Chapitre 17 : Derniers Préparatifs

Salut, les plus belles !

Désolé pour ce reprochable retard, mais croyez-moi, je fais tout mon possible pour que l'histoire avance ! Les événements les plus importants arrivent... gardez ça en tête, et bonne lecture à toutes !

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Samedi 1er Septembre 2014, 18h36

Palais Royal du Quatrième Royaume, chambre « Rose » de la Tour Est

Dernier étage.



Mon cher journal,

Je n'ai jamais éprouvé le besoin de tenir un journal intime, mais aujourd'hui, c'est différent. En faite, j'ai besoin de parler à quelqu'un qui écouterait ce que j'ai à dire sans commenter chacune de mes phrases, et qui ne le répéterait pas à tout le monde. Et quelqu'un qui ne me donnerait pas de conseils nuisibles qui me pourriraient la vie, ou alors de bons conseils dont je me méfierais, et qui me pourriraient donc aussi la vie.

Vu que les gens aussi parfaits ne semblent pas exister, j'en reviens à toi.

Il est dix-huit heure trente-six à l'heure où j'écris. Caleb est partit depuis plus de deux heures, et son absence se fait déjà cruellement ressentir. Il m'apaise beaucoup, et je pense que c'est dû au fait qu'il soit frère avec Damen. Quand je suis avec lui, j'ai l'impression d'être avec mon petit-ami. Ça doit être ça qui me fait du bien.

Bref. Ce que je voulais dire, c'est qu'après son départ, j'ai beaucoup parlé avec les filles. Lola s'est excusée de sa conduite concernant sa liaison secrète avec un dénommé Colin, elle est fauchée par les remords. Je lui ai dis que ce n'était rien, mais elle a ignoré. Toute la journée, elles ont cherché un moyen de me faire comprendre qu'elles tiennent beaucoup à moi en tant qu'humaine et pas seulement parce que je suis une Princesse. Elles se sont cachées dans ma chambre pour me faire une surprise lorsque je rentrerais du déjeuner, mais Caleb est arrivé, et elles ont dû rester cachées...

Et encore bref.

Après avoir discuté de tout ça, elles sont allées se changer dans leurs appartements, et j'en ai profité pour ranger mon bureau – je ne tiens pas à laisser une femme de ménage le faire. C'est là que je suis tomber sur un gros livre poussiéreux aux pages vides et jaunis. C'était toi – ne te vexe pas, je t'en prie.

A dix-huit heure cinquante, j'étais changée, propre et parfumée, prête pour le dîner. On est descendu toutes les cinq en bas, rieuses et discutant de tout et de rien. Je vais super bien, quoi. Mais dès que j'ai rencontré le regard de ma mère, je me suis rappelée pourquoi mes amies essayent de me remonter le moral...

- Bonsoir, Emma, me salue-t-elle assez froidement, distante, comme si j'étais une connaissance comme n'importe quelle autre.

Je la regarde avec un air un peu surpris, mais me reprends vite.

- Bonsoir.

Je lui adresse ensuite un hochement de menton respectueux, comme si elle était une femme influente que je viendrais de rencontrer. Je joue son jeu, quoi. Kenna me met un coup de coude pour que je me ressaisisse, et on s'installe toutes les cinq. Kenna et Aylee à ma droite, Lola et Greer à ma gauche. Et je suis en face de mes parents.

Ils paraissent perturbés par ma conduite, et aussi par le fait que je me sois installée avec mes domestiques au lieu d'être à côté d'eux. Une poignée de serviteurs nous tournent autour, déposant sur la table des dizaines de plats chauds ou froids, des viandes ou des fruits, des grosses corbeilles à pains et des bouteilles de vins.

Le repas commence, et j'affronte ma mère des yeux depuis déjà dix minutes.

- Comment s'est passé ta journée ?, me demande-t-elle d'un ton neutre, découpant sa viande sans me quitter des yeux.

Je remarque que sa goûteuse a déjà manger quelques morceaux de veau avant que ma mère ne s'en serve.

- Très bien. Pleine de révélations, dis-je.

Mon cher journal, crois-moi, je n'oublierais jamais cet épisode : mon père qui cesse de mâcher ses légumes et qui lève ses yeux bleus vers moi, puis vers ma mère, comme si les « révélations » dont je voulais parler sont en rapport avec le mariage forcé qu'ils projettent.

Blanche-Neige arrête les vas-et-viens de son couteau. Elle relève la tête vers moi, et ses yeux bruns-verts prouvent qu'elle paraît perturbée par mes mots.

- Emma, souffle Lola à ma gauche, prévenante.

A ma droite, Kenna me met une petite tape sur le genou. Puisqu'elles ont surprises ma conversation avec Caleb, elles savent de quoi je parle. J'enquiquine mes parents pour qu'ils crachent le morceau.

- Ah oui ?, s'enquiert ma mère, le ton mal assuré.

- Oui, réplique-je sèchement.

J'aurais aimé les avertir de la visite de Caleb, ça leur aurait fait plaisir, mais le prétendu mariage qui s'organise dans mon dos m'en empêche. Extérieurement, je souris avec amabilité et croque mes courgettes comme si de rien n'était. Mais intérieurement, mon corps est un volcan en éruption.

- Et je peux savoir lesquelles ?

- Mais bien entendu. (Je pose mes coudes sur la table, puis mon menton sur mes mains. Du coin de l'œil, mes amies me surveillent.) Le bruit court qu'une grande fête se prépare en mon honneur, et je ne suis même pas prévenue.

- J'en étais sûr, maugrée mon père, l'air agacé.

Il pose ses couverts sur la table et s'étire, risquant même de faire tomber sa couronne. Il m'a laissé la prendre dans mes mains, une fois. Et croyez-moi, elle pèse son poids.

