Chapitre 24 : Vingt-trois Heures

Greer et moi suivons encore quelques instants Thomas des yeux. Il s'éloigne sur la prairie. Automatiquement, mes cinq lâcheurs par excellence - crois-moi, Henry, je vais tout balancer à Damen... - se précipite vers lui en le suppliant de faire une partie de « Foutebol », oui car mon frère vient de leur apprendre l'existence du foot, mais ils ne parviennent pas à le dire naturellement. On dirait que notre vocabulaire est pour eux celui d'une autre langue. Je trouve ça adorable.

Je me tourne vers Greer, et elle fait pareil, les yeux pétillants. Je me remets à respirer suite à cette rencontre étourdissante.

- Wow... Je crois qu'il te plaît bien, lui...

- Oui,il est parfait !, s'écrie-t-elle,un sourire béat scotché sur la figure. Il a été invité par ton père en personne et il m'a promis de faire durer son séjour le plus longtemps possible pour rester à mes côtés !

- Je suis hyper contente pour toi, Greer. (Elle serre mes mains dans l'étau surexcité des siennes.) Mais il a parlé de te revoir ce soir ?

- Oui ! J'ai tout prévu pour notre soirée en barque : j'ai fais préparer un panier de pique-nique, et lorsque nous serons tous les deux seuls dans la nuit étoilée et sur le Grand Lac...

- La nature fera le reste, termine-je en riant, et elle se jette dans mes bras en éclatant de joie.

Je ne l'ai jamais vu aussi enthousiaste, je crois.

- Oh, mon premier baiser, Emma ! Et le début d'une longue histoire, j'espère !

- Je te le souhaite.

- Tu sais, il n'est pas le fils du Roi Arthur, mais de son frère, Aaron. Son père est mourant, et il ne tardera pas à acquérir plusieurs terres du Royaume de Kaamelott ! Si je l'épousais, je deviendrais lavingt-septième Princesse du Sixième Royaume !

Vingt-septième Princesse ? Car il existe vingt-sept contrée à Kaamelott, et que la toute dernière est celle de Pandragon ? Ouah, je l'aurais jamais deviné.

On se met à rire et à discuter encore pendant de longues minutes sur la pelouse. Elle me raconte leur rencontre sophistiquée le soir du bal grâce à notre petite Primrose, qui connaît un paquet de gens à la Cour malgré son jeune âge, et ils ont passé beaucoup de temps ensembles pendant la soirée. Elle venait tout juste de rejoindre les filles lorsque je suis arrivée en grandes pompes et que je leur ai dis de venir danser. Notre Greer est bel et bien folle amoureuse, et je suis très heureuse pour elle.

Une amie qui me raconte ses histoires de cœur...

Un court instant, j'aimerais lui parler de Damen. L'amour de ma vie. Notre rencontre, notre amitié, notre rupture brutale, nos retrouvailles, lorsque nous nous sommes avoués nos sentiments, notre premier baiser, ses caresses, nos câlins, son soutient, notre amour...

J'aurais voulu me confier sur tout ce qu'une fille aime dire à ses copines.

Et je reste muette comme une tombe, retenue par l'idée de ma réputation. Que se passerait-il si tout le monde venait à apprendre l'existence de notre lien ? On me prendrait pour une courtisane,une prostituée royale, on imaginerait v'la les films alors que ma relation la plus intime avec Damen se résume à un baiser derrière l'oreille. Et lui, serait-il bannit du Quatrième Royaume pour relation intime avec un membre de la famille royale sans en avoir acquit l'autorisation ? Non, je ne peux pas me le permettre...Garde le silence, Emma, tourne les talons et ferme-la.

- ... et il faut absolument que j'aille annoncer la bonne nouvelle aux filles !

Joyeuse,joviale, Greer dépose un rapide baiser sur ma joue avant de se relever. Je l'observe un peu bizarrement. Elle est folle, de vouloir parler à Lola de ses progrès en amour alors qu'elle vient de perdre Colin ? C'est un peu diabolique, non ? ...

Oh la vache.

- Ahhh !, sursaute-je, et elle se pétrifie de surprise.

- Quoi ? Qu'y a-t-il ?

Mince ! Oh merde, merde, merde, merde ! Et puis zut, quoi ! J'ai complètement oublié qu'elle a passé la journée avec Thomas. Elle n'est pas au courant pour... Olalalalalalalalalalalalala....

- Euh...Y a... Enfin, j'ai un truc à te dire..., balbutie-je en lui tirant le bras.

Comment mettre le sujet sur le tapis ? Comment expliquer ? Comment dire ? Vu ce que ça a donné avec Lola, je crois qu'il va me falloir tourner autour du pot... Oui, c'est ce que je vais faire. Les filles de Narnia sont de grosses sensibles. Va falloir y aller avec le dos de la cuillère...

- Eh, les gars, les gars ! Regardez par-là !

Aussi surprenant que ça puisse paraître, parce que Henry ne s'est adressé qu'aux « gars », je relève quand même la tête. Les enfants se sont arrêtés de jouer. Ils sont plus prêts de nous, tous agglutinés sur la prairie à dévisager le ciel. Un même endroit bien distinct qui m'ait invisible d'ici. Greer et moi nous lançons un drôle de regard avant de décider en même temps de les rejoindre.

Je m'apprête à demander ce qui se passe.

Mais là, je le vois.

