Chapitre 2 : S'incliner

Les vacances d'été arrivèrent beaucoup trop vite au goût de Marion. La date de leur départ pour la Normandie, séjour auquel Viviane n'avait pas renoncé, était fixée pour le lendemain. À cette pensée, l'adolescente affichait une mine identique à celle qu'elle avait au moment de passer ses épreuves anticipées du baccalauréat : elle était désespérée.

Contrairement à l'examen, où elle avait réussi à obtenir la moyenne par miracle dans toutes les matières, à l'exception de l'oral de français, Marion savait qu'elle ne retirerait rien de bon de cette escapade à l'autre extrémité de la France. Elle n'avait absolument pas besoin de cela, mais sa mère ne voulait rien entendre.

Viviane était si déterminée à la conduire dans la résidence secondaire de sa demi-sœur qu'elle avait accepté de faire elle-même sa valise, car Marion n'avait préparé aucune affaire, alors qu'ils devaient se mettre en route à l'aube. C'était l'une de ses nombreuses façons de manifester son mécontentement, et il ne s'agissait que du début. Viviane n'était pas au bout de ses peines.

Les bagages de Thomas, eux, étaient déjà prêts depuis le milieu de l'après-midi. Bien qu'il éprouve un petit pincement au cœur à l'idée de voir son aînée subir ce voyage contre son gré, son envie de découvrir cette région verdoyante qu'était la Normandie n'avait pas décru. Qui plus est, et même s'il n'en avait soufflé mot à Marion, il était curieux de rencontrer ses cousins.

Le frère et la sœur étaient assis sur le canapé, devant la télévision. Il n'était pas encore vingt-deux heures, mais ils arboraient l'un comme l'autre un pyjama. Thomas veillait plus tard, en période de vacances, mais puisqu'il était prévu qu'ils se lèvent avant le soleil, il comptait se coucher assez tôt.

Pendant que Marion, la télécommande à la main, changeait de chaîne après la fin d'un programme jeunesse, Viviane passa la tête dans l'encadrement qui reliait la pièce au corridor. Elle toussota pour faire remarquer sa présence, ce qui était inutile. L'adolescente l'avait aperçue et avait feint de l'ignorer.

— Est-ce que tu veux ton T-shirt avec l'inscription latine ? N'est-ce pas lui qui est devenu trop grand, à force de se détendre ?

— Je le portais la semaine dernière, ce qui prouve que sa taille ne me dérange pas, rétorqua Marion, acerbe.

Elle redoutait le pire en laissant sa mère se charger de sa valise, car le peu d'intérêt que Viviane accordait à sa fille ne lui permettait pas de connaître les vêtements qu'elle arborait le plus souvent. Malgré cela, Marion n'avait pas l'intention de céder. Elle ne lèverait pas le petit doigt pour faciliter d'une quelconque manière un séjour qu'elle ne cautionnait pas.

— Écoute..., murmura Viviane. J'essaye de me montrer aussi conciliante que possible, alors...

— Oh, vraiment ? Tu as décidé de me laisser ici ?

— Tu sais très bien que non, mais ça ne te tuerait pas de faire un effort, au moins pour que je sache quelles affaires je dois mettre dans tes bagages. Y a-t-il quelque chose que tu désires emporter en particulier ?

— Du vitriol, marmotta la jeune fille.

Viviane ouvrit la bouche, mais elle renonça à répliquer. Si elle était parvenue à avoir, de force, le dernier mot pour la Normandie, elle savait qu'il lui était généralement impossible de l'obtenir face à Marion. Elle était bien trop butée et elle camperait sur ses positions aussi longtemps qu'elle le pourrait.

Viviane se retira. Quelques minutes plus tard, Thomas réprima un bâillement dans le creux de son coude, avant de se mettre debout. D'un mouvement de la tête, il fit comprendre à sa sœur qu'il avait l'intention d'aller dormir.

— Si tu te couches, je pense que je ne vais pas tarder à en faire de même. Je ne tiens pas à rester ici sans toi. Je serai beaucoup plus à l'aise dans mon lit.

