Chapitre 12 : Torture


Il sonne. Depuis au moins dix minutes, ce fichu portable n'arrête pas de carillonner.

Je ne le regarde pas. A vrai dire, je ne regarde rien en particulier. J'ai coupé le son de la musique, ainsi que le moteur de la voiture. Je me suis garée juste en face de l'Océan, et je me suis assise sur le toit du véhicule. Le voilier de Crochet est accosté au même endroit depuis notre retour à Storybrooke, et les mouettes sont toujours aussi nombreuses autour du mât central. Et moi, je suis là, les yeux vides et la tête en ébullition.

Je vais quitter mon monde.

Je ne sais pas vraiment comment réagir. Comment penser, voir les choses... Tout ça se bouscule trop précipitamment dans ma tête. En moins de huit jours, j'ai découvert que Damen est Peter Pan, et qu'il est le frère de Caleb et le fils de Gold. Je me suis rendue chez les Volturis, qui m'ont menacé de mort si je ne devenais pas rapidement un vampire, et je viens de me battre contre Regina et Cora en exerçant pour la première fois la magie qui est en moi. Ma mère Blanche-Neige, la personne censée être la plus pure sur Terre, a tué Cora le jour où j'ai appris qu'Amy, celle que je suspecte être mon pire cauchemar, arrivait à Storybrooke. Et maintenant, je dois me préparer à partir d'ici pour regagner mon monde d'origine. Qui sur Terre arriverait à tout avaler tranquillement, comme si de rien n'était ? Certes, j'ai digéré l'histoire de Damen, et mes problèmes avec les Volturis sont rangés dans un tiroir au fond de ma tête. Mais Amy et Narnia, c'est encore du récent. Et du lourd. Ça va être dur de passer à autre chose...

Je soupire. Surtout que ce portable sonne encore. Je finis par décrocher, voyant qu'il s'agit du fixe de ma maison.

- Allô, oui ?

- Emma ?, me lance la voix inquiète de mon père. Emma, tu vas bien ?

- Oui... Non... Je ne sais pas, David, je... J'ai pas trop envie de parler, là...

- Oh... Alors ça y est, il t'a parlé... il n'a pas perdu de temps.

J'hoche la tête - quand bien même il ne peut pas me voir - et reprends :

- Écoute, c'est beaucoup d'un seul coup... J'ai besoin d'être seule, de réfléchir, de...

Je ne termine pas ma phrase.

Car je perds mon téléphone.

Quelqu'un me l'a arraché des mains.

Étonnée, je sursaute d'un coup en me retournant, et ma pauvre surprise se transforme en ébahissement total en croisant ses grands yeux bleus marins et ses cheveux bruns plus longs qu'avant. Ils ont poussé, et une barbe de trois jours lui saillent les joues et le menton. C'est ce que ça donne, d'être prit en otage dans un placard à balais.

- Oh ! Un connard ! Salut, Capitaine !, souris-je faussement en dressant le menton.

Crochet ne sourit pas. Il est au contraire très sérieux, encore et toujours vêtu de sa tenue de pirate, son crochet tapotant doucement l'écran de mon téléphone.

- Tu vas l'abîmer, le gronde-je en tendant la main pour qu'il me le rende. Et qu'est-ce que tu fais ici ?

Il ne dit toujours rien. Je ne l'ai jamais vu muet aussi longtemps - c'est-à-dire plus de trente secondes.

Je me rends soudainement compte que je l'accoste comme si nous étions de vieux amis alors qu'il a tenté de tuer le père de Caleb et de Damen et que, soit dit en passant, il a essayé de me tuer lorsque nous étions à Narnia. Plus d'une fois, qui plus est. Je secoue la tête, me ressaisis, arbore un visage froid.

- Lorsque les autres sauront que tu es à Storybrooke, tu peux être sûr qu'ils...

- Mais ils ne le sauront pas pour le moment, me stoppe-t-il, et sa voix toujours aussi charmante et sexy n'a pas changé du tout, si ce n'est qu'elle est un brin calculatrice. Et je ne suis pas venu te rendre une visite de courtoisie.

Sur ces mots, il jette un œil sur mon portable, qui se remet à vibrer sous les appels de mon père.

Il le jette dans l'Océan. Au calme, sans pression.

A partir de là, les événements basculent.

Au moment où j'ouvre la bouche pour protester, Crochet s'empare violemment de ma tête, plaquant sa main sur mes lèvres pour m'empêcher de crier. Sa paume sent le rhum et le savon, et elle est assez grande pour recouvrir la moitié de mon visage. Il se laisse glisser le long de la Volvo avec moi dans les bras.

Bien que je sois choquée par la situation, je ne cherche pas à comprendre : je le frappe en me contorsionnant dans tous les sens, me débattant tant bien que mal.

- Lâche-moi immédia...

Je n'ai pas remarqué qu'il avait un chiffon avec lui. Il m'agrippe les cheveux - en douceur, bizarrement - et me rejette la tête en arrière. A l'instant où je m'apprête à hurler, il m'enfonce le mouchoir en tissu dans la bouche le plus profondément possible. Je crie, je suffoque, j'ai envie de vomir. La chose est dans ma gorge jusqu'à ma langue, et le pirate serre mon cou entre ses bras, ce qui m'empêche presque complètement de respirer. Ça me force donc à arrêter de me débattre.

Je tente de le griffer. Je n'y arrive pas. La peur m'oppresse la poitrine.

Mes jambes se débattent dans les airs - en vain. Je ne cesse pas de m'agiter malgré que je sache qu'il est plus fort que moi.

- Tu vas te calmer, Princesse !, me crie-t-il, furibond.

Pour toute réponse, je m'enroule autour de son bras et lui mets un coup de genou dans le nez. Ne me demandez pas comment j'ai fais ça : c'est l'adrénaline. Il perd l'équilibre à cause de mon attaque, et nous tombons au sol. Un drôle de sanglot criard piaille au fond de ma gorge, même si elle est toujours comblée par cet effroyable chiffon. Je tombe à plein ventre sur le sol et m'écorche les coudes et les genoux pour me remettre debout. Je commence à ramper vers la sortie.

