Chapitre 37 : L'Avenir du Passé

Coucou, mes amours !!

Euh... Non, en faite, j'ai rien à dire. Si ce n'est que je vous aime <333

(Vous sentez la douille, là ?)

Nan sérieux, j'aimerais que vous me préveniez si vous ne voyez pas d'images intégrées au récit (la 1ère, par exemple, est celle d'un Griffeur) parce que j'ai l'impression qu'il y a un soucis ! Commentez sur la photo pour me prouver que vous la voyez.

Merci à vous, mes choux ! Bonne lecture !

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PDV Emma


- Droit droite droite !

Et ils tournent à droite. Normalement. Je pense...

Ouais, je sais ce que vous vous dites. Très approximatif, tout ça...

Les tressauts de la personne qui me porte ont raison de mon sommeil. Mais aussi, vous en connaissez beaucoup, des gens capables de roupiller sur le dos de pierre d'un gars en pleine course poursuite ? Clark ou Caleb, peut-être... Mais ce sont des espèces uniques. Plus rien ne m'étonne, à leur sujet. Aah, les gars...

- Onpeut pas... continuer comme ça très longtemps !, halèteune voix - celle de Newt, je pense.

Je... J'arrive à penser ?! Excellente nouvelle !

- M'enfous ; moi, j'cours !, décrètemon porteur avec un accent un peu trop inquiet dans la voix.

- Idem !, renchérit une voix chinoise - oui, cette déclaration ne veut rien dire.

Mes yeux s'ouvrent, fatigués, et je prie bien fort pour que ce soit la dernière fois. Je m'explique : évanouissements entraînent réveils en mode gueule de bois, et ces réveils-là, personne n'en raffolent... du moins, personne de normal. Et c'est pas mon cas ! De plus, j'en ai ras le trin, de ces nuits de deux heures de sommeil et des repas à trois grammes de bouffe ! Mon dernier mangé de midi m'est resté coincé entre deux dents ; c'est bien qu'il y a un problème, je rêve pas ? J'admets que l'option dodo longue durée avec petit dej à la clé n'ait pas encore été mise à jour, mais faudrait penser à évoluer, les gars ! L'Âge de Pierre, c'était en moins cinq milles !

Hum...

(Stop tes débats internes, Emma. On dirait une cinglée.)

Oh, allez au diable.

J'émerge sans douceur du monde des limbes, épuisée d'avance par les actions précipitées qui m'entourent. « Tous à gauche ! », « Plus vite, putain ! », « A droite ! A droite ! »... Je reconnais là mes premières séance d'auto-école. Souvenirs dont j'aimerais débarrasser ma mémoire.

Des bruits de griffures et des hurlements damnés remplissent le couloir. Yeah ! ...

Il se passe quoi ?

Resserrant ma prise autour de la nuque de mon porteur, je jette un œil discret au-dessus de mon épaule.


Il y a des moments, comme ça, où on aimerait être né sourd-muet-aveugle.

AHHHHHH !!

Mon cœur se serre, mon sang se fige, ma tête bourdonne et j'ai l'impression que je vais défaillir d'une seconde à l'autre. Heureusement pour moi, on me porte déjà. Sans quoi je risquerais de m'évanouir.

Une envie de vomir me tord les entrailles.

- Putain,y a les monstres qui ont bouffé Teresa, derrière !

- Ouaaaah !C'est vrai ?! NAN MAIS TU CROIS QU'ON COURT POUR LES SOLDES,TOCARDE ?!, me brailleMinho avec tout le venin dont il est capable, c'est-à-dire unebonne dose bien toxique qui me renvoie dans les roses.

Ma voix déraille à fond ; la faute aux émotions, évidemment. Une sensible se serait évanouie devant cette vision atroce qui ne m'a pour le moins pas manqué. Limace énorme, ferraille, grondement,cris épouvantables, griffures au sol... Et il y en a trois comme ça. Je pousse un cri terrifié en cachant brutalement mon visage dans l'épaule de Damen.

Aïe. Ah oui, c'est un vampire.

Nan, l'heure n'est pas à la rigolade.

Les larmes ne me montent pas aux yeux, mais Dieu sait à quel point j'ai envie de pleurer. C'est presque un besoin, d'ailleurs, mais rien ne coule. Stock épuisé. Il faut peut-être que je boive pour le remplir, mais c'est impossible ; la seule gourde du groupe est vide, et la seule source d'eau est à l'extérieur du Labyrinthe. Et je crève de faim. Sans rire, ça fait combien de temps, que je n'ai rien mangé ? Pour ne rien arranger, une pluie torrentielle nous martèle le crâne, le vent nous glace, les monstres hurlent dans notre dos, Damen serre fort mes jambes pendant qu'il court mais il doit avoir oublié que ma cuisse est déchiquetée comme un morceau de viande, et... et...

Un éclair de douleur remonte tel un courant électrique le long de mon membre brisé.

Putain de merde, mon bras ! Mon bras ! MON BRAS ! Répétition infinie en boucle noire et sordide dans ma tête. Je me mords la main pour étouffer les gémissements incontrôlables provoqués par ce calvaire. Re aïe.

- Ça va pas ?, me glisse-t-il hâtivement.

No réponse. J'ai juste trop mal à la tête tellement je souffre du bras et de la jambe. Bizarre, non ? Je sens que je vais lâcher...

- Agauche !, hurle Minho enplongeant dans le couloir indiqué.

Les garçons le suivent sans broncher. Thomas glisse à cause des dalles inondées, mais avant d'avoir le temps de nous inquiéter, il est déjà sur pieds et reprend sa route encore plus rapidement. Une des grosses limaces rugit et gesticule loin derrière nous, mais elles perdent le rythme. Au son qui émane d'elles, je crois qu'elles font la course et qu'en plus elles se battent pour nous avoir à elles seules. L'égoïsme des hommes se ressent jusque dans leurs créatures.

- Droite !

On y va sans se faire prier. Mes idées me reviennent progressivement en place - oui, j'arrive à réfléchir en dépit de la douleur, et c'est miraculeux. Bref, je repense à tout ce qui s'est passé avant mon endormissement précipité... et c'est strange.

" Endors-toi. Et garde en tête que WICKED est bon. " ...

Cette voix... Cette voix familière qui me donnait des ordres. Et j'étais comme son jouet, à exécuter la plus insignifiante de ses demandes. Et cette phrase bizarre... Sérieux, quoi ! WICKED est bon ? The Wicked, ça voudrait pas dire Les Méchants, tient ? C'est vraiment super louche, d'autant plus que... ça me dit quelque chose. Je deviens folle, c'est ça ? Vivement qu'on se tire d'ici. Qu'on foute la paix à mon cerveau, parce que je m'en tamponne fortement, de ce paquet et... et...

Chuck.

Une grosse bouffée de chagrin me submerge instantanément. Mon Chuck... Mon p'tit Chuck. La tête à bouclettes que j'ai vu à la télé, un soir, avec Effie. C'était le plus jeune des combattants, cette année. Je l'aimais d'avance. Trop attachant. Pots de colle, peut-être. Boulet, à des moments. Mais un super ami le reste du temps. Un mini Henry. Un Tom plus enrobé.

Un frère en moins, Emma.

Je ferme les yeux en me concentrant juste sur la respiration saccadée de Damen. Saccadée de frayeur, pas de fatigue. Mettons-nous à sa place : un vampire, et surtout un vampire doté de pouvoirs, ne craint rien en temps normal. Sauf les créatures magiques de son monde. Je me rappelle bien de sa terreur lorsqu'on a du faire face à un Troll à Œil Unique, lors de mon premier voyage (involontaire) à Narnia. Quand on a l'habitude d'être tout puissant et qu'on devient désarmé en une fraction de seconde, c'est pire qu'un enfant face à un cauchemar réel...

- J'enpeux plus, je m'arrête !, abandonne Newt avant de freiner des quatre fers.

- Non, Newt !, s'étrangle Thomas.

- Lâche pas maintenant ! Lâche pas, Newt, lâche pas !, l'encourage Minho, mais il est lui-même si épuisé que sa voix se brise à certains moments.

- Je suis mort, les gars... J-Je peux même pus mettre un pied devant l'autre...

Je me redresse de toute ma taille, affolée.

- Attends, Newt ! Damen, pose-moi, s'il te plaît !

- Manquerait plus que ça !

- Arrête-toi ! Arrêtez-vous tous !

WICKED est bon...

Je... Oh non, pas ça.

Minho ralentit la cadence en se retournant, et Newt s'affale au sol, visage fasse à la pluie terrible, mort de fatigue. Damen s'arrête complètement en observant derrière nous, méticuleux. Il doit évaluer notre taux de chance de nous en sortir si on lui prête main forte. Ce qu'il ne saisit pas, c'est qu'on est aux Hunger Games. Et aux Hunger Games, tout le monde meurt au gré de Snow. De... Snow.

Snow...

SNOW, MAIS OUI !

WICKED est bon...

Snow, oui, c'est lui ! C'est lui, les ordres ! LUI, LA VOIX ! Aaaah je suis trooop rassurée d'avoir enfin compris. Mais je suis réellement conne, ou quoi ? C'était évident ! Pourquoi je me sens étonnée ? Ça tourne pas rond, là-haut. Je suis déshydratée. Oh mais n'empêche je l'ai grillé, ce connard ! Sur la tête de mon abruti de cheval que je vais me le faire, un jour. Vous en avez ma parole. Sa tête sur mon mur, voilà ce qui me détendra.

Avant de clamer ma découverte fantastique, je bondis du dos de Damen pour rejoindre Newt. Mais... précipitations ou juste douleur à la jambe, il n'en est pas moins que je m'étale au sol comme une crêpe.

- Nan mais t'as un grain, toi !, siffle Damen en me relevant par le coude, me transperçant de son regard dénué de couleurs. Qu'est-ce que tu fous ?

- Aïe ! (Il lâche subitement mon bras gauche en se souvenant de ma douleur... qui est au bras droit. Hehe...) Et Newt, alors ! Vous allez le laisser ?

- Il risque plus rien ; ni lui, ni nous. (Cette déclaration me laisse pantoise. Je fronce les sourcils.) Bah oui, on se serait fait rattraper depuis longtemps si les trois bestioles n'avaient pas pris le mauvais couloir. Tu les entends s'éloigner ? Elles se perdent.

