Chapitre 23 : Le Prince de Pendragon
Le média vous plaît ? xD J'ai adoré cette image, tirée de la série "Reign". Essayez donc de deviner qui est dans l'arbre...
Bonne lecture à toutes <333 Et je tiens particulièrement à remercier didi28330, ninin31 (ma Ju !!), OrianneAL (merci pour tes conseils ma biche), Sixtoune98 ma nouvelle abonnée, précédée de MBMalabar...
Bref, merci à toutes mes lectrices et à toutes mes abonnées, à toutes celles qui votent pour moi et laissent des commentaires. Sans vous, mon rêve n'aurait jamais pu se réaliser.
Merci.
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Il est mort.
Je me répète en boucle cette phrase depuis dix minutes, tandis que je erre dans les couloirs, tel un fantôme, à la recherche du Hall d'Honneur où se trouve l'escalier central qui me conduirait à laTour Est (on s'y perd pas du tout), donc à mes appartements... et à mes dames de compagnie.
Colin Everdeen a été exécuté par décapitation le lundi 18 septembre 2014, trente minutes après son arrestation. Il a été incarcéré à peine un quart d'heure, temps durant lequel mon père a fait valoir sa colère et son pouvoir de chef suprême de la justice pour organiser le procès le plus rapide de l'Histoire. Le dossier de Colin fut scellé en un rien de temps. A quatre heure trente-sept du matin, il a été conduit à "l'échafaud". Et pendant ce temps-là, j'étais en train de prier sa mort dans mon lit, sous mes couettes, bien au chaud.
Avant de savoir que sa famille, sa petite sœur et l'amour de sa vie étaient en danger.
C'est insoutenable.
Je marche comme un zombi dans les escaliers, me tenant à la rambarde avec une ferveur pleine d'inquiétude - manquerait plus que je me casse une jambe par inadvertance. Comment diable suis-je censée poser le sujet ? Existe-t-il des manuels de ce genre ? Des journaux intimes qui expliqueraient comment une fille devrait annoncer à une de ses amies la mort de son petit-copain ?Personnellement, si c'était mon cas...
Je ferme fort les yeux, atteint mon étage et poursuit ma route.
Ne serait-ce que l'idée, le fait de seulement imaginer que,peut-être, Damen puisse un jour mourir... Rien que le fait de me le représenter comme tel me fait monter les larmes aux yeux. Je n'ai absolument aucune idée de la manière dont je vais devoir m'y prendre avec ma pauvre Lola... Mais c'est sûr, je ne vais pas m'agenouiller devant elle en prenant ses mains dans les miennes, regardant ses paupières se gonfler de larmes en murmurant qu'il va falloir qu'elle soit forte. Ça non. C'est trop dramatique.
J'arrive- trop tôt à mon goût - face à la porte de tous les supplices. Les quelques gardes chargés de veiller sur mon couloir me dévisagent d'un œil inquiet, comme s'ils se laissaient duper par ma robe horrible et mes nattes qui me rendent prétendument « malade ». Je souffle un bon coup, les ignore et ouvre la porte.
Elles sont toutes rassemblées devant la cheminée.
Elles sont toutes assises sur un canapé, mais Lola est la seule à s'être emmitouflée dans une couverture de laine, les genoux contre la poitrine et les yeux dans le vague. Greer est absente. Kenna caresse le dos de Lola d'une manière encourageante, et Aylee garde le silence en détaillant du regard le tapis à motifs persans. De sronds, des triangles, des fleurs colorées.
Emma, ou la fille qui se concentre sur un tapis alors que Colin s'est fait trancher la gorge il y a quelques heures ici-même, dans l'enceinte de ce château.
Pathétique.
Mais au moins, j'ai un réconfort : il n'aura pas souffert. D'après la description que m'en a fait mon père malgré mes cris de protestations - je ne voulais pas connaître les détails, et encore moins savoir le fait qu'il ait insisté pour voir la scène - le coup de hache a été bien porté. Il est mort sur le coup, directement. Je tiens beaucoup à ce que Lola le sache. Un mal pour un bien : je sais qu'il est mort vite, même si je me représenterais à jamais la tête de mon père, criant qu'il a envie de voir ce pauvre gamin mourir. Le Roi James devient fou...
Tout ça, ils le montrent jamais, dans les Disney.
- C'est Emma, déclare subitement Aylee en relevant les yeux vers moi, un faible sourire voilant ses lèvres.
Mes amies me dévisagent toutes ensembles, leurs expressions faciales diffèrent légèrement. Je me focalise sur la principale intéressée, et décide de ne plus faire attendre personne. C'est plus un supplice pour moi que pour elle de faire durer le suspens, soyez-en sûrs.
- Je... Je... (J'essaie de respirer. Des gouttes de sueur perlent ma nuque et coulent le long de mes tempes.) I-Ils disent que des septièmistes l'avaient entraîné dans ce complot, balbutie-je, pitoyable. Je... Je ne sais vraiment plus quoi penser ni en qui avoir confiance, c'est... c'est vraiment terrible...
- Et Colin ?, risque Lola, se mettant tout à coup à trembler.
Dans ses grands yeux bleus se lie le désespoir funeste qui accompagne la mort de quelqu'un qu'on aime. Me reconnaissant là-dedans suite à la mort de Sheryl, ma sœur de cœur, je comprends que Lola craint déjà le pire. Je baisse le menton et pose une main sur mon front, ferme les yeux et soupire.
- Je suis vraiment désolée... Je n'ai rien pu faire. Il était déjà trop tard lorsque je suis arrivée.
Une grosse prise d'inspiration résonne dans la pièce. Épouvantée par cette nouvelle, les trois filles se pétrifient de terreur en portant leurs mains à leurs lèvres, abominée.
Lola est indescriptible.
Ses yeux pivotent vers un point qu'elle est la seule à voir. Elle semble complètement... vide. Un instant, je me demande si elle a entendu ma déclaration des plus morbide. Elle ne bouge pas, ne réagit pas, ne pleure pas, ne hurle pas, ne se roule pas par terre, ne tabasse personne, ne casse pas de mur - chose que j'aurais certainement fait si on m'annonçait le décès de... « Non, il ne mourra pas, il ne mourra pas, calme-toi, Emma, calme-toi... » Damen est un vampire immortel, il va très bien...
