Chapitre 4 : Etape n°2

" T'as tiré la carte ange et démon, et même si l'ange te soutiendra, le démon ne te lâchera plus, crois-moi..." - Ruby

~~~

Oh mon Dieu.

Blanche-Neige ? La mère de la Sauveuse ? Blanche-Neige ? La mère de la Sauveuse ? Blanche-Neige ? La mère de la Sauveuse ? Blanche-Neige ? La mère de la Sauveuse ? Blanche-Neige ? La mère de la Sauveuse ? Blanche-Neige ? La mère de la Sauveuse ? Blanche-Neige ? La mère de la Sauveuse ? 

Mais ça veut dire que...

Elena est ta mère. Elena est ta mère. Elena est ta mère. Elena est ta mère. Elena est ta mère. Elena est ta mère. Elena est ta mère. Elena est ta mère. Elena est ta mère. Elena est ta mère. Elena est ta mère...

STOP ! Arrêtons ces conneries, please.

Henry prétend qu'une femme d'à peine vingt-cinq ans puisse être ma mère ? A moi, qui ai soufflé mes seize bougies avant-hier ? Illogique. L'auteur de Once Upon A Time a dû se tromper. 

Le rire de mon interlocutrice lui fait verser quelques larmes, trop amusée par la situation. Si elle copule déjà à huit ans, c'est qu'elle cache vraiment bien son jeu, Mademoiselle Blanchard... Quoi que, attendez ! Henry a émis l'hypothèse que les habitants de Storybrooke soient figés dans le temps depuis seize ans a cause de la Malédiction. Oui, c'est un peu plus clair...

Vraiment chelou, n'empêche, son recueil de contes.

- Et vous, pour qui il vous prend ?, quémande innocemment Elena en se remettant de son fou rire.

- Oh, euh... Je suis pas dans le livre.

Elle sait déjà qu'elle est Blanche-Neige et la supposée mère de la Sauveuse. Si je lui révèle notre lien dans le livre, elle risque... je sais pas, de s'attacher à moi, peut-être. Et il faut pas. Je ne reste qu'une semaine. Pas le temps de créer des liens d'amitié avec les gens...

- Ah bon ?

Elle ne semble pas très convaincue.

On va réellement passer la matinée à parler d'histoires ? Je tourne nerveusement la tête derrière moi, en quête de nouveaux sujets de conversation. Et... et mes yeux tombent sur un enfant. Assis sur un banc. Qui plonge prodigieusement son index dans les tréfonds de sa narine droite.

Seigneur, pourquoi cette vision ignoble ? 

Écoeurée, je fronce le nez en observant la scène. C'est bien, Jojo, décrotte-moi ça.. En public, devant les copines de classe, à l'air frais... MAIS C'EST RÉPUGNANT ! Et il... il... Oh. MAIS JOJO, BOUFFE-LA PAS, MERDE ! Tu manges pas ton caca de fesses, alors pourquoi celui du pif ?! Ils sont perchés, les gosses, en vrai. Beurk ! Traînez-moi cette marmaille chez le psy, je vous en prie...

Psy.

- Tiens, au fait ! (Ma brusque résurrection vocale arrache l'institutrice de ses pensées.) Regina m'a dit que Henry voyait un psychiatre. Vous savez où je peux le trouver ?

- Oh oui, bien sûr. Il passe souvent chez le Dr Hopper, après les cours.

Emma, t'es un génie ! 

Oui, je sais, merci. 


+++


Le bâtiment où se situe le cabinet du psychiatre de Henry est juste en face du Café Granny. Bon à savoir. J'y fais un saut, histoire de faire un petit coucou à Ruby. Je l'aime bien, cette meuf. Elle est cool derrière ses airs de Dark Barbie. D'ailleurs, elle me fait cadeau d'un nouveau Milkshake. 

Avace ça, je suis au taquet pour la pêche aux infos.

J'arrive donc dans l'immeuble où se cache le cabinet. Entretient misérable, il faut dire. Les lieux semblent abandonnés. Trois centimètres de crasses jonchent le plancher du premier étage, et mes godasses étaient plus propres avant d'avoir frotté le paillasson qu'après. Mais bon. C'est Storybrooke, je peux pas m'attendre au luxe...

Je frappe à trois reprises sur la première porte à gauche.

- Entrez, je vous en prie !

Je passe la tête dans l'entrebâillement de la porte, une paille à la bouche. Pourquoi un "je vous en prie" ? Il aime sortir de la norme... Être roux, psychiatre et bosser dans les ruines de Sécession ne lui suffit pas. 

- Bonjour, le salue-je le plus normalement du monde.

J'aspire un peu de Milkshake.

- Emma Swan ? (Je m'étouffe. Il connaît mon nom depuis quand ? Je me suis pas présentée, à notre rencontre...) Justement, je lisais un article sur vous...

Ah merde.

Archibald Hopper, ou Archie pour les plus intimes, de ce que j'ai cru comprendre, repose le Daily Mirror sur son bureau. Je soupire, consternée. Evidemment, les habitants de cette misérable bourgade doivent avoir le journal local comme unique distraction quotidienne. Et  « une jeune fille de seize ans frôle la mort en rentrant volontairement dans un panneau, sauvant ainsi un énorme loup dans le respect des normes éco-naturelles du pays » devient « alcoolisée, une inconnue délinquante détruit un panneau historique ». Oui, la seconde version est la plus palpitante, ça saute aux yeux. Justice et vérité balancées aux oubliettes...

- Laissez-moi deviner, reprend le Doc. Vous souffrez de stress post-traumatique.

Référence faite à l'accident, évidemment. Je me force à sourire en entrant dans la pièce, et je referme la porte derrière moi.

- En faie, je suis venue vous parler de Henry.