Je le regarde dans les yeux tout en dressant l'oreille. Thomas nous imite, les sens en alerte. Les monstres hurlent, mais se déplacent dans un couloir adjacent, ça s'entend. Je crois qu'on est tranquille pour quelques secondes ; ces bêtes ne sont que des bêtes et visiblement, leurs GPS intégrés n'est pas au point.

Si seulement il existe des GPS à Narnia, bien sûr.

(L'art de s'agacer solo.)

- Bonnetactique, de tourner dans les couloirs..., hoquetteThomas en s'asseyant au sol, le regard rivé vers Minho.

Le chinois est resté sur ses pieds, mains aux genoux, et reprend difficilement sa respiration.

- Je pensais bien que ces tas de plonk ambulant n'étaient pas fortichespour les virages...

Il s'arrête. Immenseinspiration de fatigue. Newt hoche doucement la tête en essayant de récupérer une respiration normale.

- Le fait que... tu "pensais bien" nous a... sauvé la vie, tocard. Merci...

Et Minho est incapable de répondre, fermant juste les yeux en reprenant son souffle, avalant de grandes goulées d'air comme après une plongée sans masque à oxygène. Il a beau avoir la carrure la plus impressionnante et le souffle le moins court, il fini quand même par terre, la joue terreuse face aux dalles trempées. Je reste face à Damen encore quelques instants en levant les yeux vers le ciel furieux. Cette pluie ne s'arrêtera jamais ? Ça saute comme du pois sec au sol, à croire qu'on est sous une tempête de grêlons. Y a pas pire que le temps pour plomber une ambiance et le moral des troupes.

- Allez, les mecs, remettez-vous sur pieds. S'allonger sur un sol inondé est le meilleur moyen de choper une pneumonie, préviens-je ententant de ranger mes mèches folles dans ma capuche.

Ma haine la plus formelle en temps de pluie : ressembler à un chien mouillé. Les mèches qui se collent au visage, ça nous fait se sentir sale. Déjà qu'on l'est, alors si les impressions se rajoutent, je vais finir par commander des anti-dépresseurs. Et puis...

Pourquoi je peine à respirer alors que je n'ai pas courus ?

Je pose ma main sur ma poitrine en me demandant bien ce qui cloche dans mes poumons. Depuis quelque temps, je peine vraiment à respirer... Une remarque que Newt m'a faite hier me revient en tête, d'ailleurs. Il avait dit : "Emma,calme-toi, tu vas faire une crise d'asthme !" Je n'ai pas tilté, sur le coup, mais... ça me revient. Progressivement, les événements que j'ai vécu dans un état second afflue en petites vaguelettes dans ma mémoire. Une crise d'asthme ? Il a donc remarqué que j'ai une santé fragile. Une respiration fragile. D'autant plus que je ne suis pas asthmatique... Ooh, ça me plaît pas, tout ça ! C'est bizarre...

Bizarre. Pourquoi ils parlent plus ?

Ma bulle de pensées pulmonaires fait "poc !" dans ma tête, cette saleté. Je les dévisage sans comprendre, hébétée par tant de haine visuelle. Oui, mes chats ; ils me fixent tous avec le même air... inconnu. Comme si j'étais une étrangère pour eux. Intriguée, je reste pourtant statique face à leur conduite. Je les examine tous un par un en tentant de comprendre ce qui a pu déclencher cette réaction, mais... tout ce qui me heurte, c'est leurs corps. Je crois que je ne les ai pas souvent détaillés des yeux. Ils étaient jadis canons, je l'admets. Clairs, pimpants, propres sur eux, beaux gosses. De cette époque, il ne reste que leurs muscles. Pour les graisses, on en dira pas tant. Et tout le reste, Seigneur... Leurs visages sont gris. Leurs cheveux remplis de terres, leurs bras plein d'écorchures (excepté Damen) et le pire reste leurs regards. Leurs yeux étaient magnifiques. Les premiers jours, ils commençaient à se cerner.

On dirait des sorcières.

Des poches noirâtres et plissées pendent sous leurs yeux. A tous et MÊME l'immortel insomniaque ici présent. C'est d'ailleurs un des pires cas, car il a beau ne présenter aucun signe de blessure, il reste l'un des plus faibles du groupe. Lui comme ces pauvres humains, il est amaigrit, le teint fiévreux, sans hygiène, misérable. Il doit être assoiffé comme tout. Ses pupilles sont flippantes, on dirait un fantôme. Depuis... Combien de semaines il n'a pas... Ma main se porte d'elle même à mes lèvres. J'irais jusqu'à oublier qu'on se regarde yeux dans les yeux. Merde... Mais comment tient-il ?! Comment s'est-il abstenu de s'abreuver du sang de Chuck alors que... Quelle horreur ! Je pense à ça, moi ? Choquée, je l'observe de lourdes minutes. Il me fixe. Ils me fixent tous.

Newt,Thomas, Minho, Damen. Et moi.

Les cinq derniers survivants des Hunger Games.

+++


- Toi,tu ferais mieux de te poser deux minutes. T'as bien dormis ? Je l'espère, en tout cas, parce qu'elles vont tomber, les questions. Assieds-toi, tocarde !

- Ooh,calmos, grogne Damen, peuattendri par sa façon de me parler.

Peu attendri, certes, mais il ne fait rien pour empêcher Minho de me donner des ordres.

Je serre douloureusement mon bras contre moi en jetant un bref coup d'œil à ma cuisse. La plaie ne s'est pas remise à saigner, visiblement. Mais ça pique quand même. Et mon pantalon est collé dessus. Pouaah, quand je vais devoir tirer, je vais pleurer ma race ! Bref, je m'assieds par terre. Personne ne va me protéger, ce coup-ci. Ils me reluquent si différemment...

- Tute sens comment ?, grogne Minho, enragé.

- Qu'est-cequi se passe ?, dis-je - répondons par une question, tiens !

Ma voix est presque inaudible. Non pas que je chuchote, mais je ne peux pas parler plus fort. J'ai mal à la gorge. Et sûrement de la température. Et une incapacité à ouvrir complètement mes yeux... Oooh, c'est une angine qui se prépare, c'est sûr. La totale ! Mes parents doivent se griffer le visage devant ces images... si seulement ils me regardent.

Si seulement ils ont remarqué que j'ai disparu...

- Faismarcher ton cerveau deux minutes, Altesse ! (Je sursaute et éradique ces pensées de dépressives.) T'as plus aucunsouvenir des dernières heures, ou quoi ?!

- Maisde quoi il... Je dormais, moi ! J'en sais rien !

- Tudormais ?, s'étranglele chnaw, appuyant bien sur le dernier mot. Juste ça, alors que Chuck venait d'y passer et que trois monstres nous ont fondu dessus ?!

- Arrête,Minho !, le coupe Newt enlui retournant un regard noir. On s'est mit d'accord :tu parles, mais t'agresses pas.

Pour toute réponse, il se reçoit une fusillade visuelle. Il joue trop de ses pupilles noires, l'Asiatique. Heureusement qu'elles sont à moitié cachées par ses yeux bridés - s'il était occidental, ça aurait fait vraiment mal. Je les regarde tour à tour en me demandant bien ce que j'ai raté pendant mon sommeil de fortune.

- Bref,riposte « l'intermédiaire »entre le reste de la bande et moi.

Je suis réellement exclue du game.

- Est-ceque tu te rappelles de « l'épisode Chuck » ?

Bien, je vois ce qu'ils ont derrière la tête. Et aussi bizarrement que ça puisse paraître, la petite chansonnette à quatre notes me revient en tête. Tou, tou, tou, touuuu.... Oui, bon, ça donne mal, là, mais... C'est ça que je me rappelle de Chuck. C'est ce qu'il m'inspire. L'innocence d'un enfant qui chante au milieu du champs de bataille.

Gavroche, des Misérables de Victor Hugo... Non, ne pensons pas à ce livre ou bien...Trop tard. Mes yeux se remettent à piquer. A tous les coups, penser aux Misérables, ça me... Merde, je suis trop sensibles de mes souvenirs d'enfance. Va falloir m'endurcir.

J'essuie abruptement mes paupières, puis, pinçant les lèvres, je tourne un visage furieux dans sa direction.

- « L'épisode Chuck » ? C'est comme ça que t'appelle la mort d'un enfant ? Un épisode de série télé ?! Merde, Minho ! Mais t'as quoi dans la tête ?!

Et là... Ouaah, je m'y attendais pas.

T'as un sourire malsain, mais quand je dis malsain c'est qu'y a vraiment un problème, qui se niche dans le fin creux de ses lèvres. Il est zinzin sur les bords, ce type. Je lui en foutrais, des métaphores. La mort de Chuck n'est pas un épisode, putain !

- Tu...Tu te rappelles de quoi ?, intervient gentiment Thomas.

Je précise « gentiment » parce que sa voix est toujours très posée en dépit de son regard pénétrant. Mais il n'avait pas l'air énervé contre moi. Juste... suspicieux. Comme si j'étais une menace en panne.

Menace en panne...

Putain, y a que maintenant que je comprends ! Je suis crevée.

- Et après, on dit que les meufs sont compliquées ? (Je lève les yeux au ciel - ouais, faut savoir faire genre, dans ce monde de brut.) Vous auriez pu me demander cash ce qui m'ait arrivé, je vous aurais répondu. Mais très vaguement, parce que je comprends pas tout moi-même.

Je tourne les yeux vers Damen. Adossé au mur, il m'observe avec attention, attendant patiemment la suite. Pas de soutient, non non, je suis un robot ! Tss, va manger de l'herbe, tient. Ignorance de cet individu malfaisant, concentration sur le visage poisseux et dégoulinant de Thomas.

Et à quoi je dois ressembler, moi ? Une vision abstraite parcourt mon imagination. Eurk.

- Bon... Je sais pas si vous allez me croire ou ne serait-ce que comprendre, mais... Y avait une voixdans ma tête qui me donnait des ordres, et...

Euh... OK.

C'est la vérité, non ? Quelqu'un contrôlait mes émotions et même ma vue - sinon, comment expliquer que je confondais Chuck avec Henry et le souvenir de Tom ? Mais bon... Penser et parler, ce sont deux choses bien différentes. En disant ce qui m'ait arrivé, je réalise qu'ils vont me prendre pour une illuminée.

Je suis enchaînée au regard de Thomas. C'est pas pour rien ; il reste statique alors que vérifier les réactions des autres me déprimerait. Le sifflement que pousse Minho me suffit largement, toute façon.

- Unevoix, répète-t-il de manière si neutre qu'on comprend direct les sous-entendus.

