Asura eut un petit rire en assistant à la scène, et fit signe à un Baku mort de honte et un Al toujours souriant de venir les rejoindre, histoire de regarder ensemble le terrible affrontement. Affrontement à sens unique, d'ailleurs, à en juger par les glapissements d'un Cyno qui se faisait, de toute évidence, tirer la queue. Les deux garçons ne se firent pas prier pour rejoindre leur sous-cheffe, qui les regarda arriver avec amusement.

« Notre Lina ne sait plus quoi inventer pour mettre le désordre, n'est-il pas ?

— A sa décharge, pouffa Al, Cyno et Eale ont encore sorti des insinuations. »

Baku émit un petit grognement à la mention des « insinuations » mais n'ajouta rien de plus, se contentant de regarder l'état dans lequel ils mettaient le ring. Ses vêtements de nuit nouvellement acquis lui donnaient un air décalé dans le groupe de personnes habillées avec soin, mais Asura se doutait bien que si il ne s'était pas encore changé, c'était bien parce que personne n'émettrait le moindre jugement au sein d'Asaris. Elle soupira, avant de prendre le garçon par les épaules.

« Il me faudra vraiment leur dire d'arrêter. Cela devient hautement désagréable de devoir ranger derrière eux à chaque fois qu'ils provoquent Lina. J'ai assez à faire avec les idioties de Mairù...»

Al haussa les épaules, mais Baku lui se renferma, une légère moue sur son visage enfantin.

« Elle pense vraiment que c'est de la provocation...? »

Asura lui jeta un rapide regard. Sans doute n'aurait-elle pas dû formuler sa phrase de cette manière. Car si elle avait sa propre opinion très sûre sur le sens exact du mot « provocation », Baku pouvait très bien l'interpréter d'une tout autre manière, qui lui serait nettement moins favorable.

Elle préféra se taire. De toute façon, même si elle exposait sa théorie au jeune garçon, il ne la croirait sans doute pas, plongé dans sa détestation de lui-même. Il n'avait jamais été aimé sincèrement. Comment aurait-il pu croire que les piques de Cyno et Eale étaient de la provocation parce qu'au fond du subconscient de Lina, elles touchaient juste ?

Peu importait, de toute façon. Elle ne savait pas comment l'aider et si cette situation ne leur faisait aucun mal, ce qui ne semblait pas être le cas, elle ne voyait aucune raison d'y porter atteinte. Elle avait autre chose à faire que de gérer les états d'âme de ses subordonnés.

Un regard vers sa gauche lui apprit que Raiju et Selky avaient rejoint la petite discussion, les deux amies affichant des expressions réjouies. Selky fixait les combattants avec un petit sourire, tandis que Raiju, sans lui lâcher la main, venait d'empoigner Al qui désormais sifflait d'agacement à l'adresse de la tornade blonde. Eh bien voilà. Ça, par exemple, c'était quelque chose à faire.

« Raiju, je te saurais gré de libérer Al de ta poigne dans les secondes à venir. Nous avons assez d'un seul ring de combat dans ce hall. Ce sont des célébrations, pas une exposition canine !

— Sauf ton respect, pouffa l'incriminée en relâchant néanmoins sa poigne, avec Cyno dans le lot, c'est très très proche d'une exposition canine. »

Asura ne put s'empêcher de pouffer, et avec elle Baku, tandis que le concerné émettait justement un hululement de chien désespéré. Lina devait l'avoir maîtrisé, maintenant, même si Asura n'avait pas spécialement envie de vérifier.

Aussi, elle devait bien s'attendre à ce que ça finisse comme ça. Tous ses subordonnés, ou presque, étaient après tout ce qu'elle considérait comme des enfants. Rares dépassaient ses vingt-et-un ans d'âge et même ceux qui le faisaient, à savoir, notamment, Makhai, n'avaient rien de complètement adulte. Elle disposait bien sous sa coupe de membres plus âgés, ayant une famille et une vie très loin des tribulations d'un enfant, mais ils n'étaient que des membres honoraires d'Asaris et le bâtiment ne semblait pas réellement leur inspirer confiance. Normal, en un sens. Dans ce bâtiment, il y avait les Claro, et ni Mairù ni Baku n'avaient jamais inspiré confiance à aucun des adultes.

