<< Alerte Chapitre Pourri, Alerte Chapitre Pourri ! >>
Ne m'en voulez pas, il faut de tout pour faire un livre.
Ceux qui jugent ne valent pas mieux que l'objet jugé.
Et bonne lecture quand même :p
P.S : Sur l'image, vous faites actuellement connaissance avec Aylee (Aylie), Lola, Greer (Grire) et Kenna. Lisez pour savoir qui sont ces nouveaux personnages !
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- C'est exactement comme dans mes souvenirs...
D'une voix pleine de respect et avec une ferveur attentionnée, mon père tend doucement sa paume et la dépose sur le mur le plus proche. A côté de ses yeux choqués, ma mère pleure. Et une autre paire de yeux choqués balaye les environs.
Les miens.
Ça n'a rien à voir. C'est presque impossible. On est venu il y a... quoi ? Un mois ? Tout était saccagé, en cendre, couvert de mousse et de lichen. C'était répugnant, salissant, ça aurait donné envie de pleurer aux architectes du château. Seule ma chambre de bébé – la pouponnière, comme ils l'appellent ici – était restée intacte, si on ne pense pas au berceau retourné et aux peluches éventrées. Mais là... Je suis en état d'hébétude absolue.
Avec un sourire rayonnant et ahuris, je baisse les yeux sur mes baskets bostoniennes qui avancent sur le carrelage le plus magnifique que j'ai jamais vu. D'un blanc presque rose, il luit sous les éclats du soleil qui s'infiltrent par les grandes portes qu'on vient de traverser. On est dans un couloir aussi large que la galerie des glaces de Versailles, à mon avis...
- Il n'y a pas intérêt à ce que ce soit une fausse alerte, je vous préviens !
Je m'arrête net de marcher, comme les autres. On se tourne tous vers la droite, d'où la voix féminine et autoritaire vient de retentir. Une voix qui me rappelle quelqu'un...
- Il ne s'agit pas d'une fausse alerte, Votre Majesté...
- Votre Grâce, rectifie-t-elle sèchement. Respectez le titre qui me convient lorsque je suis dans mon Royaume.
- Je pensais que Votre Grâce aimerait...
A peine la seconde personne essaie-t-elle de se justifier que les pas furibonds qu'on entendait se cessent brusquement. J'avance dans la direction adéquate. Deux personnes se trouvent au fond, et l'une d'elle est parfaitement reconnaissable. Je m'efforce de ne pas éclater de rire.
Alors ça donne ça, une princesse fille unique pourrie gâtée ?
- Vous ai-je donné l'autorisation de parler, Samuel ? Non !, hurle la célèbre et insupportable – mais adorable, des fois – Aurore sur un pauvre homme qui doit avoir le double de son âge. Alors déguerpissez, et faites appeler le Prince Philippe ! Quel époux se permet d'abandonner sa femme ? (Dois-je préciser qu'elle se parle à elle-même?) Et je vous le répète, au cas où votre crâne aux parois si épaisses ne parviendrait pas à tout assimiler : s'il s'agit d'une fausse alerte, à vous de choisir l'objet de votre exécution. Pendaison, ou décapitation ?
D'ici, je vois l'horrible petit sourire faux et rapide qu'elle lui décoche. Elle doit vraiment être furieuse, pour être aussi ignoble... Bref, soulevant les pans de sa robe mauve et blanche, couleurs symboliques de son Royaume et du notre, elle se détourne hautainement avant de reprendre son chemin.
En nous voyant, elle se stoppe. Les yeux ronds, la bouche grande ouverte.
Le dénommé Samuel s'approche à pas timides d'elle, mais avec un sourire franc. Je comprends que la « fausse alerte » dont ils parlaient concerne notre arrivée.
- Hm... Pas d'exécution au programme, je suppose ?, gazouille-t-il avec un air malin.
Après le regard massacrant qu'elle lui lance, il tourne vivement les talons et s'éclipse, déglutissant. Aurore l'ignore, et sa mauvaise humeur disparaît. Elle se met à courir vers nous avec un sourire béat en criant le nom de ma mère, sur laquelle elle fonce littéralement, en pleure et en rire. Je lance le même regard perdu à Regina et à Charmant, tandis que Henry trépigne comme un dingue.
- C'est la Princesse Aurore ? La vraie Aurore ? La Belle aux Bois Dormants ?, s'étrangle-t-il, tel un gosse fan de Tony Parker rencontrant Tony Parker.