Mais pas assez rapidement.

- Tu mériterais que je t'en colle une, Emma Swan !

- Crochet !, m'étouffe-je dans mon mouchoir, des larmes de crocodile dévalant mes joues à cause de la terreur de ce qui m'attend. Mais qu'est-ce que tu f...

Je ne termine pas ma phrase, il m'agrippe la cheville et me ramène à lui. Crochet presse ses mains sur mes épaules et me colle à plein ventre sur le sol. Tandis que j'agonise littéralement - ce chiffon a le goût du rhum, au faite - il m'écrase la colonne vertébrale avec le genou tout en s'emparant d'un filet de pêche qui traîne. Il me l'enroule autour des jambes sans que je ne puisse faire quoi que ce soit, puis me ligote également les mains.

Je hurle. Si fort que j'en ai mal à la tête.

Sauf qu'aucun son n'est audible à cause du mouchoir que j'essaye de vomir. Crochet me l'a collé avec du ruban adhésif. Je ne peux respirer que par le nez, qui commence à se boucher à cause de mes pleures silencieux.

- Du calme, Votre Altesse, me prie-t-il en me balançant au-dessus de son épaule comme un vulgaire sac d'engrais. Ça se passera sûrement beaucoup mieux si tu te calmais. Ce serait plus simple pour nous deux.

Sa dernière phrase me réchauffe étrangement le cœur : pour nous deux, il a dit. Ce qui veut dire qu'il n'y aura que nous deux, dans ce hangars. Personne à part nous...

Il me porte tranquillement dans des endroits où je n'ai jamais mis les pieds. Nous traversons des dédales de couloirs qui sentent le poissons pourris et la rouille jusque dans une pièce minuscule, étroite, démente. Elle est toute grise, et un meuble mi-table mi-fauteuil comme chez le dentiste se trouve en son centre. Une minuscule fenêtre se trouve en haut du mur, ne permettant pas un bon éclairage. Toujours ligotée dans ce filet qui pue le poisson, toujours tremblante et en larmes, toujours persuadée que ça risque d'être pire que ce que j'en ai l'impression, je suis déposée avec une étrange délicatesse là-dessus.

Puis Crochet sert mes bras pour m'empêcher de bouger, et il attend en me regardant dans les yeux. Alors j'attends aussi.





+++




Au bout de longues minutes de silence qui me paraissent durer une éternité, le traître m'arrache de la gorge son chiffon usé d'un coup sec qui m'irrite le palais. Aussitôt, je me penche sur le côté et vomis une liqueur transparente : c'est ce qui se trouve dans notre estomac lorsque ce-dernier est vide. A quand remonte mon dernier repas ? Je ne m'en rappelle pas. Au moins, si je dois être séquestrée dans cette pièce, je ne craindrais pas la faim.

Lorsque j'ai entièrement repris mon souffle, je rallonge ma tête sur cette table et dévisage Crochet. J'ai mal à la tête, à la gorge... bref, je suis prise en otage.

- Je ne sais pas pour qui tu fais ça, lui annonce-je. Car tu ne fais pas ça à titre personnel.

Je n'ai jamais autant peiné à lancer la conversation. Depuis dix minutes, au moins, je tente d'en savoir plus sur ses plans, mais il coupe court à toutes mes questions. Il ne veut pas me parler, c'est clair. Mais j'en suis obligée : j'ai examiné cette pièce autant que mes yeux puissent en découvrir, et je ne vois vraiment pas ce que je fais ici. Mais rester sans rien faire comme maintenant m'oblige à m'imaginer des scénarios catastrophiques sur la suite des événements... et ça me fait flipper.

Alors je continue de parler, rassurée par ma propre voix.

- Ce n'est pas personnel. Tu travailles pour quelqu'un, avoue !

- Je n'ai rien à t'av...

- Un gars et une fille !, persiste-je en tournant mes yeux vers les siens, suppliante. Des jumeaux ! Ils ont à peu près mon âge ! Avoue que ce sont eux !

Il reste de marbre. Il lève les yeux au ciel. Au fond de moi, un étrange soulagement se met à gonfler : sa réaction prouve qu'il ne sait pas de qui je parle, donc je ne risque pas de tomber sur Élisa et Neal.

- Une femme, alors ?, risque-je derechef. Quoi qu'elle t'ait promis, tu vas te faire avoir !

- Elle m'aidera à obtenir ma vengeance contre le Crocodile, alors je ne me sens pas arnaqué, lâche-t-il innocemment.

- Donc tu affirmes qu'il s'agit d'une femme ?

Il pince ses lèvres en me regardant encore une fois dans les yeux. Je ne bouge pas, patiente. Puis une voix résonne :

- On dirait un salon de thé !

Suite à cette réplique, un ricanement sardonique survient.

Ce n'est pas Crochet. Ce n'est pas moi. On se dévisage tous les deux, et je vois qu'il est surpris. Il redresse la tête, puis fronce les sourcils, et ce n'est que maintenant que je remarque la vitre juste à côté de nous. Quelqu'un se trouve derrière et nous observe, mais je ne parviens pas à le voir, étant enficelée comme un saucisson. Et le bon centimètre de crasse qui est dessus n'aide pas non plus.

- Qui êtes-vous ?, lui lance Crochet, l'air suspicieux.

- Ça ne te concerne pas, lui jette l'autre, sa voix laissant traîner des accents perçants, presque menaçants. Toi, en revanche, tu dois être « l'associé ». Elle m'a parlé de toi.

- Oh. Tu es avec elle, saisit Crochet, un sourire charmeur aux lèvres. Elle aurait pu me dire que nous étions plusieurs dans cette affaire.