Le combat devait avoir cessé, puisqu'elle n'entendait plus le moindre bruit autre que des gémissements plaintifs provenir de la zone concernée. Malgré tout, elle resta à discuter avec Raiju, Baku, Al et Selky, tous cinq répondant avec plaisir à ses tentatives. Raiju aborda même l'idée de remettre de l'ordre dans les attributions de mission d'Asaris, sujet de conversation qu'Asura voulait voir arriver sur la table à cause de sa complexité à gérer en solitaire..

« C'est vrai, quoi. La plupart du temps, c'est moi qui me tape toutes les missions à l'extérieur de la planète. Pourtant mes trucs c'est pas que le combat ! Ça serait cool que j'ai des missions à Necrima aussi !

— Ce ne serait pas une mauvaise idée de remettre un peu d'ordre, renchérit Al. Surtout que moi, j'en ai marre de me récupérer tout le temps des trucs dans les autres univers. Mes dons sont pas utiles ailleurs ou quoi ? »

Tout en parlant, il s'était mis à pétrir une petite figurine de métal, lui donnant des formes au gré de ses mouvements de doigts avec une facilité déconcertante au jugé du matériau. Asura prit son menton entre ses mains. La répartition des missions était le principal problème d'Asaris. Leur principal rival, Tora Amine, basé au centre de Necrima, recevait une bonne partie des missions demandées par la Cité Divine, mais eux n'avaient en grande majorité que du travail dans les autres univers affiliés. Et ils étaient très, très nombreux, le Créateur savait combien existaient en vérité. Ces missions, recoupant à la fois des demandes desdits univers et des personnes y étant allées, pouvaient se révéler très contraignantes pour les voyageurs obligés de s'y rendre, surtout qu'il s'agissait parfois de destructions pures et simples.

Ressasser tout le fonctionnement du multivers prendrait trop de temps, se dit Asura en vérifiant, sur son livret électronique d'attribution, les missions qu'on leur avait confiées. Il lui suffisait de se dire que trop de leurs demandes étaient des demandes les obligeant à changer de monde, et que les adolescents aimaient rarement être sans cesse obligés de se déplacer. Selky n'avait vu Necrima qu'une ou deux fois en treize ans de vie, c'était dire. Quelque part, elle était d'accord avec eux. Mais à part changer son système d'attribution automatique de missions, elle ne pouvait pas faire grand-chose.

« Je suis bien consciente de la difficulté que c'est d'être sans cesse en déplacement, soupira-t-elle, mais je ne peux pas tout faire. Dans la situation actuelle, tout ce que nous pourrions tenter est aller demander directement une intervention de l'Empereur sur le Conseil des chefs, vu que mon statut de sous-chef m'empêche d'accéder aux réunions officielles et que notre vrai meneur est encore en voyage. Et bien qu'il me semble évident qu'il nous écoutera, parvenir à lui est une vraie plaie. »

Ces mots étaient emprunts de justesse, mais il n'était pas facile pour Asura de les dire. Les principales plaintes de ses subordonnés touchaient à des sujets qu'elle ne maîtrisait pas, et pour pouvoir remanier au mieux les ordres de mission, elle allait devoir obtenir une sérieuse coopération de leur part... De même que beaucoup de temps. C'était pour ça qu'elle avait souhaité aborder le sujet de prime abord. Mais le temps était une ressource bien trop rare pour elle. Surtout en comptant sur le soutien des siens.

« De toute façon, soupira Baku, j'imagine qu'on ne peut pas faire grand-chose pour ça, nous. Personne ne me laisserait approcher l'Empereur...