- Ah, euh... (Il grimace, l'humour disparaissant.) Eh bien... C'est assez compliqué, dans ce cas...

- De quoi ?

- ... (Il jauge de mon humeur, réajuste ses lunettes.) Eh bien, vous n'êtes rien pour lui, vous savez... (Je m'arrête, mâchoires serrées.) Alors je doute que...

- Votre métier n'est pas d'argumenter, mais d'écouter vos patients, je crois. Et d'après mes sources, la première consultation est gratuite, avec vous. Vous n'allez quand même pas me faire regretter d'avoir écouté les conseils de Mademoiselle Blanchard ? C'est elle qui m'a dirigée vers vous.

Et sans attendre qu'on me le propose, je m'affale dans un siège et croise les jambes, sirotant mon Milkshake. Plus pour me rafraîchir que pour seulement consommer un dessert, je dois dire. Il me fait bouillir. Il me dévisage, je le dévisage. Putain, il m'a saoulé, là ! Comment ça, je suis rien pour Henry ? Okay, on se connaît depuis peu de temps, mais on parle quand même d'un gamin qui est venu me chercher jusqu'à Boston parce qu'il me prend pour un personnage irréel. Il est entré dans ma vie sans que les adultes de son entourage de sachent l'en empêcher. Maintenant que je suis là, il va falloir faire avec, les amis.

Et de toute manière, je ne suis pas venue me créer des ennuis - hm.. sauf avec Regina, je l'avoue. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir si le petit est 1), fou à lier, ou 2), traumatisé par sa mère un brin rigide et possessive. Mes intentions sont louables, non ?

Archie vient s'asseoir face à moi en soupirant. Mes yeux ne lui laissent pas le choix.

- Même si je suis rien pour Henry, je le concède, ça ne m'empêche pas de m'inquiéter, commencé-je d'un ton critique en jetant mon gobelet vide dans une poubelle. Je ne suis pas là pour vous chercher des noises, ni pour me racheter de cette fausse réputation de folle du volant que votre journal m'a collée sur le front. Tout ce que je veux, c'est comprendre. (Mes paroles le rendent plus à l'aise. Bah oui, il a cru que je voulais me battre ou quoi ?) Henry est venu me chercher jusqu'à Boston avec des motivations totalement invraisemblables. A votre avis, d'où peut lui venir cette obsession pour les contes ? Je sais bien qu'un enfant a besoin de s'évader, et autres conneries du genre, mais... il s'évade pas, là. Il se renferme. Il croit que tout ceux qui l'entourent sont des personnages fictifs et c'est dingue, surtout pour un gosse de dix ans...

Hopper me regarde avec une mine grave. Le genre de regard qu'on a quand on se fait aspirer son âme. Il fait serrer, sérieux ! Pour une fois que j'ai soigné mon langage, en plus ! On reconnaît jamais mes efforts, ma parole...

- Mademoiselle Swan, j'espère que vous ne parlez pas de cette manière devant lui.

Il m'étudie une brève seconde, encore une fois.

- Le mot "dingue" est destructeur sur le plan psychique parce que toutes ces histoires... constituent son langage. Henry a du mal à exprimer ses émotions complexes, alors il les traduit de cette manière-là. C'est sa façon de communiquer et de vous dire que ce livre l'aide à gérer ses problèmes.

- Peut-être, mais il est en train de s'en rajouter, de problèmes, râlé-je, un brin dédaigneuse. Il a déjà fait trente bornes en autobus pour me ramener jusqu'ici, il a volé la carte de crédit de sa prof et il prend sa mère pour une sorcière. Entre nous soit dit, ça ne fait qu'un mois qu'il a ce bouquin. Vous le suiviez déjà avant ça ?

Cette question a le don de le crisper. Littéralement. Il se mordille les lèvres en fuyant mon regard, mais lorsqu'il croise The Regard, il ne peut que calmer ses pensées révolutionnaires.

- Hum... Euh, en fait, oui, avoue-t-il finalement.

J'en étais sûre.

Bondissant de mon siège, j'arbore un air résolu en dressant l'index contre lui.

- Alors c'est Regina, le problème !

- Sa mère est une personne des plus crispées, et au cours de ces dernières années, ses efforts pour se rapprocher de son fils ont plutôt eu l'effet inverse...

Mmmh... Regina, mère crispée. J'avais des adjectifs un peu plus sévères, mais ça me va aussi. Archie voyait le petit avant que celui-ci ne soit en possession de Once Upon A Time... Donc Regina faisait suivre son fils parce qu'ils avaient déjà des problèmes de communication. Leurs embrouilles remontent à loin. Il faut que je gratte un peu plus.

Ce que fait alors Archie me met presque hors de moi. Le psy se lève, se dirige vers la porte, qu'il ouvre. Je l'épie de mon œil le plus mauvais.

- J'ai du travail, désolé.

Ah ouais. Il a cru, lui. 

- J'y crois pas ! Vous me foutez littéralement à la porte !, m'écrié-je, offusquée.

-  M-Mais Mademoiselle, j'ai une consultation dans une demi heure et...

- Nan mais laissez tomber les vieilles disquettes, là, même votre chien vous trouverait ridicule. Vous prenez le parti de Madame Mills, c'est tout. Mais c'est pas un problème, je m'en vais.

Furieuse, je traverse la salle en grandes pompes, la tête brûlante de mécontentement. L'hypocrisie, ça me plaît moyen, et c'est pire lorsqu'elle joue en faveur de quelqu'un que j'aime pas. Ouaaah, comment il m'a littéralement dégagée... J'en reviens toujours pas. Je m'apprête à passer devant lui sans lui décocher un mot, mais une bouffée de bonté le saisit à la gorge. 

- Attendez... Prenez ça avec vous.