Tel un gosse fan de contes et vivant dans une ville pleine de personnages de contes rencontrant un personnage de contes ne vivant pas dans sa ville.
Tel un Henry, pour résumer.
- Oui, c'est elle..., acquiesce Regina en haussant les épaules avec dédain. Elle a un château ridicule, comparé au mien... D'ailleurs, ça te dirait de le voir, un de ces jours ?, ajoute-t-elle innocemment.
Son fils la dévisage avec des étoiles dans les yeux et un sourire immense. Mais la voix mielleuse qu'elle a employée me parait un brin calculatrice. Je tourne les yeux vers Regina.
- N'essayez même pas de l'amadouer pour le kidnapper en secret.
Je connais assez la Méchante Reine pour savoir deux choses.
Ne pas la voir au moins une fois agresser quelqu'un en deux heures devient particulièrement suspect.
Elle est parfaitement capable de jouer les mères modèles pour qu'on n'ait plus à la garder à l'œil, et lorsque tout le monde lui fera confiance, elle se taillera dans son Palais Sombre du Cinquième Royaume et prendrait Henry avec elle.
Même pas en rêve.
- Il aura bien le droit de venir visiter mon Palais !, rétorque-t-elle, sur la défensive.
- Tant que ça se transforme pas en prise d'ot...
- Emma !
Avant de comprendre ce qui m'arrive, je me retrouve étouffée dans des bras étrangers. J'écarquille les yeux et les tourne pour voir mon agresseuse. Elle me pleure dessus ! Beurk !
Je lève les yeux au ciel en lui tapant doucement dans le dos.
- Euuh... Salut, Auro...
- Tu m'as tellement manqué !, me coupe-t-elle en me braillant dans les oreilles.
Elle se décroche enfin de moi pour me tenir à bouts de bras. Pleine de larmes dégoulinantes jusque sur son menton, elle m'examine minutieusement en ne cessant de crier, sous les rires discrets des autres. En la voyant comme ça, je comprends la réticence du domestique Samuel à l'appeler « Votre Grâce » ...
- Tu n'as vraiment pas changé, c'est fou ! Olala, je peine à y croire !
Je la dévisage sobrement, du style « WTF ? ». On dirait qu'on est de vieilles amies qui ne se sont pas vues depuis des années... alors qu'on n'est que de nouvelles connaissances l'une pour l'autre, qui nous sommes vu il y a moins de quatre semaines...
- Toi non plus, minaude-je avec un petit sourire poli.
- Tu as tout faux ! Je suis devenue une femme !
- Hm, fais-je en haussant le menton.
Mon sourire devient crispé, et les rires des autres s'amplifient. Je commence à m'inquiéter pour sa santé mentale, à vrai dire. Aurore me regarde quelques instants avant de me secouer d'avant en arrière. Et elle hurle :
- J'attends un bébé !
Puis elle me tombe dans les bras en éclatant en sanglots.
Choquée, je lève les yeux vers le groupe.
- Tout s'explique...
+++
Mes yeux refusent de se fermer.
Des bribes d'images m'en empêchent. Je repense encore à ma rencontre avec l'adorable Prince Philippe, le mari d'Aurore. Celle-ci, durant ses rares éclairs de lucidité, nous a expliqué que c'est elle qui a réembauché de nouveaux domestiques au château, elle qui a fait faire des réparations, elle qui a préparé notre retour, et elle qui a surveillé chaque travaux de près, puisqu'elle s'est installée ici temporairement. Depuis qu'on est rentré à Storybrooke la première fois, Mulan et Aurore ont fait passer le message. Tout Narnia est en ébullition, et tout le monde attendait notre arrivée avec impatience.
Après quoi elle s'est remise à pleurer dans l'épaule d'un Philippe choqué.
Maintenant, nous sommes dans le salon privé du Roi – mon père, bien sûr – tous le ventre plein. Vous auriez vu la salle de banquet ! Elle est si grande qu'on ne peut pas voir le mur du fond. On a eu droit à un cortège de domestiques et de cuisiniers, qui sont venus nous souhaiter la bienvenue avec des sourires immenses, puis ils nous ont servit le plus merveilleux repas que j'ai jamais vu. Il y avait un agneau entier, des pommes de terre en sauce, des saumons fumés aux citrons et des légumes tendres, des gratins, plusieurs variétés de pommes et de pain, du vin, des tartes et un espèce de pudding délicieux. On était aux anges. Même si Damen n'a rien mangé, du coup.