Un oiseau d'allure inoffensive fonce droit vers nous. Il a la taille d'une pie, mais ses ailes sont non pas noires mais d'un gris bleuté magnifique. C'est d'ailleurs cette couleur et son long bec blanc qui me donnent une hypothèse sur sa race. J'ai déjà rencontré un animal de cette espèce : une espèce qui m'a sauvé la vie lors de ma dernière escapade à Narnia, lorsque Damen, Caleb, ma mère, Mulan, Aurore et moi-même étions encerclés par un ogre. Ces oiseaux nous ont sauvé la vie avec leur chant céleste.

- Un geai moqueur, chuchote-je, l'observant avec admiration.

Admiration envers un oiseau. Je suis au bout de ma life.

Le petit animal poursuit son envol vers.... le sol. Plus il se rapproche de nous, plus je suis certaine qu'il est un geai moqueur.

- Euh, regardez !, s'écrie Idriss en pointant du doigt le geai moqueur. Regardez, il a quelque chose entre les pattes !

- Où ça ?, geigne Gamaliel.

- Je viens de le dire ! Les pattes !

Il a raison. Oh, il ne peut pas plus avoir raison que ça.

Je le vois de très près, le truc qu'il a dans les pattes...

Je suis tellement éblouie par la beauté de la bestiole que je remarque avec deux ans de retard qu'il vient de me foncer dedans.

- Ahhhhh !!

Mes pieds fondent comme neige au soleil, et je tombe à la renverse sous les cris de Greer et des enfants. Le geai moqueur se met à piailler, comme vexé, et se pose sur mes genoux tandis qu'allongée sur le sol, je le regarde avec hébétude. Il me fixe aussi intensément que s'il était humain. Tout le monde se rue autour de nous - et il ne décolle pas, en plus ! On dirait qu'il a l'air habitué à la présence humaine. Il n'a pas peur. Étrange...

- Et là, Gamaliel, tu y vois plus clair ?, ronchonne mon petit Idriss en pointant du doigt une patte de l'oiseau.

- Oh ! Un parchemin !

- Mais c'est qu'il est perspicace, le mangeur de poulet...

- Et de crottes de nez, ajoute Milo, dédaigneux.

- Mais, euh !

- Intéressant, murmure Greer, se postant à genoux près du geai moqueur. C'est absolument fascinant... Il n'a pas peur !

Je me redresse sur mes coudes. Voyant qu'il n'est toujours pas près de s'en aller de mon genoux, je m'autorise à m'asseoir.

- C'est ce que je me disais, justement, acquiesce-je en dévisageant l'animal.

- Et Idriss avait raison, il a quelque chose d'accrocher à la patte.

A l'instant où elle dit ça, mes yeux se posent sur la feuille de papier enroulée sur elle-même et attachée à sa patte par un ruban de soie rouge.

Un message.

Qui a idée d'envoyer un geai moqueur comme pigeon voyageur ? Cette affaire devient de plus en plus suspecte.

- Une lettre, à mon avis, déclare-je sur un ton flippant - et je sursaute moi-même, je vous le jure.

- Tu crois ?

- J'en suis persuadé aussi !, intervient Rigel et s'appuyant sur mon genou encore libre - et même sa proximité ne fait pas fuir le petit messager animalier. Tu devrais l'ouvrir, Emma ! Si ça se trouve, il est ici pour toi !

- D'après ma boussole, il vient de l'Est, observe attentivement Milo, dubitatif.

- Quel Royaume y a-t-il à l'Est ?, demande Henry.

Gros blanc.

J'observe les cinq garçons et mon amie avec une drôle d'expression. Aucun d'eux ne répond, et je me demande un instant s'ils ignorent la réponse. D'instinct, ma main se tend vers l'extrémité du ruban rouge. Je tire, le nœud s'effiloche et libère le parchemin.

Rigel est le seul à relever le menton.

Je le regarde. Il me regarde.

Je commence à déplier le parchemin.

- C'est un pays ennemi...

Je pose les yeux sur ce que je tiens entre mes doigts, qui commencent à trembler.

Car ce n'est pas une lettre. Mais peu importe ce que c'est, car vu le nom du destinataire, elle est pour moi.

Et vu le nom de l'expéditeur, elle ne va pas me plaire.

- Il vient de Panem.


+++

17h00

Le Boudoir est rempli de femmes nobles, riches, belles et rieuses qui écoutent les histoires que leur raconte Maman autour d'une tasse de thé et d'une assiette à pâtisseries variées. Elle parle de sa rencontre avec mon père, je crois. J'en suis pas sûre. Je ne prête pas plus d'attention que ça à la conversation. Mordant dans mon sablé, je cesse de les regarder et baisse les yeux sur ce que je tiens fasse à moi. J'ai pris un livre pour faire diversion, l'ai ouvert et posé sur mes jambes. On me prend pour une Princesse inoffensive en pleine lecture, mais en réalité, je bosse.

Je n'ai pas le choix.

Je sors discrètement de ma manche le stylo bic que Clark m'a prêté un peu plus tôt dans la journée. Mes yeux passent de la lettre de Snow au petit bout de papier sur lequel je me mets à griffonner.

25 femmes : 3 Reines, 6 Duchesses, 7 Comtesses, 9 dames d'honneur - 3 pour chacune des Reines.

Un instant, j'hésite. Je ne sais plus s'il est demandé dans le lettre de préciser quelles sont les Reines présentes. Je lève les yeux et surveille les femmes - elles sont pendues aux lèvres de ma mère, qui continue son récit en riant à cœur joie. Personne ne s'occupe de moi.