Ça quoi ? Je le suit des yeux, s'éloigner vers son bureau et fouiner dans une étagère.

Il en sort une chemise en papier portant une étiquette. "Henry Mills". Je fais les gros yeux.

- C'est le dossier de Henry, m'explique-t-il, au cas où Dieu m'aurait fait assez conne pour que je me demande de quoi il s'agit.

Il le tend vers moi avec un petit sourire bienveillant. Je le foudroie du regard sans bouger, le corps impassible et l'esprit en ébullition. Le psy perd son sourire. Non, j'aime pas ça, moi. J'ai l'impression de me faire acheter. Ce type a des grands airs masqués par ses bégaiements et la ride triste entre ses sourcils. Il cache très bien son jeu, le petit psy. Mais l'air de rien, il me le faut, ce dossier... J'aimerais bien comprendre pourquoi Henry vit dans une dimension autre que la nôtre. Pourquoi il ne se détache pas de ces histoires merdiques... qui semblent quand même lui faire du bien. Ça cache bien un trouble psychologique, tout ça.

- Pourquoi vous feriez ça ?

Oui, j'opte pour du conditionnel. Faut pas croire que le dossier est déjà entre mes mains. Il doit me convaincre.

- Eh bien... (Gloussement.) Je dois vous avouer qu'il... que depuis qu'il a ce livre, il ne cesse de parler de vous.

Ouch. Ça me redescend, là.

Je reste stoïque face à cette réplique des plus choquantes. Archibald Hopper s'attendait à cette réaction, je le vois dans ses yeux. Il reprend d'un ton un peu plus serein :

- Je n'ai pas alerté sa mère, car je me doutais que sa réaction serait quelque peu... houleuse, on va dire. Mais quatre fois par semaine depuis un mois, chaque fois que je le vois, il me garantit que la Sauveuse ne va pas tarder à arriver et que tout redeviendra comme avant... 

La Sauveuse... Et tout redeviendra... Oh. 

Je reste longtemps plongée dans les yeux de l'homme qui me fait face, complètement subjuguée par le choc et la panique. Henry, comment as-tu pu t'attacher aussi fortement à quelqu'un que tu n'avais jamais vu ? Fonder tant d'espoirs, tant de certitudes sur le dos d'une fille que tu n'as jamais côtoyé ? C'est pas possible. Y a pas écrit mon nom ni mon adresse, dans ce fichu bouquin. Comment il a fait pour me retrouver ? Pour savoir qu'à tel appartement vivait la fille perdue de Blanche-Neige et du Prince Charmant...

- Vous devez être perturbée par ces révélations..., devine le psychiatre.

- C'est un euphémisme...

- C'est tout naturel. Qu'une personne totalement inconnue puisse voir tant de bonnes choses en vous... ça doit... Faire quelque chose, en effet, conclut-il finalement avec un sourire, sans savoir quoi rajouter. Je trouverais même normal que vous décidiez de partir au plus vite, mais... Enfin, prenez la décision qu'il vous plaira, Mademoiselle Swan. Mais sachez qu'il a placé d'énormes espoirs en vous, et que ça l'aide énormément. (Pause.) A mon avis, il vous aime beaucoup.

Il m'aime beaucoup...

M'aimer. Voilà quelque chose auquel je ne suis pas habituée. Quelqu'un qui m'aime... Je souris presque. Quelqu'un qui n'a pas besoin de connaître mon passé difficile pour voir du bon en moi, par pitié. Quelqu'un qui n'essayerait d'excuser mon caractère, mon comportement, mes paroles crues, mon air mauvais, mon regard noir, mes crises gratuites, seulement parce qu'il s'apitoierait sur celle que j'étais avant de devenir une... une vraie salope, on peut le dire. Il n'y avait que Clark, qui en était capable. Il m'aime réellement parce qu'il connaît une parcelle de vérité. Une toute petite parcelle, mais qui a forgé son jugement sur moi.

Et il me connaît.

Il a compris que me crier dessus ne mène à rien. Qu'il ne faut pas m'offrir de bracelets. Qu'il ne faut pas me proposer d'aller chez le coiffeur. Qu'il ne faut pas me rabaisser, même pour rigoler. Qu'il ne faut pas me cuisiner de lentilles. Qu'il ne faut pas m'approcher d'un cheval. Et bien d'autres choses. Tout ça parce que je suis difficile ? Parce que je trouve ces choses désagréables ? Parce que je veux être servie comme une Reine ?

Non. 

Il a compris que ces règles s'appliquent parce qu'elles viennent toutes d'un traumatisme qui me suivra jusqu'à la mort. Et Clark se plie à ces exigences. Parce qu'il m'aime. Il est le seul qui m'ait aimé.

Et voilà qu'aujourd'hui...

- Il vous aime vraiment, renchérit le Doc.

Et il me tend le dossier de Henry. Et je le prends sans la moindre hésitation.

Parce qu'il m'aime.


+++


Il doit être aux alentours de seize heures lorsqu'on frappe à ma porte. Encore une fois.

- Putain, grognassé-je en me relevant difficilement. Les gens d'ici ont de ces manies...

Je me traîne hors du lit, quittant mes activités immédiates : éplucher chaque parcelles du dossier, sans grands résultats pour l'instant. Au moins, ce sera fait. J'ouvre le battant en baillant, et quelle surprise ! Le Shérif Graham Humbert me sourit. Certainement à la recherche d'une quelconque criminelle en fuite qui ne peut être que moi...

- Encore vous, soupiré-je en posant ma tête contre la porte, d'un air las. Je vais vous faire économiser du temps, tiens : je n'ai pas repris le volant depuis l'accident, et je déteste toujours l'alcool. (Il réprime un éclat de rire en pinçant fortement les lèvres.) Oui, je sais, je peux être de bonne compagnie, quand ça me chante. Et encore une fois, j'ai hâte que vous partiez.