Il commence à me les casser, là.

- Ouais, une voix ! Elle me donnait des ordres ; je les exécutais. On me laissait pas penser... Comme si on avait débranché mon libre-arbitre... mon cerveau. Prends-moi pour une tarée si tu veux, mais je sais que...

Tu aimes les Griffeurs ?

Je m'arrête momentanément. Mon cœur se resserre. D-Des Griffeurs ? Snow, qu'est-ce que tu...

Les monstres.

Oh. Merde.

- Emma ?

Je n'écoute pas celui qui m'a parlé, concentrée sur la voix de mon pire ennemi actuel. WICKED est bon ? Si j'aime les Griffeurs ? Attrape le paquet ? Regarde l'enfant ? Le but, c'est de me rendre cinglée, c'est ça ? De me faire passer pour une frappée mentale aux yeux de mes amis, de me faire haïr par eux, et ensuite de...

- EUH,REGARDEZ ÇA !

Je sursaute en quittant la discussion que je partageais avec le Président. Faut que je leur dise de qui il s'agit, il faut que... Minho se lève soudainement. Je le regarde sans comprendre ce qu'il se passe. Il semble fixer quelque chose loin derrière moi. Il détale. Damen, Newt et Thomas jaugent le même endroit. Qu'est-ce qu'il y a ?Je lève le menton dans cette direction - résultat, toute l'eau qui s'est accumulée dans le creux qu'à formé ma capuche me gicle dans la gueule.

Fichue journée de merde.

- Minho,tu fous quoi ?!, lui crie Damen en plissant les yeux.

V'la que je me mets à cracher. Les Hunger Games ont pour but d'animaliser les humains... Mmm, beau sujet de dissertation.

- Venezvoir, venez voir ! Eh, Emma, c'est à toi, regarde ! Maisbouge ton boule, Princesse Plonk !

En... ENCORE CE MOT ?! Les gars prennent l'initiative de rejoindre leur camarade, me laissant seule et agacée face à ces remarques bizarres. J'éclate.

- Çaveut dire quoi, merde ?!

- Tuviens de le dire, me répond tranquillement Thomas. Qu'est-cequ'il y a, Minho ?

- Commentça, je viens de le dire ?

- Oh,mais c'est... !, s'écrieDamen, semblant reconnaître l'objet que Minho brandit au-dessus desa tête.

Y a trop de pluie, je vois pas le bout de mon nez ! Et puis ils me cassent les ovaires, avec leur délire de plonk. Comme si rien d'autre n'avait d'importance, comme cette voix off ou le fait que ces monstres s'appellent des Griffeurs. N'empêche, ça se tient ; les créatures sont incapables de se déplacer sans un affreux remu-ménage de griffures au sol...

Ouais mais bon. Le plonk, ça stresse, aussi.

- C'estquoi, ce mot de merde ?!

- Tuviens de le dire.

- MAISJ'AI DIS QUOI, BORDEL ?!

- Merde !

- T'essérieux, Newt ? Tu me parles comme ça, maintenant ? OK, je me vexe.

- Maiiiiis nan ! (Et il éclate de rire. C'est des cons, sérieux.) Jete réponds, Altesse ; le plonk, c'est de la merde. Du caca. A cause dubruit que ça fait quand il tombe dans le trou. (Puis il relève la tête. Son expression se transforme lorsqu'il voit l'objet de Minho.) Oh, mais c'est...!

Ouais, c'est. C'est...

C'est de la merde.

Les trois gaillards rejoignent leur coéquipier et s'extasient autour de leur Graal tant attendu. Et je reste là, sans bouger, sans broncher, lessivée, en colère, et je ne les regarde plus, les yeux rivés sur mes chaussures inondées et qui font "skouik !" quand je marche. On dirait l'écrabouillement d'un champs de hamsters.

Des jours, et des jours.

Ça fait des jours qu'il me traîne ça. « Eh, petit ! C'est quoi, du plonk ? » Et il m'a regardé avec ses petits yeux noirs, là. « Tu sais pas ce que c'est ?! » Limite insultée, à ce moment-là. Quelle honte ! Habitante de Narnia et future souveraine, tu ignores donc tout du vocabulaire de ton peuple ? Tu ne connais pas la signification du plonk ? Infamie !

Je secoue la tête, abattue, imaginant la tronche que doit tirer Chuck en me voyant comme ça. Rigole, rigole, saleté. J'ai l'impression d'avoir raté ma vie.

- Eh,qu'est-ce que tu fais ?, mehèle Newt.

Je hausse les épaules en les rejoignant. Du plonk... du caca. Tous ces « tas de plonk » que Minho a balancé aux uns et aux autres... Punaise, ça change tout. Je retrouve le groupe de rescapés qui entourent les mains chargées de Minho, et pour la première fois, je le vois sourire de toutes ses dents. Ouaaah ! George Clooney is inside, les gens ! J'ai l'impression de le rencontrer. Sa partie robot en veille, enfin.

- T'asjamais rien fais de mieux que d'oublier ce truc-là !,me sourit-t-il, jubilant, enme montrant sa trouvaille.

Bah ça alors ! Je l'avais complètement zappé !

- Oh, mais c'est... !, m'écrie-je, toute heureuse.

Plonk, voix et compagnie me sortent de l'esprit.

BOOOOONHEUR ! Bonheur ! Soutient moral ! Soutient militaire anti-Griffeur !

Mon arc ! Mes flèches ! Ouaah, je suis rassurée de les avoir retrouvée !

- Tules as posé avant de dormir, retrace le chinois,et t'as du l'oublier au moment où Cato, Damen et Thomas étaient coursés par le bidule à cliquetis.

Pas un bidule à cliquetis ; un Griffeur. Mais est-ce que je devrais leur parler de ce vocabulaire étrange ? Comme l'a dit Chuck, on est tous des blocards. Tous dans le même panier. Ce qui ne veut pas dire que mes problèmes intéressent la terre entière... Et puis, si je leur donne l'identité de la voix, ça créera peut-être une vague de panique. Ils vont croire qu'ils pourraient tous être contrôlés par le Capitole selon le bon vouloir de ce-dernier... Ou pire ; ils me soupçonneront H24 d'être sous contrôle. Ils ne me croiront plus être de confiance... Olala, mieux vaut garder ça secret.

- Vous comprenez, voustous ?! (Pourquoi ils sont euphoriques ? Je reste coincée dans ma bulle de stress, moi.) Si on a retrouvé l'arc, alors on a réussi àrebrousser le bon chemin !

- Cequi veut dire que la sortie n'est plus loin !, s'extasieDamen en faisant un hight five avec Thomas, fous de joie.

Je ne me mêle pas un centième de seconde à leur plaisir. Aucune pensée positive n'a le temps de s'approprier mon esprit.

L'arc.

Oui, je le savais. Lorsque mes émotions disjonctent, c'est que quelqu'un tire les ficelles. Ce qui veut dire que je ne suis déjà plus moi, en cet instant. Snow... quel salopard.

Oh ! Tu résistes ?

Oh que oui, et je t'ai démasqué. Si tu crois que tu peux...

Oui, je le peux. J'ignore de quoi tu voudrais parler, mais je le peux. Je peux tout faire.

Rêve ! Rien ne...

Regarde l'arc !

Oups.

P-Peut-être bien qu'il a raison. Je suis impuissante face à ses ordres, désarmée face à ses requêtes. Ce vieux machin manipule mon cerveau, alors comment résister ? Je ferme fort le poing, furieuse, mais me contente d'observer machinalement l'arme.

Récupère-le vite. On ne peut pas avoir confiance en Minho. Ses grands airs cachent une personnalité toxique pour ta survie ; reprends ton bien, reprend ton arme.

A cent pour cent d'accord, pour une fois. Au fond, ce gars-là est un sale type, un danger public. Il mate les gens comme le jardinier guette les pucerons, mais ce qu'il ignore, c'est qu'il y aura toujours une coccinelle pour faire changer la donne. Je regarde étrangement Minho. Puis...

Ma vue se brouille.

Quoi ? Moi, pleurer ? Mais pourquoi ? Le voir mort est la plus belle chose qui puisse m'arriver ! Les voir tous morts ! Ma survie dépend d'eux, mais je ne devrais dépendre de personne... Je suis supérieure à ces habitants des bas-fond du peuple. Je suis dans le château lorsqu'ils sont sur la paille ; je dis pomme de terre lorsqu'ils disent patate. Le raffinement, tu nées avec ou tu ne l'as pas. Ils sont ordinaires ; je suis exceptionnelle. C'est comme ça, le beau destin est tracée pour les belles personnes, y a pas à chercher très loin.

Tu as tout assimilé. Fière ?

Mmm... Normale. Peu importe les mondes, l'intelligence, ça se perd pas.

Récupère l'arc, maintenant.

Mouais, c'est la meilleure chose à faire, au fond. Je tends sèchement la main vers l'Asiatique.

- Passe-lemoi.

- Maisc'est trop ça, t'as remarqué !, rigole-t-ilavec Newt en me rendant mon bien sans tenir compte de mon visage.

L'arc rebondit au sol. Les gars ne me prêtent pas vraiment d'attention, excepté Damen qui me demande ce qui ne va pas. Je fixe mes mains tremblantes. J'ai fermé les poings lorsqu'il m'a tendu mon bien pour m'empêcher de le récupérer... Pourquoi ? Il est à moi, j'en fais ce que je veux... Peut-être que mon subconscient refuse de participer... Parce qu'il a comprit que je ne suis pas dans mon état nor...

Ramasse.

Oula, je divague, moi. Heureusement que la voix me remet sur les rails, sans quoi je raconterais n'importe quoi ! Mon état normal ? Je ne me suis jamais sentie aussi bien, pourtant. Roulant des yeux, je me baisse et ramasse de la main gauche mon arc, puis le carquois de flèches que j'enfile autour de mon épaule... Mon épaule droite. Par habitude.

- Aaah !, m'étouffe-je, choquée par la brutalité de l'action.

P-Putain, mais ça fait un mal de chien, merde !

- Eh, ça va pas, Princesse ?

- Emma, t'as quoi ? A-Attendez ! Vite, soutiens-là, Newt ! Elle va tomber !

Je me mets à suffoquer bruyamment. Mes genoux flagellent quelques secondes avant de s'affaisser par la souffrance. Newt et Damen me soutiennent instantanément et le dernier comprend direct...