Son cadet ne releva pas. Il se contenta de se diriger vers le couloir et, peu de temps après, Marion l'imita. Elle éteignit la télévision, posa la télécommande sur la table basse et traversa la pièce en silence. Seuls les raclements des cintres sur la tringle, en provenance du dressing où Viviane s'affairait à choisir pour sa fille les habits nécessaires à un séjour de trois semaines, troublaient le calme ambiant.

L'adolescente n'accorda pas un regard à la porte entrebâillée et continua son chemin jusqu'à la salle de bain. Elle craignait de ne pas avoir laissé un délai suffisant à Thomas pour se brosser les dents, mais elle trouva la pièce déserte, ainsi que la lumière éteinte. Il avait déjà terminé.

Après avoir pressé l'interrupteur, Marion prit sa trousse de toilette sur l'une des étagères fixées au-dessus du radiateur et sortit son tube de dentifrice. Il était presque vide, aussi décida-t-elle de le jeter et d'en entamer un autre. Une fine couche de mousse blanchâtre recouvrit la courbe de ses lèvres, qu'elle rinça en passant sa bouche sous le robinet.

Marion s'empara ensuite d'une boîte de somnifères, de laquelle elle tira une plaquette neuve, car elle avait terminé la précédente la veille. Elle transperça l'une de ses cavités avec son ongle pour en sortir un cachet, qu'elle déposa sur le rebord du lavabo à côté d'un verre d'eau, puis remit les médicaments dans son petit sac, dont elle décida de vérifier le contenu.

Si elle se moquait plus ou moins des vêtements que Viviane pourrait glisser ou non dans sa valise, elle se sentirait mal à l'aise sans son gel douche de prédilection, sa lime ou toutes les autres affaires qu'elle avait l'habitude d'utiliser pour son hygiène personnelle.

Marion eut raison de contrôler sa trousse, car elle s'aperçut qu'elle n'y avait pas remis sa crème dépilatoire, sortie quelques jours plus tôt et qui traînait toujours sur l'étagère. Elle remplit également son flacon de bain de bouche, très utile en cas d'aphte, pour être certaine de ne pas en manquer.

Une fois qu'elle fut sûre de ne rien oublier, elle abandonna la pochette sur la commode, à la droite de la porte. Comme elle avait déjà pris sa douche un peu plus tôt dans la soirée, elle n'aurait pas besoin de recommencer le lendemain matin. Elle n'utiliserait que ses brosses à dents et à cheveux, qu'elle avait laissées de côté.

Les paupières de Marion s'alourdissaient progressivement et elle comprit que le moment était venu pour elle de retrouver son lit. Dès que la fatigue se faisait sentir, il lui fallait saisir cette opportunité, au lieu de lutter contre elle au risque de ne plus parvenir à trouver le sommeil.

D'un pas traînant, elle gagna sa chambre, tout en espérant que Viviane ne l'intercepterait pas. Sa mère était si accaparée par les derniers préparatifs qu'elle ne se manifesta pas. Marion put atteindre sa porte sans encombre et, une fois le seuil franchi, la repousser dans son dos avant de s'affaler sur son matelas, tête la première.

Elle tapota son oreiller de façon à l'aplanir, car les années le creusaient par endroits, puis s'enroula dans sa couverture, en dépit de la chaleur estivale qui régnait dans la pièce. Il aurait tout aussi bien pu faire quarante degrés que cela n'aurait rien changé : Marion éprouvait toujours le besoin d'être couverte de la tête aux pieds. Quand elle fut installée à sa convenance, elle ne mit pas longtemps à s'endormir.

Tout était tranquille. Thomas avait le nez collé contre la vitre et il regardait la ville défiler au rythme du véhicule. Marion fredonnait distraitement l'air de la musique que diffusait la radio, dont le son était presque couvert par le ronflement du moteur, car la voiture n'était plus toute jeune.

L'adolescente fut la première à l'apercevoir, cette automobile qui fonçait sur le stop, beaucoup trop vite pour être en mesure de s'y arrêter, alors qu'eux-mêmes étaient désormais trop près de cette intersection à laquelle ils étaient censés avoir la priorité. Instinctivement, elle hurla.

Son père, au volant, alerté par son cri plus que par la berline qu'il ne vit qu'au dernier moment, écrasa la pédale de frein. Leur vitesse commença à décroître, mais trop lentement. Ils se rapprochaient. Plus que cinq mètres. Plus que trois. Plus rien.