Tant mieux.

Je tire la lettre de Snow sur le côté et fouille du regard ce que je cherche. Puis je tombe sur cette phrase :

17h00 : Présence requise au Boudoir en compagnie des femmes du château → Compte-rendu de leurs noms et titres de noblesse. Trajet variable.

Merde... Mais qu'est-ce que ce monstre veut-il faire ?! Je pousse uns soupir résigné, saute une ligne et commence à rédiger ce qu'il demande.

1) Blanche-Neige, Reine du Quatrième Royaume.

2) Aurore, Reine du Dixième Royaume.

3) Cendrillon, Reine du Troisième Royaume.

Et je poursuis cette tâche jusqu'à l'heure qu'il m'ait demandé, c'est-à-dire jusqu'à dix-sept heure douze. Je termine mon ouvrage, puis regarde ma montre. Il me reste deux minutes. J'ai juste le temps d'écrire une chose facultative mais qui me trotte dans la tête depuis que j'ai lu cette lettre. Une citation que j'ai inventé et qui qualifie plutôt bien ce que je vis.

Je n'ai jamais eu de problèmes dans ma vie : c'est ma vie qui est Le Problème en personne.

Il me reste une minute quarante-cinq.

Snow, t'es qu'un sale connard, bâtard, salopard, salaud, goujat, gros con, malotru, malade mental, psychopathe, maniaque du contrôle, destructeur de vie, manipulateur, menteur, sorcier, tordu - Monsieur Gold - malade mental...

Oh, je l'ai déjà écris. Mais c'est tellement vrai que je ne l'efface pas - et de toute façon, Clark ne m'a pas passé de blanc correcteur, alors...

17h12

Oups. J'ai pas intérêt à être en retard alors que c'était ma première mission.

Je relis vivement l'excuse que Snow a inventé avant de replier mon emploi du temps et mes notes. Je les ranges à la septième page de mon livre - oui, il a même dit à quelle page - avant de me relever de mon fauteuil. Les regards se tournent vers moi.

- Tu nous quittes, chérie ?, me demande Maman en inclinant la tête sur le côté, le ton joyeux.

- Oui... (Je me racle la gorge, comme craignant que l'excuse de Snow ne veuille pas franchir mes lèvres.) Je vais cherchez mes dames d'honneur.

- Oh, c'est vrai... Hum, n'oublie pas, Tour Nord. Elles sont dans la Tour Nord.

- Oui, oui.

J'exécute une rapide révérence.

Tour Nord.

Je me demande comment il avait prévu qu'elles seraient là-bas. Quoiqu'il en soit, je sors de la pièce avec une lenteur exagérée. Je souffle un coup, et c'est partie.

Mes yeux ont l'air de se jeter dehors, et ils comptent à une vitesse fulgurante le nombre de gardes présents dans les couloirs alentour. « 8, 10, 12, 14... » Je me tourne doucement sur la gauche et feigne de refermer la porte comme n'importe qui, mais partout où mon regard se pose, je me mets à compter. « 16, 18, 20, 22, 24... Et le couloir est trop sombre, je ne peux pas compter le reste. » Je clos la porte une bonne fois pour toute avant d'avancer vers le canapé disposé contre un mur, entre deux vases gigantesques. Je m'y installe et ouvre mon livre, page sept.

Les gardes ne me prêtent pas la moindre attention.

J'essaie de me faire la plus discrète possible en dépliant la feuille numéro trois. Pas la lettre, pas ma prise de notes, mais le plan du château. Snow a marqué d'un point rouge tous les endroits où je devrais me rendre jusqu'à vingt-trois heures, l'heure fatidique où... Oh, je n'en suis pas là. Je pose les yeux sur le dessin du château. Le bâtiment central, c'est-à-dire sans compter les quatre Tours - dans l'ordre : Nord, Est, Sud, Ouest - est en forme de carré. Le Boudoir se situe sur le couloir qui relie la Tour Nord à celle de l'Est. Je sors rapidement l'emploi du temps :

17h40 : Présence requise au couloir rez-de-chaussé, Tour Nord. Trajet : départ Boudoir, direction Tour Est. Passage Salle de Bal.

Direction Tour Est pour destination Tour Nord ? Il est pas tordu, celui-là.

Je suis les dernières instructions maudites de cet emploi du temps et me dirige vers le couloir noir de gardes, en avant pour la Tour Est.

Snow, qu'est-ce que tu as derrière la tête...

17h29

Je compte toujours.

J'en suis au cent soixante-seizième gardes lorsque j'atteins enfin la Tour Est. Je traverse le couloir, et une vague impression de déjà-vu s'empare de moi. « 177, 178, 179, 180... » Je m'arrête .De compter et de marcher, d'ailleurs. Oui, je me rappelle, je sais tout à fait où je me trouve. Couloir rez-de-chaussé de la Tour Est dont l'extrémité donne sur la Salle de Bal...

Je suis sur les lieux de ma rencontre avec le Président Snow.

A l'endroit parfait où cette vieille anguille sirotait son vin rouge, un bout de papier plié est abandonné. Le deuxième emploi du temps. Le premier s'achève à dix-sept heure vingt-neuf, qui requit ma présence sur notre lieu de rencontre. Mais Snow m'a expliqué dans sa lettre - les quelques lignes avant le premier emploi du temps - qu'un deuxième m'attendait ici. Je me baisse et feigne de refaire mes lacets...