- J'ai été aussi surpris que toi. Tu as ce qu'elle t'a demandé de rapporter ?

Je me dévisse le cou pour essayer de voir de qui il peut bien s'agir, mais je n'y parviens pas. J'analyse la voix : je ne la reconnais pas. Je tente de comprendre - je pige que dalle. Ça devient difficile. Psychologiquement, je sens que je vais péter les plombs.

Crochet plonge sa main dans sa veste et en ressort un espèce de diamant noir gros comme une noix.

- Si tu parles de ça, oui, je l'ai.

- Donne-le-moi, ce diamant est plus important que tu ne peux l'imaginer.

Crochet acquiesce.

Après quoi des pas retentissent.

Je me pétrifie.

L'homme approche. Je reste figée. Qui est-ce ? Qu'est-ce qu'il me veut ? Pourquoi moi ? On se connaît ? Qu'est-ce qu'il va me faire ? Des milliers de questions tournoient dans ma tête, et aucune d'entre elles n'a de réponse.

Et là, Crochet s'éloigne de la table.

- Crochet, le supplie-je à voix basse, presque en pleures.

J'aimerais sincèrement qu'il reste. Son visage familier me rassérène, quand bien même je le haie ; quand bien même c'est à cause de lui que je suis ici.

Les pas sont lents, très lents, comme si cet inconnu faisait exprès de me faire languir. Une fois que Crochet rend le diamant à l'homme, je prends une immense inspiration. Je rive mon regard sur le plafond. Je m'entraîne à rester calme et à respirer normalement. « Ça va bien se passer, ça va bien se passer... »

Il s'arrête juste à côté de moi.

Je ne bouge pas d'un poil.

Si je tourne la tête vers la droite, je pourrais le voir, mais je le refuse catégoriquement. J'ai trop peur de ce que je vais découvrir...

Alors c'est lui qui se penche au-dessus de moi.




PDV DAMEN




Je frappe trois fois.

La seconde d'après, la porte s'ouvre sur Elena, qui est donc rentrée de sa promenade en forêt. Elle fronce les sourcils en m'observant, comme si elle redécouvrait mon visage. De mon côté, je remarque que d'épaisses cernes mauves se dessinent sous ses yeux : elle n'a pas du bien dormir depuis un bon moment. Depuis... hier, en faite. Depuis la mort de Cora.

- Bonjour, Damen, me salue-t-elle aimablement en ouvrant un peu plus grand la porte de la maison. Tu veux entrer ?

- Oui, merci. J'aimerais voir Emma.

- Elle n'était pas avec toi ?

- Non. Enfin si, mais... hm... (Je déglutis.) Je lui ai dis.

Ses yeux marrons-verts s'arrondissent en entendant cela. Ses yeux... les mêmes que ceux d'Emma avant sa transformation en hybride. A l'époque où elle était complètement humaine, beaucoup plus forte, moins impulsive... Indépendante.

C'est moi qui ais tout changé, en elle.

- Oh, fait-elle. Euh... entre, je t'en prie.

Elena me laisse traverser le salon et m'invite à m'asseoir au comptoir. Elle s'installe elle-même juste en face de moi.

- Comment elle l'a prit ?, débute-t-elle en s'accoudant sur la table.

- Plutôt mal. Je crois qu'il lui faut un peu de temps pour encaisser la nouvelle, alors je l'ai laissé partir avec ma voiture. Je croyais la trouver ici.

- Elle n'est pas rentrée.

Je vois dans ses yeux qu'elle n'est pas vraiment inquiète. Elle a sans doute raison : Emma sait se prendre en charge. Elle est partie faire un tour, et elle rentrera quand elle se sentira un peu mieux.

- On s'est disputé avant ça, ajoute-je en tournant mon regard ailleurs.

- C'est normal, de se disputer.

- Pas pour cette raison-là. Elle est persuadée que la petite-amie de Clark est... Hum, tu te rappelles de Neal Laurens ? (A l'entente de ce nom, elle frissonne, et ses yeux s'assombrissent de colère.) Elle pense que c'est sa sœur, Élisa. C'est de la paranoïa : j'ai rencontré Amy, et Emma lui a soumis une série de questions en rapport avec les Laurens. La fille n'a pas eue une seule pensée ou souvenir en rapport avec tout ça. Je n'ai pas pu établir le moindre lien. C'est comme si elle descendait d'une autre galaxie.

- Emma est fatiguée, en ce moment. Elle fait beaucoup de cauchemar. Je crois qu'avec l'arrivée d'Amy, ses souvenirs d'enfance ressurgissent..., réfléchit-elle, pensive.

Ses souvenirs... ses horribles souvenirs d'enfance..., lis-je dans l'esprit d'Elena. Puisque nous gardons le silence, je me contente de lire dans ses pensées, pour voir ce qu'elle pense de tout ça. Qu'est-ce que ces jumeaux ont pu lui faire, mon Dieu... Peut-être qu'elle l'a dit à Damen ? (Elle lève les yeux vers moi instinctivement.) Je devrais lui demander si... Pff, quelle idiote ! Il est télépathe !

Elle éclate de rire, et je l'y rejoins. Avec réticence. Un coin de ma tête cogite encore sur Emma.

- Non, elle ne m'a rien dit, nie-je avec un haussement d'épaules.

On sourit. On soupire.

J'entends brutalement de nouvelles pensées qui n'appartiennent pas à Elena. Vite, vite, vite, vite, vite, vite...

- Je crois que David arri...

La porte d'entrée s'ouvre brutalement sur lui avant que je ne finisse ma phrase. Sa femme sourit.

Pas lui.

- Emma a des problèmes !

- Quoi ?!, m'écrie-je dans la seconde.

A peine a-t-il finit sa phrase que je suis déjà debout face à lui.

- Crochet, crépite-t-il en enfilant une veste, en prenant son épée. J'étais au téléphone avec elle, et Crochet le lui a prit. Il n'avait pas raccroché, donc j'ai tout entendu.