- Trop de théâtralité pour si peu de choses. En réalité, je viens juste vous parler du Dr Hopper. (J'hausse un sourcil inquisiteur.) Il semblerait que vous ayez eu une altercation avec lui, plus tôt dans la journée.

Quoi ? Alors ça, c'est la meilleure ! Qui est venu lui balancer des conneries pareil ? Je sais que j'ai tendance à brusquer le monde, mais Archie ne semblait pas choqué. Pas trop, en tout cas. L'échange s'est même finit sur une note positive. 

Je nie de la tête, en tout cas.

- Développez.

- Eh bien il semblerait que vous ayez voulu accéder au dossier de Henry, et comme le Docteur a refusé... vous êtes revenue le voler.

- C'EST UNE BLAGUE ?! Nan mais c'est quoi, ces conneries ?! C'est lui qui me l'a donné !

Graham prend un air sarcastique.

- Ça m'étonnait aussi, vu votre caractère conciliant et réservé..., ironise-t-il avec un haussement d'épaules, histoire de bien se foutre de ma gueule, en furie. L'ennui, c'est que sa version diffère de la vôtre. Donc, puis-je faire mon boulot, ajoute-t-il en passant la tête par la porte, ou bien est-ce que je dois signer un mandat ?

- Putain !, craché-je furieusement en envoyant la porte s'encastrer dans le mur.

Là, ça commence sérieusement à me gaver.

Graham sursaute face à tant d'énervement, mais n'ajoute rien, se contentant de rentrer dans ma chambre. Comment j'ai envie de retrouver ce psy pour lui tordre le cou, ouah ! C'est quoi, ce vieux mec qui cherche des problèmes là où il n'y en a pas ?! Pourquoi il a menti ?! A quel instant j'ai volé le dossier ?! Putain de mytho, putain de malade mental. A l'image de la ville, bordel. Je suis tellement vénère. 

- C'est ça que vous cherchez ?, craché-je en pointant d'une main désinvolte les feuilles éparpillées sur mon lit. 

- En effet. Pour le coup, je suis témoin de votre coopération. Cette journée est à marquer d'une pierre blanche.

- Abrégez, j'ai pas l'après-midi devant moi.

Oui, parce que rappelons qu'à seize heures trente, j'ai rendez-vous avec Henry. Pauvre gosse, en vrai. Ses problèmes sont totalement légitimes, avec un environnement pareil. Des trois adultes qui l'encadrent au quotidien, seule sa prof est saine d'esprit. Mère et psy sont juste de gros timbrés. 

- Vous êtes à fleur de peau, ça y est.

Bien vu, Sherlock Graham. 

- Y a rien de plus légitime, bordel. Votre psychiatre à la con est un menteur. 

- Peut-être. (Il sourit simplement.) Mais je dois vous arrêter quand même. (Il sort des menottes sous mon regard ahuri.) Encore une fois.

Et merde !

+++


- CE PSY A MENTI !, m'écrié-je en trépignant sur place.

- Évite de parler quand je te photographie. Profil droit.

- Il se fout de moi, putain !

Je souffle sur ma frange décoiffée et obéis, me tournant du côté des cellules - là où j'ai passé ma première nuit ici et où je vais visiblement finir mon séjour. Et cette putain de frange, là ! Le flash de Graham m'aveugle.

- Pourquoi le Dr Hopper aurait-il menti ?, s'intéresse-t-il.

- Je parie que c'est votre malade de Maire qui l'a manipulé !

- Regina ? Pourquoi ?

Pauvre Graham. Autant de poils au menton, et la naïveté d'un enfant de sept ans. 

- Parce qu'elle veut que je me casse d'ici ! Elle est venue me le dire en personne à l'auberge, dans ma chambre ! C'est pas un truc de fou, ça ?! Elle a dû le faire chanter, comme tout le monde dans cette... pff... (Je me résigne presque.) Cette ville de merde ! J'en mettrais ma main au feu...

- Ça tombe bien ! J'ai une corbeille à papier remplie et un briquet. Profil gauche.

Mais il se fout réellement de moi, lui aussi ! J'obéis en grommelant dans ma barbe. Bonjour le soutien ! Et ces photos de merde, là ! Quelles conneries !

- J'avoue que Regina peut paraître légèrement intimidante et comploteuse, me concède Graham de bon cœur. Mais pas au point de monter un coup de cet acabit...

- Ah ouais ? Jusqu'où elle peut aller, dans ce cas ? Dans quoi elle trempe ?

Il me répond par un haussement d'épaules.

- C'est le Maire. Elle trempe dans tout.

- Y compris dans les affaires de la police ? 

Graham serre les lèvres. 

PUUUTAIIIIIIN JE LE SAVAIS ! Non mais quelle honte ! Se laisser écraser à ce point, et par une nana perchée sur ses talons hauts ! Je fusille Graham du regard en m'apprêtant à hurler la vérité, mais il me fauche l'herbe sous le pied.

- J'ai fini. Rentre dans ta cellule, s'il te plaît.

- Sinon quoi ?!, persiflé-je.

- Allez, Emma. Sois coopérative.

- Nan, y a pas de "Emma" et de tutoiement, là. On est pas potes, de un. Et de deux, je coopère pas avec les services secrets de la Maison Mills.

- Le prend pas mal. Je bosse, c'est tout. Et pour le tutoiement, je viens juste de réaliser que tu n'as QUE seize ans. Dans ta cellule, maintenant.

- Et les gens de QUE seize ans peuvent te faire remarquer que tu as UNE NOUVELLE FOIS oublié d'énoncer la loi Miranda pendant l'arrestation ? Tu l'as trouvé dans une poubelle, ton insigne ?

