Chapitre 3 : L'Arbre du Pendu
Vide.
Je me sens vide. Vidée de toute émotion. En mode WTF.
Je me presse imperceptiblement contre Clark, la bouche grande ouverte d'hébétude. Je ne regarde plus Gold, ni la porte refermée. Je n'ai d'yeux que pour eux.
Damen et Caleb.
Les choses se mélangent un peu trop violemment dans ma tête, et j'essaie de faire le tri ; en vain. Je n'arrive pas à réfléchir, condamnée à observer la scène. Leurs traits ne se radoucissent pas, et leurs poings restent fermés. De temps à autre, Damen glisse un bref coup d'œil honteux dans ma direction - en me voyant, il se détourne avec un frisson.
- Mais c'est... vous... vous n'êtes..., bredouille Rumpelstiltskin, ébahis.
- Tu es plutôt mal placé pour dire qui nous sommes, Papa, siffle froidement Caleb. On n'est pas venu te voir, mais pour nous assurer que tu ne lui feras rien.
- On a vu ce que tu infliges à ceux qui rompent un marché avec toi, peste Damen à sa suite.
A ces mots, de nouveaux regards se tournent vers moi, qui suis toujours idiotement pétrifiée. Caleb soupire en levant le menton vers son père. Ce-dernier les dévisage un par un, se demandant s'il s'agit d'une blague ou si les deux jeunes garçons qu'il croyait connaître sont réellement ses fils. Damen hoche durement la tête. Je mets trois secondes à me souvenir qu'il est télépathe.
- Tu peux dégager, lui conseille Damen, revêche.
- S'il vous plaît, l-laissez-moi parler, couine Gold, désemparé.
- Dégage !, répète un Caleb meurtrier en pointant la sortie du doigt. On n'a aucune envie de t'écouter, alors sors de cet appartement !
Les larmes aux yeux, Gold secoue fermement la tête, têtu.
- Je n'irais nulle part !, piaille-t-il, rendu à l'état d'oisillon sans nid.
- Sortez de chez moi !, lui crie Clark, furieux.
Gold ne daigne pas bouger de sa place, les lèvres tremblantes face aux jumeaux. Car Damen et Caleb sont des frères. Ils ont les mêmes parents. Ils sont né ensemble. Du temps où ils étaient humains, le même sang coulait en eux.
Maintenant, c'est à se demander si quoi que ce soit coule encore quelque part.
Je me rappelle d'un jour où Henry me parlait des fils de Rumplestiltskin. Il me disait que leur mère, Milah, avait des antécédents génétiques de loups-garous et de vampires. Ces deux espèces ont sautées sa génération avant de déteindre sur ses enfants, qui ont chacun commencer à muter à sept ans. L'un commençait à ressentir une soif incompréhensible tout en gagnant en beauté, en force et en vitesse inhumaines. L'autre grandissait un peu plus rapidement que la normale, avait des muscles déjà étrangement développé et une rapidité égale à son petit frère. Chaque pleine lune, cependant, il changeait de forme, jusqu'au moment où sa transformation se termina et qu'il devienne officiellement loup-garou, de jour comme de nuit et pas seulement les soirs de pleine lune.
Pendant ce temps, leur père jouissait de ses pouvoirs de Ténébreux.
Ils ont tout traversé seuls après la disparition de leur mère. Ils ont commencés à se haïr sans comprendre pourquoi, à identifier l'autre comme un ennemi, et un soir, leur père fut victime d'un dilemme cornélien. Il avait promit à ses fils qu'il abandonnerait ses pouvoirs s'ils en trouvaient le moyen. La Fée Bleue entre à l'action en leur offrant un haricot magique qui les conduirait vers un monde sans magie, où ils pourraient refonder une famille sans être un loup, un vampire ou un sorcier. Cependant, Rumpel a abandonné ses enfants, ceux-ci ont été séparé, et ils ont gardé leur nouvelle nature.
Tout ça, Henry me l'a déjà expliqué.
Cependant, je ne comprends tout que maintenant.
Sidérée, bouleversée par le choc, je m'enfuis brutalement des bras de Clark en me précipitant vers un coin du grand salon où personne ne se trouve. Ils me dévisagent tous.
- Attendez un peu, là ! (Je pointe le doigt vers Damen.) T'es le fils de Gold ?! T-tu m'as manipulé ?! (Je me tourne ensuite vers Gold, puis derechef vers Damen.) Vous m'avez manipulé tous les deux ! Tous les trois ! Quatre ! TOUS !
- Euh, je crois que je vais sortir, décide enfin Gold en commençant à avancer.
- Si vous bougez un doigt, je vous plante !, explose-je. Y A QUE MOI QUI AIE LE DROIT A LA PAROLE, ICI !
Les larmes ne coulent pas, et elles ne couleront pas. La fureur et la douleur se sont appropriées mon corps, et c'est les nerfs qui m'aident à tenir encore debout. Sans quoi je me tordrais sur le sol en pleurant comme une fontaine.
Telle une vraie furie, je me plante au milieu du salon, tournant dans toutes les directions pour tous les voir en même temps. Les yeux exorbités comme un vrai courroux, véritablement hors de moi, je balance les bras dans tous les sens en braillant à tue-tête. Ils se taisent tous, même Gold.
- Vous m'avez tous arnaqué, vous m'avez tous manipulé ! TOI !, ajoute-je (toujours en hurlant) en pivotant vers Caleb. T'es qu'un sale connard !
- Emma, tu..., commence Clark, hésitant.
- Ferme ta gueule, Robin des Bois, ou j'te crucifie sur un arbre ! Vous êtes tous dérangés, tous aussi malades les uns que les autres ! Vous vous êtes servis de moi chacun votre tour ! En commençant par toi, Mister Forêt de Sherwood ! Tu m'as juré tout à l'heure qu'ils étaient sur l'Atlantique !
- Mais je...
- Tais-toi, c'est MOI qui parle !, rugie-je, folle de rage.
En me tournant vers Clark, je remarque qu'il est juste en face du mur où se trouve l'attrape-rêve et le miroir. Et je vois mon reflet dedans.
Terrifiante.
Je suis rouge de colère, mes yeux oranges ayant triplé de volume, les artères et les veines de ma gorge gonflant à vu d'œil à cause de mon hystérie. Mes cheveux sont en bataille, mal séchés et emmêlés. On dirait une folle.
Je pivote de trois centimètres sur la gauche pour ne plus me voir et reprends où j'en étais.
- Toi, Caleb, je t'ai traitée comme mon meilleur ami, et c'est comme ça que tu me remercies ?! Pourquoi tu m'as toujours caché que t'étais son fils ?! Me dis pas que t'en avais pas l'occasion, on a passé des jours entiers ensemble à Narnia ! D'ailleurs, je me suis faite un sang d'encre pour toi, je flippais ma race que Cora et Crochet t'aient choppé avant de sauter dans le lac Nostos ! Je pensais que t'étais mort ou à l'agonie quelque part ! Et en faite t'étais en vacances ICI, sans jamais avoir essayé de rejoindre la ville ! T'es qu'un sale... un sale... UN SALAUD ! UN SALAUD DE LOUP DE MERDE ! Je te déteste ! (Je pivote vers Damen.) Quant à toi...