- Elle est avec lui ?

Les deux me dévisagent. J'ai parlé calmement mais avec tellement de haine que ça fait déglutir Charmant. Je vois mon visage dans ses pensées : des yeux noirs de fureur, des mâchoires serrées, une respiration hachée. D'ailleurs, respirer n'est pas un besoin vital aux vampires, puisque on est immortel. Je pourrais tout aussi bien ne jamais me servir de mon nez.

J'abrège mes idées et me précipite dehors, suivis par les parents de ma petite-amie.

- Qu'est-ce qu'ils se sont dit exactement ?, demande-je avec une voix toujours aussi calme, toujours aussi enragée, toujours aussi flippante.

- Il lui a dit qu'il n'était pas là en visite de courtoisie, puis tout le son s'est brouillé bizarrement, et deux minutes après, ça a complètement coupé.

J'acquiesce. Je me retrousse les manches.

Peu importe ce que ce pirate peut bien lui faire : si je ne la retrouve pas en bonne santé dans dix minutes, je le tuerais.




PDV EMMA




- Bonjour, Emma.

Je le regarde en veillant à ce qu'aucune expression ne traverse mon visage. Je ne ferme pas les yeux, je ne pince pas les lèvres, je ne serre pas les poings. Je suis calme. Détendue. Je sais que je devrais écarquiller les yeux, être choquée, crier, paniquer, mais pour le moment, je suis calme.

Sans sourire, sans froncer les sourcils, d'une voix normale qui ne recèle rien de menaçant, je réponds :

- Bonjour, Neal.

Il sourit. A l'entrée de la pièce, Crochet est bouche bée.

- Vous vous connaissez..., l'entends-je murmurer pour lui-même, ahuris.

Je reste concentrée sur l'homme penché au-dessus de moi. En réalité, il n'a pas changé du tout. Lors de son accident, seuls sa peau mâte et ses cheveux châtains me disaient quelque chose tant il était défiguré, mais depuis, il a récupéré. La dernière fois que je l'ai vu en étant consciente que c'était lui, nous avions douze ans. Il a grandit. Sa mâchoire est carrée et bien dessinée, mais son sourire en coin charmeur - et sadique - est resté intact avec les années. Ses yeux noisettes sont toujours aussi perçants, et ses cheveux semblent plus courts, moins ondulés.

C'est Neal Laurens, quoi.

Le Neal de mes cauchemars. Le frère d'Élisa. Le psychopathe, le malade mental, le fou qui m'a fait subir tant de choses cruelles que je ne les compte plus. Celui que j'aurais aimé fuir à jamais est là, en face de moi, qui suis en position de faiblesse. Je ne bouge pas d'un iota, me contentant de le regarder. Extérieurement, je me contrôle. Intérieurement, je pleurniche comme une gosse.

Vu ce qu'il m'a fait lorsqu'il n'avait que douze ans, j'évite de penser de quoi il est capable à seize ans.

- Tu as beaucoup changé, je dois dire, avoue-t-il en s'éloignant légèrement de moi.

Sa voix - qui a mué - m'arrache de mes pensées dans un sursaut qu'il ne remarque pas, heureusement. Il se retourne vers moi avec un sourire en coin.

- Tu n'es plus la petite fille que j'ai connus, ajoute-t-il.

- Je ne suis plus une petite fille.

- Je vois ça.

Il commence à tourner autour de moi comme s'il examinait un animal. Il se poste un instant juste au-dessus de ma tête, regardant mes lèvres, mon nez droit, mes joues non inondées de larmes et mon regard neutre. Il reste longtemps sur ce-dernier, d'ailleurs, mais ne commente pas la couleur de mes yeux. Neal passe ensuite par mes cheveux, puis me contourne pour observer ma gorge, ma poitrine, mon ventre et mes jambes immobilisées par le filet de pêche, jusqu'aux bouts de mes pieds.

- Tu n'as pas beaucoup grandis. Contrairement à ma sœur, tu ne t'es pas embellis.

C'est tout ce qui lui traverse l'esprit en cet instant ?

- C'est normal, il n'y avait plus rien à embellir. J'étais déjà parfaite, ricane-je amèrement, détendant moi-même l'atmosphère.

Sans prévenir, je me mets à rigoler.

Non, je ne suis pas dingue. Mais quelque fois, rire et pleurer sont les seules options qui restent, et je ne sais pas pourquoi, mais à cet instant, rire me paraît plus adapté. Une part de moi est consciente que si je devais fondre en larmes, je ne pourrais plus m'arrêter.

Lui se contente de sourire, ses lèvres se retroussant sur des dents blanches dans un rictus animal.

- Tu es toujours aussi bizarre !

Il sort de la pièce pour aller à celle d'à-côté, derrière la vitre.

- Tu te rappelles de moi, au moins ?

- Oh, je me rappelle très bien de toi, chuchote-je en serrant les dents, railleuse.

Mon appui sur le « très bien » le fait rire. Ma gorge s'assèche, et je dois me reconcentrer sur ma respiration pour ne pas céder à la panique.

- Tu es sûre ?

- Oui.

- Alors t'es encore plus bizarre qu'avant. Je ne pensais pas que nos « glorieuses retrouvailles » se passeraient ainsi et dans ces conditions. Je croyais que tu pleurerais, que tu aurais peur ou que tu essaierais de m'arracher les yeux.

- Désolée de te décevoir.

Lorsqu'il revient, il tire avec lui un chariot sur lequel se trouve une grosse machine remplie de boutons qui clignotent. J'ignore complètement ce que c'est et ce qu'il a l'intention de faire avec, mais ça n'augure rien de bon. Cependant, j'arrive à tirer satisfaction de son humeur : c'était jusqu'à maintenant très amical, mais je vois à sa façon de pincer les lèvres que je l'agace. Mes répliques courtes et intelligentes en sont sûrement responsables. Comme au bon vieux temps.