- TA CELLULE !

GRRRR.

Furieuse, j'emploie toute mon énergie pour fermer ma bouche avant de m'attirer encore plus d'ennuis. Je m'exécute silencieusement. Et petit à petit, ma gorge se noue. Comme d'habitude. Extérieurement, je rugis lorsqu'on me crie dessus. Intérieurement, c'est tout autre... parce que je déteste ça. 

Je m'assieds sur la couchette où j'étais il y a encore trente heures tandis que Graham referme la porte de la cellule derrière moi. Je fronce les sourcils. Bordel, il y a même un de mes cheveux qui traîne encore par terre. Quelle pitié, sérieux.

Soudain, la porte du commissariat s'ouvre en grand. Et les nouveaux arrivants attisent mon regard le plus heurté de la semaine.

- Henry ? Qu'est-ce que tu fiches ici ?

Le gamin déboule dans la pièce, son institutrice sur les talons, dans le plus grand des calmes. Graham et moi les suivons du regard sans comprendre. 

- On est venu payer ta caution !, déclare l'enfant en esquissant un sourire charmeur. Enfin Mademoiselle Blanchard, parce que moi, je n'ai pas d'argent.

Hein ?! Je me tourne vers l'intéressée, perdue. J'aimerais avoir le courage de refuser, parce que cette femme est tout bonnement un ange gardien pour avoir envie de m'aider dans une situation pareille, mais mes antécédents avec la justice doivent rester cacher. Je travaille sur l'effacement total de mon passé depuis des années, et ce n'est pas pour que Regina collecte mes infos personnelles dans le Daily Mirror. Surtout qu'en terme de dossier, elle sera servie...

- M-Mais pourquoi vous faites ça ?, m'étranglé-je, les yeux plongés dans ceux de la jeune femme.

Elle se dandine d'un pied sur l'autre en regardant le sol, toute gênée.

- Eh bien, je... J'ai confiance en vous...

- Il va falloir remplir quelques formulaires, s'enquiert Graham, histoire de bien casser l'ambiance.

- Oh, euh, oui. Bien sûr, acquiesce-t-elle subitement en le rejoignant dans son bureau.

Et moi, je reste assise et menottée, telle une merde humide. Henry me rejoint et s'assied sur un sofa, de l'autre côté des barreaux. 

- Bien joué !, s'écrie-t-il.

- Bien joué de quoi ? C'est toi qui viens de me sauver la mise, petit. Merci.

- De rien, mais je parle de ton plan. C'était une super idée ! (Je fronce les sourcils. Vraiment perché, celui-la.) Bah la pêche aux infos ! J'ai tout compris : c'est pour l'Opération Cobra. Très malin !

Ah. Donc déjà, il a été mis au courant par je ne sais quel moyen de mon arrestation, et en plus il en connaît le motif. Pas de hasard... Hopper le lui aurait dit ? Ca ne peut pas être Graham, il était avec moi. 

OH. Bais Regina, à coup sûr.

- Heureusement que ma mère m'a prévenu, soupire-t-il, assez heureux par la tournure que prennent les événements - évidemment, il est du bon côté des barreaux, lui. Il fallait absolument que tu sortes d'ici au plus vite. Tant que tu ne fais pas de recherches sur l'antidote qui sauverait tout le monde de la Malédiction, les choses ne changeront pas. Elles stagnent, et c'est précisément ce qu'on doit éviter. Tu vas réussir à faire ce que ton destin attend de toi, je le sais. Mais la perte de temps est notre pire ennemi. Enfin, après ma mère...

Com-plè-tement barge.

Et attachant. C'est terrifiant.

- Dis-moi, Henry...

Je me tourne solennellement vers lui, peu sûre de vouloir connaître la réponse à la question que je m'apprête à poser. Ses yeux gris souris ne quittent pas mon visage, patients, confiants. Non, j'aime pas ça, moi ! Mais il faut bien que je lui demande. Ça me tracasse depuis ma discussion avec Hopper, alors il faut bien que ça sorte. Il est le seul sur lequel je peux réellement me fier, ici. Enfin, avec Elena Blanchard, aussi. Et Ruby.

- Ecoute. Je sais bien que pour toi, je suis la Sauveuse et tout et tout, mais... Mais pourquoi, depuis le début, tu me fais confiance ? Tu tiens à moi ?... Parce qu'il faut pas, hein. On se connaît pas, t'es qu'un gamin et j'aime pas les enfants, moi. Je vais bientôt partir en plus, donc...

- N'essaie pas de mettre de mot sur des sentiments que tu ne comprends pas, c'est un conseil de petit frère. (Oh, merde. Un frère ? C'est pire que ce que je croyais.) Evidemment, que je tiens à toi. 

Balivernes.

- Arrête !, le coupé-je en sautant de  ma banquette. Arrête, comment tu peux dire ça ! On se connaît depuis trois jours, merde ! 

- Arrête avec tes gros mots, et surtout arrête de te prendre pour la mal-aimée de service. (COMMENT IL A PRIS LA CONF.) Je crois en toi, Emma. (Il se lève aussi.) Je crois en la magie et en ton destin, en ta force pour résoudre les problèmes des gens. Je crois en ton monde, en Narnia. 

- Mais ça n'existe pas ! Redescends, gamin ! On vit pas dans les locaux de Disney Channel, on est dans la vraie vie !

- Et y a de la magie, dans la vraie vie !, fulmine-t-il en s'approchant de moi à chaque pas que je fais en arrière.

Je recule parce que j'ai pas envie de le frapper, ça me ferait de la peine, mais je me contrôle plus quand je suis sur les nerfs.