A côté de lui, ma mère paraît plus calme, moins surprise. Elle continue son repas comme si la conversation n'avait pas eu lieu, et mange bouchée par bouchée sans tenir compte de mes yeux indiscrets. Au moment où elle parle, c'est juste pour prier les domestiques de se retirer, et je réalise qu'ils s'étaient tous arrêtés autour de notre table.

- Et c'est pour ça que tu es d'humeur si charmante, conclut-elle sévèrement.

J'aimerais lui dire que mon humeur est massacrante à cause des réelles intentions de cette fête, mais je n'ai pas envie de parler de mon mariage prochain maintenant. Jusqu'à preuve du contraire, je les vois très rarement. Même s'ils m'énervent, ils restent mes parents et des gens qui me manquent, et je ne veux pas gaspiller les quelques minutes quotidiennes qu'on passe ensemble avec des cris et des pleures.

- J'aurais voulus être tenue au courant, c'est tout.

- C'est tout ? Et pourquoi ? Tu voulais préparer des cartons d'invitation ?

C'est moi, ou les cartons d'invitation ont un double sens ?

- Je voulais savoir pourquoi vous n'étiez jamais là.

- On en a déjà parlé, me rappelle Papa. Et la fête n'est que pour dans seize jours, tu as encore le temps.

- Mais je veux tout savoir tout de suite.

Il ne s'est même pas agacé. Ni lui, ni ma mère. Ils se sont contentés de se regarder en même temps, de poser leurs fourchettes en même temps, de boire une coupe de vin en même temps. Aylee se racle la gorge, ce qui attire mon attention : en me tournant vers elle, je rencontre ses yeux furieux et ceux de Kenna – même expression, évidemment.

- Très bien, m'accorde le Roi James, hochant le menton. La fête aura lieu le dimanche 17 septembre mais ne commencera qu'à dix-huit heure.

- Quel intérêt de commencer une fête à dix-huit heure ? C'est l'heure du dîner.

- Ce ne sera pas un jour comme les autres, me coupe ma mère.

Bizarrement, elle paraît encore plus posée que tout à l'heure. Sa voix douce et calme commence à réapparaître, et un minuscule sourire se dessine aux creux de ses lèvres. Alors la Reine n'est pas toujours cette personne froide et distante qui me fait face depuis quelques jours. Ma mère existe encore ! Hourra !

- Sais-tu ce qu'est un sacre, Emma ?

Je ne m'attendais pas à ça. Ni moi, ni mes amies, d'après leurs visages. Kenna est la première à se tourner vers moi, si heurtée que sa pomme de terre en sauce tombe de sa cuillère, en suspens face à ses lèvres entrouvertes. Les yeux bruns-verts de ma mère prennent une allure incendiaire. Ils se plantent dans les miens, brûlants d'attention, et patientent. Mon cerveau met du temps à formuler une réponse.

- Bah... (Je me retourne vers mes parents.) Tu entends par-là le sens... Enfin, le sacre de Napoléon, par exemple... C'est ça, quoi...

- C'est une longue cérémonie qui officialise la venue au monde d'un Dauphin Royal. Je vais t'expliquer, ajoute-t-elle en voyant ma tête choquée, et un franc sourire se dessine sur ses lèvres. Dans les familles royales, ont appelle dauphin ou dauphine le futur Roi ou la future Reine d'un Royaume.

Tiens, maintenant, ça me dit quelque chose ! Il me semble que j'ai lu une fable française écrite par un certain Jean De La Fontaine, un jour. Elle s'intitulait « Dédicace à Monseigneur le Dauphin » et était donc adressée au Dauphin de France, fils de Louis XIV. Déjà à l'époque, j'avais compris que « dauphin » était le nom attribué aux héritiers légitimes d'un trône.

- Pour accéder au trône, reprend-elle, il faut que tu sois baptisée et sacrée Dauphine du Quatrième Royaume. Le baptême à lieu dès la naissance, et le sacre à dix ans.

Et sachant qu'à ma naissance, j'étais dans une Armoire et à mes dix ans, j'étais le souffre douleur des Laurens...

- On est en retard, déglutis-je.

Elle me sourit en haussant les épaules.

- Ce n'est pas un gros problème. Dimanche, tu seras sacrée Dauphine dans la Cathédrale de Folsence. Ni baptême, ni communion : juste cette Cérémonie. A part celle-ci, ton mariage et tes funérailles, tu n'en célébreras plus. Tu comprends ?

- Oui.

En faite, je sais déjà tout ce qui va se passer, ils n'ont pas besoin de me l'expliquer. J'ai été passionnée par le Moyen-âge et ses mystère durant une bonne période de ma préadolescence, comme si je me doutais que ça faisait partit de celle que je devais être. La Cérémonie du Sacre se déroule en trois parties : les préparatifs, le sacre et la fête. On va me faire toute jolie – et j'imagine que j'aurais droit à une robe de mariée pour l'occasion – et j'arriverais dans l'allée de cette Cathédrale sous le regard des centaines d'invités. 

Je vais devoir poser ma main gauche sur la Bible, dresser la droite en l'air, et vais prêter serment.

A partir delà, je serais officiellement l'héritière légitime du trône. A partir de là, si mes parents viennent à mourir, il n'y aura pas d'autres cérémonies : je serais directement Reine du Royaume. Cette Cérémonie va en faite me donner encore plus de valeur, plus de pouvoir. Me rendra plus désireuse. Et lors de la fête qui suivra, j'aurais une montagne de prétendants sur le dos. Des gens qui ne me connaîtront pas mais qui, à cause de mon rang, rêveront de m'épouser.

J'ai jeté un coup d'œil de biais à mes parents. Oui, cher journal : ils m'aiment et veulent réellement me voir avec une couronne sur la tête.

Mais si j'avais la bague au doigt, ça les arrangerait aussi.