Il commence à s'approcher de moi en sifflant pour attirer l'attention de Crochet, qui me dévisage depuis tout à l'heure. Le pirate m'agrippe les bras pendant que le psychopathe retire le filet de mes jambes.

Si je lève le pied, il lui atterrit dans le nez.

Je ne bouge pas, sage comme une image.

Faisant semblant de cacher son étonnement, Neal écarte légèrement mes jambes. Je redresse la tête pour voir ce qu'il fait.

« Je porte de jolies Vans blanches, un jean, une chemise à carreaux ouverte sur un T-shirt blanc. », me récite-je mentalement. « Et ça fait tellement longtemps que j'ai pas mangé de frites ! Des frites avec un kebab ! Olala, ça me manque... » Me concentrer sur des choses aussi futiles que celles-là me semble la meilleure chose à faire.

Ses doigts agiles passent des sangles de cuire autour de mes chevilles, puis il m'attache les poignets, et enfin le ventre. La dernière sangle m'écrase l'estomac tant elle est serrée fort. « Mayonnaise, ketchup, moutarde... quoi que non, j'aime pas la moutarde. »

- Tu as peur, l'Orpheline ?, rit-il, le goût du sadisme sur les lèvres.

L'Orpheline ! C'te vieux surnom ! J'espère qu'il ne saura jamais que ce n'est plus à l'ordre du jour.

- Pourquoi tu m'attaches, Neal ?, risque-je sans vraiment espérer de réponse.

- Toujours aussi curieuse et impatiente !

Je me pétrifie telle une statue de marbre.

Neal relève la tête.

C'est une fille, qui a parlé. La fameuse femme qui fait travailler Crochet. Celle qui est derrière tout ça depuis le début sans raison valable.

La seule personne au monde que je hais plus que Neal.

- Emma, me salue-t-elle d'une voix innocente avec politesse et respect.

Je lève un peu la tête.

Des larmes me montent aux yeux, et les retenir me brûle férocement la gorge.

- Élisa.

Le fruit de ma dispute avec Damen. Le fruit de tous mes problèmes. Le fruit de toutes mes cicatrices, de toutes mes nuits blanches, de tous mes pleures, de toutes mes craintes. La jolie blonde que Clark croit connaître. Mon ennemie jurée depuis toujours et à jamais.

Elle s'approche de moi.

Élisa me sourit avec gentillesse et amabilité. Du coin de l'oeil, j'essaie de m'assurer que Crochet soit toujours là. La fille me caresse les cheveux, et je me décale brusquement avec un regard noir. Hors de question que ses mains de sorcière ne me touche.

Elle arrête de me les caresser : elle me les agrippe brutalement. Élisa Laurens les tire en l'air afin que mes yeux soient presque à la hauteur des siens. Mon cure-chevelu me fait mal, renforçant ma migraine et mon envie de vomir, et les larmes me montent aux yeux inconsciemment.

D'un seul coup, j'ai l'impression d'avoir entre dix et douze ans. De n'être que la gamine qu'ils connaissent et qu'ils aiment martyriser.

- Comment as-tu pu me reconnaître ?!, fulmine-t-elle avec autant de venin que lorsque nous étions enfant.

Je ne réponds pas. Je pince juste les lèvres, furieuse.

Si Damen aurait été là, il lui aurait mit un coup de tête. Sans aucun doute.

Je m'exécute. En plein entre les deux yeux ! C'était trop faible pour lui faire voir des étoiles, mais assez pour lui faire comprendre mes opinions. Assez pour la réveiller de son rôle de Amy adorable et souriante.

Le monstre que j'ai connu est de retour, je le vois dans ses yeux. Elle se met à haleter, folle de rage, et envoie sa main dans mon visage. Elle m'agrippe les cheveux et me gifle à quatre reprises, jusqu'à ce que son frère lui demande d'arrêter.

- El, ça suffit, lui ordonne-t-il en lui attrapant les bras.

- Était-ce nécessaire ?, gronde Crochet juste derrière moi.

- Toi, ferme ta gueule et occupe-toi de ce qu'on t'a confié comme mission.

Il la sépare de moi tandis que je tourne la tête face à la vitre, tout à gauche pour ne plus les voir. Je me dépêche d'essuyer mes larmes sur mon épaule avant de relever la tête dans la direction de Crochet. Il paraît si furieux qu'il donne l'impression de vouloir déguerpir - après les avoir tous deux égorgés - mais il reste cependant là. Pour moi.

- Salope, va, m'insulte-t-elle en se mettant à tourner autour de ma table comme une lionne prête pour la chasse. T'es qu'une sale pute aussi traînée que ta pote... comment s'appelait-elle, déjà ? Ah oui ! Sheryl.

Un grondement sourd vrombit au fond de ma gorge, et je ne sais s'il s'agit d'un grognement furieux ou d'un sanglot douloureux.

D'un coup, sans crier gare, Neal s'approche et me fixe une petite étiquette ronde et froide sur chaque tempes, puis il les attache à des pinces crocodiles. Je me tétanise de terreur.

Ce sont des électrodes.

Qu'est-ce qu'ils ont l'intention de me faire ? Un lavage de cerveau ?

- Tu te rappelles de ta copine, Emma ? Je suis désolée si j'ai ranimé de tristes souvenirs, s'excuse-t-elle faussement, un sourire sadique et malade scotché sur les lèvres.

- Lorsque ma famille saura ce que vous me faites..., susurre-je entre mes dents à peine desserrées.

- T'as pas de famille. T'es qu'une orpheline de merde. Une ratée.

Ce sont les mots de Neal.

Sa sœur lui administre un hochement de tête appréciateur, puis elle s'éloigne sans plus me prêter attention. Elle s'intéresse maintenant à la machine que Neal a rapporté tandis qu'il me fixe deux nouvelles électrodes dans le creux des coudes. Il les pince également avec des embouts à dents de crocodiles, et je suis les fils des yeux.