Euh, non, je rattache la boucle de mes escarpins. Mes baskets me manquent... Et les vieilles habitudes ont la vie dure.

Bref, je me dépêche de récupérer le bout de papier, le glisse dans mon livre - page sept - et reprends ma route aussi normalement que possible, reprenant mon compte silencieux de gardes. Une fois hors de danger, c'est-à-dire paumée au beau milieu de l'immense salle des fêtes abandonnée à des vingtaines de servantes qui s'affairent à nettoyer le sol, épousseter les trônes ou débarrasser les tables depuis la fête, je m'avance jusqu'au couloir le plus reculé avant de sortir le deuxième message de Snow que je viens de récupérer. Je le déplie et le lis au plus vite :

« Ma très chère Emma Swan,

Si vous venez à lire ces quelques mots, cela voudra dire que vous aurez passé avec brio la première étape de notre plan. Je vous en félicite d'avance ! Car, vous connaissant, je suis persuadé que vous arriverez à vos fins. A notre fin commune. »

On a rien de commun, sale chien.

« Voici donc votre second « emploi du temps ». Vous devrez le suivre et le respecter avec autant de précision que le premier. Pareillement, si vous ne parvenez pas à satisfaire mes instructions, c'est-à-dire si vous ne vous rendez pas en temps et en heure aux points de rendez-vous que je vous indique, vous vous offrez aux mêmes risques décris dans le premier message. Je vous conseille de penser à tous les enfants et tous les amis que vous chérissez et qui vivent au sein de ce Palais... Ce serait déplorable que de regretter la vie de personnes aussi jeunes, non ? Je suis sûr que vous pensez la même chose que moi. »

Sale connard. Je le hais, celui-là, je le hais.

Mes mains se mettent à trembler, froissant le papier maudit que mes yeux lisent sans pouvoir s'arrêter. Il n'a pas intérêt à toucher à un seul de leurs cheveux, sinon...

« C'est sur ces mots que je vous souhaite une excellente continuation. Nous nous retrouverons très bientôt, soyez-en certaine.

INSTRUCTIONS

17h50 : Présence requise à la Tour Nord. Trajet : départ Tour Est à la destination finale décrite ci-précédemment. Compte-rendu du nombre de gardes rencontrés sur le trajet. »

Pff...

Je reprends mes comptes, la mort dans l'âme, et me rends à la destination espérée.

Après les ordres, les menaces.

Tout ça pour que je sois à l'endroit convenu à vingt-trois heures.

18h00

- Le Pôle Sud !

- Nan, le Pôle Nord !

- Je te dis que c'est le Pôle Sud !

- Dis pas n'importe quoi, tout le monde sait que c'est le Pôle Nord !

- Pôle Sud !

- La ferme !

- Pôle Sud !

- PÔLE NORD, JE TE DIS !

- ET MOI JE TE DIS QUE C'EST LE PÔLE S...

- EH !,interviens-je, furieuse.

Je prends leurs deux têtes et, sans passer par la délicatesse, je les frappe l'un à l'autre. Ils poussent un cri commun en se tenant le front et geignent, assis par terre, tandis que je les domine de toute ma - petite - taille. Moi qui étais venue dans les jardins pour me reposer et réfléchir pendant les deux heures de temps libres qu'on m'accorde, il a fallu qu'ils me retombent dessus, ces deux-là !

- Bouclez-la un peu, j'ai la tête grosse comme une pastèque ! Et qu'est-ce qu'on en a à foutre de savoir s'il fait plus froid au Pôle Nord ou au Pôle Sud ?! Y a pas des débats qui méritent plus d'attention, à votre avis ?! Crétins !

Caleb et Clark lèvent des yeux vexés et agacés vers moi. Mes poings se referment, je leur remets un coup chacun. Pire que des gosses, j'vous jure...

- Mais, arrête de nous frapper, là !

- Je suis venue me reposer, pas coacher vos disputes de gamins immatures ! Si vous avez besoin de vous défouler, y a Henry et ses copains qui jouent au petit bac à sable derrière l'Église, alors prière de s'y rendre à toute personne de moins de dix ans d'âge mental !

Et c'est sur ces mots pimentés de sérieux que je tourne les talons et regagne mon carré d'herbes tendres sous mon pommier adoré - celui où il est impossible de se réveiller après une sieste sans avoir des bosses partout sur le front et un cimetière de pommes rouges autour de la tête.

Il me reste deux heures. Deux petites heures de partage avec ces deux-là avant de devoir les quitter. Qui sait quand je les reverrais - ou seulement si je les reverrais un jour ?

Ils ne peuvent pas gâcher ça.

Ce moment, cet instant calme et parfait, ténu et heureux où, moi, Emma Swan, je remercie le Ciel pour tout ce qu'il a bien voulu me donner. Je ne considère pas les problèmes de ma vie comme des punitions, mais des épreuves. Des épreuves que j'ai toujours su surmonter - avec plus ou moins de difficulté. Je remercie le Ciel pour m'avoir fait connaître ces gens, ces sentiments, ces idées que jamais je n'aurais cru pouvoir rencontrer, expérimenter ou penser il y a quelques temps. Mes amis, ma famille, mes deux mondes, mes deux personnalités, les deux facettes qui font de moi une Shérif et une Princesse, une ado et une souveraine, une fille qui s'est adaptée à son ancien monde et une fille qui a toujours été faite pour vivre dans le nouveau.