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Jeudi 6 Septembre 2014, 14h10

Palais Royal du Quatrième Royaume

Jardins Sud



Chère Iliana,

Ne me demande pas pourquoi je t'ai appelé ainsi. Je trouvais qu'Iliana était un joli prénom. Et comme tu ne peux pas contester – l'avantage  d'avoir une amie objet – tu t'appelleras dorénavant Iliana.

Je sais, j'aides tendances schizophrène.

Cinq jours après ma petite altercation avec mes parents, j'en suis toujours au même point avec eux. On fait partie d'une race mono-syllabique : bonjour, ça va ? Bien, passe-moi le sel. Nos discussions s'arrêtent là. Bien sûr, tout le monde rêverait de ne pas avoir ses parents sur le dos à longueur de journée, mais moi qui aie été orpheline, je peux vous dire que ça vous procure un grand sentiment d'angoisse. C'est psychologique, cherchez pas. Faut le vivre pour le comprendre.

- C'est quoi, ça, c'est de la mangue ?

Kenna tend la main vers le morceau orange qui l'intrigue. Les cuisinières ont été gentilles de découper plusieurs fruits et de les rassembler dans une assiette, mais maintenant, on ne s'y retrouve plus.

- De la papaye, lui répond Greer.

J'observe moi-même le fruit en question sans me concentrer sur ce que je fais – je me retiens d'éclater de rire.

- T'es sûre ? Nan, c'est pas de la papaye...

- C'est du melon, banane !, m'incruste-je, moqueuse.

- Un peu de calme, je vous prie. Votre Altesse, veuillez vous concentrer, me gronde Madame Bovary.

Greer se tourne innocemment du côté droit du canapé et pouffe de rire. Pas du tout discrète, évidemment. Madame Bovary lui lance un regard meurtrier, ce qui fait étouffer Kenna avec son fruit mystère. L'action déclenche les rires de Lola, d'Aylee et... de moi.

Je n'aurais jamais cru qu'un court de harpe puisse être aussi amusant.

Nous sommes en plein cœur des jardins Sud du château, et l'endroit est paradisiaque. Il y a une véranda en plein cœur de la forêt aux milles arbres différents, et les chemins sont bordés de fleurs hautes et magnifiques que je n'ai jamais vu. Greer et Lola sont installées dans un canapé de velours sous la véranda, Kenna est assise sur une marche, pieds nus dans l'herbe, et Aylee joue avec les colombes. Oui, j'ai des colombes ! C'est un cadeau que j'ai reçu hier du Roi Arthur.

Arthur de Kaamelott, les gars !! Arthur de la Table Ronde !! Si c'est pas du lourd, ça !

- Pas une seule des notes n'est juste, se lamente ma professeur de musique, malheureuse.

C'est vrai que je ne lui offre pas une vie des plus enthousiastes.

- Madame Bovary, soyez indulgente !, lui lance Lola en avalant deux raisins verts. C'est son premier court de harpe.

« Et Dieu sait que j'aimerais que ce soit le dernier. », me dis-je en baissant le nez pour éviter de croiser le regard de la femme, sans quoi je hurlerais de rire.

Pour vous la décrire, Madame Bovary doit avoir un peu plus de trente ans. C'est une femme très ronde aux joues énormes et roses, aux petits yeux gris et à la perruque blanche si démesurée qu'elle se dandine comme un pingouin lorsqu'elle marche pour éviter qu'elle ne tombe.Sa robe en dit long sur sa personnalité : trois cent nœuds et morceaux de tissus bordés de froufrous et de dentelles, des couleurs très voyantes, des perles absolument partout, un gros colliers, des grosses boucles d'oreille, des chaussures à gros talons... et de gros doigts boudinés qui, lorsqu'ils s'abattent sur les cordes de ma harpe, me donne l'impression qu'ils vont les casser.

Elle s'appelle Catherine de Bovary, ou la blague vivante du château.

- Cessez donc de rire comme une autruche, vilaine enfant !, s'agace-t-elle en frappant le genou de Kenna avec un mouchoir en dentelle.

Sa voix partie dans les aigus déclenchent les rires d'Emma. Euh... Ah oui ! C'est moi !

- Et vous, jeune fille !, se retourne-t-elle contre ma personne. Concentrez-vous donc sur vos doigts maladroits !

Incapable de me calmer, je lui fais oui de la tête avant de la plonger entre mes mains. Rouge et suffocante, je peine à respirer. Chaque fois que j'ouvre la bouche pour reprendre ma respiration, ce sont des rires qui en sortent.

- Impertinente !

Punaise, la voix, wesh ! Vous connaissez Adèle Webber de Grey's Anatomy ? Combinez-la avec Alvin et les Chimpmunks, et vous verrez ce que ça donne.

Mes amies me rejoignent à gorge déployée dans mon délire.

- Assez, Mesdemoiselles !

Impuissante, la femme se frappe les genoux de manière si pathétique que Greer en tombe presque du canapé. Je baisse le menton et ferme fort les yeux et la bouche, mais des larmes de rire coulent quand même sur mes joues. Kenna est inconsolable, roulée dans l'herbe, frappant le sol de son poing droit en riant comme une dingue. Les trois autre ss'étouffent dans les coussins du canapé. Je ne peux pas mieux décrire la scène, désolée... Mais essayez de vous représenter le plus gros fou-rire de votre vie.

- Dans quelques jours, vous vous pavanerez devant toutes les personnes les plus influentes et importantes des Dix Royaumes réunis !, me crie-t-elle d'un ton patriotique, furieuse. Pensez-vous qu'ils auront bonne impression de notre Royaume lorsqu'ils vous verront ? Non connaisseuse des arts, des langues, des bases en Histoire ? Ils vous trouveront bien sotte, ma chère !

- Oui, Madame, pouffe-je, à peu près calmée.