Deux heures plus tard, on est toujours en pleine digestion : moi recroquevillée sur un sofa rouge devant la cheminée qui crépite ; mes parents, Philippe et quelques domestiques discutant à voix basses ; Damen, Clark et Caleb jouant aux cartes sur le tapis. Et Henry et Aurore dorment chacun sur l'une de mes épaules.
C'est peut-être aussi pour ça, que j'arrive pas à fermer l'œil...
- Vas-y, j'arrête de jouer, ronchonne Caleb en balançant ses cartes devant lui. Je suis mort. Depuis une demi heure, j'ai l'impression d'avoir la Dame de Pique alors que c'est une carte Joker.
Damen et Clark éclatent de rire. Caleb fronce le nez, vexé. Et du haut de son humeur si joviale, il quitte le tapis de jeu pour se servir de mes jambes comme d'un dossier. Ça ne m'aurait peut-être pas dérangé s'il n'était pas aussi lourd. Et aussi brûlant. Les loups-garous ont une température corporelle plus élevée que la notre – quarante-et-un, je crois. Température à laquelle on est censé être mort.
- Caleb Sumpter, dégage de là...
Un ronflement grave et rauque me coupe la parole. Éberluée, j'en sursaute carrément, car il vient de « Votre Grâce ». Je tourne la tête vers la gauche et dévisage avec incrédulité sa grosse tête à cheveux châtains. Je lui pince le nez pour l'obliger à respirer par la bouche tandis que mes genoux se démènent pour repousser Caleb.
Résultat : la Princesse enceinte ronfle par la bouche dans des bruits gutturaux, et l 'autre guignol s'est endormit sur mes jambes.
Au moment où j'allais encore râler, quatre grandes inspirations sont prises, comme des gens complètement choqués. Je me tourne vers mes parents et le Prince Philippe, qui ont l'air complètement sous le choc, leurs yeux plantés sur une domestique avec laquelle ils discutent depuis tout à l'heure. Damen se lève doucement du tapis. Lorsque je tourne la tête vers lui, je remarque qu'il arbore le même visage.
Et il entre dans une colère noire.
- Sortez d'ici immédiatement !, leur hurle-t-il en pointant la porte du doigt.
Son exclamation réveille Aurore, Henry et Caleb dans le même sursaut. Pour vous dire comment il a crié, quoi. Je dévisage la scène avec surprise. Furibond, mon père met ses mains sur sa taille en épiant la jeune femme. Elle a une robe marron clair des plus banale, et une coiffe blanche retient ses cheveux châtain clair. Elle a sursauté en même temps que les autres lorsqu'on lui a crié dessus.
- Mais Votre Excellence, c'était juste une..., essaie-t-elle de se justifier.
- Taisez-vous, insolente ! Vous n'avez même pas idée de la gravité de vos propos !, s'enflamme Philippe juste ensuite.
- Ce n'était pas...
- Sortez d'ici ! Samuel, faites atteler les chevaux et conduisez-la dans le village le plus proche. Elle est renvoyée !
Alors que ma bouche s'ouvre comme un piège à mouche, ma mère arrive près de nous, et sa voix calme double celle du Prince tandis qu'elle nous demande de nous lever. Damen est le premier sur ses pieds et fonce sur les adultes en criant que « c'est inadmissible ».
- Qu'est-ce qui se passe ?, m'enquiers-je en me levant aussi.
- Pourquoi ils crient tous ?, demande Henry d'une voix pâteuse en se frottant les yeux.
Aurore se lève du canapé et commence à avancer vers son mari, qui continue de hurler sur la jeune femme en larmes. Elle ne doit pas avoir dix-neuf ans ! Hébétée, je la regarde.
- Philippe, calme-toi !, lui adjure Aurore en accourant.
- Ce n'est pas à moi qu'il faut présenter des excuses, crépite-t-il juste après.
Clark se lève et s'apprête à soutenir Henry, au cas où il vacillerait. Sauf qu'il n'est plus somnolent : ses grands yeux gris sont écarquillés, dilatés, concentrés sur la scène avec surprise. Comme moi. Ma mère me tire le bras et prend la main d'Henry et nous fait avancer en contournant les autres. Cependant, Philippe lève la main vers elle.
- Blanche, attends.