Je sais maintenant que la vie m'a fait don de plusieurs rêves qui ont dépassé toutes mes espérances.

Et il serait déraisonnable de pleurer sur leurs fins au lieu d'en profiter.

Calmement, je m'arrête sur ma lancée et ne m'assieds pas à ma place. Je me retourne, rejoins les deux abrutis heureux qui frottent leur crâne endoloris. Caleb ne grimace déjà plus tandis que se forme une épaisse bosse rouge sur le front de Clark - caboche de loup VS celle d'un humain, y a pas photo quant au gagnant.

- Moi j'dis, il fait plus froid au Groenland, avoue-je, amusée d'avance par l'explosion de cris qui va s'ensuivre.

Et j'ai pas eu faux.

- HEINNNNN ?!!!

19h30

3h30 avant l'Heure


Que de cris et de discussions spontanées.

Je me tais, lève les yeux, observe la tablée.

Les gens rient, les gens mangent ;

Tranquillement, des murmures s'échangent.

Mordant dans ma viande, je pose ma vue,

Sur tous les jeunes enfants incongrus,

Qui, de leurs manières juvéniles,

Avalent nourritures dans des rires puériles.

J'observe ma mère, qui, délicatement,

Apporte une pomme de terre à ses lèvres rouge sang.

Je regarde mon père, riant à cœur joie,

Et buvant son vin comme d'autre boivent du Coca.

Je fixe Caleb, Clark et Henry,

Qui discutent, rigolent, discutent sans finir.

Je dévisage Aylee, Lola, Greer et Kenna,

Qui, d'ambiance funèbre, poursuivent leur repas.

Et c'est à cet instant que j'imagine un monde meilleur,

Où les fins heureuses existeraient plus de trois heures,

Où les Présidents ne sont pas tordus,

Où les Méchants finissent tous pendus,

Où les innocents sont acclamés,

Où les orphelins sont enfin chéris et aimés,

Où les adultes acceptent leurs responsabilités,

Et où les garçons savent ce qu'est la maturité...

Où les filles comme moi n'ont pas à faire,

De tristes adieux sur un papier couleur chair,

Où elles écrivent multiples poésies,

Qui, j'en suis sûre, valent mille fois mieux que celle-ci.

Car,Ô tristesse ! Emma Swan ne sait rédiger,

Que de vilaines choses sur son enfance brisée.

Le cœur lourd, l'esprit vide, le regard vaquant,

Elle ne fait que penser, courir tout en hurlant,

A la perte de ses parents, son grand amour, ses amis,

Qui, à vingt-trois heures, ne seront que souvenirs.

La bêtise du monde ? Aux Laurens la faute ?

Non : aujourd'hui, il s'agira de Snow.

Cet homme que, hier, je ne connaissais pas,

Et qui, dès demain, avec ma vie jouera.


20h00

3h00 avant l'Heure.


Mon poème - non, la Nullité des poèmes - est achevé, mais je n'y prête pas attention.

On a tous finit notre repas. Et il est vingt heure.

Déjà l'heure des adieux.

- Ouaaah, j'ai mangé comme un éthiopien affamé, ce soir !, badigeonne Caleb en se frappant le panse, juste avant de se jeter dans un canapé, à la belle étoile.

Clark, munit d'une pomme verte, se dirige vers le fauteuil à bascules juste à côté de lui. En passant, il lui met une tape sur la tête.

- Pas besoin d'aller chercher jusqu'en Éthiopie. T'as juste mangé comme un Caleb, point barre.

- Bah...Dire ça, ça me fait passer pour un gros dalleur...

- Ce que tu n'es pas, évidemment...

Poussant un soupire contraint, le plus âgé d'entre nous se laisse tomber dans son rocking-chair. Tout en se balançant d'avant en arrière, il croque dans sa pomme en regardant le ciel noir constellé d'étoiles - la nuit est tombée si vite, aujourd'hui. Dans tout ça, je suis toujours debout, près de la porte-fenêtre. Mi-figue, mi-raisin,vous savez ce que c'est. Je n'arrive pas à me décider : c'est comme si rester à l'intérieur m'éloignait énormément d'eux, et comme si aller dehors m'approchait irrémédiablement des au revoir. Au revoir qu'ils n'auront pas conscience de me faire, puisque je ne leur parlerais pas de mon départ.

Ils ne doivent rien soupçonner, ou bien le plan de Snow tomberait à l'eau. Et il mettrait ses menaces à exécution pour me punir de mon inefficacité...

- Bon, tu fais quoi, Emma ?, me glisse Caleb d'une voix enrouée.

Je sursaute en entendant mon prénom et pose mes yeux sur lui. Les deux gars me dévisagent, l'air de se demander ce que je fabrique encore à la fenêtre. Mon cœur rate plusieurs battements. « J'arrive ! », aurais-je pu crier, rire, dire de façon joyeuse. « Laisse-moi de la place, gros tas ! Tu prends tout le canapé ! » Et je me serais assise sur le ventre de Caleb, qui aurait pousser un cri en sentant la bouffe de son estomac rempli commencer à remonter. « Espèce de tarée, va ! T'es pas censée apprendre les règles de la bonne conduite ?! Pff, d'nos jours... »

Mais tout ça, c'était avant. Avant Narnia. Avant Snow. Avant tout.