Il y a du vrai dans ce qu'elle dit. Mes dames d'honneur et moi aurons obligation de faire la connaissance de tous les invités lors de cette Cérémonie – et lors de toutes les fêtes auxquelles nous assisterons toute notre vie, d'ailleurs. Et si, le jour où je suis la reine de la soirée, les gens viennent me parler et se rendent compte de mon incompétence en harpe, de mon ignorance en Histoire, de ma nullité en latin ou de mon handicape en broderie, les premiers touchés par mon image désastreuse seront mes parents. Et mon peuple. Mon Royaume.

Je ne le permettrais pas.

- Non, Madame. Non, je ne ferais pas honte à mon Royaume.

Je mets un peu de temps à me rendre compte que c'est moi qui aie parlé.



Dimanche 9 Septembre 2014, 17h25

Palais Royal du Quatrième Royaume

Cour intérieure



Chère Iliana...

- AHHH !!!!

- Redressez-vous, Altesse ! Redressez-vous !

- Mais j'peux pas, je vais tomber ! J'vais tomber, j'vais tomber, j'vais tomber ! Ahh !!

Mes cris stridents résonnent contre les murs d'enceinte du château. Je suis en plein cœur de la cour intérieure, c'est-à-dire la seule où tous les domestiques ont autorisation d'accès. La cour centrale est réservée aux carrosses, lorsque des invités arrivent, mais c'est à côté de la basse-cour que Monseigneur Gaillot a décidé de me donner ma première leçon d'équitation.

C'est un massacre.

Autour de moi, l'attention m'ait entièrement destinée. Une vingtaine de domestiques quittent les grandes portes en bois face à moi – celle qui mènent à la basse-cour – pour pouvoir venir profiter du spectacle. Quelques charrettes commerçantes passent, remplies de légumes, mais mes plus grands spectateurs sont mes parents et mes dames d'honneur. Le couple royal est installé sur une terrasse dans des « trônes de jardin », à l'ombre sous une toile. Mes amies, juste en face d'eux mais en bas des marches, m'observent avec inquiétude. Mais mes parents sont morts de rire.

Ils doivent croire que je ne risque rien. Ces crétins.

- Arrêtez ! Arrêtez le cheval !, hurle-je d'une voix chevrotante, terrorisée.

La bête de foire déchaînée sur laquelle j'ai eu le malheur de m'asseoir court à toute allure dans la cour, formant des boucles plus ou moins large, mais avec une vitesse croissante. Il s'appelle Comète – demandez-vous pourquoi ! – et vient tout droit des Îles-du-Sud, une archipel non lointaine gouvernée par un certain Prince Hans qui m'en a fait cadeau. Oui, entre ce cheval endiablé, mes seize colombes et la multitude de robes et de bijoux que j'ai découverte à mon arrivée, on peut dire que mes admirateurs ne cessent pas de me gâter. Et ce sera pire à partir de la Cérémonie du Sacre...

- Ne me parlez pas à moi, Votre Altesse ! Parlez au cheval !

- A l'aide ! Au secours ! Ahhh !!

Il est con, ce maître écuyer ! Et mes parents qui ne font rien ! Je vais porter plainte pour non-assistance à personne en danger !

J'essaie de me décoller de Comète, mais c'est carrément impossible – j'ai trop peur. Alors, je me concentre seulement sur lui. Il est carrément canon, je dois l'admettre. Ce n'est pas une pure race. Ce n'est pas un cheval de course, ni un cheval de militaire. Dit comme ça, il ne devrait intéresser aucun souverain de Narnia, mais voilà... Il est unique. C'est le seul de sa catégorie, le seul représentant de sa race : un zorse, comme on appelle ça. Un cheval croisé zèbre. Ce qui fait que son pelage caramel est zébré de fines bandes noires magnifiques et assorties à sa crinière et aux chaussettes qu'il a aux pieds – façon de parler, bien sûr.

- Comète, dis-je de la voix la plus basse que je peux – mais ça ne ressemble pas à un murmure pour autant. Comète, calme-toi...

Déchaîné à une vitesse hallucinante, il s'arrête d'un coup.

Le con.

Je perds le contrôle, mes mains inutiles cherchent les rennes, mais ça ne m'empêche pas de basculer en avant. Je tends les mains pour ne pas m'étaler – résultat, mes gants sont remplis de terre. Et je fais une roulade avant des plus pitoyable.

Tout le monde, absolument tout le monde rit. Même ce crétin de cheval, ma parole !

- Et la peur de me voir me casser un bras, elle existe ?, m'emporte-je d'un seul coup.

Ma phrase assez violente ne diminue en rien leur rire, ni n'atténue le feu de mes joues. Rouge de honte, je me relève – seule, car je repousse le maître écuyer – et m'époussette moi-même mes vêtements. Pour vous décrire mes vêtements, ça n'a rien d'une balade à cheval d'une princesse, tout en robe pompeuse et en ombrelle : j'ai ENFIN retrouvé le bonheur d'être dans un pantalon, bien que ce soit un slim. Il est blanc (du moins, il l'était), mes bottes montantes jusqu'aux genoux sont noires, assorties à la cravate de clown que je suis forcée de porter. J'ai des gants blancs, une chemise blanche cachée sous une veste bleue avec un nœud discret dans le dos, le même qui retient mes cheveux en queue de cheval haute.

- Ma cravache, réclame-je d'une voix autoritaire en tendant la main vers le maître écuyer.

- Avec tout le respect que je vous dois, Votre Altesse, votre chute ne justifie pas de battre votre...

- Je n'ai pas l'intention de le battre !, le coupe-je sur un ton pas très bien mesuré – en faite, carrément hostile. J'ai envie de recommencer.

Masochiste ? Non. Juste complètement humiliée, et désireuse de remettre debout le peu de dignité qu'il me reste.