Je dresse un index, prête à énumérer tout ce que j'ai sur le cœur, mais je n'y parviens pas. J'observe son regard tordu par la peine que je m'apprête à lui faire, ses yeux luisants identiques à ceux qu'il avait hier, lorsque j'ai quitté Storybrooke. Ces yeux de Chat Potté, malheureux comme les Misérables et aussi noirs que la suie. Aussi noir que le cœur qu'il m'a montré.
Son cœur.
Son cœur noir, charbonneux et dénué d'amour. Son cœur remplis de mal qu'il a eu tant de peine à me montrer, dans ma chambre, lorsqu'il l'avait caché sous une latte du plancher. Son cœur mauvais, exécrable, intransigeant qui a joué avec le mien. Qui a joué avec moi...
- T'as jamais rien éprouvé pour moi, avoue !, l'accuse-je d'une voix brisée, au bord des larmes.
- Quoi ?!! Non, Emma !, s'étrangle-t-il, scandalisé par mes propos.
- Vous êtes tous des sacrés malades, hein ?, répète-je d'un ton détaché et très bas. Je... Je vous ai tous aimé. Sauf vous, Gold, ajoute-je en lançant un œil à l'intéressé. Mais vous trois, je vous ai aimé...
- Emma, quoi que tu aie compris, je te jure que c'est pas ce que tu crois, me supplie Damen en faisant un pas vers moi, les yeux embués à nouveau. Je ne suis pas comme les autres, je...
- T'as raison, Damen. T'es pas comme les autres : t'es pire.
Je tourne les talons vers la porte-fenêtre menant au balcon. Je l'ouvre brutalement, m'enfuyant pour remettre mes idées au clair. Une fois sur la petite terrasse, je me tourne vers le salon et...
Il s'est avancé.
Il est à un mètre de moi, et continue d'avancer en me regardant droit dans les yeux. Je dresse une paume vers lui, sèche et définitive.
- Ne bouge pas !
Damen m'obéit et se fige, le regard anéanti. Mon énervement commence à se dissiper, remplacé par un sentiment de trahison profond. Ma lèvre inférieure tremblote et mes yeux s'embuent. Je pince les lèvres en secouant la tête, et les mots sortent tous seuls, automatiques.
- Ne t'approches plus de moi, s'il te plaît. Je sens que... si jamais tu me touches encore, je vais te tuer.
+++
A la limite du suicide.
Je ne pleure pas. Je n'en ai plus la force. J'ai déjà trop pleuré, dans ma vie, et je suis trop épuisée pour recommencer. Les coudes pliés sur le rebord de la barrière, je regarde la ville et les passants insouciants qui se ruent sous les porches des boutiques pour fuir la pluie battante qui ne cesse pas. Une météo horrible, l'impression d'avoir raté sa vie, une humeur dépressive : c'est le décor et le moment parfait pour un suicide.
Et je vous jure que j'y pense très fort.
Quand Sheryl est décédée et que les Laurens m'ont fichu dans une cave pendant trois jours, je n'ai pas pensé une seule fois à en finir une bonne fois pour toute. J'avais des cicatrices de lacérations dans le dos et des plaies encore vives des coups de fouets que je recevais tous les jours. J'étais fine comme une baguette de pain à cause de ma mal-nutrition, et j'ai eu une infection pulmonaire à cause de mes nuits passées à dormir sur de la paille humide. Mais je me suis remise de tout. D'absolument tout. Parce que j'ai trouvé Clark, puis Henry, puis Elena, puis Graham, puis Ruby, puis Damen, puis ma vraie famille au complet. C'est grâce à eux que j'ai redressé la tête.
Et c'est à cause d'eux que je me retiens de sauter de ce balcon la tête la première.
PDV OMNISCIENT
Dans le salon du petit appartement 407 d'une ruelle new-yorkaise , c'est le calme complet. Les yeux semés d'impuissance, Clark tourne comme dans une cage sans plus prêter attention aux autres, trop préoccupé par ce qu'Emma pense de lui maintenant. Elle ignore tellement de chose... elle en sait si peu, et elle est déjà tellement furieuse. A un point inimaginable. Il ne l'a jamais vu comme ça, et à quelques moments, Clark lance un petit coup d'œil par la fenêtre. Il a peur qu'elle saute. Pour la première fois de sa vie, il est certain qu'elle en est capable.
Pire : qu'elle le souhaite.
Si fort que tout le monde doit l'entendre. Même Damen, qui ne peut pas capter ses pensées.
Pendant qu'il poursuit ses rondes dans le salon en cherchant une solution, sachant d'ailleurs qu'il n'y en a pas, Peter et Baelfire (ou du moins Damen et Caleb) n'ont pas bougés de leur place. Le premier passe lentement ses mains sur son visage, se retenant de pleurer devant son pseudo père et son frère. A l'intérieur de lui, le cœur noir et charbonneux qu'il a justement montré à Emma il y a peu de temps se met à piquer. Il aimerait bien le sortir de sa poitrine et l'observer pour en connaître la cause, mais pas ici. Pas maintenant. Pas alors qu'Emma le croit menteur et arnaqueur. Pas alors que, lorsqu'il aura retiré son cœur, la seule chose qu'il aura envie de faire est de l'écraser, très lentement, comme il l'a fait tellement de fois aux gens qui s'opposaient à lui. Sa gorge l'irrite plus férocement que lorsqu'il a soif de sang, et sa lèvre inférieure se met à trembloter également. Sentant le regard des autres sur lui, Damen prend sa tête entre ses mains et se met à expirer fortement, rejoignant Clark dans ses rondes, mais sans les coups d'œil à la fenêtre. Il a trop peur de rencontrer son regard. Il a trop honte de lui. « Si jamais tu me touches encore, je vais te tuer. » Ces mots cogitent dans sa tête.
Caleb le suit des yeux à peine un centième de seconde avant de se détourner. Ils se détestent, se haïssent, ne peuvent pas se supporter ni se regarder tant l'envie de tuer l'autre est énorme. Pourquoi tant de haine ? Eh bien l'un est un vampire, l'autre un loup-garou. Ils ne l'ont pas choisi, et ils ne l'auraient jamais voulu, mais c'est comme ça. C'est la vie. Ils sont forcés d'accepter leur nature et d'haïr l'autre pour rien. Cependant, en voyant son jeune frère aussi désemparé, Caleb détourne le regard pour une autre raison que la haine lui piquant les yeux. Il respecte sa douleur. Il respecte Damen. Ce-dernier perçoit les pensées non agressives de son aîné - il les ignore aussi habilement que s'il n'était pas télépathe.
