et nous le rejoignîmes en quelques pas.

Je savais que j'habitais sur la place de la ville, là où le marché s'implantait durant tout le mois de décembre. Ses effluves montaient dans mon appartement et j'adorais les odeurs, le bruit des gens et les petites musiques de Noël qui passaient de temps en temps. Mais ce n'était rien comparé à la vie qui émanait quand on était dedans.

Le bruissement de nos pas sur les pavés, la chaleur des illuminations, les enfants émerveillés, la foule en agitation.

Mon petit bonheur passa sa soirée à me décrire tout ce qui se passait autour de nous, de sa voix excitée par cette période qu'il adorait, et pour la première fois de mon existence, j'arrivais à ressentir ce que les autres ressentaient. J'arrivais à entrevoir toutes ces couleurs qu'il me peignait avec exactitude, à déterminer ce qu'était un petit lutin, et à deviner l'allure d'une cheminée couverte de gui. Il s'en était fait une mission : me transmettre la magie de Noël, me prêter ses yeux l'instant d'une soirée.

Et le Noël, qu'il nous construisait, était doucement en train de devenir le seul auquel j'aspirais.