- Mais qu'elle est conne ! T'ENFILES UN CARQUOIS DE TROIS KILOS SUR UN BRAS CASSÉ, TOI ?!

Malgré les cris, il m'aide en douceur à retirer l'objet trop lourd de mon épaule. Je pousse un cri étranglé en me mordant la main (mes dents se plantent dans la marque que je me suis faites tout à l'heure) en fermant les yeux. La douleur est assourdissante. Elle me gonfle dans la tête comme si rien d'autre n'avait d'importance. Damen et les trois autres me parlent (oui, Minho aussi) et m'aident à m'asseoir, mais je ne les entends plus. A part Minho lorsqu'il propose de me fabriquer une atèle. Mais à part du lierre, il n'y a rien, ici...

Arme ton arc.

Euh... Q-Quoi ? Non, je peux pas ! J'ai trop mal... et pourquoi j'obéirais à Snow ? Ses conseils sont justes, mais bon... Une petite voix interne me hurle : « Bas-toi, merde ! » Mais ça devient dur de ne pas l'ignorer.

Le cauchemar recommence.

Arme-le.

Je... Mince, je fous quoi ? Je respire difficilement (encore ce problème de respiration, putain...) en affichant un sourire de fortune aux autres pour qu'ils pensent que tout se passe bien. Puis je tends la main (gauche, hein) vers mon carquois... Et une jambe se poste entre mon objectif et moi. Je lève la tête vers Thomas.

- Qu'est-ce que tu fais ?

Il a comprit...?

- Je veux juste regarder mes flèches. Où est le mal ?

Pour la première fois de ma vie, je me maudis d'avoir de la répartie...

Au lieu de me répondre, Thomas s'assied à côté de moi et prend mon visage entre ses mains.

- T'as un peu de fièvre, me dit-il.

- Raison de plus pour quitter cet endroit au plus vite. (Je me tais, choquée. Ma voix est froide, mauvaise, cinglante. On dirait qu'elle appartient à un autre...) Quand on sera de retour au Bloc, on ira dans la forêt chercher de l'eau, et on pourra me construire une espèce d'atèle avec des branches... Et je reconnais les fleurs que Rue pour soigner ma jambe. Je pourrais me fabriquer une pommade une fois là-bas...

Oh. Seigneur. Rue ! Ma petite... Mon Dieu ! Ma gorge se resserre tandis que je...

On se fiche d'elle.

Euh... Ouais, au pire. C'est qu'une gamine, hein. Thomas continue à m'examiner sans quitter mon visage des yeux. Pitié, j'espère ne pas avoir été persuasive... Il faut absolument qu'il emmène les flèches loin de moi... Il faut qu'il... Oula.

Arme. Ton. Arc. On perd un temps précieux, là !

Thomas hoche doucement la tête sans rien ajouter. Il se met debout.

C'est maintenant ou jamais...

- Les gars, elle a peut-être raison...

Je me traîne comme un serpent sur le sol trempé et tire difficilement une flèche du carquois... Merde, n-non... Allez, un effort... Lâche cette flèche ! Merde, Emma ! Lâche ça ! Je lâche ma flèche et déploie toutes mes forces pour m'éloigner, et...

Récupère cette flèche ou bien c'est toi qui y passe !

M-Mytho ! Je sais bien que t'as besoin de moi p-pour tuer les autres, mais je me laisserais pas... Putain, non ! Non ! Ma main, tremblante d'une violence très épileptique, récupère cette putain de flèche contre mon gré. Je me bas contre moi-même pour faire machine-arrière.

- On ferait mieux de ne pas nous attarder dans les environs. Les monstres sont de plus en plus nombreux et on n'a rien mangé depuis des jours... On tiendra pas longtemps comme ça. Je parie que c'est grâce aux virages de Minho qu'on a survécu tout à l'heure. Et rappelez-vous que les monstres se battaient entre eux. Si on croise un solitaire, on est mort.

Je me mets à grogner de fureur. Mes yeux cuisants d'une détermination enragée reste fixés sur l'objet, priant pour le voir tomber au sol. Des larmes (fatigue, nerfs, douleur ?) dévalent mes joues sans pouvoir s'arrêter. Des larmes tout droit venues de mon cœur. Mon cœur en feu qui a besoin de ses amis pour s'en sortir. Je ne peux pas me laisser faire. Je peux pas laisser Snow me...

Putain, aïe !

Un mauvais mouvement a redéclenché la douleur dans mon bras. Mes doigts se desserrent automatiquement autour de la flèche pour pouvoir se porter vers mon bras en miettes...

Emm... Ton ar... suite ! ...

Comme à la radio au milieu de la montagne. La voix grésille, ne me parvient qu'à moitié... Une part de moi est comme débranchée.

OH !

Mais oui, je comprends mieux ! La douleur est mon remède ! Tant que je souffre, Snow ne pourra pas...

Lève-toi !

Je ferais mieux de fermer ma gueule psychologique, des fois.

Je me lève sur mes deux pieds pendant que les garçons évaluent les risques et les probabilités de déboucher sur le Bloc en empruntant tel ou tel couloir. Ils sont loin de moi, très loin. Damen est obnubilé par le sac de Chuck, fouillant ses moindre recoins en quête de je ne sais quoi... Je hurle intérieurement pour qu'il pose ses yeux sur moi. Lui, il me connaît. Lui, il comprendra que je ne suis pas normale. Il comprendra qu'ils doivent fuir avant que... Oh, je sais ! Je dois l'appeler...

- Dam-...

Tais-toi ! (Je m'exécute, refoulant un cri de rage.) Tu fais perdre tellement de temps que je devrais te faire suicider immédiatement, mais ça ne serait pas assez amusant. Estime-toi heureuse d'être entre les mains d'un grand joueur. Maintenant, arme cet arc maudit...

Je positionne la flèche dans le silence le plus complet. Extérieurement, je parais folle d'une haine inquiétante mais je reste silencieuse - intérieurement, c'est la Troisième Guerre Mondiale. Mes mains tremblent, partagée entre l'ordre de mon subconscient et la décision révolue de mon coeur. Les larmes affluent, je me mords la langue le plus fort possible pour me forcer à ouvrir la bouche, juste quelques secondes, le temps d'appeler à l'aide. Merde, bas-toi, Emma ! Bas-toi !

Arrête de penser et tire sur Minho.

... !!!

TIRE SUR MINHO !

+++


- AAAAAARGH !!

Trop de trucs se passent simultanément.

Le hurlement abominable se répercute des centaines de millions de fois en écho sur les murs glissants et couverts de lierres, déclenchant une vive envolée de corbeaux mutants sur les toits du Labyrinthe. Tous les regards se tournent vers la même personne. Horrifiés. Putain, mais qu'est-ce que j'ai fais...

- Putain, mais qu'est-ce que t'as fais !!

Aah, tu te le demandes aussi, Newt ? On est d'accord.

Ma bouche reste ouverte, incapable d'autre chose. La cible s'écroule sous le poids infliger par cet acte. Ils se pressent tous autour de la même personne en criant, les yeux agrandis de stupeur. Des bribes de paroles me parviennent, mais la douleur est trop forte. A croire que mon sang est la douleur, et qu'il parcourt les moindres nanomètres de mes veines...

- Mais pourquoi t'as fais ça, tocarde ?!, me hurle Minho, le premier à me soutenir avant ma chute, me serrant dans ses bras.

Je tousse comme une grosse fumeuse et m'étouffe, littéralement, complètement, excessivement broyée par cette souffrance aigu, hurlante, horrible qui longe mon bras, puis mon épaule. Je finis paralysée de la hanche à la mâchoire. Le côté droit de mon corps est inutilisable.

C'était le coup de grâce.

Les larmes poursuivent leur course. "La première arrivée au menton a gagné !" Salopes, va. Je crois que toute l'eau de mes cheveux est absorbée à travers mon crâne pour remplir les stocks de mes paupières. Et vu qu'il pleut toujours, autant dire que ce n'est pas près de changer.

- Merde, Emma ! Mais t'as quoi dans le crâne, putain ?

- Tocarde ! Eh, me l'as fais pas à l'envers, à moi ! Regarde-moi, Emma, regarde-moi !

Minho se saisit de mon menton et tourne mon visage face au sien. A quoi bon ? Mes yeux sont grands ouverts, mais je vois tout blanc. Comme lors de mon accident de voiture. Ou pendant toutes mes chutes. Les coups de fouets... L'électrocution. Avant et après mes évanouissements. Emma, ou la meuf qui aura tout vécu, je vous jure. Elle a mal, mais elle est tellement comblée de bonheur.

J'ai réussis mon coup...

J'ai bien compris que la douleur me permettrait de me battre contre Snow. J'ai assez souffert dans ma vie pour savoir que quand on a mal, rien d'autre ne peut s'approprier notre esprit. Le cerveau humain marche comme ça, ce n'est pas un phénomène scientifique propre à mon organisme. Quand on souffre, on n'écoute plus les gens. On n'écoute plus la raison. On est juste tétanisé par la douleur.

C'est ce qui vient de sauver Minho. J'ai trouvé l'idée du siècle... Franchement, si j'avais pas aussi mal, j'aurais surement ris.

- PUTAIN, MAIS POURQUOI ELLE EST ALLÉE CLAQUER SON BRAS CASSÉ CONTRE UN MUR ?!? T'es complètement cinglée, Emma Swan ! Mais t'as quoi dans le crâne, merde ?!

Ohh, c'est bon, Damen, hein ! Si tu me portais un tant soit peu d'attention, t'aurais vu qu'y avait un truc qui cloche...

- Et après, on dit que je sais pas parler aux filles ?, grognasse Minho en soulevant le menton dans la direction du vampire.

- Nan nan, t'assures !, le calme Thomas avec un sourire faux.

- Si ça part en tocards-party, oubliez pas d'éloigner Emma, histoire qu'elle soit pas piétinée...

- Dis le mec qui s'est battu sur elle avec Gally ?, s'étrangle l'Asiatique, furibond.

Newt fronce les sourcils. Son visage s'illumine lorsqu'il se rappelle de cet incident. Héhéhé, connard. Il se tourne vers moi.

- Oooh, je m'en rappelais pas ! Tu vas mieux ? Pourquoi t'as fais ça, dis ?

Parce que Snow me manipulait ! Il contrôlait mon esprit et voulait que je tire sur Minho, mais je... Oh oui, t'es pas télépathe. La souffrance se dissipe de 1%, c'est déjà ça. Je pense que c'était sur le coup que ça a du faire très mal. Espérons... que cet acte audacieusement con ne va pas plus blesser mes os qu'ils ne le sont déjà.