- Je dois aller me coucher, bougonne-je en baissant le menton, lugubre.

J'avance ou j'avance pas ? J'avance ou j'avance pas ?

Une seule et même interrogation. Vingt heure devient vingt heure cinq, et le temps se met à devenir pressant.

20h25 : Présence obligatoire chambre « Rose », Tour Est. Pause de 20min avant le commencement de la dernière étape.

Il me reste vingt minutes avant de devoir retourner dans ma chambre, mais rester trop longtemps avec eux risque forcément d'abréger mes adieux avec Henry, Papa, Maman... et Damen. Non, ça, je ne le supporterais pas. Et même si les filles me détestent, maintenant, je dois leur dire au revoir aussi. Peut-être que si je leur expliquais ce que Snow veut faire de moi, elles s'en ficheraient...

Mon pied se lève avec toutes les difficultés du monde, puis se pose sur la terrasse.

Caleb ronfle déjà, et Clark finit sa pomme.

Ni l'un ni l'autre ne se doute de quelque chose.

- Bonne nuit, Clark...

Je m'approche de lui en tendant les bras. Il sourit et me tire sur ses genoux.

- Viens par ici..., murmure-t-il,souriant.

J'acquiesce avec un empressement soudain et me pelotonne dans ses bras. Je ne me suis pas sentie aussi petite et faible depuis longtemps, mais ainsi recroquevillée dans des bras d'adultes, je ne peux pas me trouver autrement que insignifiante et pitoyable. Clark me serre dans ses bras, tendant quand même l'index vers le ciel.

- Je me rappelle, quand je t'ai recueillis... Tu adorais t'asseoir avec moi sur notre terrasse. Tu me câlinais et je regardais les étoiles, comme maintenant.

- C'est toi qui me câline, là.

- Pas faux. (On rit.) Les besoins changent. Tu avais besoin de te sentir protégée, et moi de souffler un coup après ma journée épuisante. Et maintenant, c'est l'inverse.

- Tu essaies de te sentir protégé, Clark ?

- La ferme, vermine. Tu comprends rien à rien.

Là, j'éclate carrément de rire. Quel idiot ! Ça changera pas de si tôt...

- Allez, tu devrais te coucher, me dit-il.

- Tu as raison.

Et Dieu sait que j'aimerais que ce ne soit pas le cas.

Je m'assieds plus convenablement sur ses genoux, et à sa grande surprise, ce n'est pas pour me relever mais pour mieux plonger dans ses bras. La tête sur son épaule, je le serre le plus fort possible contre moi, cachant mon visage dans son cou et fermant le plus fort possible les paupières.

Et je le remercie du fond de mon âme pour tout.

Merci de t'être arrêté à côté de ce pont, ce soir-là. Merci d'être descendu avec tes hommes et les bergers-allemands. Merci de m'avoir tendu la main, de m'avoir porté, soutenu, aidé à avancer, à me reconstruire, à revivre, à laver mes plaies et à oublier mon passé. Merci d'avoir cherché le meilleur pour moi, de m'avoir emmené faire mes derniers adieux sur la tombe de... de mes amis...Et merci d'avoir fait venir des professeurs qui m'ont fait rattraper toutes ces années où j'aurais dû être à l'école. Merci de m'avoir adoptée. Merci pour mon permis. Pour mes chances. Mon métier. L'avenir que tu m'as offert.

- Merci,chuchote-je tout bas, si bas que je doute qu'il m'ait entendu. Je t'aime, Clark.

Et je me décroche de lui sans le regarder dans les yeux, et priant pour que lui aussi, il ne voit pas les miens. Qu'il ne voit pas mes larmes.

Je me mets à genoux prêt de Caleb. Lorsqu'il dort, il a l'air plus jeune, presque enfantin. Son visage paraît plus doux, tout ses muscles se décontractent. Je repousse quelques mèches noires qui barrent son front et dépose un baiser dessus. Un petit baiser sur la tête de c'te guignol de mes deux... Un gros imbécile, ce mec.

L'imbécile le plus attachant du monde.

Lorsqu'on s'est rencontré, tu as essayé de me faire croire en quelque chose de grand, de puissant. Quelque chose qui dépassait toutes mes envies. La magie, Narnia, les histoires d'Henry - tu étais venu pour moi, pour me retrouver et me faire croire en mon destin. Toi, Caleb Sumpter, je t'ai rencontré dans le Café Granny. Regina venait de me dire que, en tant que Shérif, il était de mon devoir de mettre la main sur l'inconnu à moto qui se trimbalait à Storybrooke depuis quelque temps. Tu avais cette boîte mystérieuse qui contenait cette machine à écrire... Et tu m'en as fais baver pour que je comprenne ce qu'il y avait dedans ! Salaud, va.

Je n'oublierais jamais cette fois où nous nous sommes vu pour la première fois. Ta boucle d'oreille, tes cheveux brillants, ton sourire crâneur, ton regard confiant. Nos délires, nos discussions - et nos milliards de cris et de bagarres, aussi. Le jour où j'ai compris que tu étais un loup, ça m'a choqué, et tu l'as mal pris. Tu es le seul homme pour qui j'ai bu jusqu'à en oublier mon nom. Le seul homme que j'ai tout de suite considéré comme un frère potentiel.