Ils sont reliés à la machine.

Je reste statique, les yeux rivés au plafond. Mon but est de ne pas pleurer.

Pas maintenant.

- Eh, le pirate, et si tu disais ce que tu avais trouvé dans la bibliothèque quand tu es partis chercher le diamant ?, lance froidement Élisa.

Je jette un bref coup d'œil dans la direction de Crochet, qui les observe avec une haine qu'il cache très mal. Et eux deux, ils n'ont pas peur d'un adulte armé d'un crochet de cintre ? Ils sont plus dingues que ce que je croyais.

- Désolé, mon gars, mais ce n'est pas possible. Prévenez-moi lorsque vous serez prêts à m'aider dans ma vengeance contre Rumpelstiltskin, au lieu de torturer Emma.

Sur ces mots, il leur adresse un regard des plus révulsés avant de se retourner et de quitter la pièce. C'est plus fort que moi : je le suis des yeux avec des larmes surgissant de nulle part, mon cœur tambourinant dans ma cage thoracique.

- Killian... Killian, par pitié..., lui chuchote-je en priant pour qu'il m'entende.

Il se retourne un tiers de seconde et hoche le menton dans ma direction. Je ne sais pas ce que ça signifie, mais je le regarde s'en aller en me sentant devenir une fontaine. On n'entend pas de sanglots, mais il y a des larmes. J'ai inventé mille façon de pleurer différemment, avec eux.

Neal se poste prêt de la machine, et Élisa à côté de moi. Comme si elle allait me raconter une histoire.

- Oh, regarde, elle s'est mise à pleurer !, se désole-t-elle en épongeant mes larmes avec un chiffon usagé - celui que j'avais dans la bouche tout à l'heure. Il est encore plein de bave. Tu te demandes ce que tu fais ici, j'imagine ?

Je ne hoche pas la tête, mais elle comprend que, oui, comme tout être censé qui se respecte, je me demande pourquoi des gens que je n'ai pas vu depuis quatre ans sont de retour dans ma vie, m'ont fait kidnapper par un pirate et m'ont reliés à une machine suspecte dans un hangars à pêche.

- On va tout t'expliquer en long, en large et en travers, me promet-elle alors, la voix presque tendre et douce. Ce que nous sommes venus faire ici, pourquoi on le fait, pourquoi toi, et ainsi de suite. Mais « malheureusement », poursuit-elle avec un énorme sourire, et je me demande si c'est vraiment malheureux, ce sera douloureux. Vois le bon côté des choses : tu connaîtras toute la vérité !

- Ou alors, tu ne sauras rien et on t'épargnera, mais dans ce cas, tu devras répondre à une simple question, conclut son frère, son sourire mauvais laissant apparaître des dents blanches qui luisent faiblement dans la pénombre de la pièce.

Mes joues sont maintenant sèches, et je ne bouge pas d'un poil, me contentant de le dévisager. Élisa ouvre la bouche.

Ce qui en sort est alarmant.

- Où sont les haricots magiques ?

Je me fossilise.

Environ trente milles choses différentes se bousculent dans ma tête en ce moment. Je les trie en deux parties : mes craintes concernant ce qu'ils vont me faire subir, et mon ébahissement face à ce qu'ils viennent de me demander. C'est... impensable. Je ne réagis même pas, tant c'est grave. Moi qui croyais que Neal avait atterrit ici par erreur, à cause de l'accident, et que c'est Clark qui nous a ramené Élisa...

En faite, ils avaient prévus de venir jusqu'à Storybrooke depuis le début.

Pourquoi donc ? Comment se fait-il qu'ils connaissent l'existence des haricots ? Que veulent-ils faire ? Voler la magie ? Ce qui laisserait penser qu'ils croient en son existence... mais depuis quand ? Y a-t-il un lien avec moi ? Et justement, en parlant de moi, qu'est-ce qu'ils ont l'intention de me faire ? Me découper les orteils ? Répandre ma cervelle sur la plage, ou l'envoyer par la poste à l'adresse de mes parents ?

- Regarde-la, rit le garçon en me désignant du menton, elle a la même ride entre les sourcils quand elle réfléchit. Comme avant.

- Et si on voyait si ses cris étaient aussi les mêmes ?, suggère l'autre.

A l'entente de ces mots, mes pensées se stoppent. Les battements de mon cœur s'accélèrent. Mon impression que ça va mal tourner se renforce.

Élisa se penche doucement au-dessus de moi, son visage angélique se transformant en visage angéliquement démoniaque.

- Je te le répète une dernière fois, ma chère Emma : où sont les haricots magiques ?

Elle m'agrippe férocement le bras en plantant ses yeux verts dans les miens. Ses faux yeux, d'ailleurs. En réalité, ils sont censés être noisettes, comme son frère jumeau.

Je fixe sobrement le plafond sans un mot.

Elle poursuit son examen de moi encore quelques secondes, puis elle hoche la tête et se décale. Elle semble jeter un ultime coup d'œil aux sangles qui me retiennent avant de se tourner vers Neal. Il pivote vers un épais bouton noir, comme celui de notre vieille gazinière, et le tourne d'un cran. Puis il tend la main vers un autre bouton. Plus gros, et tout rouge.

Il appuie doucement l'index dessus.

En moins d'une seconde, mes yeux s'écarquillent.

Je cesse de respirer.

Mes muscles de tendent, d'étirent et tremblent en moi. Je n'ai même pas la force de crier.

Je suis sur une table électrique.





+++





- Nous sommes ici pour deux raisons valables.

Dès que Neal prononce cela, il relâche la pression de son doigt sur le bouton de façon théâtrale, et les courants électriques qui me déchirent l'organisme cessent enfin. Je reprends ma respiration de façon hachée, comme une noyée, les yeux embués de larmes, les doigts crispés en deux poings qui font peine à voir. Mes muscles sont tendus, ce qui me rends raide comme une planche.