Lola est figée dans le temps.
Je comprends que le poids de cette nouvelle l'affecte - encore heureux, tu me diras. Ses yeux commencent à briller. Lentement, des grosses larmes rondes se mettent à rouler sur ses pommettes, mais elle reste toujours de marbre, yeux écarquillés d'effroi et poings serrés sur les bords de sa robe. Elle a perdu le Nord. Son Prince, son monde, sa vie entière... Tout ce qu'elle voulait fonder avec lui est en train de s'écrouler sous ses yeux.
La douleur qui déchire son regard est trop insupportable. Je renifle bien fort et détourne le mien. Et, à cet instant, elle reprend vie.
- Ce n'était pas un traître...
Sa voix est aussi basse qu'un soupire.
- Et un violeur encore moins, continue-t-elle.
Je me demande comment se fait-il qu'il reste des larmes dans le corps d'Aylee, vu la quantité qu'elle a versée sur ma couverture cette nuit. Quoi qu'il en soit, elle s'effondre sur les genoux de Lola, affligée. Kenna dévisage la fille en deuil, tout comme moi, et presse doucement son genou. Une petite marque d'attention et de soutient, certes, mais une présence enrichissante tout de même.
- Je suis tellement malheureuse, Lola..., chuchote-je, perturbée par toute la tristesse ambiante, et je fais quelques pas dans sa direction. C'est vraiment épouvantable, je... J'en perds mes mots...
Elle garde les yeux rivés sur ses genoux.
- Il est mort à cause de toi.
Ouch.
J'ai l'impression de m'être prit un coup de poing dans le ventre. Ma mâchoire se décroche. Je m'arrête d'avancer.
Lola se lève doucement du canapé, le regard tout luisant à cause des larmes qui ne cessent d'affluer. Elle lève pour la première fois ses yeux droits vers moi, ses yeux jadis d'un bleu pur et azur que je qualifiais comme « bleu de bébé », qui s'est transformé en un tourbillon de souffrance et de rage. Elle me poignarde du regard, les mâchoires crispées, les poings fermés, furibonde.
- Tous ceux qui t'entourent vivent dans un danger constant !, me hurle-t-elle, et chaque lettres de chaque mot qu'elle formule est un coup de couteau juste là, droit dans mon cœur déjà tailladé par les remords. Tu ne fais que disposer de nous à ta convenance ! Nous ne sommes que de vulgaires domestiques à tes yeux !
- Non, ce n'est pas vrai !
Je serre les poings et les dents, blessée par ses mots. « C'est la colère qui l'a fait parler, Emma. Elle ne le pense pas... »
- Vous êtes mes amies, je ne suis rien sans vous, essaie-je de me justifier.
- C'est là que tu te trompes, Altesse ! Kenna est mon amie ! Greer et Aylee sont mes amies ! Toi, tu es ma future Reine, et nous sommes toutes tes Sujettes. Nous sommes toutes ici pour te servir et... et peu importe si le prix à payer soit si lourd et injuste !
Sa voix déraille, part dans les aigus. Elle menace de craquer.
- Je vous protégerais, je vous le jure.
- Tu es déjà incapable de le faire pour toi !
- J'y travaille...
- Inutile. (Elle prend une profonde inspiration.) Tu ne sers à rien.
Oh.
« Les décharges reprennent, et je suis plaquée sur la table par une force incontrôlable. Je ne sais pas trop ce qui se passe : est-ce le sol qui tremble, ou moi qui convulse ? Aucune idée.
Je hurle.
Élisa s'arrête.
- On va détruire ta ville, Emma ! Ta vie ! Ton honneur ! Tout ce que tu as, nous te le prendrons, car tu n'es rien ! »
Je dévisage Lola sans trahir la moindre émotion. Elle poursuit sa litanie de reproches sans remarquer mon visage sobre. Il fallait bien qu'elle se défoule sur quelqu'un... Et quand j'étais plus petite, j'avais l'habitude d'être le souffre-douleur physique et psychologique du monde.
- Tu es là, à te pavaner dans les couloirs, toujours en train de te plaindre alors que tu as une vie de Princesse ! Tu arrives à trouver des inconvénients partout, la vie n'a aucune valeur à tes yeux !
Mes paupières se remplissent de larmes.
Oui, la vie n'a aucune importance pour moi...
« - SHERYL !!!
Je fonce vers elle, horrifiée, épouvantée, abasourdie, terrifiée, pétrifiée, angoissée, terrorisée. La chute, mon Dieu... Mais quelle chute ! Elle aurait pu lui être fatale ! Je n'ai jamais accourus aussi vite auprès d'une personne. Élisa Laurens se recule sans rien dire, lèvres pincées, tandis que Neal lâche un cri horrifiée. Horrifiée de ce qu'ils viennent de faire.
Je m'occuperais de ces deux cinglés plus tard.
Pour le moment, chaque particule de mon corps reste en alerte, complètement focalisées sur le corps inerte de mon amie, mon âme-sœur, ma clone, ma jumelle, ma moitié, mon tout recroquevillée au sol. »
- Tu n'as jamais connu la moindre souffrance, je parie ! A moins que tu ne te sois déjà casser un ongle ?
« - Qu'est-ce que tu fais, Vieux Mexicain de merde, là ?! Lâche-moi !
- Je vais t'... (hoquet) t'apprendre la polite... (rot) -tesse, Princesse !
Le fou tend la main. Je lève mon bras et me protège le visage en criant, presque certaine qu'il va encore me frapper.
Il arrache ma jupe.
....Euh... Euuuuuuh.....
WHAAAT ?!
- HEY ! Espèce de...
- Chuuuut, ma grande, t'excites pas contre moi en deux secondes.