Il me fait signe de les rejoindre. Si mes yeux continuent de s'écarquiller comme ça, ils vont prendre la taille de mon front. Ma mère acquiesce avant de me pousser vers eux. Mes pieds avancent, mais je ne leur en donne pas l'ordre. A un moment, je finis tout en face de la domestique. Elle me regarde droit dans les yeux, ses grandes prunelles bleues remplies de larmes, ses quelques tâches de rousseur presque invisible sous le rouge qui lui a monté aux joues. Je tourne la tête vers la droite pour regarder Philippe, mon père et Damen, tous les trois avec des mines sombres, puis vers la gauche sur ma mère, Henry, Clark et Aurore, perdus ou bien compatissant.
Sans prévenir, la domestique éclate en sanglots avant de se prosterner devant moi.
- Pardonnez-moi, Votre Altesse, je vous en conjure ! J'ai cinq petits frères, et mon père est mort, et je suis...
- On ne vous a pas demandé de raconter votre vie, lui assène Philippe, sec comme le désert.
Dans un énième sanglot étranglé, la pauvre fille hoche très vite la tête en présentant de nouvelles excuses, son front à quelques centimètres de mes pieds.
Des images dansent devant mes yeux. Moi, Eleanore, Neal, Élisa. On a tous dix ans, et on vient à peine de se rencontrer. Eleanore est la fille du jardinier saoul et crétin de la famille Laurens, mais ça ne l'empêche pas d'être une personne exceptionnelle. Dès mon arrivée, les jumeaux me détestaient et le soir-même, Neal a essayé de me balancer son chat dans la figure alors que je montais des escaliers. Mais c'est Eleanore qui a tout prit – un visage rougis de griffures et des bleus partout après sa chute dans les marches. Pour la venger, j'ai sauté sur les deux monstres en m'apprêtant à leur filer une bonne correction. Et même si c'étaient eux qui avaient commencé, même si la plus grande blessée dans l'histoire était Eleanore, même si je n'étais qu'une petite nouvelle et même si je ne les avais pas touché, ça ne m'a pas empêché d'avoir été forcée de présenter des excuses à Neal et Élisa.
Leur mère m'a fait mettre à genoux devant eux.
J'en pleurais d'humiliation. Elle disait que si je n'avouais pas mon implication – inexistante – dans l'histoire, elle renverrait Eleanore. Et voir cette pauvre fille à peine plus âgée que moi m'embrasser les pompes pour je ne sais quelle raison, ça m'ait insupportable. J'ai l'impression de me revoir, et je sais ce qu'elle ressent : de la colère, de la panique et de la honte qui vous coupe le souffle. Je me mets à genoux devant elle et lui prend les épaules pour la redresser.
- Allez, calmez-vous, personne ne va vous renvoyer...
- Emma, tu..., tente de s'interposer Damen.
- J'ai dis que personne ne la renverra, répète-je sèchement en levant les yeux vers lui.
Philippe et Charmant paraissent sur le point de riposter, mais s'en abstiennent. Rien qu'à mon ton, ils ont du comprendre que ça ne servirait à rien de discuter. La domestique arrête de pleurer.
- Vous pouvez m'expliquer ce qu'il se passe ?
Elle se fige. La domestique me regarde dans les yeux quelques secondes avant de lever les siens vers l'assistance qui nous entoure. A la porte du salon, plusieurs autres domestiques tentent d'apercevoir la scène. La Princesse assise par terre avec une des leur ! Quel choc !
- Allez-y, lui ordonne Philippe en haussant les sourcils. Dépêchez-vous.
- Je... J'ai demandé si... si, dans votre ancien monde, vous...
Elle jette un dernier coup d'œil à l'assemblée.
- Si vous étiez... vous étiez une... courtisane.
Honteuse, les joues trempées et rouges, elle baisse les yeux sur ses doigts recroquevillés sur les miens. Je n'avais même pas fais attention, mais j'ai pris ses mains. J'attends quelques instants qu'elle poursuive, mais vu son regard fuyant et l'air hagard de tous les autres, qui attendent ma réaction, j'en conclus que c'est tout.
Si mes leçons de Moyen-Âge ne se trompent pas, je dirais qu'une courtisane est... une sorte de prostituée médiévale. La traînée de la Cour. La roulure du château. Elle vient de demander au Roi si sa fille est une pute. A mon avis, tout ça parce que Caleb s'est allongé sur mes jambes.
Un immense sourire s'étend sur mon visage.