Sans l'aide de quiconque, je m'approche du bout-entrain et rentre mon pied dans l'étrier, me projette en l'air, passe ma jambe sur la scelle et m'assieds. A peine redressée, Comète cabre dans un hennissement agressif avant de se lancer sur la piste. Je me raccroche aux rennes et les sers comme si ma vie en dépendait... ce qui est à peu près le cas, d'ailleurs.

- Comète ! Comète, au pied ! Au pied !

- Au pas, Votre Altesse !, me lance le blondinet, loin derrière.

- Ouais, au pas, au pied, c'est pareil... :

- Trouvez-vous qu'un cheval et un chien soient pareils, Altesse ?

Et croyez-vous que vos cours de philosophie m'aident beaucoup, lorsque je frôle la mort à cause d'un cadeau piégé ?

Serrant les dents comme une furie, je m'imagine à quoi peut ressembler le responsable de tout ce cirque. C'est sûr, ce Prince Hans ne mérite pas de m'avoir comme épouse ! Un mari incapable de veiller sur l'entière sécurité de sa femme n'est pas un bon mari. D'ailleurs, maintenant que j'y pense, Damen piquerait une crise de nerfs s'il savait que je suis montée sur un cheval...

Un court instant, je me le représente d'une manière nouvelle.

Je pense à une Cathédrale remplie à craquer d'invités vêtus de blancs, tous excités et les yeux figés sur un couple, devant l'autel. Je m'imagine dans une robe de conte de fée, un voile cachant mon visage, des larmes de joie roulant sur mes joues. Je m'imagine de dire « oui », et l'instant suivant ,l'adolescent blond au sourire ému face à moi devient mon mari.

J'en frissonne.

- Altesse.

Je sursaute. Au moment où ma conscience remarque que cette voix est apparue assez proche de moi, contrairement à celles du maître écuyer ou de mes parents, l'automatisme de tourner la tête vers la droite se déclenche. Un homme en armure légère – un garde –chevauche une monture blanche à la crinière noire et taillée courte. A ma gauche se trouvent les copies conformes des deux.

Qu'est-ce que ces deux gars fichent en plein milieu de mon cours d'équitation ?Je tire les rennes de Comète. Il était au pas : maintenant, il s'est complètement arrêté. Les gardes se stoppent, me prenant en sandwich entre eux.

- Qu'y a-t-il ?, dis-je.

- Vous attendiez de la visite ?

- Absolument pas.

Ils se lancent un regard entendu.

- Pourquoi ? Quelqu'un me réclame ?, enchaîne-je aussitôt.

- Un jeune homme blond inconnu du château, Votre Altesse.

Tous mes muscles se crispent. Mon cœur cesse de battre. J'arrête de respirer.

Il est là.



+++



Vous n'avez aucune idée du bonheur qui me submerge depuis dix minutes.

Il est là.

Je sprinte comme une tarée à travers le couloir central de la Tour Ouest. Ce que j'adore le plus en équitation, ce sont les slims. Doux, souples, parfaits, mes jambes se sont glissées dedans d'une façon très fluides, tout à l'heure. Et maintenant que je sais qu'il est là, mon plaisir d'être si à l'aise dans des vêtements se poursuit. Mes jeans et mes shorts me tournicotent un centième de seconde dans la tête. Mes robes trop lourdes me tapaient sur le système. J'ai l'impression d'avoir perdu cinq kilos. Et puis, qu'est-ce que ça m'a manqué de courir ! Un bon sprinte brûlant les poumons, réveillant nos sens, déclenchant une montée d'adrénaline.

Mais l'instant suivant, toutes les particules de mon corps ne sont concentrées que sur une seule chose. Sur le véritable responsable de mon adrénaline.

- Salon de thé, salon de thé..., répète-je, inlassable, tandis que mes yeux balayent toutes les portes devant lesquelles je passe.

Il est dans le salon de thé de la Tour Ouest, m'ont-ils dit. Je ne décrirais pas les émotions qui m'ont submergées à cet instant.C'était... Ouah. C'était bon. Je n'ai pas cherché à comprendre : j'ai abandonné Comète, le maître écuyer, mes parents et tous les domestiques curieux. Une seconde, j'ai regardé mes dames d'honneur avec comme pensée qu'elles vont vouloir me suivre. Et je n'avais pas envie de leur présenter Damen. Il est de retour, je n'allais pas gâcher nos retrouvailles ! Mais de toute façon, elles se sont toutes volatilisées, alors ça m'a arrangé.

Je freine au bout du couloir. Droite ou gauche ? Je choisis la droite, car une servante portant dans ses bras un plateau d'argent se  trouve au bout.

- Madame ! Madame !, crie-je en la rejoignant.

La jeune femme au chignon blond couvert de la traditionnelle coiffe des servantes se tourne vers moi. Elle fronce les sourcils. Mes bottes, mon pantalon et ma veste crasseuse ne doivent pas lui plaire. Après un court instant de méditation, une étincelle brille dans ses yeux.Confuse, elle s'empresse de plier les genoux dans une révérence appuyée.

- Oh ! Votre Altesse, veuillez m'excuser, je ne vous avais pas...

C- e n'est pas grave. Où se trouve le salon de thé de cette Tour, s'il vous plaît ?

Elle se redresse en fouillant dans mes yeux. Les siens sont d'un vert étincelant. Je me rends compte qu'elle est choquée que je lui aie dis « s'il vous plaît ».

- C'est urgent, m'agace-je, pressée.

- Oh, euh... je m'y rends, justement.

- Parfait !

Je trépigne presque sur place. Voyant mon impatience, elle sourit, se détourne, reprend sa marche avec plus de rapidité que tout à l'heure. Je me demande un court instant pourquoi Damen aurait réclamé une domestique. Puis... mon sourire béat commence à s'effacer. Son plateau est couvert d'une grande théière en argent, d'un sucrier, de trois tasses de thé et d'une assiette immense contenant une vingtaine de biscuits. Damen n'aurait jamais prit la peine de faire apporter de la bouffe – pour les esprits éloignés, je rappelle qu'il est un vampire. Et qu'est-ce que la troisième tasse fiche ici ? Mes doigts tremblent tellement que j'arrache mes gants – plus terreux que blancs, maintenant.