Je me cache de son regard pervers avec une couverture de feutre qui traîne dans la charrette. Une couverture dont la présence ne s'explique pas : il doit faire 50°c à tout casser, ici. Je déteste le Kansas.
Il ajoute, avec un sourie inexplicable :
- Pour toi, la nuit vient à peine de commencer. »
J'écoute Lola sans protester.
- Tu ne vaux pas mieux que toutes ces pimbêches insupportables, et... et...
- Lola, arrête !, sanglote Aylee en lui tirant le bras.
- Et je me demande bien ce qui m'a prit de vouloir te connaître !
« - Pour faire revenir tous ceux que j'ai perdu, je serais prête à tout... à faire tous les sacrifices de la Terre, balbutie-je d'une petite voix enraillée, pitoyable. J'irais servir le diable pour qu'il me ramène Tom... J'irais m'arracher le cœur pour que celui de Sheryl batte. J'irais mourir tous les jours pour que tous mes petits frères et mes petites sœurs vivent à nouveau...
Mes doigts tremblants froissent le papier, et mes larmes commencent à tâcher mon texte. Mais je continue comme je le peux de lire mon dernier discours d'adieux. Derrière moi, j'entends quelqu'un renifler bruyamment. Le Shérif Clock, je parie. Ou Clark, ou je sais plus quoi, là...
Et dire qu'il m'observe rendre un dernier hommage à mes amis alors qu'il a l'intention de me replacer en foyer juste après ça.
- Vous êtes partis si tôt, sanglote-je, détruite, anéantis, finis, terminée, abattue, vaincue. Et je vous aime tellement...
Tout ça pour ça. J'arrête de lire, tombe à genoux et éclate en sanglots, front sur le sol.
Le soleil se couche derrière la stèle dressée en l'honneur des victimes de « l'incendie Stases », un accident mystérieux qui a fait périr mes derniers frères et sœur dans les flammes.
J'ai vraiment une vie de merde. »
Je ferme les yeux.
Elle me jauge pendant encore d'interminables secondes d'un œil critique, mauvais, furieux, douloureux, me fusillant comme un vulgaire escroc. Lola me regarde telle une énorme menteuse qui cherche des excuses dans un catalogue à bobards. On garde toutes le silence que seuls les sanglots d'Aylee rompent de temps à autres. Rassemblant les pans fissurés de sa dignité brisée par le poids du deuil, elle s'assied doucement sans cesser de me défier de son regard noir et crépitant. Puis elle baisse la tête, affaisse les épaules, se met à pleurer.
Les joues striées par des torrents de larmes, je tourne les talons et disparais de ma chambre en vitesse.
Elle ignore que j'ai passé ma vie à être orpheline ? Enfant battue ? Fille violée ? Bâillonnée de foyer en foyer par les services sociaux américains ? Massacrée par les Laurens ? Vendue à un marchand d'esclaves ? Grande sœur d'enfants brûlés vifs dans un incendie ?
J'ai pas envie d'être une meurtrière en plus de ça. C'est pour ça que je dois m'éloigner d'elle et de ses reproches, ou on aura deux morts à déplorer ce soir.
+++
- Elle a pas dit ça ! Je peux pas le croire !
Il a l'air complètement stupéfait. Bras derrière la tête, je garde les yeux rivés sur le ciel bleu sans m'attarder sur le visage décomposé de mon meilleur ami. Un meilleur ami que je clash immédiatement - notre manière, à nous quatre, de nous prouver notre affection.
- Je viens de te le dire. T'es bouché, ou quoi ?
- C'est laquelle, cette Lily ? La petite blonde ?
La voix de Clark n'est absolument pas choquée et ahuris comme celle de Caleb : elle a l'air plutôt en colère, à bout de nerfs. Il serre les poings, et la pomme qu'il tient risque de se transformer en compote. Je me décale, peu désireuse d'en recevoir une giclée dans l'œil. Puis je me rallonge, recroise mes bras derrière ma tête, re-regarde le ciel. Je soupire.
- Nan, Clark, la grande brune. Et c'est Lola.
Calme,tranquille, il croque dans son fruit.
- M'en bat les reins, de son nom, moi. Qu'elle aille au diable.
- Clark !
- D'accord avec lui, acquiesce Caleb, hochant le menton d'un geste entendu.
Les deux mecs s'échangent un tchek rapide, me rendant assez irritée. Quoi que je ne peux pas leur en vouloir. Dès que j'ai quitté ma chambre, mon réflexe a été de les chercher. J'avais besoin de parler avec des gens qui m'aiment, qui me soutiennent, avec qui j'ai traversé des épreuves de fous, des bons moments et de grosses engueulades, mais qui ne m'ont jamais tourné le dos. Qui ne m'ont jamais rabaissée, humiliée ou aussi mal parlée que Lola. La grande brune.
Mais n'empêche, avec tout ce qu'elle m'a fait, je garde en tête que Colin est mort, et que c'est cette perte qui a déclenché les hostilités. Avant, Lola était complètement normale, même adorable, gentille et bienveillante. Ce sont les nerfs qui l'ont fait parler, alors les gars ne devraient pas la juger si sévèrement... pas vrai ?
- Taisez-vous, murmure-je, perdue dans mes pensées.
Je regarde les nuages cotonneux aux formes diverses. Puis un visage aux cheveux et yeux noirs se penchent au-dessus de moi. Je fronce les sourcils.
- Qu'est-ce que tu fous, Caleb ?
- Y a une meuf qui t'as dis que t'avais pas de vie, pas d'avenir et que ton passé se résume à coller des autocollants de licornes sur les murs, et c'est à nous que tu dis de se taire ?
- T'y comprends rien, t'es qu'un mec !, m'agace-je en lui collant ma main à la figure, l'éloignant de moi.
- Ah, parce que seules les filles peuvent comprendre ? Viens, on appelle ta mère, alors !
- Hors de question !
Caleb retire facilement ma main de son visage. Ses doigts serrent mon poignet, et il éclate de rire.
- Elle s'est trahis toute seule, t'as vu !
Il se tourne vers Clark. Dégustant sa pomme le regard dans le vide, ce-dernier ne semble pas dans la conversation. Caleb ricane.