- Non, je n'en étais pas une. Même si j'en ai beaucoup croisée, dans ma vie... (Petit rire.) Allez, levez-vous, maintenant.
- Mais Emma !
- Laissez-la !, ordonne-je sur le même ton à mon père et mon copain – qui sont peut-être d'accord sur quelque chose pour la première fois. Laissez-la. Et vous, levez-vous et montrez-moi ma chambre. Je crève de sommeil ! Pas de temps pour la justice.
PDV GREER
Le Lendemain Matin
Le carrosse s'immobilise derrière l'immense barrière que nous venons de traverser. Puisque le Palais Royal a été bâtit en hauteur, il n'a pas de pont levis, mais seulement cette immense grille en fer. Le valet qui nous a accompagné pendant tout le voyage ouvre la portière, dépose un caisson juste devant et tend sa main. Je suis la première à descendre.
Mes yeux ne parviennent pas à se décrocher du château. Le soleil n'est pas très haut, il doit être à peine six heures du matin. Ce qui couvre la façade de reflets roses magnifiques.
- On y est, les filles, chuchote Lola en descendant juste derrière moi.
Je me retourne avec un sourire de gamine. De nous quatre, je suis la seule de mes amies à ne pas être issue d'une famille noble. Je suis seulement riche. Elles s'y connaissent, en château, alors que je n'en ai pas souvent visité. C'est pourquoi je m'attendais à être la seule à dévorer le Palais Royal du regard...
Lola me rejoint, et le même sourire béat s'affiche sur ses lèvres.
- Le Palais Royal, déclare Kenna en sortant du carrosse.
A la vue de la forteresse, ses yeux triples de volumes également.
- Alors les rumeurs disent vraies, il a été restauré...
- Ce qui veut dire que Blanche-Neige et Charmant sont réellement de retour !, s'exclame une petite voix derrière nous.
On se retourne vivement. Aylee se débat avec sa robe pour ne pas marcher dessus en descendant du carrosse. Cependant, un sourire authentique reste figé sur ses lèvres. Lola roule des yeux avant de la rejoindre et de lui prendre le bras en riant.
- Bien sûr que oui, Aylee ! Sinon, qu'est-ce qu'on serait venu faire ici ?
- On aurait pu rendre visite à la Princesse Aurore. Le bruit court qu'elle se serait installée ici pour mener à bien les travaux du...
- Ce n'est pas cette Princesse qui devrait nous intéresser, la coupe-je en haussant les sourcils.
Aylee semble réfléchir, puis finit par acquiescer. Kenna hoche le menton avec un immense sourire, et Lola me prend la main.
- Tu as raison, affirme-t-elle avec douceur. Notre priorité est Emma.
- La célèbre Emma, renchérit Kenna. Je me demande à quoi elle ressemble... Tiens, il doit être pour nous, celui-là, ajoute-t-elle en souriant.
Je me retourne assez tôt pour voir un homme s'avancer vers nous. Vu sa tenue sobre et sa démarche décontractée, il est facile de deviner qu'il est un domestique. Une main dans le dos, il s'incline vers nous. On agrippe les pans de nos robes en fléchissant les genoux pour le saluer.
Malgré que je ne sois pas issue de famille noble, les révérences font partis de mon quotidien.
- Mesdames, nous salue-t-il aimablement. Sa Majesté se réjouie de vous voir arriver si tôt.
- Son Altesse le Prince Philippe nous avait déjà nommé dames de compagnie de la Princesse Emma avant leur retour à Narnia, lui explique-je.
- Il nous a fait loger dans une auberge du village voisin, poursuit Aylee à ma place, et un troubadour nous a annoncé il y a quelques heures qu'ils étaient arrivés.
- Nous avons prit la route immédiatement, termine Kenna avec un sourire malicieux.
Le domestique accueille notre explication avec le même air charmeur que Kenna La Tombeuse. Avec un dernier salut, il nous indique de le suivre. Mes trois amies et moi-même nous dirigeons vers les portes du Palais Royal en refoulant notre impatience. A quoi ressemble le château ? Blanche-Neige et Charmant ont-ils changé ? Comment vont-ils nous accueillir chez eux ?
Mais la plupart des questions tournent principalement autour de notre raison d'être ici.
La fameuse Princesse que personne ne connaît mais que tout le monde attend.