Plus que mon beau-frère, plus que le jumeau de Damen, tu es mon jumeau.Mon clone de délires. Ma moitié idiote t'appartient, et je te la laisse, te la confie. Car là où je vais, je devrais me sentir plus forte et adulte que n'importe quand dans ma vie. Je n'aurais pas le droit à l'erreur - ma vie en dépend. Garde mon âme d'enfant, je te l'offre.

A toi, mon meilleur ami.

- Dors bien...

Je le couve d'un regard simple avant de me relever. Ne regarde pas Clark, pas Clark, pas Clark... Je sens son regard noir et brûlant posé sur mon dos, son putain de regard de Shérif qui arrive à comprendre quand un gangster arnaqueur essaie de l'embobiner...

- Emma...,commence-t-il d'une voix qui en paye pas de mine.

- Oh, je sais à quoi tu penses, toi, hein ! Je viens juste de me rendre compte que... Que... Que je tiens à vous, mais que je vous l'ai jamais fais savoir. Je trouvais que c'était le bon moment pour le montrer.

- Montre-le quand on est réveillé, quoi..., grognasse Caleb dans son sommeil, et il me tourne le dos en se roulant en boule sur le sofa.

Quelle bande de sales tâches. Tordus de la vie, ces mecs !

Je souris aimablement avant de tourner les talons et de m'approcher de la porte-fenêtre de tous les supplices. La porte des adieux. Ne te retourne pas, ne te retourne pas... Je pousse un grand soupire, pose une main tremblante sur le bord du mur, passe un pied à l'intérieur...

C'est plus fort que moi : je les regarde une toute dernière fois. Peut-être la dernière fois de ma vie.

- Je rêve ! Il s'est déjà endormit, lui !

Je dévisage le corps ensommeillé de Clark, qui ronfle déjà paisiblement dans son rocking-chair. Caleb a reprit sa nuit, lui aussi. Tant mieux. Ça me laisse encore quelques derniers instants pour les regarder, les aimer, les chérir et prier pour que le meilleur de la vie leur arrive.

Et je rentre.

- Emma...

Je m'arrête. Une armée de larmes lance l'assaut sur mes joues prêtes pour une nuit de pleures. Mais je tends quand même l'oreille vers la voix endormie de Caleb.

- Oui ?

- On tient à toi, nous aussi.

20h15

J'arrive à retenir les sanglots, mais pas les larmes. Non, pas les larmes. Elles dévalent mon visage sans la moindre autorisation, floutant ma vue - Thug Larmes - et m'empêchant de retrouver la sortie. Ou bien est-ce l'entrée, que je cherche ? Même mon cerveau est en train de me lâcher.

Cinq minutes.

Dans cinq minutes, si je ne suis pas dans ma chambre, Snow tuera ceux que j'aime. Et en cinq minutes, je dois me démerder pour retrouver mes parents, Henry, mes dames d'honneur et Damen. Quatre groupes de personnes, une minute à leur consacrée pour chacun. Je n'y arriverais jamais...

- ... Non, je doute que Thomas puisse s'y intéresser. Je connais mon fils, il a des vus sur Emma, j'en mettrais ma main à couper ! Cette Greer ne l'intéresse guère, j'en suis persuadée...

- Je me ravie de vous l'entendre dire.

Bref silence.

J'aurais préféré que cette inconnue crève dans la seconde plutôt qu'elle reprenne la parole.

- Et si nous unissions nos deux enfants, chère Blanche ? Il suffirait de faire venir le Roi Arthur, souverain de Kaamelott, et nous pourrions conclure une alliance des plus solide ! Je suis sûre qu'il...

La femme qui discute de choses aussi épouvantables avec ma mère cesse enfin de parler en remarquant ma présence. Je découvre qu'elles ne sont pas seules : mon père est assis lui aussi dans le même canapé que Maman, et un homme que je n'ai jamais vu, sans doute le mari de cette dame, est installé près d'elle également. Tout le décor - petite pièce, cheminée, murmures discrets - laisse sous-entendre que cette femme a fait exprès de faire venir mes parents dans un lieu assez intime pour discuter.

J'ai en face de moi la Duchesse de Pendragon, mère de Thomas, et désirant m'unir avec son fils. Croyez bien que c'est le cadet de mes soucis - j'en ai quasiment rien à foutre, même si ça me choc un peu. Là,tout de suite, maintenant, je danse intérieurement de bonheur. Je les surprends en conversation privé, et eux me voient avec des larmes de crocodile sur les joues. Ils ne vont pas penser que je pleure parce que je vais les quitter, mais parce que je les ai entendu.

- Emma, trésor !, suffoque ma mère, sous le choc.

Je n'en attends pas plus avant de me précipiter vivement vers eux. Si j'avais eu plus de temps, j'aurais certainement adressé un beau fuck à la meuf qui me désire comme belle-fille, mais à la place je me laisse tomber à genoux devant mes parents.

- Je venais vous souhaiter bonne nuit, dis-je d'une voix dénuée de normalité, souffrante de chagrin.

- Oh, je suis terriblement navré... J-J'ignorais qu'elle était là...,s'excuse vainement la pauvre Duchesse.

Je n'ai jamais été forte en maths, alors excuse-moi si je te calcule pas.

Le temps presse. C'est limite si je n'entends pas les secondes qui me restent à vivre me carillonner dans les oreilles, me suppliant de faire vite, ou bien je risque de m'en mordre les doigts. J'ignore quelle heure il est - peut-être déjà trop tard ? Vingt heure vingt-cinq ? Trente, si ça se trouve ! Je m'en fiche.