Sidéré par la tournure qu'ont pris les événements, Caleb se laisse tomber sur le canapé, le regard vide, le cœur lourd et l'envie de s'enfuir grandissant en lui. Il souhaite se muter, redevenir un loup, et se mettre à courir comme un fou en espérant tout oublier, même s'il sait que c'est impossible. A son tour, il dépose ses mains contre son visage, les coudes sur les genoux, se balançant d'avant en arrière, retenant également ses cris et ses coups de poing dans le mur. Il n'a plus rien à cacher à Emma : elle sait qu'il est un loup-garou, et elle l'a déjà pardonné pour son secret. Elle sait qu'il est le fils de Rumplestiltskin, mais elle ne sait pas vraiment qu'il était ami avec Robin des Bois et le Chasseur (dites Graham, l'ex Shérif de Storybrooke), ou même qu'il était membre d'une petite meute de loups-garous. Mais ce n'est pas le plus important. Ses plus grands secrets, elle les connaît, maintenant. Alors que Damen et Robin...
De son côté, la seule chose qui préoccupe Gold, c'est ses deux fils.
Il les dévisage depuis quelques minutes, même s'ils ne lui prêtent pas la moindre attention. Il attend de trouver le bon moment pour intervenir et leur parler, mais il ne doute pas qu'en ouvrant la bouche, il signera son arrêt de mort. Et il ne peut pas compter sur ce Clark pour l'aider au cas ou ça tournerait mal. Il l'a reconnu, d'ailleurs : Robin des Bois a déjà essayé de lui voler une baguette magique, ce qu'il a fait. A l'époque, Rumple croyait que tout ce qu'il voulait faire était mal, car une personne qui aimerait avoir recourt à la magie ne peut pas avoir de bonnes intentions. Mais sa domestique, Belle, lui a juré que Robin était peut-être un type bien. Ils l'ont suivit en forêt et ont découvert qu'en effet, il s'était servit de la magie pour guérir sa femme souffrante et enceinte.
Ça ne lui ferait ni chaud ni froid de le tuer, cependant.
Mais il ne le fera pas. Pas devant Caleb et Damen. Il les dévisage encore, se demandant si ces deux garçons sont réellement les siens. Si le vampire qui lui cassait les pieds et qu'il a tant de fois menacé est vraiment son propre fils. Si le jeune homme arrivé en moto quelques temps précédant la rupture de la Malédiction est vraiment le jumeau du cadet des Cullen. Ah, au faite ! Les Cullen... Carlisle Cullen... Son nouveau père... Pour la première fois depuis des lustres, Rumple se sent jaloux et a la terrible impression de ne plus contrôler la situation. Et il déteste ça. Plus que ses enfants se détestent entre eux.
Au bout d'un long moment, ses fils paraissent se calmer. Damen s'approche de lui inconsciemment et lance un regard incertain sur la vitre. En voyant Emma de dos sous la pluie à secouer la tête pour elle-même, il serre les lèvres involontairement, et ses yeux se mettent à luire. Il pose sa main droite sur le verre tiède, puisque sa température corporelle est aussi basse que celle de la vitre. Gold saute immédiatement sur l'occasion. Il s'approche de quelques pas. Personne ne le regarde. Il lève alors le bras, hésitant, et finit par effleurer un millimètre de l'épaule de son fils.
- Peter, piaille-t-il en tendant sa main vers le bras de son fils.
Aussitôt, Damen retire son épaule en prenant une inspiration agressive, les yeux meurtriers et un peu moins noir que tout à l'heure - ils sont bordeaux sombres. Pire que ça, Caleb se trouve en une fraction de seconde entre lui et Damen, et repousse Gold d'un geste brusque.
- T'approche pas de lui, c'est clair ?, défend-il son frère sauvagement, brutalement, violemment.
Clark, plus lent que Caleb, finit par se placer lui-même entre le père et les fils. Abattu, Damen s'essuie les yeux, décroche son regard d'Emma et se rend compte de ce qui vient de se passer. L'autre l'a vraiment défendu ? Mais ils se détestent ! Il ne comprend pas tout, et encore moins son manque d'envie de tuer Caleb. C'est vrai que lorsqu'il s'agit de leur père, les deux jumeaux deviennent immédiatement soudés.
- S-s-s'il vous plaît, tout ce que je vous demande, c'est de m'écouter...
- Vas-t'en, crache Caleb, contenant sa colère. Robin, t'occupe pas de ça. On va régler cette affaire. (Clark hésite, mais finit par se retirer, un regard foudroyant posé sur Gold.) Et toi, dégage !
- Attends, vous êtes revenus dans cet appartement pour protéger Emma, non ? (Ses fils acquiescent.) Pour me prouver qu'elle a respecté le marché passé avec moi ?
- Tiens, à propos de ce marché, s'enflamme Caleb en approchant rapidement, recommence un truc comme ça et je te jure que j'te...
- Stop ! Ça suffit !, le retient Damen en le tirant vivement par la capuche.
- Toi, ne me touche pas, compris ?!, fulmine-t-il.
- Ne le touche pas, compris ?!
Les deux se défient du regard quelques instants. Caleb sait que Damen a raison - des deux, c'est surtout son jumeau, le génie. Lui, c'est juste la grosse brut qui se transforme en chien et mâchouille les os de ceux qui veulent l'attaquer. Avec rancœur, il recule de deux pas, sa haine réanimée et aussitôt tournée à l'intention de son père.
- T'as de la chance qu'il soit là, lui apprend-il.
- Ne parle pas trop vite, le contre-dit l'autre. Maintenant que la dette d'Emma est remboursée, tu peux t'en aller.
- Non..., commence leur père, assez dérouté par l'ambiance électrique entre ses deux fils. D-D'après les thermes de notre accord, elle devait faire en sorte que vous acceptiez de me parler. Si vous voulez qu'elle respecte cet engagement, vous n'avez pas vraiment le choix... il va falloir qu'on discute.
Damen secoue doucement la tête, plus de dégoût que de refus. « Cette pourriture ne changera jamais... », se dit-il. C'est affligeant. Avec ses 350 balais, son père n'a pas changé d'un poil. Il le déteste pour ça, d'ailleurs. C'est que malgré ce qu'il perd, malgré les choix difficile qu'il doit faire, il a un don ou un sixième sens qui lui dicte systématiquement de faire le mauvais. Et jouer avec les mots, c'est un très mauvais choix. Avec tout ce par quoi il est passé, Damen a mûris, et il peut être aussi machiavélique que son père, s'il le souhaitait. Il a tué plus d'un innocent sans raison valable, alors en finir avec Gold ne lui fera rien, sinon lui alléger la conscience.
Caleb et Damen se lancent un bref coup d'œil avant de reposer leur regard sur Emma. Maintenant, elle est assise de profil, des larmes grosses comme des billes dévalant ses joues. Elle pleure. Elle souffre en silence. Ses lèvres bougent comme si elle chuchotait quelque chose.