+++
- Vous avez été appelée à la Cour du Quatrième Royaume sur injonction de son Altesse le Prince Philippe. En tant que dames d'honneur de la Princesse Emma, vous devez l'écouter, la conseiller, être responsable d'elle. Lors des banquets, des mariages, des sacrements ou autres événements, la Princesse Emma et vous devrez faire la connaissance de tous les invités royaux et des dignitaires.
On acquiesce toutes à chaque fins de phrases de la gouvernante. C'est elle la chef des domestiques, si on peut dire, et malgré son visage sévère et son chignon stricte, elle a l'air d'être une femme amicale. Elle nous a reçu dans le salon de thé réservés aux souveraines et à leurs dames d'honneur – donc Blanche, Emma, quelques domestiques et nous.
La gouvernante lève les yeux vers une horloge ancestrale à pieds, posée à côté de la cheminée.
- Il est sept heures, déclare-t-elle d'un ton détaché. La Princesse doit être réveillée. (Elle se retourne vers nous.) Vous allez monter la préparer pour le petit-déjeuner et descendrez dans la salle de repas dans une heure. Là, Sa Majesté le Roi et la Reine feront votre connaissance.
- Bien, Madame la gouvernante, acquiesçons-nous en chœur.
Nous nous adressons mutuellement une courte révérence avant de nous retourner vers la sortie. On fait trois pas mesurés.
Je lance un regard à Lola, Kenna et Aylee. Et je vois bien qu'elles ne peuvent plus attendre, tout comme moi.
Après trois pas pleins de grâce et de maintient, on se met à courir.
PDV EMMA
Le kidnapping, les haricots magiques, le retour, Aurore enceinte, la servante maladroite, la chambre, les cauchemars, Tom et Sheryl, le Mexicain Pervers, le sang partout sur les draps, la cave à pommes de terre, Peter Pan, l'adoption de Clark, les hurlements, la douleur, la rupture de la Malédiction, les Volturis, les yeux oranges, ma nouvelle vie, mes larmes et mes rires mélangés ensemble...
J'ouvre les yeux.
Couverte de sueur, j'ai le regard planté au-dessus de moi, alerte, pupilles dilatées. Elles se promènent sur les environs sombres. Je m'assieds, un énorme oreiller en plume dans le dos, et pose une main sur mon cœur pour l'inciter au calme. Je prends de longues inspirations et ferme les yeux. Calme-toi, Emma. Ressaisis-toi. Ce que tu viens de voir, ce n'était qu'un cauchemar. Un mélange de toute ta vie qui remonte à la surface. Et ce que tu viens de vivre dernièrement, c'était un rêve enfin réalisé. On ne le dirait pas, mais c'est bien réel. Tout est réel.
Des larmes - je ne sais pas très bien ce qu'elles fichent là - me montent aux yeux tandis que ma main libre, celle qui n'est pas sur mon cœur, se balade sur les couvertures qui m'entourent. Elles ont différentes teintes de rouge et de violet foncé, du jaune, des couleurs chaudes. Pareil pour les oreillers.
Ce n'est pas un rêve, Emma. C'est bien réel.
Pour en être complètement certaine, car je suis une de ces personnes qui ont besoin du maximum pour croire en quelque chose, je me lève sur mes genoux et marche sur le matelas. Le lit à baldaquin fait quatre places. Je m'approche des rideaux en toile rougeoyant que je me rappelle avoir tiré hier. Dans les films, les Princesses aiment bien dormir dans des lits aux rideaux fermés. Moi, ça me donne un sentiment de claustrophobie.
J'ouvre grand les rideaux. Comme je m'y attendais, ma chambre a la taille d'une salle à manger.
Pour vous faire un schéma, dès qu'on traverse l'immense porte blanche aux reliures dorées, nos pieds marche sur un sol en marbre si propre qu'on voit notre reflet dedans. Cependant, je n'arrive même pas à rester concentrée dessus, ni sur quoi que ce soit d'autre plus de deux secondes. Je regarde partout en même temps. A cinq mètres devant la porte siège une grosse table en acajou aux bordures sculptées et aux allures de bureau administratif. Sur la gauche, adossé au mur, mon lit à baldaquin croulant sous les coussins, les épaisseurs de couettes multicolores et... mon propre poids, vu que je suis toujours dessus. J'en descends. Mes pas me guident vers la coiffeuse blanche et dorée aux contours sculptés qui me fait face. Mon cœur bas très, très, très, très vite car mon subconscient me brûle le cerveau pour tenter de me réveiller. Hier, je ne m'en étais pas approché. Mais là...