- OH, MON DIEU !

What ? Les regards se tournent vers Damen.

- Putain, je viens de saisir !

C'est la folie des "putains", ici. Retourner au château avec le langage que ça implique va me faire tout drôle. Damen se rue vers moi, le regard sévère, et s'agenouille au plus près de mon corps engourdie. Euh... Euh, j'arrive à voir ! Je suis un peu stupide, des fois. Mais le principal est que j'ai recouvré la vue. Et l'ouïe, même si mes oreilles sifflent, que je grelotte de froid. La douleur s'estompe peu à peu. Peut-être que ces zozos arrivent à me divertir.

- La voix !, souffle-t-il simplement.

Oh... Nan mais qu'est-ce que je l'aime, cet enfant. Plus intelligent et tu surpasses Einstein. Son QI est hors concours, non évaluable, c'est pas possible... Il prend ma main dans la sienne et l'embrasse doucement, acte de tendresse qui pourrait encore rentrer dans une relation amicale. Oui, n'oublions pas que les autres ne savent rien de notre relation amoureuse.

- La voix ?, répète étrangement Thomas.

- Je le savais !, décrète mon copain en caressant doucement le dos de ma main. Emma... T'es vraiment folle, hein ?

Un sourire absolument craquant se forme sur ses lèvres. Ah, donc je t'amuses ? T'arrives à sourire devant cette vision ? Bah crève. Je me sens trahie.

- Bon, on m'explique ? Je suis perdu...

- T'es pas le seul.

- Faites marcher votre cerveau !

Tout doucement mais sûrement, Damen dépose la paume de sa main contre mon bras cassé. Il l'effleure à peine. Il me fixe, jugeant de mes émotions pour savoir si ça m'apaise ou non. Et évidemment... je fonds de soulagement. Sa peau glacée contre la mienne est comme un médicament pour mes nerfs... Je n'ai plus trop mal. Enfin pas aussi mal que tout à l'heure. Ce qui signifie que...

Très intelligent.

Mes lèvres commencent à trembler tandis que les garçons essaient de deviner ce qui m'arrive. J'implore le ciel de me donner assez de force pour repousser la main de Damen. Il faut que mon bras reste douloureux encore un peu, le temps que Snow croit qu'il n'a plus aucune emprise sur moi.

- Elle nous sauve la vie, s'explique Damen, voyant que les autres n'arrivent pas à comprendre.

C'est pas étonnant : il sait comment je fonctionne et a en plus de ça une capacité de compréhension supérieure à l'être humain. Damen, mon âme-sœur.

Vous êtes fière de vous ?

Oh oui, on ne peut plus fière... Ah, c'est le retour au vouvoiement ? Vous êtes un homme d'exception, Snow.

Je pense à ces mots bien précis car ce sont ceux qu'il m'a dit le jour de mon enlèvement. Dans le bâteau. Le jour où je venais de comprendre dans quel Jeu démentiel je m'étais engagée. Le jour où je croyais encore qu'il me laisserait seule dans une arène, entourée de farouches adversaires prêts à tout pour me voir morte. Il a essayé de me terroriser avec l'idée que mes ennemis se trouvaient dans l'arène.

Ce qui est faux.

- Je suis prêt à jurer que la voix bizarre qui commande ses actes est atténuée lorsqu'elle a mal. Et... et elle s'est jetée sur ce mur...

- Pour nous protéger, conclut Minho dans un souffle.

Ils me regardent. Et je pense qu'ils comprennent que je mène un débat interne. Newt baisse doucement les yeux, et j'en fais de même.

C'est choquant.

Toujours aussi tremblante, comme atteinte de la parkinson, une main se débat et se tend le plus possible, tentant vainement de récupérer l'arc... Et je réalise avec stupeur qu'il s'agit de ma main.

Mon Dieu. Il me contrôle sans que je m'en rende compte.

- Ah non !

Newt se dépêche de récupérer l'arme. Il se met sur ses deux pieds et tente de le briser sur son genou... Problème : l'arc est en acier, et non en bois. Tu vas te blesser, Newt.

Redressez-vous.

Ah, l'salaud. Le maudissant, je me rassieds en douceur. Je n'ai plus mal, et pourtant Damen a lâché mon bras. Car il est debout. Et lui, il a réussi à casser l'arc. Il balance fièrement les débris au sol en m'affichant son plus grand sourire.

Merveilleux. Un tout nouveau modèle réduit en pièces...

Navré, je te le rembourserais. Je te le rendrais en mains propres. Même que je transpercerais ta gorge avec ! Alors, heureux ?

Ne jouez pas avec moi, Mademoiselle Swan. Du moins, respectez mes règles.

Oui, je sais bien que vous avez une âme d'enfant. Un peu psychotique, mais vous l'avez quand même. Et cessez de m'appeler "Mademoiselle Swan" ; ce surnom, il est réservé à Gold et Regina. Aaah... Storybrooke... L'époque où mon pire ennemi était une mère adoptive un peu trop dure avec son fils...

Je me lève quand même, obéissante. Les garçons se pressent autour de moi.

- Tu vas bien ?, me demande Minho. T'es sûre d'être prête à te mettre debout...

Vos amis ont l'air de tenir à vous... Mais qu'en serait-il s'il savait que ce n'est qu'une façade ? Vous vous servez d'eux pour survivre.

C'est faux...

C'est vrai, et vous le savez. Car toutes les décisions que vous avez prises depuis le début des Jeux, vous ne les devez qu'à moi. Sauf que vous n'en saviez rien.

...

Non, impossible... J'ai fais mes propres choix, quelques fois très difficilement. C'est du bluffe ! Pis si c'était vrai, ça prouverait que ta vie est bien triste, pauvre vieux. Tout seul assis dans ton palais avec pour seul objectif la destruction de l'avenir d'une pauvre ado sans défenses. J'aurais pu rater mon entrée à Narnia sans avoir besoin de toi, tu sais. Je suis experte dans ce domaine.

Je sais bien. Disons que mes sources m'ont bien informées sur votre passé.

Paf ! Je me prends une claque mentale.

Damen récupère le sac de Chuck, prêt à s'en aller, tandis que Newt s'amuse à casser toutes les flèches. Minho le jauge en secouant la tête, apitoyé.

- Je me demande ce que tes parents vont faire de toi, plonk en bois...

- Plus de chose que tes parents Asiatiques, tocard à tiques ! Ouais, j'ai vu un truc blanc, dans tes cheveux, ça m'a perturbé.

- C'est une cicatrice.

Ses sources ? Des sources qui l'auraient informer sur mon passé ? De mes prouesses dans le domaine du cassage de délire ? Non... Non, impossible ! Qui peut être aussi bien informé, hein ? Je suis sûre qu'il délire. Il respire le mensonge, cet homme, c'est pas possible.

- OH ! C'EST... presque intéressant, mais ça ne l'est pas, les coupe Thomas en roulant des yeux. Je propose de vite reprendre la route. Le soleil va bientôt se lever...

Non... Non, tu mens ! Tu mens !

Alors pourquoi tremblez-vous, Votre Altesse ?

Parce que je suis dégoûtée ! Dégoûtée des moyens que tu utilises pour m'atteindre ! T'as entendu Thomas, non ? On va reprendre notre route. On va quitter ton piège de merde et toi, tu ferais mieux de chercher une autre façon de me faire du mal parce que je ne céderais pas. Je suis sûre que tu bluffes ; tu ne peux pas me contrôler sans me donner d'ordres. Lorsque j'ai mal, je dois me forcer à rester concentrée pour t'écouter ; sinon, ta voix ne me parvient pas. Et si elle me parvient pas, tu peux rien faire de moi, à quelques coups de chance près (comme tout à l'heure, lorsque je parlais aux gars mais que ma main cherchait à récupérer l'arc).

Quoi qu'il en soit, je ne suis ni ton objet, ni ta créature. Tu ne feras rien avec moi. Et certainement pas de mal à mes amis. Crois-moi, tu as déjà enfreint par mal de règles et on se retrouvera avec ou sans de nouveaux crimes. Mais à ta place, je ne continuerais pas sur cette voie-là, car ma patience à des limites. La prochaine fois qu'on se croisera, cache-toi bien.

Car pour le moment, tu ne connais que la Emma de Narnia. Mais comment réagiras-tu face à la Emma de mon monde, hein ?

... Vous ne feriez pas de mal à une mouche.

Mmmm... A une mouche, non. Mais pour vous, je serais capable de devenir assassin professionnel.

Advienne que pourra, Coriolanus Snow.

+++


- Il y a quelque chose, là-haut, non ?

Silence. Damen plisse les yeux.

- C'est un parachute, décrète-t-il, comme si l'OVNI n'était qu'à deux mètres.

S'il oublie qu'il est censé être humain, il va se faire griller...

Bon, oublions, ce n'est pas le plus important. J'essaie de suivre les regards de Thomas et Damen, rivés ensemble vers le ciel. C'est bien vrai, le soleil commence à pointer son nez derrière les hauts murs du Labyrinthe. Et là, au centre d'un petit faisceau de lumière qui éclaire faiblement les nuages, un objet vole dans notre direction. Ti, titou ! Ti, titou ! Le même son que la dernière fois.

Ce qui vient à me faire penser à Chuck.

Raaaaaapport ? Euh... Le fait qu'au lieu de m'occuper de cet ami si jeune et souffrant, un vieillard timbré m'a rendu folle dingue d'un parachute, désormais abandonné quelque part sur le sol trempé.

Outre la haine flamboyante de Snow qui se ranime à ces souvenirs, je caresse nostalgiquement ma broche en geai moqueur. Alala, ce gosse est un phénomène... Quelle vanne pourrie aurait-il pu sortir, là maintenant ? Quelle plainte lui serait venue à l'esprit ? Comment Thomas l'aurait recadré ? On n'était pas ensemble très longtemps puisque le petit s'est fait capturé dans un filet, mais le peu de temps où nous étions tous ensemble... C'était chouette. Il n'y avait qu'un mort. On n'avait pas l'impression d'être aux Hunger Games. Et maintenant qu'il ne reste que nous cinq... Norrie, la Renarde, Teresa, Rue, Alby, Gally... Affinités ou non, ils sont tous en train de dépérir quelque part. Eux, c'est sûr, je n'aurais jamais pu leur venir en aide. Je suis trop faible.