- C'est ici, Votre Altesse.

La domestique se stoppe devant une porte. Elle ne prend pas la peine de frapper, puisque c'est la propriétaire du château qui l'accompagne. Je la bouscule presque lorsque je rentre. Au premier abord, il n'y a personne – juste des canapés, des fauteuils, beaucoup de décorations et une cheminée. Pendant la millième de seconde qui suit, je me dis, avec de l'espoir, que Damen est venu avec Henry. Ou Clark. Ou même Caleb, qui sait, ce qui justifierait la présence de l'ultime tasse de thé.

Mais l'instant suivant, je tourne la tête sur la gauche. Et je les vois.

Le visage entouré de deux mains blanches, Lola embrasse rapidement leur propriétaire. Elle essaie de se dérober, car ici, on n'embrasse pas n'importe qui comme ça. Lui ne l'entend pas de cette oreille : il l'attire à lui d'une façon si romantique que j'en grognerais presque de jalousie.

Le garçon est grand. Il a des boucles blondes. Une tenue plutôt modeste.

Mais ce n'est pas Damen.

Ma déesse intérieure s'étouffe dans un coussin, en larmes. Ma conscience claque de la langue en observant la scène d'un œil désapprobateur. Le couple se fige lorsque ma domestique claque la porte derrière nous. Lola rougit tandis que son compagnon – le fameux Colin – se redresse, essayant de se donner de l'importance. Ma déception est si violente que j'en suis moi-même étonnée –tout d'un coup, j'ai envie de m'enfuir en pleurant.

- Emma, tu es déjà là !, tente de se réjouir Lola, ce qui est mal partie avec ses joues cramoisies et sa voix tremblante. Je voulais te faire une surprise, suite à notre altercation récente. Tu te dois de connaître parfaitement toutes tes amies, non ? J'ai voulus te présenter le garçon dont je t'avais parlé. Colin, voici la Princesse du Quatrième Royaume, Emma Swan.

- Votre Altesse, s'enquiert-il brusquement en s'approchant de moi.

Son pas pressant me répugne. Sa voix chantante me donne envie de l'étrangler. « Tu n'es pas Damen. », grogne sauvagement ma conscience hostile. Il s'empare de ma main, pose un genou à terre et l'embrasse.

- C'est un honneur, dit-il ensuite.

Je cesse de le regarder pour lever les yeux vers Lola. Elle m'observe avec trois émotions contradictoires dans le regard : la joie,la peur et l'incompréhension. Et comme je suis une hybride hypersensible et au cerveau de génie, je comprends les causes de ces sentiments bizarres.

Joie, car elle rêve de me présenter à son « petit-ami » depuis longtemps, soit depuis qu'on s'est toutes réconciliées. 

Peur, car ici, on ne peut pas voir un garçon sans en être l'épouse, ou au moins la fiancée. Sa relation clandestine avec Colin peut lui valoir de gros problèmes, et les yeux indiscrets de ma servante l'inquiète.

Incompréhension, car je ne me suis pas changée. J'accueille un invité avec des vêtements couverts de terre, de la paille dans les cheveux et du crottin aux semelles.

- Je... Je dois me changer, dis-je d'un coup, retirant ma main de la prise dudit Colin.

Il se redresse en hochant la tête de façon respectueuse, sourire aux lèvres.

- Je vous en prie.

- Excusez-moi.

J'adresse un bref regard désolé à Lola avant de m'éclipser, la servante sur les talons. Une fois dehors, je la menace d'être renvoyée si elle parle de Colin à qui que ce soit – comme ça, Lola n'a plus rien à craindre. Je lui demande ensuite d'aller chercher Kenna,Greer et Aylee pour ma toilette. La domestique, tremblante, acquiesce rapidement avant de fuir. Et moi, je me mets à marcher comme un fantôme en direction de ma chambre.

Les larmes coulent sur mes joues, et je ne les retiens plus.

Comme un enfant pleurant pour avoir un jouet, je pleure parce que je veux Damen.




Jeudi 13 Septembre 2014, 22h00

Palais Royal du Quatrième Royaume, chambre « Rose » de la Tour Est

Dernier étage



Chère Ilina,

Je me morfonds. Je suis inconsolable. Le jour le plus important de ma vie se tiendra dans trois jours, et je n'ai aucune envie de fournir le moindre effort. Autour de moi, c'est un début d'effervescence : tout le monde ne parle que de ça. On multiplie nos effectifs de domestiques, des charrettes de provisions pour la soirée ne cessent d'affluer, les chambres des centaines d'invités qui séjourneront chez nous sont toutes prêtes et dépoussiérées chaque jour... et on commence même à décorer la salle de bal. A elle seule, elle fait presque la taille de la moitié de Storybrooke.

Tout cet investissement m'ait entièrement dédié.

Et je n'ai pas envie d'être présente ce dimanche.

C'est vrai,quoi... C'est un grand pas en avant ! Mon ancien monde s'écroule...(Ma conscience me rappelle avec ironie qu'il s'est littéralement déjà écroulé à cause des jumeaux Laurens : je lui colle une baffe.) Je ne sais plus trop où j'en suis. On me casse les pieds parce que je dois à tout prix choisir mon musicien, mon styliste, mon pâtissier et je sais plus trop quoi d'officiel, mais qu'est-ce que j'en ai à faire ? Mes cours de harpe et d'équitation ont sautées de mon planning car je dois me consacrer entièrement à mes études. Comment diable avoir une conversation sophistiquée avec des partenaires commerciaux si je ne sais rien de leurs Royaumes ?Je ne sais même pas le deuxième nom d'Iliadora – Aurore a faillit me tuer lorsqu'elle l'a apprit. Et puis, mes dames d'honneur sont insatiables : je passe mes journées derrière un paravent, entrain d'essayer des brassées de robes. On m'essaie plusieurs types de coiffures, de chaussures, lesquelles seront adaptées le soir du bal. Greer et Lola sont d'accord sur le fait que l'or me va mieux que l'argent car ma peau est plus mâte que blanche.