Je me mets à brasser colliers, parures, gourmettes, bagues énormes, boucles d'oreilles pendantes, bijoux de tête, chaînettes et autres. Et le simple fait qu'on soit à Narnia prouve qu'il ne s'agit pas de contre-façon. Donc, ce sont bien des rubis... Et des saphirs. Et des émeraudes, et des diamants, et de l'onyx, et des joyaux, des pierres précieuses, de l'or, de l'argent, de l'ivoire, des perles, de la topaze, de l'aigue-marine...
Et c'est à moi. Tout est à moi.
Le plafond remplis de dessins célestes blancs et bleus est si haut qu'on le voit à peine, les poignets des portes et des fenêtres sont en or. Je cours dans tous les sens pour revisiter ce que j'ai cru avoir vu hier grâce à quatre pauvres flammes de quatre pauvres bougies. L'expression "comme le jour et la nuit" a absolument raison. Je pensais m'être endormis dans une chambre que je connaissais. En réalité, je ne la découvre que maintenant.
J'ai une salle de bain personnelle et un balcon à moi toute seule, qui donne pile sur la forêt enchantée et le lac magnifique, les montagnes enneigées en arrière plan. Le balcon est spacieux, et un pans est envahit par du chèvrefeuille. Au-dessus de ma tête, le lustre immense est en cristal. Les chandeliers sont en or.
Quelqu'un frappe à la porte.
- Entrez !
Toute joyeuse que je suis, je me dirige vers les immenses rideaux blancs qui cachent les vitres. Je commence à les tirer.
- Vous en avez mis, du temps !, lance-je à Damen, Clark, Caleb et Henry en marchant deux mètres vers ma coiffeuse, les rideaux dans les bras.
Ils sont plus lourds que ce que je croyais ! Je cours presque pour espérer les voir s'ouvrir, mais c'est infaisable.
- Vous vous êtes perdu dans le château ?, lui redemande-je en poursuivant ma tâche. Eh, tu peux m'aider ?, ajoute-je pour Damen.
Je pivote vers l'entrée de la chambre.
J'en perds mes mots.
Ce sont bien quatre personnes qui sont entrées... mais pas quatre mecs.
Je me fige, les bras remplis des épais rideaux blancs; Mes yeux ne se détachent pas de ces quatre filles dont la seule ressemblance est cette lueur admirative dans le regard.
La première est blonde aux yeux chocolats, très élégante et dans une robe verte émeraude. La seconde est toute brune et a de grands yeux bleus de bébé, des tâches de rousseur et une gentillesse évidente peinte sur le visage. La troisième est la plus belle ; une peau mâte, des pommettes hautes, des petites dents blanches et de longs cheveux châtains ondulés. Et la dernière est une autre petite tête blonde. Elle a l'air plus jeune que les trois autres. Deux tresses fines partent de ses tempes pour se rejoindre derrière sa tête et des petites perles couleur crème sont incrustées dedans.
Je reste tétanisée, et je ne sais même pas pourquoi. Elles semblent attendre quelque chose, et j'attends quelque chose également. On est toutes aussi perdues les unes que les autres.
Le honte... Oh purée, la honte ! Je croyais que je causais aux gars, et...
La grande blonde est la première à se ressaisir. Elle frappe discrètement la brune du coude, qui est prise du même frisson gêné. Elles me font toutes les quatre une jolie révérence.
- Votre Altesse, me saluent-elles en même temps, têtes baissées.
Mon seul réflexe est de lâcher les immenses rideaux, qui reprennent leur place initiale comme si de rien n'était.
- Votre Altesse, répète la blonde en se redressant. Permettez-moi de nous présenter : je m'appelle Greer, et voici Lola, Kenna et Aylee, énumère-t-elle en désignant la brune, la jolie châtaigne et l'autre petite blonde dans l'ordre.
« Des prénoms médiévaux. », songe-je. Je me redresse également. Dans les films, comment les gens riches procèdent pour paraître bien élevé ? Je carre les épaules, redresse le menton et joins mes mains devant moi. Je rebaisse un peu la tête pour ne pas avoir l'air trop hautaine... et je mets ma main gauche sur la droite. Non, la droite sur la gauche... Et je mets mes pieds en parallèles. Et je souris comme une conne.
- Enchantée... Greer, Lola, Kenna et... Amy ?