— Le mieux que je puisse faire est voir avec vous quelles missions vous conviendraient, fit Asura. Faites moi une liste pour les prochains jours que je ne perde pas de temps. Et désolée de devoir aborder ce sujet le jour de ton anniversaire, Baku, mais ça me semblait nécessaire. »

L'adolescent eut un léger sourire, avant d'agiter sa main au son de paroles rassurantes. Ce n'était pas grave, pour lui, il semblerait. Tant mieux. Elle s'était suffisamment fait hurler dessus aujourd'hui, quand elle avait enfermé Mairù dans son laboratoire en lui assurant qu'il ne sortirait pas avant ce soir. Pourtant même lui devait bien se rendre compte que sa présence n'était pas souhaitée dans ce genre de journée... Personne ne voulait qu'il craque, et qu'il voie tant d'attentions à l'égard de son frère ne pouvait que le mettre en rogne. Surtout si les attentions venaient de Lina.

Ses doigts se crispèrent d'eux-mêmes à cette pensée, mais elle n'eut le temps de la creuser. Un bruit de coup aux grandes portes de bois venait de retentir, et Asura savait que ce n'était pas normal. Aucun des membres honoraires ne devait venir aujourd'hui, et tous les autres avaient pris un jour de congé. Ce bruit ne pouvait donc être que la marque d'un imprévu. Et Asura détestait les imprévus.

« On.... On attendait quelqu'un ? » Demanda, d'un ton hésitant, un Baku qui s'était dissimulé par instinct derrière Al.

Asura ne prit la peine de lui répondre. Elle se dirigea droit vers la porte, et l'ouvrit en grand.

Avant de se figer net.

Derrière les panneaux de bois, il y avait deux femmes. Deux adolescentes au vu de leur apparence ; la plus grande, avec ses cheveux noirs coupés aux épaules, ne devait pas dépasser les dix-huit ans. Et l'autre, au vu de son apparence, paraissait un modèle réduit et engraissé de la première : de petite taille et le corps rond à côté de l'apparence étirée et filiforme de la première, elle avait cependant la même forme de visage, le même nez, le même teint de peau, mais surtout les mêmes yeux, en amande et abondamment cillés, qui ne différaient que par leur couleur. Tant de traits qu'elle avait déjà vu chez une certaine personne. Une personne qui allait bientôt recevoir de très, très mauvaises nouvelles.

Elle déglutit, imperceptiblement, avant de demander aux deux visiteuses :

« Puis-je savoir qui vous êtes ? »

Ce fut la plus grande qui répondit.

« Phoebe Kuronæris et Kami Kuronæris, enchantée mad'moiselle ! C'est bien ici la confrérie Asaris Magitaria ? »

Et voilà, les ennuis commençaient.

Sans répondre, elle se tourna doucement vers la seule autre personne à porter ce nom de famille dans toute l'assemblée. Personne en question qui s'était d'ailleurs figée, couettes rousses d'Eale dans une main et chaise dans l'autre, assise sur le torse de Cyno sans la moindre gêne ; et dont le visage transparaissait une surprise totale.

Les traits pincés et les dents montrées, Lina se redressa avant de lancer à Asura :

« C'est qui celles-là ?!? »

________

Hello les gens !

premier chapitre publié, de quoi vous donner une idée du ton et du style général de l'histoire (Asura et Lina sont aux antipodes en terme de monologue interne donc bon-) !

Il est à parier que la grande majorité de mes publications vont fonctionner comme ça. Une partie par point de vue, ce qui pourra rendre les morceaux de chapitre de taille assez inégale (j'ai des pdv de 5000 contre 2000 mots parfois) mais au moins, ce sera assez clair quand est-ce que le point de vue change.

Du coup j'espère que la mise en bouche vous aura plu, et je vous dis à dans une semaine pour le chapitre suivant !