Qu'est-ce que j'en ai à foutre ? Damen n'est pas là.

Chaque fois que je regarde par la fenêtre ou que je me balade derrière mes quatre murs, lorsque je vois tous ces gens qui se précipitent dans tous les sens pour que tout soit prêt à temps, je me demande vaguement lesquels sont au courant du réel but de cette fête et lesquels ne le sont pas. Chaque fois qu'on me répète ce que je devrais faire et ne pas faire, à quel moment je devrais parler ou me taire lors de mon Sacre, je ne cesse de me demander à quoi je dois réellement me préparer : à la Cérémonie, ou à tout ce qui va suivre ? Comme vous le voyez, je suis perdue, et je me torture l'esprit.

On frappe à la porte, il me semble.

- Emma ? C'est moi, Aylee.

La petite demoiselle blonde s'invite dans ma chambre, comme à son habitude.

- Où es-tu ?

- Sur le balcon. Entre, Aylee.

J'entends ses petits pas avancer. Je me retourne, cessant de regarder les étoiles, et lui fait face. Elle a les yeux exorbités, pétrifiée sur place.

- EMMA ! NON, NE SAUTE PAS ! NE FAIS PAS ÇA ! (Elle se retourne vers les portes, comme appelant de l'aide.) GARDE ! GARDE !

Son hurlement strident me fait sursauter. Je glisse – mon cœur cesse de battre immédiatement, et la peur me pétrifie. Mon Dieu, Iliana, je te jure que j'ai eu la peur de ma life ! Je me retourne en une seconde et m'agrippe au rebord du balcon comme si ma vie en dépendait...

Euh...Et encore une fois, ma vie en dépend vraiment.

Debout sur à peine cinq centimètres de goudron, je suis perchée au-dessus d'un vide d'au moins deux cent mètres, et seulement accrochées à une fine bordure de barrière en fer forgé. Je hurle sur Aylee.

- Aylee, mais qu'est-ce qui te prend de crier comme ça ?!

- Ne saute pas, je t'en prie ! Tu ne peux pas faire ça, Emma, je t'en supplie !

Paniquée, elle éclate en sanglots en continuant de parler vainement. Je vois au fond de la chambre que la porte s'ouvre sur cinq gardes, qui en appellent d'autres en me fonçant dessus. Je pousse un grand soupire, passe ma jambe droite au-dessus de la barrière, puis la gauche. Je n'ai pas le temps de réajuster ma robe de chambre ni même le gilet fin que j'ai sur les épaules qu'Aylee se jette dans mes bras, en larmes, et les gardes m'engueulent littéralement en me poussant dans ma chambre. L'un d'entre eux donne l'ordre qu'on fasse venir mes parents.

- Mais ça suffit, oui ?!, m'écrie-je, anéantis par la tournure qu'ont prit les événements. Pourquoi tout le monde hurle, dans cette chambre ? Je n'allais pas sauter !

- Tu étais assise en équilibre sur les dix centimètres que représentent le rebord de la barrière d'une terrasse placée à des centaines de mètres au-dessus du sol, Emma Swan !!!

Elle me crie dessus, ma parole ! Je ne savais pas qu'Aylee savait se mettre en colère. Les cinq regards furieux des cinq gardes furibonds me jaugent d'un œil critique. Deux d'entre eux se déplacent pour faire barrière entre moi et la terrasse.

- Je regardais les étoiles ! J'avais pas l'intention de me suicider !

Bizarrement, ces mots la fait sursauter. Elle ne s'attendait pas à ça. J'ai du paraître crédible.

- Pour de vrai ?

- Bien sûr, Aylee. Jamais je ne me suiciderais, j'ai un minimum de principe.

Ses petits yeux bleus se plissent, comme cherchant la vérité. Ils se remplissent d'eau en comprenant que je ne mens pas et elle me fonce derechef dans les bras. Je lui caresse les cheveux – elle a une tête de moins que moi – et lui chuchote qu'elle n'aurait jamais du s'inquiéter. Les gardes, sceptiques, restent là à m'observer.Visiblement, j'ai l'air tellement dépressive depuis la visite de Colin que me voir passer à la case suicidaire ne les étonne presque pas.

Cinq secondes après que je leur demande de quitter ma chambre, mes parents surviennent, en sueur. Ma mère se précipite sur moi larmes aux yeux, à la fois soulagée et furibonde, mais je l'arrête d'une parole : quiproquo. Le Roi semble sur le point de me coller une baffe. Je le contre en expliquant que je voulais simplement regarder les étoiles, mais Aylee ne l'a pas comprit. L'ambiance se détend lorsque mon père se rappelle que j'adorais  m'asseoir sur le bord de ma fenêtre, à Storybrooke. Ma mère ne le savait pas – j'ai toujours su que si elle m'y surprenait, elle aurait la même réaction qu'Aylee.

Bref,l es gens se calment, et on finit par me laisser tranquille.Blanche-Neige semble envieuse de me parler seule à seule, mais elle finit par quitter la pièce avec les autres. Aussitôt, je retourne sur mon balcon en soupirant. C'est comme si les vingt minutes quej 'ai passé loin de ma terrasse m'avaient privé de vie.

Je m'arrête net.