Allez lire le message.

Oh, putain, le retour. Tu règnes depuis trop longtemps, Monsieur le Président. Soixante-quatorze ans de dictature ? Si ça existe toujours pas à Narnia, je vais en ouvrir une. La première maison de retraite ! Lieu révolutionnaire où t'iras sécher en fauteuil roulant, et où aucun pauvre de la basse société ne serait près à gagner mille pièces d'or pour te torcher.

Je m'avance vers Minho, qui a récupéré le parachute.


- Passes-le moi, je vais lire le message, demande-je machinalement.

Haussement de sourcil moqueur et sourire en coin chinois.

- Les Princesses, ça aiment ça, l'instruction ? Allez, je suis quelqu'un de bien. Attrape !

Il me la lance. Je l'attrape sans broncher, un regard amer figé autour du sien. Aah, Minho et ses répliques brûlantes de tendresse. Comment s'en lasser ? Je roule des yeux un court instant, jusqu'à entendre un chant que je connais par cœur. Bon, aussi, il n'y a que quatre notes.

Je baisse les yeux sur Newt, qui refait ses lacets en sifflotant l'air de Chuckie. Thomas le toise mains dans les poches.

- C'est célèbre ou quoi ?

- Hein ?

- Emma sifflait déjà cet air, la dernière fois.

Ah ? Possible. Je m'en rends même plus compte, c'est devenu une habitude. Une sorte de commémoration de Chuck. Mon cœur semble se rouler en boule à chaque fois que je pense à lui... ce qui arrive de plus en plus fréquemment. C'est le mal-être qui me ronge. La culpabilité. Avoir été plus intéressée par un parachute que par lui.

- C'est l'hymne de l'équipe A !, décrète joyeusement Newt en se relevant, sourire aux lèvres.

Et après, on ose essayer de me faire croire que je suis contrôlée depuis le début et que je suis une manipulatrice. Pff, remballez vos douilles, Président Snow. Ou bien sortez-les à quatre heure et demi devant une école primaire ; vous aurez plus de chance d'être écouté.

Lisez. Et vouvoyez-moi.

Ouais ouais, va sentir des roses, ouais.

Soupirant, je déplie le message et le lis dans ma tête. Et je fronce les sourcils.

- Alors ?, fait l'Asiatique, pressé.

C'est.... vraiment pas commun, comme message.

Je relève la tête en réclamant l'attention de Newt et Thomas, qui discutaient encore ensembles. Ils se postent en demi-cercle autour de moi lorsque je lis cette problématique de manière robotisée - vu que ce n'est pas de mon plein gré que je le fais.

- Ecoutez-moi ce conseil des plus littéraires, raille-je, agacée. « Vous survivrez en arrachant l'Avenir des griffes du Passé. »

Je relève la tête, en prof inquisitrice à la recherche du moindre soupçon de compréhension dans les yeux de mes élèves.

Raté.

Il y a sur leurs visages une lacune à piger égale à la mienne. Froncements de sourcils et croisements de bras dubitatifs sont au rendez-vous.

- Attends, répète ?, me conjure Minho en se postant derrière moi pour lire de lui-même.

J'expose le message sous ses yeux.

- Lis, toi !, gronde-t-il.

- Olala ! S'il te plaît, non ?

- Non.

Ouais, je sais ce que vous vous dites. On mérite mieux que ça, je suis pas une gamine. Je perds douze ans en faisant ça. Mais je m'en fous, il m'a cherché. Je lui tire passablement la langue ; il le prend très bizarrement. Merde. Si ça se trouve, doigt d'honneur et autres signes désagréables n'existent pas à Narnia. Je viens juste de lui exposer ma langue, genre gratte-la moi.

Tss, ils me stressent, ces gens.

Tout ça pour la relecture d'un bout de papier, je vous jure.

- « Vous survivrez en arrachant l'Avenir des griffes du Passé. » ...

- Polala, bourdonne Thomas en se prenant le visage dans les mains. Si notre survie dépend de ce message, heureux de vous avoir connu...

- Les griffes du Passé ?, répète Newt.

- Un Passé qu'on aurait tous en commun, dans ce cas, réussit à en déduire Damen, didactique.

Quand on le regarde se concentrer, c'est juste trop adorable. Il se tient voûté, le menton dans la main, sourcils froncés, et il répète tout bas la même phrase en boucle. Je n'ai pas honte de l'avouer ; tous mes espoirs sont posés sur lui. S'il échoue, on coule tous avec.

- « Vous survivrez en arrachant l'Avenir des griffes du Passé. » ...

- Oui, Newt ! Tu t'en rappelles ! Bien joué !, l'acclame Thomas en applaudissant.

- Mais la ferme, tocard !

Et ça repart en pichenettes ! Je ne m'empêche pas de rire face à tant d'enfantillages. De vrais gosses ! Ils ont gardé une âme jeune en dépit de leurs carrures et leurs voix graves.

PDV Omniscient


- Cette idée convient-elle à tout le monde ?

Seneca se retient de rire. A tout le monde ? Il serait plus judicieux de demander si elle plaît à ne serait-ce qu'une seule personne, et que cette personne ne soit pas Snow. Mais pauvres petits pions qu'ils sont, aucun d'entre eux ne peut se dresser contre le Président. La personne qui s'y risquerait est un sacré suicidaire.

- Bien, sourit le concerné. Rebranché le micro.

Emma est libre de ses actes depuis cinq minutes, environ. C'était la durée que Snow voulait bien lui concéder, le temps d'expliquer à toute la tour de contrôle des Jeux le plan diaboliquissime qu'il venait de mettre au point.

- Micro branché, déclare un gestionnaire, lui comme les autres étant en train de pianoter sur leurs ordinateurs, regards rivés vers le tableau numérique de la salle.

Seneca se retourne, mains sur les hanches, et débute (à contre-cœur) un compte à rebours de dix secondes avant le lancement de l'ultime plan du Président...

Ils observent tous le Tribut mâle Douze, Damen, décréter que reprendre la route au plus vite est la meilleure chose à faire, comme l'a proposé plus tôt Emma.

- On fait les épouvantails, là, reprend-il. Faut se bouger.

- J'ai rien contre, accepte Minho.

- Mais marcher ne doit pas nous faire oublier ce message !, leur rappelle Emma en brandissant le bout de papier. Je réfléchis depuis tout à l'heure sur le Passé qu'on aurait en commun, et...

- Bien, tu te rends utile, la félicite l'Asiatique avec un sourire narquois.

Elle s'arrête au milieu de la chaussée, vexée, alors que les quatre autres poursuivent leur marche. Elle se remet à courir pour les rattraper. Seneca croise les bras sans s'empêcher de sourire face à ce spectacle. Elle lui fait penser à Laury. Sa fille. Elle n'a que sept ans, mais il reconnaît Emma en elle. Il ignore pourquoi, par contre. Peut-être sa façon de persévérer.

- Attendez !, se fâche-t-elle en se remettant à leur hauteur. Je pense que...

- Au revoir, Princesse !

- MINHO, FOUS-LUI LA PAIX !

- Rhoo, si on a plus le droit de plaisanter... Balance tout, tocarde.

- Ils sont idiot, ces adolescents, suppute le Président.

Emma prend une petite inspiration. Seneca tourne alors la tête vers Abriel, un des gestionnaires, qui répond à sa question interne en hochant le menton, la mine grave. Oui, ça a recommencé. L'inspiration d'Emma n'a rien à voir avec celle qu'on fait avant une grande révélation. Elle est juste à bout de souffle. Après une petite course de sept mètres derrière Minho.

Sa santé se dégrade de manière considérable. Seneca lui aurait bien fait quelques examens à son retour des Jeux... si seulement un retour était possible.

- Je crois que le Passé qu'on a en commun, c'est le Bloc.

Silence dans la tour. Silence dans l'arène. Puis...

- AAHHHH !!

- MONSIEUR LE PRÉSIDENT ?!

Il s'est littéralement envolé de sa chaise pour s'écraser le dos sur le carrelage de la pièce, les yeux exorbités. Les gardes près des portes se précipitent sur lui pour l'aider à se relever, mais il leur hurle d'aller au diable en secouant les bras dans tous les sens, hors de lui. Seneca reste bras croisés face au tableau, qui affiche les cris de joie des quatre Tributs, sûrs qu'Emma ait raison. Elle reste néanmoins sceptique, mais on lit un petit sourire plein d'espoir aux creux de ses lèvres.

- LA CHIPIE ! (Les hurlements teigneux de Snow ont pétrifiés de panique tous les gestionnaires, exceptés le Haut Juge Seneca.) Elle a comprit, cette garce !

« Pas mal, pour une "idiote", non ? », se dit Seneca, ravi. Mais il n'oserait pas le dire face à Snow, il préfère prendre des pincettes avec le Président. Surtout qu'il n'est pas d'humeur, visiblement.

- Saleté ! Elle ne perd rien pour attendre, maudit-il dans sa barbe blanche tandis qu'Emma donne des explications sur ses idées.

- Bah oui, c'est le seul endroit présent dans l'arène où nous nous sommes tous retrouvés. Je pense vraiment que...

- Je suis SÛR que c'est ça, Altesse !, rit Damen en passant un bras amical autour de ses épaules. Aah je me sens gonflé de fierté, là !

- Je te rappelle que c'est elle qui a trouvé la solution, donc c'est elle qui doit être fière, persifle Thomas en levant les yeux au ciel.

Les "festivités" des cinq survivants se poursuivent dans la joie - même celle de Minho, et ce n'est pas peu dire ! Ils avancent en discutant de la direction à emprunter pour retrouver le Bloc, la Boîte, l'endroit qui signera la fin des Hunger Games. Ils poursuivent donc leur chemin, et Abriel appelle près de lui Seneca. C'est lui qui est chargé de prévenir le Haut Juge des moindres signes de faiblesse de chaque Tribut. Il pointe du doigt son écran d'ordinateur et susurre brièvement ses déductions ; la jambe d'Emma s'est certainement remise à saigner, car elle boite et le vampire Damen s'est éloigné d'elle sans qu'elle comprenne pourquoi. Il se tient le plus à l'écart possible à cause de l'odeur du sang ; il se retient donc. Quant à Newt, il présente de réels signes de faiblesse. C'est certainement le Tribut le plus amaigrit de tous, et le plus sensible à l'hydratation. Lorsque Emma était tombée dans les pommes (mais bon, elle s'évanouit tellement de fois, aussi...) Teresa a découvert Newt inerte dans un couloir. Minho lui a donné à boire ; c'est ce qui lui a sauvé la vie. Il a besoin de s'hydrater souvent, sinon il perd de ses forces et devient un fardeau pour le groupe.