- Aylee, rectifie l'intéressée en souriant.
La Amy de New York me hantera pour l'éternité, les gars.
- Excuse-moi, Aylee... Moi, c'est Emma. Enfin, vous devez le savoir.
- Oh que oui...
L'intrusion de Kenna déclenche les rires de ses amies. Greer frappe discrètement Lola pour la faire taire, réprimant leur délire, et elles baissent la tête pour cacher leur visage. Comme si on était dans un couvant et que rire devant la Mère Supérieure était un pécher.
- Eh, vous pouvez rire, crier, danser et faire ce que vous voulez devant moi, vous savez !, les rassure-je en les rejoignant à pas rapides. Oubliez les révérences et le vouvoiement. Aucun sujet de conversation n'est tabou, et je ne vous gronderais pas pour une blague douteuse ou trop de bruit à partir de vingt-et-une heure. Je n'ai que seize ans !
Elles relèvent doucement la tête et me regardent avec un air à la fois méfiant et ahuris qui me fait sourire. Exactement la même réaction. Leur lien, c'est du solide. J'hausse les épaules.
- Passons, si vous voulez bien... Vous êtes venus dans un but précis ?
- Oh, euh, oui, acquiesce Lola - la brune aux yeux bleus - en relevant la tête.
Ma question a allumé une drôle d'étincelle dans leurs yeux, comme si je venais de leur rappeler pourquoi elles ont décidé de débarquer.
- Pour vous la faire longue, poursuit la même personne, le Prince Philippe d'Iliadora a été attaqué par un spectre peu de temps avant la lancée de la Malédiction. La Princesse Aurore nous a confié que vous le saviez, et que c'est également à cause d'un spectre que vous êtes arrivée pour la première fois à Narnia le mois dernier.
J'hoche la tête, affirmative. C'est vrai, c'est en partie à cause d'un spectre dévoreur d'âme que je suis tombée ici. Rumpelstiltskin voulait venger Belle, qui a été retenue de longues années par Regina, en marquant celle-ci avec le talisman du spectre. Et c'est en essayant de la sauver que je suis tomber dans le chapeau magique de Jefferson, le Chapelier Fou de Alice aux Pays des Merveilles. Ouais, c'est bien ça, l'histoire. Et peu de temps avant ça, Philippe a été lui-même attaqué par cette sinistre créature. J'ignorais en revanche qu'Aurore et Mulan avaient réussis à le ramener dans le monde des vivants...
- Et comme sa femme était assez proche de Blanche-Neige et qu'elle avait comme projet de préparer son retour dans notre monde, il nous a nommé comme vos dames de compagnie, termine Lola avec un grand sourire.
- Vous êtes des amies d'Aurore ?
Lola fait un petit "Euh..." en se tournant vers les trois autres, qui haussent les épaules. J'essaie de reformuler ma question.
- Pourquoi vous avoir élu ?
- Oh, euh... nous étions candidates parmi plein d'autre jeunes filles ! J'ignore pourquoi nous avons été retenue. Mais nos parents ont des places à la Cour.
- Ah ?
- Oui, mon père est Comte à Maldonia. La mère de Kenna est une cousine éloignée de la dame d'honneur des Princesses d'Arendelle, le père d'Aylee est... (Elle semble avoir un trou de mémoire et pivote vers l'intéressée, qui lui fait avec délicatesse signe de la fermer. Lola revient vers moi, et je me retiens de rire.) Oh, je suis idiote... vous ne venez pas d'ici, vous ne devez pas tout comprendre...
- En effet, affirme-je avec un sourire crispé.
La famille royale d'Arendelle et le Royaume de Maldonia n'étaient pas aux programmes, lorsque j'ai passé mon Brevet...
Je fais signe aux filles d'avancer dans la pièce, car elles sont toujours agglutinées à la porte. Intérieurement, je pense que si elles ont été retenues par Philippe, ce doit être grâce à leur relation entre elles. Quatre amies souriantes et soudées ne peuvent avoir de mauvaises répercussions sur l'entourage d'une Princesse.
Car... c'est ce que je suis, oui, je sais. Mais c'est dur à se dire.
- Bon !, décrète Kenna en frappant dans ses mains. Et si on commençait ?
- Commencer quoi ?, m'enquiers-je, un brin inquiète.
Elle pivote vers Greer, Aylee et Lola. Et le même sourire épouvantablement sournois se dessine sur leurs lèvres.
J'ai peur...
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