- Je me lance, intervient Clark. Souhaitez-moi bonne chance.
Il prend une grande inspiration avant de poser sa main sur la poignée de la fenêtre. Il l'ouvre. Emma ne bronche pas. Afin d'alléger l'atmosphère, il se tourne vers les deux jumeaux en souriant.
- Pas de bonne chance, alors ? (Ils sourient.) C'est très encourageant, tout ça.
Il finit par sauter sur le balcon et va rejoindre Emma sur le sol. Vu qu'elle ne bouge toujours pas, gardant les yeux rivés devant elle, les fils de Gold se retournent vers leur père.
- Tu as 3 minutes.
PDV EMMA
- Veux-tu, veux-tu, au grand arbre me trouver, commence-je à chanter à voix basse, murmurante, là où ils ont lynché leurs fameux meurtriers... Des choses étranges s'y sont vues, moi j'aurais aimé... A minuit, te voir, à l'Arbre du Pendu.
Cette histoire horrible est celle que j'ai inventé durant mon voyage en compagnie du Vieux Mexicain pervers. Dans ma tête, c'était l'histoire d'un homme accusé d'un meurtre qu'il n'a pas commis. Il s'est fait pendre, et le cadavre hurlait à sa fiancée de s'enfuir, car elle était reconnue comme complice. Je ne sais toujours pas pourquoi j'ai inventé ça, mais elle me tient à cœur. Après le meurtre de Sheryl, je ne voyais plus le monde en rose. Alors j'ai inventé cette histoire, avec l'Arbre du Pendu, l'arbre représentant le grand chêne de Stases, le pendu à tord étant moi-même, la fiancée n'étant personne. Je viens tout juste de composer cette histoire en musique.
Ça donne bien. Ça donne envie de se suicider.
Je reprends mes fredonnements en sentant mes larmes couler. Je ne les essuie pas. Ça ne sert à rien. A cet instant, la fenêtre à côté de moi s'ouvre en grand, et quelqu'un monte sur le balcon.
Devinez ce que je fais !
- Veux-tu, veux-tu, au grand arbre me trouver, poursuis-je, ignorante, dépressive, suicidaire. Là où l'mort à hurler, à sa belle de filer... Des choses étranges s'y sont vues, moi j'aurais aimé... à minuit, te voir, à l'Arbre du Pendu.
C'est charmant. Très poétique. Déprimant...
La personne qui m'a rejointe s'assied à côté de moi très lentement, en gardant le silence, ce que je ne fais pas. Je continue de murmurer ma chanson, heureuse qu'elle donne si bien. Je suis très créative, lorsque j'ai envie de mourir. C'est effrayant.
- ... au grand arbre me trouver, pour qu'on puisse partir libre, comme je te l'ai demandé... Des choses étranges s'y sont vues, moi j'aurais aimé...
Ah oui ! Tout au long de mon histoire, le Pendu nous laisse perplexe : on ne sait pas s'il veut que sa fiancée s'enfuie, ou s'il souhaite qu'elle soit pendue elle aussi, pour qu'ils meurent ensemble. C'est très bizarre, mais c'est ça.
- Veux-tu, veux-tu, au grand arbre me trouver, le collier de l'espoir, tu portes à mes côtés...
J'ai dis collier de l'espoir ? C'est que ça donne mieux, c'est pour ça. Normalement c'est un collier de cordes. Oui, à la fin de l'histoire, on comprend ce que veux le Pendu. Voir sa fiancée attachée par le cou à une branche, à côté de lui. C'est un rêve comme un autre.
- Emma ?
- ... moi j'aurais aimé... à minuit, te voir, à l'Arbre du Pendu. Veux-tu, veux-tu...
- Emma, s'il-te-plaît...
J'ouvre la bouche pour poursuivre ma chanson, mais je m'arrête. Je sens Clark - j'ai reconnu sa voix - se figer à côté de moi. Il doit se demander s'il ne vient pas de faire une connerie. Il doit avoir peur que je lui crie dessus. Au lieu de ça, tout à fait calmement, je tourne mes yeux enflés et rouges vers lui.
- On se connaît ?
Il ne répond pas, restant statique face à cette remarque. Ses yeux sont aussi, sinon plus, remplis de larmes que les miens. Il paraît déboussolé, désorienté, perdu (oui, je sais, ces mots sont synonymes). Malheureux, aussi. Mais je m'en contre-fiche. Je suis plus malheureuse que lui, c'est une certitude.
- On se connaît ?, répète-je en détachant bien chaque syllabes, le regard noir.
- Non, pas complètement, répond-il sous mon regard intrigué. On croit se connaître, mais on a encore trop de choses à se dire... trop de choses cachées, Emma... Tu crois tout comprendre, mais je te jure que...
Je lève calmement la main pour le faire taire, et il s'exécute. Mon regard n'est ni énervé, ni malheureux. Juste compatissant envers ma propre douleur. Je ne me plaindrais pas, car tout ce que je vis n'est pas une punition, mais une épreuve. Et si une gamine de douze ans sans défenses qui a vu les pires choses du monde a réussi à s'en sortir, une jeune fille de seize ans mûre et réfléchis y arrivera sans doute.
- Je comprends ce que je vois. Tu penses peut-être que je suis naïve, mais je comprends vite. Plus vite que la normale. Tu vois ça ? (J'entoure mes yeux de l'index.) Si tu crois que je porte des lentilles, c'est que t'es idiot. J'ai les yeux oranges... (Je pose ma main sur son bras.) ... et la peau glacée et dure. Et je suis rapide et forte. Plus que les humains. Parce que je ne suis plus humaine, mais hybride, et les hybrides sont à chemin entre les humains et les vampires, et on a un sixième sens, un instinct qui nous avertis lorsque quelqu'un représente une menace. Et toi, t'en es une parce que là, maintenant, tout de suite, je te déteste. Et malgré ça, je t'aime. Je le dis mais je ne le pense pas, mais je sais que c'est la vérité. Toi et les deux crétins dans cette pièce, je vous hais du plus profond de mon cœur pour tout ce que vous me faites vivre, et je vous aime encore plus que ça. Et c'est justement parce que je vous aime que je vous déteste, parce que je sais que si je me sépare de vous pendant je ne sais combien de temps, ça ne sera jamais infini. Je vous aime trop, et même si je vous hais, je serais obligée de revenir vers vous parce que je vous aime. Alors respectez un peu ma douleur et mon impression d'être une pauvre conne, et dégage de cette terrasse !
Après cette tirade, je repose mes yeux sur la barrière du balcon. Je reprends mon souffle avant de me remettre à fredonner ma comptine funèbre, comme si tout était normal. Mon envie de me suicider s'étant dissiper, tout ce qui compte désormais pour moi est cette histoire. L'Arbre du Pendu.
A Narnia, j'étais choquée lorsque Cora a avoué que la devise de Damen était : « L'amour est une faiblesse. » Et si j'ai pardonné Damen pour m'avoir caché cette partie sinistre de lui, c'est parce que j'ai la même en moi. Et qu'il a raison.