- Je suis en ligne directe avec le Tribut femelle Douze ?, siffle le Président, toujours aussi foudroyant.

- Affirmatif.

- Excellent.

Snow porte le micro à ses lèvres. Au même moment, Emma enfourne ses mains dans ses poches. Même s'il ne pleut plus, le vent qui souffle dans les couloirs ferait envoler un garçon de trente kilos.

- Vous connaissez Peter Pan ?, susurre Snow à Emma. Il doit certainement faire partie de la liste des plus grands criminels de Narnia avec la Méchante Reine et Rumpelstiltskin... et nous avons un point commun.

Le visage de l'adolescente s'aggrave. Elle fronce les sourcils. Une icone jaune débarque sur un coin de l'écran ; les pensées d'Emma. "Aaah non. Non, j'crois pas, non. Aucun point commun, ça risque pas." Seneca sourit.

- Oh que si. Nous sommes tous les deux de grands enfants.

"T'AS PLUS DE SOIXANTE-QUATORZE PIGES, MEC ! T'AS PLUS RIEN D'UN ENFANT ! La discussion prend une dimension pédophilique que j'aimerais exclure très vite..."

- Avant de mettre à exécution l'un de ses plans diaboliques, Pan disait : « On va jouer », la coupe le le Président. Il avait bien raison. C'est presque jouissif de manipuler les gens... Comme un jeu auquel nous deviendrions addicte. Et vous manipuler est devenu un vrai divertissement pour moi.

- Je dirais à droite, propose Minho, et les Tributs le suivent dans le couloir indiqué.

Emma avance machinalement, mais même le plus crétin réaliserait qu'elle n'est pas normale en cet instant. Son visage vire au blanc directement, l'icone de ses pensées est vide, à part quelques bafouillis de souvenirs qui s'y échouent. Elle tente de mettre les choses au clair, de comprendre de quoi le Président lui parle ; rien à faire, aucune solution ne se présente à elle.

- En faisant cela, je venge des collègues dont j'ai besoin, et en échange, ils m'aident à instaurer une politique remarquable sur Panem, reprend celui qui a décidé de ce plan. Et dans peu de temps, le Quatrième Royaume connaîtra la mort de son héritière, et ce sera l'heure parfaite pour lancer une guerre...

Abriel remarque que la couleur rouge qui teinte les joues de la jeune fille est anormale, mais il ne coupe pas son patron.

- Je les vaincrais, et je deviendrais maître de Narnia, et mes collègues vous verront mortes. Tout le monde sera parfaitement satisfaits...

"Snow..." Ce sont ses seules pensées. Seneca reste obnubilé, fasciné, dérouté par cette fille. Elle serre les mâchoires, les poings, et fronce ses sourcils.

- J'écraserais tout ce que vos ancêtres auront bâtis. Tous vos amis, votre famille... Vos chers et tendres parents en deuil que vous aurez tant peiné à retrouver. (Le visage d'Emma se crispe. Elle grogne... comme un animal. Abriel lève le doigt mais le rabaisse.) Vos quatre dames de compagnie idiotes qui ne connaîtront jamais ni le bonheur d'aimer, ni le plaisir d'être aimé. La Méchante Reine a perdu de sa noirceur à cause de l'enfant avec lequel elle est revenue ; donc, elle est une cible facile, et le petit également...

"Henry..." Personne ne comprend ce qui lui arrive, mais toute la seule ressent le même pré-sentiment ; la façon qu'a Emma de penser à ce nom est si puissante qu'ils en sont hébétés. Seneca décroise ses bras, qui finissent le long de son corps. Il est complètement subjugué. Manipuler sans état d'âme une mineure qui paraît avoir un si bon fond... Une envie irrépressible de vomir s'empare de lui. Snow sourit encore. Thomas lance une question à Emma. Elle ne l'entend pas.

- Oui, Henry, c'est ça. Ainsi qu'un certain Robin des Bois... Et Baelfire, le loup-garou. Tous vos proches. Votre peuple.

" Non ! " Elle écarquille les yeux de rage et se met à montrer les dents comme... une bête. Un vampire.

- Contrairement à ce que vous pensez, j'ai bel et bien une famille qui m'attend, et en particulier une petite-fille qui m'aime... Je lui offrirais votre couronne !

- JAMAIS !

Les quatre garçons de l'image se retournent vers elle. Toute la salle retient son souffle, comme devant un film catastrophe dont le déroulement intéressant commence enfin. C'est l'heure de voir si le plan de Snow va parfaitement se dérouler. Mais à leur avis, oui.

Car Emma vient de crier à voix haute. Elle se tient jambes écartées et poignets dévoilés au beau milieu du couloir, le regard de braise, les pensées troublées ; folle furieuse.

C'est tout ce qu'il attendait.

- Ouuh, vous semblez en colère ?

- Vous ne toucherez à personne !

- Emma, ça va pas ?, pépie Damen en la prenant par l'épaule.

Avant qu'elle n'ait le temps de dégager sa main, Snow en remet une couche.

- AH OUI ? Et qui m'en empêchera, hein ?

- MOI !

- La voix ! Ça a recommencé !, s'écrie Minho, horrifié.

- J'écraserais la dynastie de Blanche, et je deviendrais le plus grand conquérant de l'Histoire de Narnia !

- NOOOON !, hurle-t-elle.

Le cœur de Seneca bat à tout rompre. Emma arrache sa veste sous les yeux terrorisés de ses compagnons, qui ne savent pas quoi faire. De manière tout à fait terrifiante, ses deux grands yeux oranges, illuminés par la haine, se pointent comme des fusils sur la caméra qui la filme. Tous les gestionnaires se figent dans leurs sièges, ahuris par tant de violence.

- Monsieur ! Son coeur bat anormalement vite !, lui annonce Abriel.

- Et j'observerais mon Empire florissant sur le Trône de la couille molle qui vous sert de père !, jubile Snow, dans sa lancée.

- Emma, tu nous entends ?

- Je les tuerais !

- EMMA !

- JE TUERAIS TOUS CEUX QUI VOUS SONT CHÈRES, ET VOTRE CARCASSE RETOURNERA POURRIR A STORYBROOKE COMME L'ORPHELINE QUE VOUS ÊTES !

Boom. Ça fait boom.

La rage. La haine. L'incompréhension. La douleur physique et morale. La peur. L'inquiétude. Qui sont ces collègues pour qui Snow travaille ? Pourquoi fait-il cela ? Comment va-t-elle s'en sortir ? Comment va-t-elle sauver sa famille ? Le choc. La panique. La morsure de Maléfique. Sa transformation en hybride. La soif de sang. Les pouvoirs magiques...

Les pouvoirs magiques.

Une boule de chaleur étrange se niche dans le creux de son cœur. Elle a gonflé, gonflé, prête à exploser. L'envie de le voir mort. L'envie de vengeance. L'envie de devenir quelqu'un de mal juste le temps de le tuer de ses propres mains. La boule de chaleur a filé dans son épaule, le long de son bras, dans chaque veines jusqu'aux bouts de ses doigts. Et là, elle est enfin sortie. Emma n'a rien pu contrôler. Comme un robinet qu'on actionne, et on se pencherait au-dessus du tuyau d'arrosage en se demandant quand l'eau va jaillir.

L'eau jaillit du tuyau.

Des flammes jaillissent de sa main. Personne n'a pu le prévoir, dans l'arène. Même pas Emma. Dans la tour de contrôle, l'étape une du plan est un succès. Un succès qu'ils n'étaient pas prêts à savourer, toutefois.

Snow, Seneca et tous les gestionnaires restent muets face à la brutalité de l'action. Le visage terrifiant, monstrueux, damné, elle a déversé toutes les émotions abominables qui lui tordent l'esprit et les tripes depuis bien trop longtemps. Le Président a réussi son coup ; la rendre malade de rage et se servir de cette haine pour faire du mal aux autres Tributs. Depuis longtemps , Snow soupçonnait la Princesse d'avoir des pouvoirs magiques. Il ne s'attendait pas néanmoins à voir ça.

Le feu est sorti aussi soudainement qu'est apparu la voix dans sa tête. Tel un chalumeau des Enfers, il a brûlé tout ce qui était face à Emma. Les dalles humides prennent feu, le mur de pierre prend feu, le lierre poisseux et rempli d'eau prend feu. Thomas, Minho et Damen poussent le même hurlement de terreur. Newt tombe à genoux. Il prend feu.

- Faites entrer les Griffeurs, ordonne Snow d'une voix cassée.

Il est sous le choc également. Ils sont tous sous le choc. Seneca se baisse doucement et finit par s'asseoir au sol, l'estomac retourné. Abriel fixe son écran ; le pouls d'Emma reste très rapide, mais il détecte une faiblesse dans son visage. La gestionnaires des Griffeurs fait apparaître une bête énorme à deux couloirs des Tributs.

Puis c'est le coup de grâce. Encore.

Emma bondit trois mètres derrière elle en hurlant face à ce qu'elle a fait. Face à ce qu'on l'a poussé à faire.

+++


C'est très difficile de comprendre l'icone jaune. Un psychologue expert des Hunger Games a été engagé juste pour décrypter les idées qui entrent et sortent si vite de la tête des Tributs, et en particulier d'Emma. Mais face à cette bouillis de mots, de hurlements, d'images choquantes qui se heurtent dans son crâne, il est incapable de comprendre quoi que ce soit.

Aucune autre réaction.

Emma se tord de hurlements au sol, décomposée par l'épouvante de ses actes. Les trois autres garçons gèrent à leur manière la situation ; Thomas crie le nom de la victime en fondant en larmes, Minho tombe à genoux et Damen tourne la tête en prenant son visage entre ses mains, terrassé, incapable de subir cette vision plus longtemps. Après deux minutes d'agonie, Abriel déclare enfin la mort horrible du Tribut mâle du Dix. La gestionnaire des coups de canon appuie sur le bouton rouge. Dans le dixième District, une famille s'effondre en hurlements au beau milieu de la ville, face aux retransmissions en direct des Jeux.