- Emma, tu es trop gentille. T'as un cœur en or, et c'est ça ton plus gros défaut. Les gens te pissent dessus en te faisant croire qu'il pleut, et tu fais rien !
- Dégage. Laisse-moi.
Ma voix s'est faite un peu plus brutale que ce que j'espérais. Mais faut me comprendre, quoi ! Je suis venue chercher du soutient, et je ne récolte que des commentaires vexants. Ils ne comprennent rien, ou quoi ? Je me lève, agacée, et me dirige vers le château. A peine trois pas plus loin, je me rappelle qu'on m'agrippe toujours le poignet.
- Eh, reste ici, me dit-il d'une voix autoritaire, et je me retourne en affrontant son regard.
Le visage de Caleb est sérieux. Détendu mais sérieux. Je baisse les yeux sur la zone de contact de sa prise ferme sur mon poignet.
- Laisse-moi, Caleb, tu m'énerves trop, là ! J'ai envie de rentrer.
- Et moi j'ai dis que tu restes là.
Je le connais, et le pire, c'est qu'il est sérieux. Il est trop honnête.
- J'ai le droit de décider où je veux aller, non ?!
- Non.
Eulala ! Il mérite des coups, lui !
Je tire violemment sur mon bras, tentant d'en recouvrer l'usage. Autant se battre avec un mur : au-delà d'être un homme déjà fort à la base, Caleb est un loup-garou. Ma résistance ne sert à rien.
- Caleb ! Clark, dis-lui de me foutre la paix, là ! Tu me saoules !
- Et cette Lola, elle a quel âge ?, demande Robin des Bois, sans cesser de manger sa pomme, sans cesser d'avoir un regard vague porté sur le Grand Lac, sans bouger.
Je pousse un cri rageur. Visiblement, je ne devrais pas compter sur l'aide de l'autre animal. Caleb rit une nouvelle fois.
- Mec, des fois, je sais pas ce que t'as dans la tête ! Henry est plus mature que toi !
Il ne répond pas, se contentant de m'offrir un sourire Colgate dont seuls les jumeaux de Rumpelstiltskin en ont le secret.
- Sérieux, Caleb, geigne-je en affaissant les épaules, cherchant sa pitié - oui, vous avez bien lu, je ne peux pas tomber plus bas qu'en essayant de susciter la pitié de Caleb. Je suis crevée, j'ai faim, j'ai froid et j'en ai plein la tête depuis quelques jours. La nuit de la fête m'ait resté en travers de la gorge, la mort de Colin va me flanquer des nuits blanches et Damen est introuvable... (Un court instant, je réalise que... les gars ne sont pas au courant de l'affaire. Ils doivent croire que Colin a été arrêté pour vol, et non viol. Immédiatement, je me pétrifie et tente de changer de sujet.) Et... et, bah... mon père en a rien à cirer de mes petits problèmes, faisant passer son King Power avant sa Daughter. (Visez la rime.) Bref, fatiguée de la life, et peu désireuse de me fâcher avec toi. Vraiment. Tu es... intelligent, beau...
- Je sais, consent-il en hochant le menton, l'air triste de son sort.
- Et tu as l'honneur d'être le meilleur ami de la Princesse du Quatrième Royaume, termine-je en me maudissant intérieurement pour avoir eu l'idée stupide de le gonfler de qualités INEXISTANTES. Tu pourrais faire un effort de soutient envers moi. Je suis ta meilleure amie aussi, pas vrai ?
Je papillonne des cils en souriant. Ma pauvre Emma, t'as plus aucune dignité.
D'un seul coup, Caleb change d'expression. Son sourire s'évapore, il tourne la tête sur le côté en regardant un point fixe.
- Chut... (Il pose doucement son index sur mes lèvres.) Tu entends ?
Je dresse un sourcil moqueur, tends l'oreille. Silence total. Il a un grain, ce mec.
- Entendre quoi ?
Il reste fichtrement concentré, mais vu le tressaillement de la commissure de ses lèvres, je crois qu'il se retient de rire.
- Le bruit du vent que tu viens de te prendre.
- CALEB SUMPTER !!!
Élément déclencheur : il hurle de rire.
Je sens mes joues chauffer à blanc, c'est hyper désagréable. J'ai la tête qui va exploser de honte et de fatigue, fatigue physique et morale car ses rires me cassent les oreilles. Vu qu'il est complètement subjugué par ses braillements insupportables, je ne peine pas à récupérer mon poignet. Rouge de colère, je lui balance mon poing dans le torse. Il s'arrête de rire. Me dévisage.
Il n'a pas bougé d'un millimètre.
Nouveaux éclats de rire. Furieuse, je le cogne derechef, et il se laisse volontairement tomber en arrière afin de rouler dans l'herbe, en proie à une crise de rires meurtrière. Je le dévisage poings serrés avec une montagne de honte et de rancune, mais... je souris. Je connais ce petit connard. Je sais ce qu'il pense, comment il réfléchit, ce qu'il aime et déteste dans la vie. Bien sûr, que je suis sa meilleure amie. Bien sûr, qu'il m'aime. Il serait le premier à défigurer le suicidaire qui tenterait de m'attaquer.
Oui, je connais Caleb. Quand il est comme ça, c'est qu'il essaie de me pousser à bout. Que je sois morte de colère - contre lui - ou morte de rire - à cause de lui - ça ne fait aucune différence, tant que j'oublie mes problèmes. C'était ça, son but : me changer les idées. Et vu que c'est un mec, il doit me faire passer le message que je lui manque.
Et il me manque aussi. Tous. Terriblement.
+++
Je marche dans l'immense prairie verte du château. J'ai bien fais de me recueillir ici pour réfléchir, me reposer psychologiquement, et...Euh, personne n'a vu l'oxymore, là ? Réfléchir pour se reposer l'esprit ? Aussi con qu'une partie de jambes en l'air pour rester vierge et pure. Pff, je perds la tête...