L'amour est une faiblesse.
C'est pourquoi j'ai crée l'Arbre du Pendu.
Pour me rappeler de ne plus aimer personne afin de ne plus avoir à souffrir. Et bien sûr, je ne me suis pas écoutée.
Complètement déraillée que je suis, je poursuis mes roucoulements en laissant mes larmes ravager derechef mon visage. Clark ne bouge pas pendant un long moment - j'entends juste qu'il renifle. Au bout de quelques minutes, je sens des lèvres embrasser le dessus de ma tête. Puis il se lève, s'en va, et me laisse péter les plombs tranquillement.
PDV OMNISCIENT
DEUX MINUTES PLUS TÔT
- Ça fait déjà 20 secondes.
La voix cassante de Peter - Damen - fait reprendre conscience à Gold. Il reste planté devant eux, la voix évanouie, sans savoir quoi faire. Il ne dispose que de 3 minutes, mais il ne sait pas comment les utiliser. C'est trop peu pour tout ce qu'il a à dire. Alors, au lieu de discuter, il préfère déballer tout ce qu'il a sur le cœur dans sa tête. Pour que le télépathe l'écoute et répète tout à Caleb. Damen secoue fermement la tête.
- Non, ça ne marche pas comme ça. C'est trop simple. Si tu veux dire quelque chose, tu le dis à voix haute.
Gold le regarde avec des yeux de poisson perdu. Sur sa canne, ses doigts tremblent à l'instar des feuilles d'automne. Il a peur d'eux. Penser à cela agrandit le sourire de Damen, qui pose ses mains sur ses hanches, attendant la suite. Caleb reste bras croisé face à lui, plus que sérieux. Il lance un regard assassin à son jumeau pour qu'il cesse de faire le mariole, et le voir si proche de lui, ça lui rappelle quelque chose.
FLASHBACK
Après Elena Blanchard, c'était le premier storybrookien qu'Emma a croisé depuis son retour. Sur le trottoir du Café Granny, Caleb est installé sur sa moto, elle-même sous un arbre, les jambes croisé sur le guidon et le dos contre le tronc tandis qu'il astique son casque de motard en sifflotant.
- Tout est bien dans le meilleur des mondes, on dirait, commenta Emma en passant à côté de lui.
Il cessa d'astiquer et de siffler en levant les yeux, la bouche en O comme s'il allait poursuivre sa mélodie. Puis un petit sourire charmeur s'invita sur ses lèvres.
- Quand le Shérif est en ville, tout va bien, oui, acquiesça-t-il sans plus la regarder, concentrer sur sa tâche.
- C'était si horrible que ça, durant mon absence ?, s'étonna Emma avec une secrète culpabilité en tirant une chaise de la terrasse jusqu'à coté de lui.
Ils parlaient des quelques jours qu'Emma et Damen avaient passé ensemble à Boston, à traquer le meurtrier imaginaire de Kathryn Nolan.
- Oh, vous savez... on a survécu, commenta Caleb en la regardant enfin. Mais bon. C'est quand même mieux quand il y a un représentant de la loi en ville.
- Deux représentants, rectifia-t-elle. J'ai un associé.
- Ah ? Qui est l'heureux second ?
- Il s'appelle Damen Cullen. Il ne devrait pas trop tarder à arriver, donc vous pourrez... le... voir...
Elle avait cessé peu à peu de parler en observant le visage de Caleb Sumpter, qui s'était figé comme une statue sur sa selle. Au moment où elle avait prononcé le nom de son frère, l'éponge avec laquelle il lavait son casque a frotté et dérapé et peu trop fort. Un grincement s'en est suivit, ce qui lui a mit la puce à l'oreille.
Il avait levé lentement la tête vers elle, et l'étincelle d'amusement habituelle qu'elle décelait dans ses prunelles noires était remplacée par... quelque chose de puissant. Qui lui a fait peur. Les yeux noirs de Caleb ne la lâchaient plus.
- Comment l'avez-vous appelé ?, lui demanda-t-il en traînant les syllabes comme un prisonnier tire ses chaînes.
- D... D-Damen Cullen..., bredouilla Emma, paniquée par la couleur olivâtre que prit sa peau d'ordinaire si mâte. Quoi ? Que... enfin, vous le connaissez ?
- Oh, fit-il en regardant un point en face de lui. Oh... Oh.
C'était tout ce qu'il était capable de dire tant il était choqué.
Quand ils étaient petits, avant que leur mère ne meurt et que leur père devienne le Ténébreux, les deux enfants aimaient jouer aux Chevaliers du Bien qui sauvaient les Princesses, comme tous les enfants de ce monde-là. Et le nom de Chevalier qu'avait prit Baelfire (Caleb), c'était Damen. Et à Narnia, tout le monde disait que la famille Cullen avait une recrue. Damen Cullen.
Bref.
Le frère qu'il avait cru mort depuis tant d'années venait de réapparaître.
FIN DU FLASCHBACK
Caleb arrête de regarder son frère, encore à moitié ému par le souvenir que représente pour lui cette discussion avec Emma Swan. Il pince les lèvres en s'essuyant un œil. A côté de lui, les mains de Damen se mettent à trembler sur ses hanches. En lisant dans les pensées de son frère, qui s'est remémoré cet instant, une brutale idée s'instaure dans son esprit : Caleb est son frère. Avant d'être un loup-garou, il est son frère. Et il l'aimait... même s'il sent horriblement mauvais, comme toute espèce ennemie. Car c'est aussi son ennemi. Qu'il aimerait bien étripé sur le champs, tiens ! Dégoûté, il se décale de quelques pas, ainsi que Caleb, écœuré également.
La nature est plus forte que l'amour.
Et l'amour est une faiblesse.
Et Gold se racle la gorge.
- Je sais que j'ai commis beaucoup d'erreur... Mais je vous demande de me croire sur parole : je tiens à me racheter. Il n'y a pas de douleur plus grande que le regret...
Caleb pense : « Essaie le sentiment d'abandon. » Comprenant qu'il ne le dira pas à haute voix, Damen s'en occupe.
- Essaie le sentiment d'abandon.
Caleb serre les dents, agacé. Son frère sourit passablement. C'est si bon, de l'énerver ! Un pur plaisir ! Gold, quant à lui, les observe tour à tour. Il se demande s'ils ne se fichent pas de lui. Honteux, il recommence à avoir les lèvres qui tremblent, à la limite des pleures.
- Je vous en prie... Laissez-moi me faire pardonner.
- Comment tu comptes faire ?, lui demande Damen sans plus s'occuper des pensées de Caleb. On a grandit tout seul ! On a été privé de notre père ! Tu crois qu'on peut rattraper ça ?
- Oui, affirme-t-il, les yeux luisant. Oui, je le crois.
- Il te reste 2 minutes, intervient Caleb, bras toujours croisés contre lui.