- Y en a même à Stases, chez nous ! (Je me fige.) C'est là-bas qu'on m'a appris à vivre, et même si tu aimes te cacher derrière un mur, je sais bien que c'est à cause de ta vie pourrie ! (Je me double fige.) Je suis pas idiot, hein ! Mais toi, tu es quelqu'un de bien et de vrai, et c'est pour ça que je dois t'aider. Parce que tu es vraie, unique mais perdue. (Triple.) Mais je vais t'aider, Emma. Je vais t'aider à comprendre que c'était ton destin de venir ici. Et maintenant, les choses sérieuses vont commencer. 

Et c'est à ce moment-là qu'il se place en face de ma cellule, et qu'il tend le bras entre les barreaux, m'offrant sa petite main en gage d'affection. Que je le rejette, l'insulte ou me fous de lui, ça ne lui pose aucun problème. Il est persuadé par ce qu'il dit. Non, il en est convaincu. C'est différent. Il est convaincu que son rôle est de m'aider... De m'aider moi, Emma Swan, le feu follet, la menteuse, l'ex-délinquante, trop lâche pour assumer son passé, trop blessée pour pouvoir l'oublier...

Je le regarde, les traits du visage un peu plus attendri. Je m'approche d'un pas. C'est à ce moment que le Shérif et l'institutrice réapparaissent.

- Alors ?, fait Graham.

- Quoi ?

- Ta signature. Je peux l'avoir ?

- Ah, euh, pardon. Oui, oui. Il faut juste m'enlever les menottes.

Le Shérif me fait sortir de ma cellule et délivre mes poignets en un clin d'œil, tandis que mon regard reste posé sur Henry, souriant, comme toujours.

Oui, il n'y a presque plus de doutes.

Je me fiche qu'il me raconte des histoires à dormir debout, et je me fiche de sa mère psychotique, ou de son menteur de psychiatre, ou de sa ville de fous à lier, ou de Clark beaucoup trop loin de moi, ou de ma voiture inutilisable pour l'instant. A compter de ce jour, cet enfant rêveur, radoteur et insolent sur les bords est ma priorité. 


+++


Œuvrer contre Regina Mills. Telle est l'objectif de mon stage d'une semaine à Storybrooke.

Même si être chasseuse de primes m'aide beaucoup pour retrouver des gens, je ne peux pas cracher sur l'aide de Ruby. Après tout, de nous deux, c'est elle qui connaît la ville et ses habitants. Et puis, pour une lutte contre Regina, il vaut mieux avoir des coéquipiers. Je me suis donc fondée sur les informations de ma nouvelle pote pour trouver l'allier parfait. Quelqu'un d'aussi puissant que le Maire... Oui, c'était difficile pour moi de faire le rapprochement. Pourtant, Ruby l'a trouvé en une seconde.

Je pousse la porte, et une clochette avertit le prêteur sur gages de mon arrivée.

- Monsieur Gold ?

Je mets un pied dans le magasin. En effet, c'est une boutique d'antiquités comme on n'en voit plus beaucoup. Poupées en porcelaine, pierres précieuses, peintures à l'huile, horloges médiévales, étoffes colorées, bocaux d'herbes médicinales ou de tritons... et autres petites babioles. Y compris une version terrifiante de Mickey Mouse. En bref, tout y est. Cette boutique étouffe sous mille et un objets de valeurs, de senteurs, de couleurs différentes. L'unique allée est bordée de deux comptoirs en bois brut, et mène à un dernier comptoir accueillant la caisse et les objets les plus valorisés. C'est face à lui que je trouve l'homme croisé à l'Auberge Granny. Propre sur lui, avec sa canne et son sourire mystérieux, son regard pénétrant et ses airs de gentleman...

- Mademoiselle Swan. (Il m'a reconnu immédiatement.) Quel immense honneur.

- Euh... Bonjour.

Avec lui, je vais éviter de jouer à l'enfant sauvage. 

- Je ne m'attendais pas à votre visite. Surtout après celle que j'ai reçu de cette charmante Madame Mills.

Ô tristesse ! Ô  désespoir ! Je panique et perds tous mes moyens !

Mdddddr non. Je plaisante, vous vous doutez bien.

La rage m'électrocute.

- Qu'est-ce qu'elle foutait ici, celle-la ?! 

Gold me lorgne quelques secondes, mais ma réaction ne le déroute pas. Au contraire, il en a l'air amusé.

- Alors les rumeurs disent vrai. La "petite nouvelle" n'a pas sa langue dans sa poche... Ce qui ne doit pas vraiment plaire au Maire. 

- Elle a toujours une longueur d'avance sur moi, cette tarée !, fulminé-je en claquant ma main contre un comptoir, furibonde. Pourquoi elle est venue ? Elle vous a parlé de moi ?

- Elle n'avait que votre nom à la bouche. Elle tenait à ce que j'use de tous mes moyens pour vous faire quitter notre humble bourgade. Ce que j'ai refusé, évidemment, souligne-t-il en remarquant ma mine des plus furieuses.

- Cette... Hmm... (Je m'auto-censure, histoire de ne pas choquer les esprits.) Ouah, qu'est-ce qu'elle m'énerve. (Je prends une immense inspiration pour réprimer mes grognements, et expire bien fort.) Bref. Calmons-nous. Je suis venue ici parce que... parce qu'elle m'insupporte, et je veux la faire plier.

Je lève les yeux vers lui pour juger de sa réaction. Il me dépasse d'une petite tête, et ses yeux gris semblables à ceux de Henry me redonnent le courage nécessaire pour recouvrer mon calme. Oui, pas la peine de gueuler sur les toits, c'est pas ça qui effacera l'avance que Regina a sur moi. L'important, c'est que je me démerde pour la doubler. 

- Mais je n'y arriverai pas toute seule, avoué-je, autant pour la suite de mes pensées que pour notre dialogue.

- C'est une évidence. Regina est plutôt difficile à cerner...