Je me sens bête. Et seule. (Le principe de se promener sur l'immense praire verte du château, rappelez-vous.)
Nan mais c'est vrai, y a pas un arbre, pas un buisson. Seulement le ciel, l'herbe et nous-même. Et un ballon, paumé au milieu de tout ça.Tiens, ça existe aussi à Narnia ? ... Bah, un coup de pied dans un ballon ne me donnera pas envie de faire un foot ! Je ne risque pas de m'envoler dans un ultime délire enfantin, ça va. Même si je kiffe les ballons. Chut, Emma, tu t'enfonces. Conscience ? Je te croyais morte. Mais bon, les déceptions font partie de la vie.
Roulant des yeux pour ma - stupide - vision des choses, je trottine en tenant ma robe à bout de bras. Euh, je cours ! Ça fait tout bizarre. J'utilise mes jambes autrement qu'en les croisant sur une chaise. Ça me manque ! Là, je me sens libre ! Forte !
Folle.(#JuSeReconnais)
J'ai remarqué que je dis toujours des trucs chelous après une embrouille avec Caleb. Il me saoule vraiment, ce gamin... C'est un peu mon étoile filante, en faite. Une fois qu'il a foutu le camp, mon rêve se réalise. Oww, la méchante... J'aurais du lui dire en face, tiens. Dans sa face de pastèque.
Mon pied droit se lève d'instinct. Je regoûte a des sensations bêtes et vieilles lorsqu'il rentre en contact avec le ballon perdu. Perdu... Oui, comme moi dans cette immense prairie verte. Tu veux être mon ami, petite balle ? Nan, perso, je crois que je préfère un autre type de balle. Vraiment beaucoup plus petite...Petite minuscule, que tu te tires dans la tempe. Pas mal, ça, pas mal.
- Oh, Emma ! Je t'avais pas reconnus, de dos ! Tu veux jouer avec nous ?
Je pivote sur mes talons hauts, mais puisqu'ils s'enfoncent dans la terre à chacun de mes pas, je me tords les chevilles. Bon côté des choses : je peux enfin voir mon interlocuteur. Ou... mes interlocuteurs. En effet, cinq petits garçons aux habits moyenâgeux et plutôt coûteux se dirigent vers moi en courant sur la colline, criant et riant à cœur joie. Le premier d'entre eux, le seul à non pas courir comme n'importe qui mais celui qui me fonce littéralement dessus, est Henry.
- Hey ! Salut, p'tit gars !, lui lance-je en ouvrant le bras, un grand sourire aux lèvres.
Le rayon de soleil qui embellis ma journée. La rencontre qui a changé le court de ma vie. Ça y est, c'est officiel : j'aime les balles, ce gosse et le chocolat chaud de Granny. Je prends Henry dans mes bras. Sa petite troupe de copains s'arrêtent de courir et nous encerclent en souriants, riants, me fixant avec insistance. Savent-ils qui je suis ? Peut-être. Henry incline la tête sur le côté.
- Comment ça va ? Qu'est-ce qu'est ce que tu fais toute seule ici ?
- Je me promène dans mon jardin, et toi ? Tu t'amuses avec des nouveaux copains ?
- Mes premiers et uniques copains, me reprend-il en riant derechef.
Ouah. Dents dévoilés, étoiles dans les yeux, cheveux collés sur les tempes. Il doit jouer comme un fou depuis un bon moment. Je l'ai rarement vu aussi épanoui, mon Henry.
- Je suis contente pour toi.
- Et toi, t'es pas avec tes copines ?
Mon sourire se fige. Héhé, s'il savait...
- Euh, nooon... Je... Bah je voulais me promener seule, pour me calmer.
- Ah oui ? Tiens, c'est vrai que tu paraissais agacée, quand je suis arrivé.
Agacée contre moi-même, la bêtise de ma conscience et l'ignorance du monde quant à mes pouvoirs psychologiques qui me permettent de m'emmêler les pinceaux sans avoir besoin de plusieurs informations complexes : suffit de moi et de mon cerveau pour être carrément embrouillé. Salutation, je cherche la porte, où est-elle ?
- C'est rien, c'est juste que...
- C'est rien ou c'est juste ? Faut savoir !
J'arque un sourcil, et il éclate de rire.
- C'est juste que j'ai vu Caleb tout à l'heure, et il m'a...
- Oh, rien d'anormal, dans ce cas, m'arrête-il en balayant l'air de la main, dédaigneux. Vous n'arrêtez pas de vous chamailler. C'est soit lui, soit Damen - Clark est un peu plus calme, ces temps-ci. T'inquiète, j'ai l'habitude.
- Génial...
Je me stoppe de grincer mauvaisement et suit le regard du petit, qui s'est dirigé vers un de ses camarades. Un garçonnet châtain plus jeune que lui - je lui donne huit ans - ramasse le ballon dans lequel j'ai frappé il y a deux minutes.
- Bon, tu ne m'as toujours pas répondu, soupire Henry en revenant à moi.
- A quel sujet ?
- Tu veux jouer avec nous ?
Je détaille des yeux les cinq petites têtes qui m'entourent. Deux blonds, deux châtains foncés et un vrai brun - Henry. Les deux blondinets ont les yeux tantôt verts, tantôt chocolats, et je trouve que le premier est plus mignon avec ses tâches de rousseurs mais que le second sera certainement plus beau en grandissant avec ses fossettes. Le premier châtain a les yeux bleus ciel - nom de Dieu, tellement magnifique et clairs ! - l'autre les a également verts. Henry est le seul à avoir les yeux gris, mais ils ont tous en commun leurs vêtements qui ne font aucunes différences et leurs sourires trop craquants. Je hoche la tête.
- Avec grand plaisir. Ça va me détendre de frapper dans quelque chose.
- Génial ! Avant ça, laissez-moi nous présenter, intervient le premier châtain, mon coup de cœur aux yeux bleus. Milo de Ginsbourg, fils du Duc de Ginsbourg, Quatrième Royaume ou Forêt Enchantée.
