Par une des membres de la CdL : elenwe

Une lune gibbeuse éclaire cette nuit hivernale fraîche. Sous le couvert de la pénombre, au sommet d'un immense building le voile se déchire et deux silhouettes ailées s'en extirpent. Raguel donne la main à Reiyel pour l'aider à prendre pied dans le monde. Enfin à bon port, l'ange essoufflé lâche prise et se plie en deux pour se remettre.

— C'est de plus en plus difficile, constate Raguel de sa voix riche en contemplant son compagnon.

— Sans ton assistance, je ne traversais pas. Toi et les autres archanges êtes les derniers à le pouvoir.

Tout en rabattant ses grandes ailes dégradées de noir et gris aux reflets argentés, Raguel acquiesce. Leur côté du monde invisible se meurt inexorablement, alors que celui communément nommé enfer déborde d'énergie. C'est la dure loi de leur existence depuis le soulèvement.

— Haut les cœurs ! tente de le motiver l'archange. L'espoir va renaître, l'humanité s'effondre pour mieux se relever.

— C'est supposé me donner le sourire de voir les hommes souffrir ?

Raguel grimace.

— Je sais que ça va arriver, reprend Reiyel. Mais regarder en étant impuissant est difficile. J'ai conscience que tout finit toujours par changer, il suffit d'être patient. Je suis simplement triste.

— C'est pour ça que je t'ai amené. Te voir accablé est un déchirement pour nous tous, alors regarde mieux !

Intrigué, l'ange, aux ailes finement dégradées de jaune, s'approche du bord pour contempler la noirceur de cette ville en manque d'électricité. Il a beau scruter les alentours, il ne discerne rien d'autre que du bazar et de la fumée, les démons ont tout souillé.

— Je vois le chaos et la misère, commente-t-il.

Raguel, contrariée, décide de l'inviter à la suivre. Elle plonge sans hésitation dans le vide, le vent claque dans ses plumes alors qu'elles ralentissent sa chute. L'archange longe les parois des immeubles et pointe du doigt les humains qui s'y trouvent. Reiyel est tellement surpris par ce qu'elle lui montre qu'il manque percuter une des vitres.

Là, autour d'un îlot central, se tiennent trois hommes et une femme en train de trinquer autour d'une bougie. Ils sont assis non loin d'un sapin. Le résineux n'est pas le plus majestueux ni le plus impressionnant. Le pied sur lequel il repose n'est même pas droit, mais l'esprit de Noël est bel et bien là. La chaleur qui se dégage de cette simple scène réchauffe le cœur de l'ange désemparé.

Un des convives de cette soirée improvisée tourne la tête vers la fenêtre. Heureusement, vif comme une bourasque Reiyel s'est déporté pour échapper à sa vue.

Raguel continue son chemin et l'amène aux abords d'autres lieux. Malgré leur manque de moyens et la guerre qui déchire le monde, Reiyel constate que les humains s'accrochent a un peu de magie et à leur amour les uns pour les autres. Le sourire aux lèvres qui tranchent sur sa peau caramel, il remercie Raguel. Il a repris foi. L'amour résiste toujours à tout, il est le dernier rempart, le mur infranchissable contre tout mal. La flamme qui ne s'éteint jamais. Il suffit d'attendre son heure.

Il avait failli oublier !