- Baelfire... Viens avec nous à Storybrooke. Là où la magie existe ! Je pourrais inverser le temps, là-bas. Tous les deux, vous aurez à nouveau sept ans, l'âge de vos changements de nature ! Je vous empêcherais de muter, vous resterez humains. On pourra tout recommencer.
- J'ai pas envie d'avoir à nouveau sept ans ! T'as perdu la tête, ou quoi ?
- T'en doute encore ?, lui lance Damen, sarcastique. Il est timbré.
- Je ne peux pas revenir en arrière, mais je peux effacer tous les mauvais souvenirs !, se reprend Gold, plein d'espoir. La souffrance, ...
- Effacer ce qui fait notre identité ?, réplique Damen. Non merci. Plus qu'une minute.
- Baelfire... Peter... S'il-vous-plaît... Laissez-moi une chance.
Ces paroles sont si sincères, si puissantes, que Caleb baisse les yeux. Pas Damen. Pour lui, son père s'appelle Carlisle Cullen, et il l'attend patiemment à Storybrooke. Cependant, à contrario de son frère, Caleb n'a jamais été adopté par quelqu'un d'autre. Il s'est effectivement lié d'amitié avec des loups-garous, a fait partie d'une meute, a rencontré Gaham et Robin... mais après ça, il est monté dans l'Armoire magique avec Emma. Et encore près, il l'a laissé tomber. Il s'est de Storybrooke, a grandit seul à Leesburg, comme un sauvage, un vagabond. Un Emma. Seul, sans père ni frère, perdu dans un monde sans magie où les gens se promènent dans des drôles de carrosses. Il hait cette partie de sa vie. Il hait la personne qui l'a fait vivre tout ça.
A côté, Damen ne perd pas une miette de tout ce que pense son frère. Ils se tournent tous les deux vers Clark lorsqu'il traverse la fenêtre.
- Alors ?, risque Damen, le cœur battant.
L'air complètement abattu, les joues trempées et le regard vide, il les ignore et marche comme un zombi jusque dans sa chambre. Il claque la porte derrière lui. Sur le balcon, Emma n'a pas bougé d'un poil, continuant à murmurer ils ne savent pas quoi. Déprimés, Caleb et Damen se retournent vers leur père.
- Mes fils..., reprend-il distraitement. Vous m'avez aimé lorsque j'étais quelqu'un de bien. Et je peux redevenir cet homme-là. Regardez-moi ! (Damen le regarde en effet, et tout ce qu'il voit, c'est l'homme qui allait lever la main sur Emma il y a dix minutes.) J'ai changé. ( Ah bon ?, se dit-il.) Je suis venu jusqu'ici, dans cette ville, sans mes pouvoirs magiques.
- Ouais, mais t'essaie encore de t'en servir pour rattraper tes erreurs, remarque Caleb. Tu crois encore que ça va arranger les choses alors que c'est tout le contraire !
Il comprend qu'il a capté l'attention de son père, alors il poursuit.
- T'as pas la moindre idée de ce par quoi j'suis passé. Au lieu de te plaindre, pense un peu à ce qu'on vit ! (Il prend une petite inspiration.) Damen est un vampire. Il ne dort jamais. Mais je parie que s'il pouvait, il verrait la même chose que moi. Et chaque nuit, depuis tellement d'années que j'arrête de les compter, la dernière chose que je vois avant de m'endormir... c'est l'image de nous trois. (Il se pince les lèvres pour les empêcher de trembler. Il refuse catégoriquement de pleurer, ce que Gold fait en ce moment.) Nous deux et toi, au-dessus de ce vortex. Je voix tes deux mains qui serrent les notre. Et puis je vois Damen glisser. Et juste après, je sens que tu me lâches...(Gold chouine comme un enfant. Damen dévisage son frère, les bras fermement croisés contre lui mais d'énormes larmes dévalant ses joues. Caleb également.) Et on tombe en même temps. Et dans ma chute, la seule chose que je vois, c'est ta main qui récupère la dague ! Et je réalise que t'as choisi la "magie" plutôt que tes propres fils. Tu nous as laissé tomber. Tu m'as laissé tomber. (Caleb secoue la tête, le regard dur.) Cette fois, c'est mon tour.
- Je regrette, mes fils...
- J'en ai rien à faire. Maintenant, c'est entre toi et Damen. Pour moi, le temps est écoulé, et je ne rentrerais pas à Storybrooke.
- Quoi ?!, s'étrangle Damen. Non !
Complètement dérouté, il se tourne vers Caleb, les yeux XXL. Caleb le dévisage, assez surpris par ce cri qui lui a échappé involontairement. Damen est terrifié à l'idée d'être seul en ville avec son père maintenant que ce-dernier sait qui il est. Il est capable de prendre en otage Emma pendant qu'il sera en chasse avec les Cullen. Et puis... il ne veut pas que son frère parte. Même s'il le déteste. Même s'il est un loup.
- La seule chose qui me donnait envie de rester là-bas, c'était elle. Je vais aller lui parler. Si elle ne me pardonne pas, je ne ferais pas partie du voyage.
PDV OMNISCIENT
A Storybrooke, l'ambiance est déstabilisante. Si Emma et les autres y rentreraient aujourd'hui, ils ne comprendraient rien à ce qu'il se passe. Et il y a de quoi être déboussolé. Si je vous disais les mots géant, jardinage, sorcières et téléphone portable, vous comprendriez ? J'imagine que non. Bon, eh bien recommençons à partir de là où nous nous sommes arrêté.
Blanche-Neige et Charmant ont reçu la visite de Regina, qui réclamait Henry. Blanche a mentis en disant que le petit était avec Emma à New York, et Regina s'en est allée bras ballants. Après cet épisode, Charmant, Grincheux et Blanche-Neige sont allé sortir Crochet (sans crochet) de l'hôpital afin qu'il les conduise à son navire, toujours invisible grâce au sortilège de Cora. A bord du Jolly Roger, le pirate leur a révélé que l'ingrédient secret de Cora pour son plan inconnu de tous se trouvait sans une cage, et qu'était-ce ? Un homme petit de taille, barbu et rondouillet aux vêtements moyenâgeux. Il venait de Narnia, plus précisément du Royaume des Trolls. Encore plus précisément de la Forêt de Pouces de Haricots ; ce petit bonhomme était un géant, mais rétrécit à la taille d'un homme normal.
Et il haïssait Charmant.
Personne n'a compris son comportement. Lorsque Blanche l'a sortis de sa cage, il a mit une bonne patate dans la tête du Prince avant de s'enfuir à toutes jambes. En réalité, il ne fuit pas Charmant en lui-même, mais le frère jumeau de celui-ci.
Vous comprenez ?
Non.
Bon, on reprend.