Il frappe l'épaule du petit blond aux yeux chocolats, qui ferme les yeux en souriant et se plie dans une révérence si élégante que j'ai honte des miennes. J'éclate de rire en l'applaudissant.
- Gente dame, plaisante-t-il en prenant une voix haut perchée, et il m'attrape délicatement la main droite en y déposant un petit baiser troooop choux. Je suis votre dévoué serviteur !
- Ow, t'es trop adorable, toi !
Ses copains éclatent de rire. Mon présentateur se racle la gorge de façon théâtrale avant de reprendre où il en était.
- Idriss (Il pointe du doigt le petit châtain parti chercher notre balle.) et Riguel de Pandragon (Il se désigne, non sans sourire comme un psychopathe.), Princes et Dauphins de la contrée de Pandragon du Sixième Royaume, ou Royaume de Kaamelott. Mais vu que c'est moi le plus grand, ça sera moi le premier à accéder au trône !
- Nan, y a Thomas, d'abord !
- Ouais, mais après lui, le trône sera à moi !
- Bah après toi, il sera à moi, grosse limace !
L'enfant si sage et calme que voici tire la langue « le plus fort possible » vers son aîné, qui rejette une mèche de cheveux châtain derrière sur son front. Je ne pourrais les identifier que grâce à leurs yeux : mon présentateur, Rigel, a les prunelles bleus ciel tandis que le petit Idriss les a verts. Mais ils sont aussi mignon les uns que les autres, ces gosses !
- Et vu que personne n'est là pour présenter Gamaliel des Îles-du-Sud, c'est lui qui viendra à vous, Votre Altesse. J'ai onze ans, douze cousins et j'adore le poulet. Vous en voulez un bout ?
Le petit dernier, le blond aux yeux verts, sort de sa poche une cuisse de poulet salis par des peluches de tissu et des petits bouts de papier. Je grimace de dégoût en souriant d'émotion - ce qui doit donner un rictus très, très apeurant.
- Oh, Gamaliel, tu es... très gentil, mais j'ai déjà... mangé. Je n'ai plus faim.
- Pas grave. (Il croque à pleines dents dans la cuisse dégueulasse.) Je vous en garde un morceau.
- Inutile... Ne te prive pas pour moi...
- Bon, cette partie de ballon ne va pas commencer toute seule, hein !, s'agace Henry, muet depuis un long moment, il faut dire. Et toi, mange ta cuisse et nous casse pas la tête. Ma sœur est une Princesse, elle mérite mieux que ça !
- Mais, euh !
- Ta sœur ?, s'esclaffe Milo.
- On se considère tout comme. (Il bombe le torse en souriant de toutes ses dents.) Vous savez, c'est grâce à moi si elle est de retour à Narnia.
Immédiatement, un silence des plus fou s'abat sur la prairie.
- C'est moi qui est allé la chercher à Boston, et..
- C'est quoi, Boston ?
- Une ville des Etats-Unis, réponds-je. Et on dit « C'est moi qui suis... », Henry.
- Et c'est quoi, les Etats-Unis ?
- Un pays d'Amérique !, s'énerve mon petit brun, se redressant ensuite en foudroyant Idriss du regard. Et je disais donc que...
- Que cette partie de ballon ne va pas commencer toute seule !
Juste pour l'énerver en le coupant toutes les deux minutes, je m'esclaffe en prenant la balle la lance en l'air et frappe violemment dedans. Elle s'envole à plusieurs mètres de hauteur et de longueur, si bien que les petits se mettent à crier et rire en courant derrière, bras au ciel.
- Ouaw ! T'es trop super forte, Votre Altesse !
- Je veux trop qu'elle se marie avec un de mes frères, ça serait trop génial !
Choquée, je sursaute en portant un œil amer sur les cheveux blonds de Milo, qui s'éloigne en courant avec les autres.
- Arrête de dire des bêtises !, lance Gamaliel, et je le remercie du fond du cœur de me défendre... Elle se mariera avec mon cousin Hans parce que d'abord il lui a offert un zorse et d'abord elle fait toujours de l'équitation avec, et c'est la Reine Blanche-Neige qui l'a dit à ma Maman, d'abord !
- Moi je vous dis qu'elle se mariera avec Thomas !, lance Rigel, sûr de lui. Pas vrai, Idriss ?
- Baaaah oui !
- OK, le premier à la balle mariera Emma avec un membre de sa famille !
Putain de sa mère...
Cherchant du soutient chez quelqu'un d'autre, je me tourne vers le seul et unique enfant restant, qui n'est pas partit derrière le ballon. L'enfant que je viens de couper avec autant de délicatesse qu'un bûcheron munis de sa précieuse hache. Je dévisage Henry.
- Si t'avais été plus sympa, je les aurais tous doublés et je t'aurais mariée à Damen. Mais bon, j'ai un peu la flemme, tu m'en veux pas ?
+++
- Oups...
On s'agglutine tous autour du sapin, en plein milieu du parc, là où règnent arbres et gazon tondu. J'ai frappé un peu trop fort, et v'la le ballon coincé là-haut. Rigel éclate de rire.
- Emma, t'es une énergumène, soupire Henry, affligé.
- Vous aviez qu'à pas parler de mariage !
- Ah bah oui, on est bête. Ça a du te remplir de joie, et tu t'es pas contrôlée. C'est pas grave, on te pardonne.
Je baisse les yeux sur les enfants, tous concentrés sur leur balle. Le pire, c'est que Rigel paraît tout à fait sérieux, normal, honnête. ILS CROIENT VRAIMENT QUE JE SUIS MORTE DE JOIE ?!? Seigneur, manquerait plus qu'ils aillent dire ça au frère d'un tel ou au cousin de Gamaliel, et tour de magie, pouf ! Me voilà épouse d'un mec inconnu, étrange, trop grand, viril et sûr de lui, couronne sur la tête et maîtresses dans les bras. Dans quoi je me suis fourrée, encore...
- Bon, je propose qu'on fasse un plouf-plouf pour savoir qui va chercher une échelle aux écuries, propose mon frère, mettant son pied en évidence pour commencer le tirage au sort.