- Nous ne t'expliquerons pas comment c'est arrivé, commence Élisa, mais un jour, on s'est mit à croire en la magie. C'était en Chine, on était en vacances.

- Seulement, la magie n'a pas sa place dans notre monde, crépite l'autre avec une ferveur presque religieuse. Elle est contre-nature. On a prit la décision de la détruire.

Je ne les écoute que d'une oreille distraite. La douleur est trop forte et trop épuisante pour pouvoir être complètement attentive. Ils s'amusent à me donner des décharges, courtes ou longues, depuis six à huit minutes.

Cependant, si je n'avais pas été aussi mal, j'aurais éclaté de rire.

- Vous croyez... réellement... pouvoir... détruire... la magie... à vous deux... ?, m'étrangle-je, ris-je, me moque-je autant que mon corps épuisé me le permette.

- Nous ne sommes pas seuls, me contre-dit la fille Laurens. Une chose qui surpasse toutes vos formes de magie est avec nous : la science. C'est elle qui nous guide, elle qui nous donne la force de continuer, elle qui te forcera à parler.

- Vous voulez savoir où sont les haricots ?, la coupe-je tout naturellement.

Élisa reste de marbre. Neal hoche avidement la tête. Pour ma part, je me mets à respirer difficilement en m'imaginant à nouveau sous l'emprise des décharges, mais je ne peux retenir le petit sourire qui se fend sur mes lèvres.

- Dans vos rêves, bande de salopards.

C'est un peu du suicide, je l'avoue. Mais je ne les laisserais pas torturer quelqu'un d'autre pour les informations que je ne leur donnerais jamais : c'est pas près d'arriver, vu que j'ignore moi-même où sont ces haricots magiques. Ma petite blague rend Élisa folle furieuse.

- Neal, charge à deux cent !

Le simplet garçon que voici acquiesce en tournant le bouton noir vers deux cent volts. Je serre les dents, les poings, les paupières.

Il appuie sur le bouton rouge et m'électrise comme une condamnée à mort.



PDV DAMEN



- Réfléchis, réfléchis, réfléchis, réfléchis, réfléchis, réfléchis, putain, réfléchis...

Je répète inlassablement ces mots pour m'obliger à trouver une solution.

Alice, Carlisle et moi sommes debout en plein milieu de la rue devant la maison Charmant. Les parents d'Emma vadrouillent en ville en questionnant les passants pour avoir plus de renseignement, mais je crains qu'ils ne trouvent rien. Emma est partie avec ma voiture, mais je ne pense pas qu'on l'ait vu. On pourrait soupçonner Amy, mais elle est avec Clark. Et Regina avec Henry. Et Gold, qui n'osera certainement pas s'attaquer à la personne qui lui a rapporté ses fils, est en compagnie de Belle. Tous nos ennemis sont occupés à des activités tout à fait normales, ce qui revient à croire qu'Emma ne risque rien.

Sauf que c'est faux.

Elle ne va pas bien. Déjà au moment où elle s'est enfuie, je le voyais. Même à l'arrivée d'Amy. Ça fait longtemps que personne ne l'a vu épanouie et rieuse, blagueuse. En Emma, quoi. Mais même sans parler de son moral actuel, j'ai la forte impression que tout ne va pas bien. Inutile de se voiler la face : quelqu'un de porté disparut va rarement bien.

Où est-ce qu'elle pourrait aller ?, entends-je songer Carlisle, à ma gauche. Où est-ce qu'elle va lorsqu'elle ne se sent pas bien ? ...

- Elle va me voir, lui réponds-je à voix haute.

J'en ai marre. Je sais plus quoi penser. On a épuisé tous nos stocks de méchants à soupçonner, et les habitants de la ville l'adorent littéralement. Qui est-ce qui pourrait s'en prendre à elle ? Qui aurait assez peu de cœur pour s'attaquer à la personne la plus gentille, adorable, douce, câline, aimante, réfléchis, apaisante et parfaite que la Terre ait pu porter jusqu'à aujourd'hui ?

Excédé par toutes ces questions sans réponses immédiates, je me tourne vers Alice.

- Alice, réveilles-toi un peu ! Tu es deux de tensions lorsqu'on a le plus besoin de toi !

Si j'étais un humain fait de chair et non de pierre, le regard qu'elle me retourne en ce moment aurait pu me transformer en statue.

- Tu crois que je programme moi-même mes visions, ou quoi ?! On n'a pas le choix, Damen, et tu le sais. Il faut attendre de voir si quelqu'un prend une décision importante qui changera le court de son avenir... OH !

Cette exclamation me fait sursauter, ainsi que notre père. Une bulle d'espoir se met à enfler en moi.

- Quoi ?! Une vision ?!

- Regarde !

Elle pointe du doigt quelque chose derrière moi, de l'autre côté de la rue, alors je me retourne d'un bond. Une personne reconnaissable s'approche d'une démarche pressante vers nous. Elle court presque malgré les talons aiguilles qu'elle porte.

- Regina, m'enquiers-je, un brin cynique.

- Je n'ai pas le temps de m'apparenter avec vous, commence-t-elle sèchement en dressant la paume pour m'arrêter.

Elle traverse la route en vitesse avant de nous rejoindre sur notre trottoir.

- Nous n'avons pas le temps de discuter, décrète Carlisle d'un ton calme, égal.

- Docteur Cullen, le salue-t-elle. Navré, mais vous feriez mieux de m'écouter. - Pourquoi vous...

- On est tous en danger de mort.

Cette phrase a le don de tous nous faire taire. Je la dévisage en fronçant les sourcils, me demandant si elle se paye nos têtes ou si elle est sérieuse. J'essaie de décrypter ses pensées pour en avoir le cœur net. Je vois dans son esprit les images qu'elle explique à voix haute.