C'était l'effroi total. La panique. Marion, par réflexe, s'était penchée sur son frère, autant que sa ceinture de sécurité le lui permettait. Thomas la cramponnait, le visage décomposé par l'horreur, pendant que la jeune fille fermait les yeux.

Il y eut un fracas assourdissant lorsque les deux voitures se percutèrent, ainsi qu'un choc puissant, qui malmena les deux enfants sur la banquette arrière. S'ensuivit une impression de chute désagréable, comme si Marion était en train de tomber dans un puits sans fond.

Elle se redressa sur son lit en s'égosillant, les yeux baignés de larmes. Les hurlements qu'elle poussait lui brûlaient la gorge, mais elle ne parvenait pas à s'arrêter. Hystérique, elle continuait, tout en triturant sa couverture avec violence. Elle haletait, en sueur, et jetait des regards perdus autour d'elle.

Comme il faisait noir, elle ne distinguait pas sa chambre, ce qui empêchait son esprit de comprendre qu'elle était en sûreté et qu'elle n'avait plus aucune raison d'angoisser. Son corps était parcouru de soubresauts qu'elle était incapable de maîtriser.

Soudain, une porte s'ouvrit à la volée. Moins d'une seconde plus tard, l'ampoule s'alluma, éclairant la pièce. Marion fut aveuglée. Elle recula jusqu'à sentir le mur dans son dos, contre lequel elle se recroquevilla.

— Calme-toi, chuchota une voix. Ce n'est que moi.

Viviane franchit la distance qui la séparait de sa fille en courant à demi et s'accroupit à côté du lit, où elle prit les mains de Marion entre les siennes pour les presser fermement. Cela contint un peu ses tremblements, sans réussir à les interrompre.

— Tout va bien. Tu es à la maison, tu n'as rien à craindre. Il ne va rien t'arriver ici. Respire profondément.

Marion s'exécuta. Elle inspira une grande bouffée d'air, puis recommença. Son souffle avait besoin de retrouver sa régularité, de même que son cœur qui réalisait une course folle à l'intérieur de sa poitrine.

— C'était... C'était l'accident, sanglota-t-elle. J'ai vu... la voiture. L'impact. C'était affreux.

Viviane se redressa pour s'asseoir sur le bord du lit et passa ses bras autour du buste de l'adolescente, avant de lui caresser les cheveux. Malgré les différends qu'elles avaient et sa propre inimitié à l'égard des contacts physiques, elle s'efforçait de rassurer Marion du mieux qu'elle pouvait lorsqu'elle souffrait de ses mauvais rêves.

— Tu as oublié de prendre ton somnifère, hier soir. Tu l'as sorti, mais tu l'as laissé sur le rebord du lavabo avec un verre d'eau plein. Je l'ai trouvé juste avant d'aller me coucher, mais comme tu dormais déjà, je n'ai pas voulu te réveiller. J'aurais dû.

Marion ne répondit pas. Ce n'était pas la première fois qu'elle ne pensait pas à prendre son cachet avant de se mettre au lit, et comme toujours lorsque cela se produisait, le souvenir de l'accident lui revenait en mémoire, d'une manière qui ne saurait être plus réaliste.

— Quelle heure est-il ? interrogea la jeune fille, la bouche pâteuse, en constatant que sa mère portait des vêtements diurnes.

— Cinq heures et quart. Je m'apprêtais à venir vous dire de vous lever, Thomas et toi. Je suppose que ce n'est plus la peine que j'aille frapper à sa porte, maintenant.

Viviane relâcha l'étreinte qu'elle appliquait sur le corps de Marion et se mit debout, avant de désigner l'entrée de la chambre, où le garçon se tenait. Son aînée, en dépit du malaise qu'elle éprouvait encore, se força à lui adresser un sourire. Thomas se précipita vers elle.

— Je te laisse un moment pour reprendre tes esprits, dit Viviane. Je vais préparer le petit-déjeuner.

Marion acquiesça, tandis que son frère se glissait avec elle sous sa couverture. Elle eut déjà l'impression de se sentir mieux. La simple présence de Thomas auprès d'elle suffisait à la réconforter. Même s'il n'était pas en mesure de parler, il lui offrait la meilleure des consolations.