- C'est quoi, un plouf-plouf ?
- Moi j'dis, c'est Henry qui y va parce qu'il vit ici et que nous, on connaît pas le château. Je sais même pas où sont les écuries, s'explique Idriss, souriant.
Je les laisse se fâcher entre eux et m'approche de l'arbre. Je tends les bras en l'air - je peux presque attraper la branche. Je hausse les épaules, me recule du tronc de plusieurs pas. Même pas peur, vraiment. Je ne réfléchis pas à ce que je fais : je trouve ça simple, naturel. Combien de fois étais-je de corvée de chercher le ballon lorsque mes petits frères de Stases le bloquaient dans notre grand chêne ? Nos parties de football se sont peu à peu transformées en cours de "grimpage aux arbres", car j'en avais marre de m'y coller à chaque fois.
Pour en revenir à notre époque, je m'accroupis et me démène pour décrocher les sangles qui m'obstruent les chevilles. Je retire mes chaussures bordeaux, me relève et prends mon élan, m'élance, fais deux pas sur le tronc et m'agrippe à la branche au-dessus de ma tête, ce qui a le don de stopper les débits des petits.
- Ouaw ! Emma, comment t'as fais ça ?!
- Je vous avais dis que ma sœur est une warrior !
- T'as pas le vertige ?
- C'est quoi, une warrior ?
- Mais t'es folle ! Tu vas tomber, te briser la nuque et t'auras pas goûter à mon poulet !
« La ferme, les mômes ! ». Et bien sûr, ce ne sont pas de petits Damen télépathes, alors ils n'entendent pas mon ordre et continuent de listener n'importe quoi. J'enroule mes jambes autour de la branche, attrape une autre plus petite juste au-dessus et tire. Aïe, ça pique les cuisses. J'arrive à m'asseoir sur la branche. Les cinq gars sont assez loin de moi pour ne pas voir ce qui se passe en dessous de ma jupe - génial, la meuf qui pense qu'à ça. Je me mets debout.
- Franchement, Emma, tu m'épates, avoue Milo en hochant le menton, admiratif. T'es vraiment pas comme les autres filles.
- Ah ouais ? Parce qu'elles sont comment, les autres filles ?
J'ai pris le ton de la plaisanterie en disant cela, mais en réalité, je rosis secrètement de plaisir lorsqu'il me dit ça.
- Elles ont tellement peur de froisser leurs robes qu'elles bougent à peine !, se moque Rigel en frappant ses genoux, amusé.
- Elles ne marchent jamais dans l'herbe avec des escarpins de peur de les abîmer, poursuit Idriss, et jamais elles ne les auraient retirés que ce soit pour grimper dans un arbre ou pour danser. On t'a vu le soir de la fête, hein !
Ah oui ! Le soir où on dansait avec les filles après avoir retiré nos chaussures. C'était tellement plus confortable ! Souriante, je grimpe précautionneusement entre les branches sans cesser de tendre l'oreille aux compliments de mes admirateurs.
- Et tu ris tout le temps alors que c'est considéré comme mal poli, avoue Milo, hochant la tête. Tu es belle sans maquillage alors que les autres filles s'en tartinent. A se demander si elles utilisent un pinceau ou si elles mettent la tête direct dans le pot.
- Faudrait coller une étiquette « Attention, peinture fraîche » sur leur front, ricane Henry, sardonique.
Je récupère le ballon avec un grand sourire de fierté. Visiblement, grimper aux arbres ne s'oublie pas. C'est comme faire du vélo.
- Et les autres filles mangent pas leurs crottes de nez, termine Gamaliel, et il clos notre discussion en arrachant un bout de viande avec ses dents.
Il insinue quoi, en faite ?
- Eh, je mange pas les miennes non plus, hein !, balance-je, de mauvais poil, entamant ma descente à travers les branches.
- Oh...
- Nan mais t'es complètement crétin ou tu le fais exprès ?!, lui crache Henry, prenant ma défense.
- Attention là-dessous, je l'ai !
Et sans plus prêter attention aux voix criardes trois mètres sous moi, je laisse tomber le ballon. Il passe à travers les branches et...
Une personne qui semble être là depuis un bon moment mais que je n'avais pas vu l'esquive de peu.
Les gamins fixent le nouvel arrivant en prenant une grande inspiration, choqués. Bras dans le dos, il sort de sous les branches et lève des yeux curieux vers moi, qui suis mains sur les lèvres, pétrifiée. Fallait que ça m'arrive à moi, hein ! Fallait qu'un beau gosse de vingt ans minimum passe sous mon arbre exactement à l'heure où je suis perchée dedans ! Pff, triste hasard, méchante poisse...
Un ultime visage se décroche des branchages et se poste à côté du beau gosse aux cheveux bruns qui me fixe. Mais cette fille là, je la connais. Elle me regarde et se racle la gorge afin de se retenir d'hurler de rire.
- Hum, Votre Altesse, je vous présente Thomas de Pendragon, Prince et Seigneur de plusieurs terres du Royaume de Kaamelott..., présente Greer en me lançant un regard assez... amusé ?
Ma mâchoire se décroche. Un Prince, putain, un Prince ! J'ai faillis agressé un Prince avec un putain de ballon de merde !
- Thomas, voici Emma, Dauphine du Quatrième Royaume, termine mon amie en me désignant de la main, sourire aux lèvres.
Son ami se plie dans une révérence distinguée avant de se redresser. Et là, un sourire craquant se forme sur le coin de ses lèvres. Mon regard dévie vers mes cinq alliés : ils se sont éloignés de plusieurs pas, fixant la scène avec la même expression : « On a envie d'éclater de rire vu la situation, mais on préfère voir quelle gaffe elle va encore nous sortir. » Lâcheurs !
Je fais un petit coucou à Thomas, Prince de Pendragon.
- Hey... Bonjour !
- Grimpez-vous souvent aux arbres, Votre Altesse ?
Oh la vache, la voix ! Grave - non, HYPER grave - rauque, sexy, vraiment... Aïe, je fonderais presque si la voix la plus parfaite à mes yeux n'était pas celle de Damen.