- Il faut que vous m'aidiez. On m'a dit que vous étiez des meilleurs ennemis, un truc dans ces eaux-là. Mais vous passez plus de temps à piéger l'autre qu'à l'aider, et ça me va très bien.

Il hoche le menton avec un sourire en coin.

- J'approuve, jusqu'à maintenant. Cependant... (Monsieur Gold lève l'index.) tout a un prix !

Je me recule d'un pas et demi et fronce les sourcils, me remémorant rapidement l'air révulsé de Ruby et Granny lorsqu'elles parlaient de lui, le premier soir où je l'ai vu. Tout le monde ici est soumis à cet homme parce qu'il commande la ville. Il est aussi puissant que Regina, et c'est pour ça que j'ai besoin de lui... Quoi qu'il m'en coûte.

- Qu'est-ce que vous voulez ?, demandé-je avec détermination.

Mais au fond de moi, j'ai comme l'impression qu'il est dangereux, ce type. Une sorte d'aura mystérieuse l'enveloppe... Bon bref, faut savoir ce que je veux.

- Hum... Oh, disons que j'aviserai par la suite, déclare-t-il sur un ton malicieux.

- C'est un peu vague.

Haussement d'épaules.

- C'est à prendre ou à...

- Je prends, je prends !

Il éclate de rire et acquiesce. 

- Bien, fait-il, souriant. Vous venir en aide ne me pose aucun problème, personnellement. Mais est-ce que vous cracheriez sur un allier supplémentaire ?

Je fronce les sourcils. 

Au lieu de s'expliquer vainement, Gold m'indique un rideau sur ma gauche qui fait office de barrière entre la boutique et une autre pièce. Il contourne le comptoir. Je l'interroge du regard. Où est-ce qu'il m'emmène ? Et qui est cet allier ? Gold se contente de me pousser derrière le rideau noir qui me fait passer à l'arrière-boutique.

Et là... Le choc.

- Damen ?, appelle Gold en arrivant à son tour dans l'arrière-boutique.

Je n'aime pas les enfants, certes, mais les garçons de mon âge sont également une espèce en voie de disparition dans mon répertoire téléphonique. Clark est l'exception à toutes les règles, mais techniquement, il a vingt-sept ans.

Pas ce "Damen".

Mes yeux s'attardent sur chaque centimètre de son corps, chose qui ne m'était jamais arrivée auparavant. Oui, il est vraiment, vraiment canon, ce mec. Un profil sculpté à la perfection, des muscles bien présents, et il est visiblement trop grand pour la petite chaise où il est installé, concentré dans sa rédaction. Lorsque Gold l'a appelé, il a levé la tête, laissant apparaître un visage angélique. Il est... Presque divin. C'est fou. Un nez aussi droit ; une mâchoire carrée, mais juste ce qu'il faut ; des lèvres parfaitement dessinées... et, surplombant ces traits dessinés par un ange, deux yeux noirs, mystérieux, magnifiques... Ils font ressortir la couleur laiteuse de sa peau et le doré de ses cheveux. Non, il n'est pas blond, ni châtain clair. C'est quelque chose d'encore plus brillant, d'encore plus soyeux, avec des reflets presque mielleux. Histoire de rajouter au surnaturel de sa beauté.

Putain. Une bombe nucléaire.

- Damen, voici Emma Swan. Elle partage la même animosité à l'égard de Regina, me présente l'antiquaire en me désignant de sa main.

Le dénommé Damen se lève tranquillement et vient me tendre la main, sobre. Sa démarche... Je n'ai jamais reluqué un garçon comme ça, putain, mais là... Waouh.

- Damen Cullen. Enchanté.

Mes yeux s'écarquillent. Comment une voix peut-elle être aussi belle ? Douce, dure, sexy, sauvage, tout à la fois ? Est-ce seulement possible, ou bien je pète les plombs ? 

- Emma Swan... Enfin il l'a déjà dit, mais je me présente quand même. Emma Swan.

- Tu l'as déjà dis aussi, du coup.

- Ah ouais.

J'ai un sourire faible et me sens rougir. Une première, ça aussi.

Cette ville me transforme, ma parole.


+++


Pour commencer, je dois attendre Henry.

Je ne peux pas partir en guerre sur un terrain que je ne connais pas, et avec deux coéquipiers dont j'ignore les compétences et la fidélité. Même si je ne connais pas encore personnellement les deux hommes qui m'ont rejoint dans ma lutte contre le Maire, j'ai l'impression que ce Damen me sera plus fiable que le prêteur sur gages. Car lorsque je passe pour la troisième fois, JE LE SAIS, à l'Auberge pour voir Ruby...

- Damen Cullen ?! T'as rencontré Damen Cullen chez le vieux Gold ?! Je te crois pas.

Et lorsque, enfin, elle me croit :

- Il n'est pas trop-beau-trop-sexy-trop-charmant-trop-canon-trop-sympa-trop-parfait, sérieux ?! T'es pas gênée d'être avec lui ?! Je serais incapable de me concentrer sur quoi que ce soit s'il me parle ! 

Puis, lorsqu'elle comprend ma question :

- Entre Gold et lui ? Pff ! Ils sont incomparables. Le truc, c'est que... T'as tiré la carte ange et démon, et même si l'ange te soutiendra, le démon ne te lâchera plus, crois-moi...

Bref, il me faut Henry. Il me permettra de savoir si Damen est si fiable qu'il y paraît, et si je dois me méfier de Monsieur Gold. 

Bref, je suis assise à dix-huit heures tapante sous le clocher, appuyée contre la porte d'une ancienne bibliothèque. Elle est abandonnée, maintenant. J'aperçois une petite silhouette s'approcher de moi au loin, et j'en déduis que Henry a fini sa séance chez le Dr Hopper, alias la mythomanie.