Au moins, j'aurais pu dire au revoir à mes parents.

Je me relève et dépose un baiser rempli d'amour sur la joue de ma mère, qui se pétrifie sur place, semblant assez déconcertée. Elle ne doit pas tout comprendre, la pauvre. Ma mère...Mon père... Mes parents que je ne côtoie que depuis le vingt-deux mai dernier, mais que je ne connais réellement que depuis quelques semaines... Du vingt-deux juillet au dix-huit septembre, voici donc tout ce qu'on aura pu partager comme temps ensemble ? Un peu moins de deux mois ?

Allons, Emma, ça ne te ressemble pas de faire les rabats-joie. A mon dernier anniversaire, je croyais ne jamais pouvoir les connaître, mais au contraire, j'ai pu vivre avec eux, les chérir, me sentir aimée, aidée, acceptée. J'ai enfin trouvé la place qui étais la mienne que ce soit à Storybrooke qu'ici, à Narnia, dans mon Palais. J'ai trouvé ma voie.

- Bonne nuit, Maman.

Je dépose un ultime baiser sur son front. En fermant mes paupières, je vois une de mes larmes tomber sur ses cheveux. Espérons qu'elle ne l'ait pas sentis.

- Bonne nuit, Papa...

Je me tourne vers mon père, que je pardonne d'avoir fait tuer Colin. Il a cru bien faire, il a essayé de me défendre. Lorsqu'il a apprit ce qui a faillit m'arriver, il a du croire que je n'étais pas assez protégée, qu'il avait échoué dans sa mission de père protecteur.Il a essayé de se racheter en faisant payer au coupable - sans savoir que le vrai coupable m'attend quelque part, et qu'il risque de tous nous exterminer si je ne regagne pas ma chambre à vingt heure vingt-cinq. Ce n'est pas grave, Papa, je te pardonne. Je te pardonne, et je te demande de me pardonner. Pour tout ce que j'ai pu faire ou dire de mal qui ait pu te blesser, toi ou Maman, car je sais que vous avez souffert toutes ces années passées loin de moi. Vous avez sacrifié notre vie de famille pour qu'un jour je vous retrouve et qu'on puisse enfin avoir notre fin heureuse.

E telle est là, la fin. Un peu heureuse, car j'ai pu vous revoir une dernière fois, pas vrai ?

Je l'embrasse affectueusement sur le front avec le plus d'amour que je le peux - toute l'amour que j'ai en moi et que j'ai pu éprouvé à leur égard.

- Je vous aime quoi qu'il arrive.

Et je me retourne sans saluer les parents de Thomas. Je me dirige vers la porte et quitte la pièce.

S'il est vingt heure vingt passé, je saurais que j'ai échoué. Que beaucoup de ceux que j'aime risque de souffrir, voir de mourir, tout ça à cause du temps. Et peut-être que j'aurais préféré cette éventualité à la réalité qui s'offre à moi lorsque je pose mes yeux trempés sur ma montre.

Vingt-trois.

La porte de ma chambre est juste à l'étage, au milieu du couloir. En courant, je peux l'atteindre en une minute.

Mais je n'aurais pas dis adieu à Lola. Greer. Kenna. Aylee.

Henry.

Damen.

Je me mets à courir, et me mets à pleurer.

21h00

Pleures.

22h00

Sanglots. Insultes. Je suffoque dans mon oreiller.

22h30

Je pense à toutes les personnes que j'ai pu rencontrer dans mes vies. Les bonnes rencontres, évidemment. Je ne dédierais pas une seule précieuse seconde de ma vie à la mémoire des jumeaux Laurens ou au Vieux Mexicain qui m'a... Bref, je ne pense pas à eux. Je laisse mon esprit se concentrer sur les battements réguliers de mon cœur, sur la chaleur de ma couverture qui s'enroule autour de mon corps, et sur tous les souvenirs heureux que je peux rassembler.

22h40

Je pense à tout ces instants que j'ai partagé avec mes amis, ma famille, mon petit-ami. L'amour de ma vie. Celui à qui j'offrirais mon âme s'il était possible de le faire. Damen... Que je ne reverrais pas. Que je n'entendrais plus jamais. Que je ne pourrais plus sentir, toucher, dire à quel point je l'aime.

22h45

Je pense à tous les actes courageux auxquels j'ai pu assisté tout au long de mon existence. Les habitants du Kansas qui se battent pour leur terre, les guerres de races, les cris de victoire, mes anciens souvenirs d'enfants. C'est con à dire, con et narcissique, mais la plupart des actes vraiment courageux auxquels je me réfère sont les miens. Je m'interpose entre deux hommes qui se battent. J'empêche deux vampires assoiffées de veiller sur la Malédiction qui emprisonnait Storybrooke. J'empêche un ogre d'attaquer ceux que j'aime en l'incitant à s'en prendre à moi. J'essaie de me donner de l'importance, du charme, plus de choses positives pour que les gens m'apprécient et cessent de me rejeter comme on me le faisait étant enfant.

22h50

Je dresse maintenant dans ma tête la liste de tous les actes de bonté auxquels j'ai pu assister. Mademoiselle Pony, Soeur Maria ; mes mères adoptives de l'Orphelinat. Mes amis, ma famille Je repense à tout le monde.

22h55

C'est comme un jeu. Répétitif. Un peu lassant, même.

23h00

Mais je vais connaître des Jeux bien pire...



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