C'est à ce moment-là que le Griffeur arrive enfin devant le bon couloir. Il se met à rugir et cliqueter sauvagement en fonçant droit vers ses quatre cibles. Snow a bien fait de prévoir un Griffeur ; il savait qu'après la mort cruelle de Newt (qu'il avait bien évidemment programmée), les derniers joueurs seraient incapables de reprendre la route. Seul l'instinct de survie va les faire déplacer.

Le Griffeur court vers eux. Ils n'ont plus le choix.

- F-F-F-F-Faut partir...

Il balbutie grave. Et devinez de qui il s'agit ? Du prétendu "robot" du groupe. Damen hoche difficilement le menton. Ils n'arrivent plus à être tordus d'épouvante face à un Griffeur après ce qui vient de se passer.

- A-Aide Thomas à se relever, je m-m'occupe d'elle.

Minho tape frénétiquement l'épaule de Thomas, qui parvient à se relever non sans peine, les yeux noyés de chagrin.

- NEWWWWT ! NOOOOON !

Les hurlements plaintifs d'Emma réveillerait un mort. Ne sachant que faire d'autre, Damen la prend dans ses bras et la lance non pas sur son dos, mais ses épaules. Dans l'état où elle est, il n'est pas sûr qu'elle puisse s'accrocher à son cou pendant la course. Il la porte donc et se met à courir, tandis qu'elle regarde le grabuge, impuissante, le cœur contorsionné d'horreur. Elle se retourne les ongles à force de se griffer le visage. Le Griffeur parvient à éviter les flamme et les poursuit sans peine. Son but est de les guider jusqu'au bloc, où la mort les attend.

« Vous survivrez en arrachant l'Avenir des griffes du Passé. »

Ce message est logique , lorsqu'on le comprend. Leur Passé commun est un lieu ; l'endroit où ils sont apparus dans l'arène, chacun dans un cylindre de verre, entourant la Boîte, perdu dans une prairie encadrée par quatre murs gigantesques, une forêt non loin derrière. Le Bloc. Leur Passé et leur Avenir sont étroitement liés, car leur salut ne dépend que de cet endroit. Ils n'ont qu'une seule façon de s'en sortir, mais il faudrait trois jours et trois nuits à un scientifique pour comprendre ce problème. Eux, ils n'y arriveront pas, et ils mourront.

Le Griffeur court. Minho, Thomas, Damen courent. Emma continue à sangloter, subissant son existence si affreuse, le poids des remords lui coupant le souffle. Elle risque de s'évanouir d'un moment à l'autre, mais Abriel n'en dit rien. Il est aussi choqué.

Et enfin...

Après ces jours de peines...

Ils atteignent le bout du couloir.

- On y est, chuchote Damen, ahuris. ON Y EST !

Une bouffée d'espoir renaît en lui au même moment où une bouffée d'impatience mord les entrailles du Président.

- Mesdames et Messieurs, les Hunger Games prendront fin dans moins de dix minutes.

+++


- Fermez les portes.

Les quatre Tributs débouchent enfin dans le Bloc

Emma est silencieuse. Damen pense qu'elle s'est évanouie, mais Abriel sait que c'est le choc qui la rendu muette. Thomas finit par tomber face contre terre, épuisé physiquement et moralement. A cet instant précis, les quatre énormes portes du Labyrinthe se referment, faisant échapper de grandes cascades de vent qui forcent Damen à se mettre au sol avec Emma, s'ils ne veulent pas s'envoler. La porte Ouest est la dernière à terminer sa course dans des craquements sinistres - le Griffeur est détruit, aplatit entre les deux murs.

Le piège s'est refermé autour d'eux.

PDV Emma


- J'ai un mauvais pré-senti...

Il ne termine pas sa phrase. Je ne sais pas pourquoi. Je ne veux pas le savoir.

- On... On s'est fait douiller !, hurle Thomas subitement.

Je suis en lambeaux. Je veux mourir.

- Dieu du Ciel..., susurre Damen.

Je vois ce qu'ils voient, mais à moi, ça ne me fait rien. Je mérite ce qui m'attend. Leurs yeux rouges qui étincellent ne me font même pas frémir. Ils peuvent bien me manger toute cru, je m'en fous.

Dix Griffeurs sortent de la forêt, tous pointés vers nous. Ils avancent lentement. Ils rugissent. Minho et Thomas se lèvent et prennent la fuite. Damen les appelle. Ils l'ignorent. Je m'en fiche.

Je... J'ai... Newt... Non...

- Emma, on doit partir !, me hurle-t-il.

Trop tard.

Poum. Ils tombent face à nous. Ils viennent de sauter du toit. Deux Griffeurs. Je m'y attendais pas, je l'admets. Devant nous, ces bêtes ; derrière la porte qui vient de se refermer. On est piégé. Je relève la tête.

- Je t'aime.

Si c'est la dernière chose que je dois dire avant de mourir, autant le faire maintenant.

PDV Omniscient


- Quelle courtisane...

Ici, ça revient à un "sale pute !" d'où l'indignation de Seneca.

Le cœur du monde bat à cent à l'heure. Ils observent tous la scène qui se détache devant leurs yeux. Deux Griffeurs qui avancent lentement vers la Princesse et son beau chevalier. Il l'a prend dans ses bras et la serre fort, très fort, tout en fixant la mort droit dans les yeux. Pour le psychologue, il est certain que Damen n'a pas encore jeté l'éponge. Il cherche une issue, un moyen de s'en sortir. C'est peine perdue, cependant ; les deux Griffeurs sont en face.

En face... Et ils ne font rien. Ils rugissent. Cliquettent. Obéissent aux ordres, quoi. Snow se retourne brutalement vers leur gestionnaire.

- Qu'est-ce que vous attendez ?

La blonde se met à rougir jusqu'à la racine des cheveux.

- Je... Monsieur, je ne peux...

- Je HAIS la négation dans votre phrase. (Elle garde le silence en déglutissant.) Eh bien, parlez !

Elle n'en a pas envie, en tout cas.

- Les... Les Griffeurs sont aveugles. Ils se repèrent aux cris que poussent leurs victimes pour pouvoir les cerner.

En d'autre thèrme, tant que Emma et Damen restent bien calmes, ils sont autant en sécurité que face à deux grands chênes.

Merde.

- QUOIIIIII ?!!!!

Sans le vouloir, Snow a hurlé dans le micro relié aux pensées d'Emma. Elle reçoit le message cinq sur cinq.

" Votre agonie sera lente et douloureuse. On me vengera bien un jour. " Seneca se tait.

Puis... Personne ne s'y attendait, à ça non plus. Personne. Mais ça arrive quand même.

- EH OH ! VENEZ LA, GROS BAVEUX !

Snow quitte subitement le visage de la gestionnaire du regard. Yeux écarquillés, il fixe maintenant l'écran. Soixante-quinze pour cent de Narnia fixent l'écran.

Thomas et Minho hurlent et gesticulent dans tous les sens au beau milieu du Bloc. Damen les observent sans comprendre ; la voix lui manque, il n'arrive pas à réagir. Les deux Griffeurs se retournent.

- PAR ICI, SALES BÊTES !

- VENEZ, BANDE DE TOCARDS !

- SACS A PLONK !

- TÊTES DE TORCHEURS ! EH, SNOW ! ON GÂCHE TES PLANS, NON ?

" Un nouveau mot bizarre. " Décidément, Emma est tellement sous le choc qu'elle pense à des futilités du premier genre. Snow se lève d'un coup, envoyant valdinguer sa chaise à roulettes. Il fonce droit vers l'écran, choqué par la tournure des événements.

- Qu'est-ce que vous foutez ?!, leur braille le vampire, subjugué par la panique.

Il ne les reconnaît plus. Leurs visages n'ont plus rien des deux zombies affamés, déshydratés, épuisés qu'il leur connaissait. Ils sont clairvoyants. Souriants. Leurs yeux sont illuminés. Personne comprend rien.

- Dans la Boîte !, crie Minho.

- NOOOOON !

Snow est fou de rage. Seneca observe la scène, déstabilisé. Personne ne s'y attendait. Vraiment personne.

- Va dans la Boîte, tocard !

Les deux suicidaires se mettent à courir, les douze Griffeurs à leurs trousses. Douze. Le nombre de Districts. Comme si tous ceux que contrôlent le Capitole pouvaient venir à bout de ces Tributs.

Thomas explique tout. Ils n'ont plus beaucoup de temps.

- Dans l'autre message, Snow autorisait deux gagnants tant qu'ils viennent du même District !, rappelle-t-il au monde entier.

- NON !, rugit le Président.

Eh oui. Ils ont tout comprit.

- ALLEZ DANS LA BOÎTE ! ELLE VOUS SAUVERA DES GRIFFEURS ! ON FAIT DIVERSION !

- NON !!, s'étrangle Damen, écrasé par le poids de la tristesse. Et vous ! On peut pas vous laisser !

Minho et Thomas atteignent l'extrémité du Bloc. Ils forcent un demi-tour audacieux en zigzaguant entre les monstres, qui hurlent, décontenancés ; ils n'entendent plus leurs proies. Jusqu'à ce que Minho reprenne, d'une voix étranglée :

- Sauve Emma ! Prends soin d'elle ! Rends-la heureuse, et dis-lui bien qu'elle n'est pas responsable de la mort de Newt !

Pour la première fois depuis leur arrivée au Bloc, Emma relève la tête, le visage baigné de larmes. Elle commence tout juste à comprendre le sens de ces paroles qui lui parviennent depuis tout à l'heure. Elle chuchote un "Non" inaudible. Damen se remet debout, la jette sur son dos. Éreintés, les deux coureurs terminent :

- Emma est la Sauveuse !

- C'est une Princesse ! Il n'y a qu'elle pour renverser la dictature de Snow !

La trentaine de regards contenus dans la tour de contrôle se rivent vers le même homme. Dmen se met à courir, traverse la prairie, droit vers la Boîte. Quant à Seneca, alourdit par la reconnaissance, il observe le sauvetage héroïques de ces deux amis. Ces deux courageux garçons qui se sacrifient pour leur amie. Pour leur peuple.

- EMMA !, explose Minho, en larmes.

Deux yeux oranges se posent une dernière fois sur lui.

- SAUVE-NOUS, EMMA !

Et Damen se jette dans la Boîte, referme la porte derrière eux. Emma se réveille enfin de son état second. Elle crie leurs noms, mais ne s'entend pas elle-même.

Une larme roule sur la joue de Seneca. Snow s'étrangle dans un hululement haineux.

Une chanson de quatre notes retentit, avant que les hurlements des Griffeurs ne remplissent l'arène vide.

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