- Euh... Non, non non ! Je... J'étais monté dans l'arbre pour chercher le ballon des enfants...
- Qui l'y avait coincé ?
- Hum...
- EMMA !
Et cinq index accusateurs se tournent vers moi. Fusillez-moi tout ça !
Greer baisse la tête et se cache derrière ses cheveux blonds, croyant peut-être que ça m'empêchera de l'entendre rire. Rouge de honte - je dois avoir la couleur de ma robe, maintenant ! - je souris faiblement à Thomas tandis que son sourire à lui s'authentifie, dévoilant une rangée de dents blanches et droites.
- Cela ne m'étonne guère, susurre-t-il, réellement amusé par ma retenue et mes joues en feu. Vu d'ici, on croirait bien que la Forêt Enchantée attaque Kaamelott sans même qu'il vous ait provoqué.
Je ris nerveusement.
- Héhé... Euh, retournez-vous, que je puisse descendre !
Un sourire en coin s'affiche sur ses lèvres. Tous les gamins éclatent de rire.
- Greer, tu veux bien le prier de se retourner ? Comment descendre s'il regarde sous mes jupes ?
Ma remarque a le don de faire hurler de rire toutes les personnes présentes sur cette pelouse. Les enfants reviennent sous l'arbre en sautillant autour de Thomas, qui daigne enfin se retourner. Rigel et Idriss le prennent dans leurs bras. « Thomas de Pendragon... Rigel et Idriss de Pendragon... » Qu'est-ce que je suis gourde ! Ils sont frères !
- Thomas, tu aurais du voir Emma lorsqu'elle jouait au ballon !, lui lance Idriss, tandis que son grand frère le porte dans ses bras.
- Ah oui ? Et qu'ai-je raté ?
- Dès qu'on a parlé de mariage, elle était tellement contente qu'elle nous a tous doublé à la course ! Elle a même battu Milo !
- J'assume, j'assume, déclare l'intéressé en levant la main.
Bah oui, vu que Henry ne voulait pas chercher le ballon, il était hors de question que je laisse ces petits gagner. Y a que moi et moi seule qui déciderait avec qui me marier, non mais ! Rigel s'accroche à la jambe de son grand frère.
- Je t'en supplie, Thomas, épouse-la ! Épouse-la, elle est trop marrante !
- A ce point ?, s'intéresse-t-il soudainement, dévisagent son petit frère.
Wo putaiin, j'ai raté une branche ! RIGEL, TES CONNERIES ONT FAILLIS ÊTRE LA CAUSE D'UNE CHUTE MORTELLE !!!
- Nan, elle est à mon cousin Hans, d'abord !, intervient Gamaliel, et il termine enfin sa cuisse de poulet en envoyant l'os rebondir sur le tronc. Parce qu'il lui a offert un cheval et qu'elle aime le poulet !
« VOS BOUCHES, PUNAISE !!! Lui donnez pas l'idée de tomber amoureux de moi, j'ai Damen, merde ! » Tandis que Greer éclate de rire avec les enfants, tous semblant pétiller de joie autour d'un Thomas conquit - par eux, j'espère... - je réussis enfin à descendre. Ils se retournent lorsque je suis encore pendue par les bras. Je me lâche, et une fois mon équilibre recouvrée, je fais fasse au Prince en m'essuyant les mains.
Putain, je le voyais pas aussi grand... Il me domine d'une tête et demi ! Thomas repose Idriss sur le sol, qui ramasse son ballon et retourne gambader dans la prairie, suivit des autres enfants, et me laisse seule avec Greer et son nouvel ami. Peut-être espère-t-elle plus avec lui ? Je lui demanderais après.
- Altesse, me salue-t-il une nouvelle fois, et je découvre qu'il est aussi plus beau vu de face, je me réjouis de vous voir enfin sur la terre ferme. Vous êtes donc si enthousiaste à l'idée de vous marier ?
- Euuuh... Je suis encore un peu jeune, non ?
- Cela dépend de votre âge. Dix-sept ans, peut-être dix-huit ?
- Seize...
Je me racle la gorge, rougissante. Il hausse des sourcils admiratifs.
- Je vous en aurais donné plus. Eh bien, vous avez tout à fait l'âge de devenir une épouse. Les Princesses se marient souvent autour de quatorze ans.
Glups...
QUATORZE ANS ?!?!
Je me contente de rire nerveusement en baissant les yeux. Greer me couvre d'un regard maternel, protecteur. Comme si j'étais la petite sœur maladroite qu'elle présente à son fiancé. Un fiancé qui, d'ailleurs, se tourne vers elle et lui attrape la main. Il dépose un rapide baiser dessus.
- Greer de Kinross, je crains devoir vous délaisser car le devoir m'appelle au château. Une réunion entre monarques ; le Prince James tenait à profiter de notre présence pour établir un plan d'attaque contre le Royaume des Trolls. Mais je vous laisse en charmante compagnie, ajoute-t-il avec un clin d'oeil, et bien sûr, il parle de moi. J'ai déjà hâte de vous retrouver ce soir. Prions pour que l'après-midi s'achève enfin.
- Avec grand plaisir, Thomas.
Elle lui offre une révérence et un sourire lumineux. Puis Thomas pivote lentement vers moi, le regard énigmatique. Non, ignore-moi, ignore-moi, ignore-moi...
- Votre Altesse, j'ose espérer vous revoir très bientôt. Votre sourire enjôleur risque de cruellement me manquer.
Merde, merde, merde...
Greer a des étoiles dans les yeux, des papillons dans le ventre, des bourdons dans les oreilles et une rose entre les dents, bref, tout ce que vous voulez pour décrire une meuf amoureuse. Tellement amoureuse qu'elle vient de zapper le premier manège qu'on apprend à la Cour...
Lorsqu'un mec est en compagnie de deux filles, c'est toujours la dernière qu'il salue qui lui plaît le plus.
- Oui, j'espère aussi vous revoir... Thomas.
Mensonge.
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