Pour ceux qui l'ignore, le Cinquième Royaume de Narnia appartenait, avant d'être à Regina, au Roi Georges, qui faisait faillite et avait besoin d'une alliance avec le Roi Midas pour redresser la barre de richesse de son Royaume. La seule option était d'offrir en mariage la Princesse Abigail (dites Kathryn Nolan à Storybrooke) à un Prince du Cinquième Royaume. Hors, le Roi Georges n'avait pas d'enfant ! Il a alors confié à Rumplestiltskin la tâche de lui trouver un hérité. Le Ténébreux lui a rapporté un fils de berger encore bébé.
Devenu grand, ce Prince James, vaniteux et collectionneur de maîtresses, avait fait maintes bêtises, dont la suivante : il a déclaré la guerre aux géants du Deuxième Royaume, et le dernier des géants survivants était Hanton, le petit homme que Blanche-Neige vient de libérer. Bref, le Cinquième Royaume triomphait aux yeux de Narnia. Manque de bol : lorsque le Prince James allait prouver sa valeur au combat face à un gladiateur, avec le Roi Midas comme spectateur, il s'est fait tuer. Rumplestiltskin a alors ramené au Roi Georges le frère jumeau du Prince, alors âgé de vingt-sept ans : Charmant second du nom, le père d'Emma et mari de Blanche-Neige.
Dans tout ça, lorsque cette dernière a aidé Hanton à sortir de la cage, il a cru reconnaître en Charmant l'homme qui l'a rétrécit et qui a massacré tous les géants de Narnia, d'où son énervement.
Vous suivez, jusqu'à maintenant ?
J'espère, parce que c'est maintenant que tout se complique.
Charmant a deviné que le petit géant le prenait pour son défunt frère. Et il va essayer de lui faire entendre raison. Mais avant ça, retrouvons Crochet, qui attend Cora entre deux entrepôts de pêche, au port. Le pirate sursaute lorsque la Méchante Reine se matérialise face à lui tout soudainement. Il ne s'attendait pas à voir Regina...
- Bonjour, Crochet !, lui lance-t-elle agréablement.
Il la dévisage longuement, certain de rêver.
- Regina ?!, se surprend-il.
- Tu pensais voir ma mère ? Celle que je t'avais demandé de tuer ?
Le pirate se remémore alors sa rencontre avec la femme qui est face à lui. Il voulait tuer Rumplestiltskin, comme depuis tellement d'années, et était monté rendre visite à Belle, que Regina gardait prisonnière dans une tour de son château. Elle n'a pas voulu lui révéler comment tuer le Crocodile, et il était sur le point de la tuer, mais la Reine est intervenue. Ils ont donc passé un accord : elle lui fournirait des informations qui lui permettrait de tuer Rumplestiltskin, et en échange, il devait tuer Cora. Sauf qu'au moment de remplir sa part du marché, Crochet a repassé un second marché avec celle qu'il était censé tuer : il ferait passer Cora pour morte afin que la mère tue elle-même Regina, et il bénéficierait d'une protection contre le Sort Noir de Rumplestiltskin.
Rien, absolument aucun de leur plan, n'a fonctionné comme prévu.
La preuve : Regina est en face de lui.
- Hum, en faite... vois-tu, je ne voulais pas te priver d'aussi belles retrouvailles, se justifie le pirate avec un sourire charmeur.
La Reine lui répond avec un sourire étincelant.
- C'est ton jour de chance : nous nous sommes réconciliées !
- Et tu viens me remercier !, conclut-il avec un visage angélique et bienveillant. Comme c'est touchant !
- Elle veut savoir s'ils ont trouvé le Jolly Rogers.
- Tu lui diras que oui.
- Tu as ses affaires ?
- Non : j'étais menotté à un lit grâce à notre petite Princesse Emma..
- Elle veut ses affaires !, s'entête Regina.
- Bien sûr, qu'elle les veut... mais j'ai au moins une bonne nouvelle : un géant court dans la nature. Et il souhaite la mort du Prince.
Surprise mais soudainement ravie, Regina hoche le menton avec un grand sourire.
- C'est parfait. Ça nous fera une excellente diversion.
PDV EMMA
QUELQUES MINUTES PLUS TARD
- Veux-tu , veux-tu, au grand arbre me trouver... Pour qu'on puisse partir libre, comme je te l'ai demandé... Des choses étranges s'y sont vues, moi j'aurais aimé... à minuit, te voir, à l'Arbre du Pendu. Veux-tu, veux-tu...
Je me coupe dans mes ritournelles ; quelqu'un vient d'arriver sur le balcon. Je garde encore les yeux droit devant moi mais cesse de chanter, et j'attends qu'il réagisse le premier. Il est debout à côté de moi, referme la fenêtre derrière lui. Sans même le voir, je reconnais sa présence. Je le reconnais lui.
- Je ne veux pas te voir. Ni toi, ni ton « frère ».
- Mais j'ai besoin de te parler.
Je ne réponds pas. Il prend ça pour mon consentement et me contourne pour s'asseoir à la place de Clark, juste à côté de moi. Automatiquement, je me lève. Il sursaute, ne s'attendant pas à ça de ma part.
- Je t'interdis de m'approcher !
- Je viens juste te parler, Emma, je...
- Je ne veux pas te parler ! Je refuse de te parler, compris ?
- Tu n'auras pas à le faire, Emma : c'est moi qui aurais la parole. Je veux juste que tu saches tout de moi. Tu me demandes ce que tu veux, et je répondrais cash. Je te le jure. (Je fronce les sourcils, suspicieuse.) Mais avant de commencer, je tiens à ce que tu te rappelles ce que je t'ai dis avant que tu partes. Tu sais, quand on était...
- Ouais, ouais !, peste-je mauvaisement, les bras croisés. Je me rappelle de chacun de tes mots. Et ce qui est dur... c'est de me dire qu'ils étaient faux.
Avouer ceci, c'est avouer ce que je pense de lui. Il le prend très mal, fronce les sourcils en donnant un coup de menton vers moi.
- T'en es pas sûr.
Toujours assis au sol, il plonge ses prunelles bordeaux dans les miennes avec un visage si innocent et malheureux que j'aurais presque envie de l'embrasser. Les larmes montent, je secoue fermement la tête. Je refuse de l'aimer. Pas après ce qu'il vient de me faire... je refuse...
Sauf que ça ne se commande pas avec le cerveau, mais avec le cœur. Et mon cœur lui appartient.
Impuissante face à ces prunelles dévastatrices, je me laisse tomber sur le sol en détournant les yeux le temps de me les essuyer. Damen attend patiemment que je me ressaisisse. Je lâche alors ces fameux mots qu'il m'avait dit avant mon départ.
- « Je suis désolé... Je te jure que je t'aime, alors pardonne-moi, je t'en prie... Je t'aime, Emma. Je t'aime. », récite-je, la voix hachée de sanglots.
J'hoche durement le menton et tourne les yeux vers lui. Il porte des baskets de ville noires et blanches, un jean bleu et un tee-shirt moulant parfaitement son torse. La doudoune sans manches qu'il portait tout à l'heure est à l'intérieur. Au delà de son apparence, ses cheveux miel et bouclés restent inchangés... Et son bras nu et lisse me laisse pantoise. En voyant ce qu'il porte, mes doigts se portent involontairement vers mon poignet droit. Et il est toujours là. Le petit bracelet. Mon porte-bonheur. Le même que le sien.