- Il existe un dispositif au cœur de la Malédiction qui permet de l'annuler. Pour le moment, elle est simplement rompue par Emma, à l'instar d'une télé en veille. Ce dispositif est une sorte de système d'auto-destruction, comme si le Sort Noir n'avait pas été lancé.

- Comme si la Malédiction n'avait jamais existé, souffle Carlisle, ayant tout suivit.

Regina tourne son regard vers le sien et hoche la tête.

- C'est exactement ça.

- Pourquoi vous venez nous en parler ?, s'enquiert Alice. Où est la menace, dans tout ça ?

Au lieu de lui répondre directement, le maire se tourne vers moi en plongeant ses yeux noirs dans les miens. Elle laisse défiler des images dans son esprit que je lis avec effroi.

Je la vois elle et Henry, installé dans leur salon, en train de déguster une tarte aux pommes. Elle est habillée d'un tailleur noir, comme aujourd'hui. J'en conclus qu'il s'agit du début d'après-midi, lorsqu'Emma lui a laissé son fils. Soudainement, Regina se fige. Elle a comme une drôle d'impression, je le sens moi-même. Elle se hâte de sortir et dépose Henry chez Granny, après quoi elle se rend à la bibliothèque.

Je vois qu'à cet instant-là, une image lui traverse l'esprit : un gros diamant noir à l'apparence presque démoniaque. J'y recèle beaucoup de puissance, j'en déduis qu'il est magique. Regina se presse dans l'ascenseur et se débrouille pour descendre dans les Entrailles de la Terre où se trouvaient Victoria et Maléfique. Elle arrive en bas et se précipite sur une longue boîte en verre et en bois, à moitié caché sous des débris de pierre et de la poussière : le vieux et célèbre cercueil où Blanche-Neige était plongée dans un sommeil profond, dans l'attente du sauvetage de Charmant. Regina arrache le couvercle et plonge sa main dans toutes les coutures du cercueil. Elle semble chercher quelque chose.

Elle ne trouve pas le diamant.

Elle n'a plus aucun contrôle sur le dispositif.

Je me tétanise, sous les yeux incompréhensifs de mon père et de ma sœur.

- Ce dispositif est un gros diamant noir, leur explique-t-elle tandis que je la dévisage comme si elle était le Diable. Il suffit de le jeter au sol pour qu'il s'actionne.

- Et qu'est-ce qu'il a le pouvoir de faire ?, s'inquiète Carlisle.

- Détruire Storybrooke. Tous nous tuer. (Elle tourne les yeux vers moi.) Et quelqu'un l'a volé.

Je ne bronche pas. Je ne bouge pas.

C'est trop d'un coup.

Je titube en arrière et tente de me raccrocher à la palissade en bois. Pour la première fois depuis que je suis un vampire, j'ai la nausée. Je ne peux plus rien faire, rien penser. Les images d'Emma et de ce diamant noir me tournicotent dans la tête si violemment que j'en perds l'équilibre. Je me laisse glisser sur le sol, tandis que mon portable s'échappe de ma poche. Il se met à vibrer sous les appels de David.

Carlisle se ressaisit plus rapidement que moi et décroche.

- Allô oui ? ... Non, c'est Carlisle ... Non, on est au même endroit. Regina vient de nous parler d'une chose terriblement grave. Il existe un dispositif d'auto-destruction au cœur de la Malédiction. C'est un diamant noir, et il suffit de le jeter au sol pour qu'il s'active et détruise la ville, et nous avec. Et quelqu'un l'a volé. (Un silence d'au moins une minute s'ensuit.) Je vous la passerais, mais il faut que vous disiez en premier ce que donnent vos recherches. ... Hm, d'accord ... Oh ! Mon Dieu !

- Quoi ?, entends-je quelqu'un demander.

Je mets quelques secondes à remarquer que ce quelqu'un, c'est moi.

Carlisle se tourne vers Regina, puis vers moi.

- Ils sont à l'hôpital. Ils ont questionné le Docteur Wale. Il a laissé sortir Neal Laurens.

Un hoquet horrifié m'échappe, tandis qu'Alice prend une profonde inspiration. Personne n'avait remarqué qu'elle avait une vision.

- Vous avez vu quelque chose ?, lui demande prestement Regina en s'approchant d'elle, le regard suppliant.

- Clark Swan, susurre-t-elle, les yeux dans le vague.

Carlisle demande aux parents d'Emma d'attendre deux secondes au téléphone tandis que Regina répète le nom, ne le connaissant pas. Je me relève et prends les épaules de ma sœur entre mes mains. Je la dépasse d'une bonne tête, alors elle se dévisse le cou pour me regarder dans les yeux.

- Qu'est-ce que tu vois ?

- Clark... Il se réveille. Il a fait une sieste... Il cherche Amy... Il ne la trouve pas.

- Qui est Amy ?, pépie Regina, fronçant les sourcils. Qui sont Clark et Neal ?

- Seigneur, chuchote mon père, accablé.

- Amy et Neal ont disparut en même temps qu'Emma. Elle avait raison..., comprends-je. Ils sont tous ensembles.

La brutalité des événements qui nous tombent dessus me pétrifie littéralement. Mon estomac est complètement retourné, je ne respire plus correctement. J'ai l'impression que je peux m'évanouir d'une minute à l'autre.

- Je vois Crochet, poursuit ma sœur, toujours les yeux dans le vague.

- Moi aussi, s'enquiert Regina.

Je décroche mes yeux horrifiés d'Alice pour suivre le regard de Regina. Au bout de la route, un pirate manchot court dans notre direction. Je me hâte de lire dans son esprit.

J'y vois deux jumeaux, un hangars de pêcheurs et une table électrique.

Je vois des yeux oranges remplis de larmes, des membres secoués par des décharges, et des hurlements.

Je vois un pirate qui reçoit des ordres au téléphone, puis le même pirate qui part dans la bibliothèque. A côté d'une personne ligotée comme un animal, je vois ce pirate remettre le diamant noir à un garçon.

Tout s'explique.





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