Un sourire gentil s'installe sur mes lèvres.

- Salut, petit ! J'ai un...

- Y'a plus le temps. Je te l'ai dit ; l'Opération Cobra doit reprendre au plus vite. Etape n°2 : Collaboration. On doit partir à la recherche de tous ceux qui pourraient nous être utiles dans notre plan !

- Calmos, on a...

- J'ai fait le point sur l'identité de tous les habitants de la ville, pendant la séance chez le Dr Hopper. Il était pendu au téléphone avec ma mère, alors j'étais tranquille. Je crois qu'il s'est fait remonter les bretelles... bref, prends ça.

Putain, il est H24 au taquet, ce petit. La fougue de la jeunesse, ah ! 

Henry sort un carnet et un stylo de son sac d'école pendant que je médite sur ses paroles. Elle perd pas de temps, l'autre connasse... Je parie qu'elle a enguirlandé le psy parce que, en dépit de son témoignage contre moi (pour le vol du dossier), j'ai recouvré ma liberté en une après-midi. Et puis d'un autre côté, je suis contente que Henry ait pensé à se faire de nouveaux alliés. Je l'ai devancé, sur ce coup-là. Quelle ne sera pas ma fierté lorsqu'il comprendra que je ne sers pas qu'à rompre des Malédictions, n'est-ce pas ?

Il me fourre le carnet entre les mains.

- Lis ça pendant que je fais mon goûter.

L'enfant sort effectivement un beignet au chocolat, et croque dedans en me signifiant de commencer la lecture. Ce à quoi je m'affaire dans le silence le plus total.

Euh... Alors je suis loin de connaître toute la ville et il m'a écrit une cinquantaine de noms, lui ! Il s'est fait remonter les bretelles jusqu'aux lunettes, le père Hopper... 

Bref, voici ceux qui me sont le plus familiers :


Elena Blanchard (maîtresse) : Blanche-Neige

Archibald Hopper (psychiatre) : Jiminy Cricket


Quelle ironie du sort. Jiminy Cricket est l'allégorie de la Conscience de Pinocchio, non ? Il n'est pas censé dire la vérité ? Paye ta Conscience, pfeu...


Graham Humbert (shérif) : Le Chasseur  

Leroy (agent d'entretient à l'hôpital) : Grincheux


Euh. Pas mal, pas mal. Ça lui va bien, à mon ex compagnon de cellule. On s'en rappelle.


Granny (gérante Café + Auberge) : Mère-grand  

Ruby (serveuse) : Le Petit Chaperon Rouge


- Quoi ?!, m'exclamé-je. Ruby est l'alter ego du Petit Chaperon Rouge ?

- Ne crie pas ! (Coups d'œil inquiets au-dessus de son épaule.) Ce sont des informations top secrètes ! Personne ne doit savoir l'existence de ce carnet ! Et le vrai nom du Petit Chaperon Rouge, c'est Scarlett.

- Mais comment tu sais tout ça, toi ?

Il croise les bras en haussant un sourcil signifiant "à ton avis ?"... 

Evidemment... Le livre...

Bref, ayant enfin compris, je reprends ma lecture sous l'œil vigilant de Henry. 


A EVITER QUOI QU'IL ARRIVE !!!!!!!!!!!!!!


Oula. C'est violent, ça. Je vous raconte pas les dessins de têtes de morts que le petit a gribouillé partout autour de cette phrase, écrite en rouge, en gras... bref.


Regina Mills (Maire + maman adoptive) : La Méchante Reine


Normal.


Monsieur Gold (antiquaire) : ?????


- Gold est antiquaire et prêteur sur gages, Henry.

- Ouais, mais j'avais pas la place de tout écrire. Toute façon, faut l'éviter.

Henry stoppe de mâcher son beignet, lève des yeux abattus vers moi et avale péniblement sa bouchée en me dévisageant. Trop de choc en lui. Je reste raide, m'attendant à la pire des fins de phrases.

- Il me fait peur, avoue le petit, une ride inquiète se formant entre se sourcils. En faite, j'ai toujours pas trouvé qui il est dans le livre, et ça me perturbe. Je préfère qu'on reste sur nos gardes...

- Ah. Hum... D'accord... (Bah mon vieux, on est pas dans la merde.) Euh, et Damen Cullen, il est bien ou pas ?

- Oui oui, il est au top ! J'ai oublié de le marquer ?

Il récupère son carnet en cherchant du regard le nom du garçon. Et je le vois en plein milieu d'une page. Je n'ai pas du faire gaffe. Aussi, ce nom est entouré d'une mer de "Cullen". C'est son nom de famille, mais il y a au moins six personnes du même blaze, dans le carnet.


Damen Cullen (adjoint shérif) :


Tiens, Henry n'a pas précisé son identité dans Once Upon A Time. A tous les coups, c'est Apollon...

- Alors ? Il est qui, lui ?

- Ah, ça, je ne crois pas que tu sois prête à le savoir. C'est notre roue de secours, si tu veux. Mais t'inquiète, ça viendra. Pour l'heure, tu dois juste cherch...

Il s'arrête au milieu de sa phrase en écarquillant les yeux, puis les hisse vers moi. 

- Une minute ! Comment tu connais Damen ?

- Ah, euh... Bah en fait, j'étais partie en Collaboration un peu avant que tu n'arrives... et, euh... Bah j'ai vu Damen... Et il était avec... Un arbre, mais c'est pas grave, hein...

- Emma. (Il laisse retomber mollement ses épaules avec un pathos de grand comédien.) Crache le morceau. T'as recruté qui d'autre ?

Mais je suis perpétuellement dans la merde, moi. C'est pathétique.

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