Je détourne la tête en ravalant mes larmes.
- Est-ce que tu savais qui j'étais lorsque tu m'as rencontrée ?
Ma question a le don de le désarçonner. Il fronce les sourcils, pas certain de comprendre. Mais je ne lui expliquerais pas. Il doit savoir que je parle de moi, la Princesse richissime aussi célèbre à Storybrooke qu'à Narnia, la Sauveuse et fille de Blanche-Neige, patati patata. Mon regard se plante durement sur le sien, et il secoue la tête.
- Non.
- Ha !, m'esclaffe-je faussement en secouant la tête. Toi et Clark, je vous suis tombée dessus comme ça, par hasard...
- Alice me l'a caché. (Lorsqu'il prononce le nom de sa sœur, je redeviens sérieuse.) Elle a prédit ton arrivée, et elle a du savoir qu'il allait se passer quelque chose entre nous. Alors elle m'a tout caché. Si j'avais su qui tu étais, il n'y aurait sûrement rien eu entre nous.
Je pince les lèvres, malheureuse. Si Clark avait su qui j'étais lorsqu'il m'a rencontré, il m'aurait fui comme la peste. Si Damen l'avait su, il n'y aurait rien eu entre nous... Être Princesse et Sauveuse n'est pas un privilège, dans ce cas. Tout à coup, j'ai l'impression d'être un monstre nuisible que tout le monde aurait aimé fuir... J'ai l'impression que si tout le monde avait su qui j'étais dès le départ, j'aurais été mise à l'écart et délaissée comme une vieille chaussette.
Pour la première fois, j'ai honte d'être la fille de mes parents.
- Alors c'est un plan tordu de ton père, c'est ça ?, devine-je amèrement Parce que si tu te rappelles, c'est lui qui a organisé notre rencontre.
L'image de mon arrivée dans la boutique de Gold me revient en mémoire. Il m'avait guidé jusque dans l'arrière-boutique, où Damen rédigeait je ne sais toujours pas quoi. D'ailleurs, à cet instant-là, il lui avait lancé un regard foudroyant qui a toujours été un mystère pour moi. Du moins avant, parce que maintenant que je sais qu'il est son fils...
- T'es à côté de la plaque, m'avoue-t-il. Réfléchis : tu devais rompre la Malédiction. Si on sortait ensemble, ça aurait pu tout compromettre, donc ce n'était pas dans son intérêt, et...
- OK ! Question suivante !
Il se tait, et je serre les poings, fulminante. Mes larmes finissent par déborder, car la pression est trop forte, et la question que je vais poser fais trop mal. Tremblante et nauséeuse, je me tourne avec lenteur vers lui et plante mes yeux embués dans les siens. Non, je ne peux pas... Il me regarde avec un tel chagrin que si je lui demande s'il m'aime et qu'il répond oui, je vais fondre en larmes... et même s'il dit non, d'ailleurs. Non, je ne peux pas demander ça. Pas maintenant...
Bénissant une nouvelle fois le Ciel pour son incapacité à lire mes pensées, je me reprends.
- Est-ce que tu étais quelqu'un de mal, à Narnia ?
Il serre les lèvres et baisse les yeux. Du bout des doigts, il s'essuie sèchement les yeux et se met à jouer avec son bracelet, copiant mes gestes. Il ne me regarde plus, les yeux baissés et luisant à nouveau. En deux jours, je l'ai vu aux bords des larmes très souvent.
- Quand mon père m'a laissé tomber... j'étais seul. J'ai atterrit dans un autre monde. On peut voir le chemin qui conduit jusqu'à lui d'ici, quand c'est la nuit.
- On peut le voir de ce monde ?, m'interloque-je.
- Oui. C'est une étoile qui guide jusque là-bas. Et dans ce monde, j'ai rencontré quelqu'un qui m'a fait passer un marché, un peu comme Gold. Je pouvais devenir célèbre et craint par tous, mais j'avais des tâches à exécuter. Des choses terribles à faire... Et j'ai refusé. Mais au bout d'un moment, j'ai compris qu'il n'y avait personne d'autre sur ce monde. On n'était que deux personnes, lui et moi. Et je n'avais rien pour survivre là-bas. Alors je l'ai appelé, et j'ai accepté. Et il m'a enseigné la magie, m'a apprit à régler ces tâches horribles dont il m'avait parlé... et je suis devenu aussi pourri que mon père. J'ai tué, j'ai kidnappé, j'ai séquestré, j'ai humilié et jusqu'à maintenant, à Narnia et à Storybrooke, tout le monde craint mon nom sans savoir que... sans savoir que Damen... que Damen Cullen est lui.
Il se tait, en proie à de terribles souvenirs ou a des pensées cogitantes. Je ne sais pas comment réagir face à ces révélations. Il n'a jamais eu autant de mal à trouver ses mots face à moi. Jamais. Aussi, il est en train de me dire qu'il est devenu quelqu'un de mal, et c'est comme ça qu'il s'était persuadé que l'amour est une faiblesse. A cause de son père, qu'il aimait mais qui l'a trahit. Pétrifiée et muette, je le dévisage avec une lueur folle dans le regard.
Je ne connais pas de personnage de conte qui aient fait tant de mal si ce n'est Maléfique, Regina ou Cruella d'Enfer. Pas de personnage aussi jeune, en tout cas. C'est avec effroi que je réalise que je ne connais pas Damen.
- Qui étais-tu ?, chuchote-je tout bas, terrifiée par ce qu'il va me dire.
Le vampire face à moi ne me répond pas pendant de longues minutes, les yeux dans le vague, incapable de parler. Il finit par prendre une profonde inspiration, et lorsqu'il parle, sa voix tremble.
- Je... j'ai piqué mon pseudo à un jeu. Caleb et moi... on jouait aux Chevaliers du Bien. Et il s'appelait Damen, dedans, et c'est pour ça que je m'appelle ainsi maintenant... mais moi, à l'époque, je... moi j'étais Pan. Et quand je suis arrivé dans ce monde dont je te parle, le Pays Imaginaire... Eh bien j'ai gardé mon vrai nom et j'ai ajouté... Pan... (Je compose son nom dans ma tête et sursaute. Non, c'est impossible... ) Mais, en devenant un vampire, reprend-il, j'étais figé dans mes 17 ans, à cheval entre l'enfance et la vie d'adulte. Sauf que je n'en serais jamais un. J'ai longtemps été connu sous le nom de Celui Qui Ne Veux Pas Grandir. Après, les gens m'ont vu faire ces choses horribles et... et ils m'ont appelé Le Démon. (Il se tourne vers moi, alors que je tremble comme une feuille, terrifiée.) Mais mon nom officiel était Peter Pan.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top