Chère Iliana, avant la visite d'Aylee, je t'avais laissé sur une table basse face au canapé de la terrasse, loin à droite de moi. De la chambre, on ne te voyait pas. Mais à cet instant, tu étais posée là, sur la chaise en rotin blanche. Quelqu'un t'avait déplacé. J'en suis restée coïte quelques instants. C'est quoi, ce délire ?Je m'approche, tend les bras, m'empare de mon journal intime. Mon déclic est de feuilleter les pages, à la recherche d'un indice. Sur la dernière page, voilà ce qui était écrit :


"Je te surveille depuis mon départ, Emma Swan. Pas une seule seconde de ma vie ne s'écoule sans que je veuille te serrer dans mes bras. Ce soir, j'étais en train de chasser dans la forêt juste en face du château lorsque j'ai perçu les hurlements de ton amie Aylee. J'ai accourus aussitôt, même si je savais que tu ne risquais rien. Tu ne te suicideras jamais, après tout. Tu as un minimum de principe."

Je remarque qu'il s'agit de mes paroles.

"Tout de même, ne me refais plus jamais une peur pareille.

A ce que je vois, tu progresses dans ta fonction de Princesse. Mon départ n'a pas servit à rien. Crois-moi, j'en souffre autant que toi, mais Caleb t'a expliqué que c'était la meilleure chose à faire. Essaie de comprendre et accroche-toi, il ne nous reste plus que quelques jours éloignés l'un de l'autre.

N'oublie pas que je t'aime de tout mon cœur, de toute mon âme, de toute ma vie et jusqu'à l'autre bout de l'univers tout entier. OK, Votre Altesse ?"


Je pleure. Je suis en train de fondre en larmes. Les yeux embués et le cœur en feu, je me relève et m'accroche à la barrière en éclatant en sanglots comme une demeurée. Ce soir-là, je t'abîme un peu,chère Iliana, car tu tombes au sol à plusieurs reprises. Je n'ai plus la force de te tenir. Et mes pleures m'empêchent de tout.

Il était là.

Je pleure toujours. Il était là. Pendant que je causais de suicide avec mes parents, il était là, sur le balcon, en train d'écrire ces mots pour moi. Il était installé sur ma table de terrasse et rédigeait des paroles qui se gravent dans ma chair tandis que je n'en savais rien. On était à moins de cinq mètres l'un de l'autre,et je n'ai pas pu le voir, le prendre dans mes bras, le sentir, le toucher, l'embrasser, lui parler, l'écouter.

Cinq mètres. A cinq mètres l'un de l'autre. Cette réalité, cette proximité me fait plus mal que l'idée qu'il soit de l'autre côté de la planète. Je me sers moi-même dans mes bras, essayant de me réchauffer car j'ai l'impression d'être de glace. Je m'accoude à la barrière en continuant à pleurer.


PDV DAMEN


Elle s'accoude à la barrière en continuant de pleurer. Ses yeux balayent le ciel de droite à gauche, comme si elle recherchait une aide céleste qui pourrait l'aider à tenir le coup. Je savais que mes mots la bouleverserait, mais j'étais obligé de lui parler, même à travers une page de journal intime.

- Pourquoi...

C'est elle qui parle. L'avantage d'être un vampire : pouvoir entendre et voir une personne aussi distinctement que si elle était en face de nous.

- Damen... Pourquoi tu fais ça...

Tu le sais très bien, bébé, tu le sais ! Je suis obligé ! Je la dévisage encore quelques secondes avant qu'une envie violente ne s'empare de moi. Qu'elle baisse la tête. Qu'elle baisse la tête, les yeux ou seulement le regard, qu'elle me voit aux abords de la cour centrale. Je veux qu'elle baisse sa petite tête et qu'on se regarde yeux dans les yeux au moins une fraction de seconde avant que je doive repartir...

- Damen...

Elle chuchote. Sa voix ressemble à un supplice faite au Ciel. Oh, sa voix... elle m'a manqué. Son visage m'a manqué. Elle me manque toute entière. Je secoue la tête en me mordant la lèvre. Regarde-moi, Emma, je t'en supplie... J'attends quelques instants supplémentaires en la regardant, suppliant.Tant de chagrin et de détresse, tant de tristesse... Ressaisis-toi, Emma. Je ne pensais pas qu'elle me pleurerait à ce point.

Je respire à fond pour retenir mes larmes. Le cœur lourd, je fais un effort démentiel et tourne les talons, marche vers les remparts et bondit. Je grimpe sans peine sur les murs lisses. Une fois au sommet, je lance un dernier regard embué vers le balcon.

Elle me regarde.

Elle me regarde.

Elle me regarde. Moi. Enfin.

Ses yeux oranges sont plongés avec intensité dans les miens : j'y lis tellement de souffrance que c'en est insupportable. Je ne sais pas si elle me reconnaît, mais de nouvelles larmes coulent sur ses joues. Ses yeux sont exorbités. Elle les essuie d'une manière brutale, à s'en griffer les joues, et je comprends qu'elle essaie de bannir ses larmes pour mieux me voir et être sûre que c'est bien moi. Vaut mieux qu'elle ne le sache jamais – ça lui évitera de passer sa nuit à pleurer. A cause de moi...

Ma vue se floute, et je réalise que je me suis mis à pleurer aussi. Il n'y a qu'elle pour me faire craquer. Il n'y a qu'elle pour me faire vivre. Il n'y a qu'avec elle que je me sens entier, et il n'y a qu'avec elle que je ne peux pas être. Alors que j'entends qu'elle murmure mon prénom, je m'essuie les yeux et quitte le château.

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Voilà voilà ! On a atteint la fin du chapitre !

Comment l'avez-vous trouvé ? J'ai essayé de faire passer beaucoup d'émotions dans la dernière scène, mais croyez bien que c'est difficile. N'oubliez pas de voter et commentez ! Bisous !

PS : l'image en multimédia représente Comète ^^' Comment vous le trouvez ?




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