— Tu as de la chance, toi, déclara-t-elle après un long silence. Tu ne fais pas de cauchemars. Si j'avais pu choisir, j'aurais préféré devenir muette, moi aussi. Au moins, tu n'as pas à revivre la nuit l'accident dans lequel Papa a péri.

Son cadet ne réagit pas. Marion songea, mais trop tard, que ses paroles étaient peut-être un peu égoïstes. Avoir perdu la faculté de s'exprimer oralement devait être pénible pour Thomas. Coupable, elle s'empressa de s'excuser.

— Je suis désolée, je n'aurais pas dû dire ça. C'était déplacé.

Non. Il n'y a pas de mal.

Marion fixa la porte, restée entrouverte après que Viviane eut quitté la pièce. Elle l'observait avec une telle insistance que ses paupières se mirent à la picoter, car elle en oubliait de cligner des yeux.

— C'est dans un moment comme celui-ci que j'aimerais la voir revenir et m'annoncer qu'après mûre réflexion, elle a choisi de prendre en compte mon avis et d'annuler son fichu séjour en Normandie. Mais elle ne le fera pas.

Non, en effet. Elle tient vraiment à voir sa sœur.

— Qu'elle la voie, ça la regarde. Qu'elle me l'impose contre ma volonté... C'est de la tyrannie.

Nos cousins seront peut-être sympathiques.

— Et alors ? Je n'ai aucune envie de les connaître, essentiellement parce qu'ils sont les fils de l'autre.

Ce sont des préjugés.

— Oui. Sûrement. Peu importe. Je me moque bien de ce dont il s'agit. Je n'ai pas à me justifier des personnes que j'aime ou, au contraire, de celles que je n'apprécie pas.

C'est toi qui vois.

Sur cette affirmation, Thomas abandonna la couverture tiède pour aller décrocher la robe de chambre de Marion, suspendue à un portemanteau. Il la lui tendit et elle le remercia, avant de s'emmitoufler dedans. Il avait eu raison de la lui passer. Comme son corps était encore moite de sueur, elle aurait couru le risque d'attraper froid en sortant du lit.

Ils se rendirent ensemble dans la cuisine, où Viviane faisait cuire des œufs au plat dans une poêle. Ils s'installèrent autour de la petite table déjà dressée, en attendant qu'elle les serve. Marion coupa plusieurs tranches du pain de la veille, qui avait un peu séché.

— Ça va mieux ? l'interrogea sa mère en remplissant son assiette.

— J'imagine que la réponse à cette question est « oui », jusqu'à la prochaine fois.

— Il faut que tu fasses plus attention. Puisque tu n'arrives pas à passer une nuit complète sans l'aide de tes somnifères, tu devrais vérifier que tu as bien pensé à les prendre avant de t'endormir.

— Ils me protègent peut-être des cauchemars, mais ils ont surtout de lourdes conséquences, répliqua Marion. S'il m'arrive de les oublier, comme tant d'autres choses, d'ailleurs, c'est parce que je suis complètement dans les vapes. J'ai parfois des trous de mémoire et je suis incapable de me concentrer sur quoi que ce soit.

— Tu n'aurais pas dû interrompre si tôt tes séances avec la psychologue. Elle aurait pu t'aider à...

— M'aider ? Thomas la voit une à deux fois par semaine depuis des mois et il ne se porte pas mieux.

Le garçon se détourna de son petit-déjeuner qu'il avalait goulûment pour approuver les propos de sa sœur. Toutes les tentatives du médecin pour lui faire surmonter son choc émotionnel et lui rendre la parole avaient échoué. Si Thomas avait eu le même tempérament rebelle que Marion, il aurait lui aussi protesté pour mettre un terme à ces rendez-vous inutiles.

Viviane étudia ses enfants à tour de rôle. Elle savait qu'elle s'engageait sur un terrain glissant. Ni l'un ni l'autre n'aimaient entendre parler de l'accident, et pas davantage du traumatisme qui en résultait. Si Alexandre avait été là, il aurait sûrement trouvé les mots, mais pas elle.

La moindre erreur pourrait lui attirer les foudres de Marion, or ce n'était pas un jour à la mettre dans de mauvaises dispositions. Plus ils se rapprocheraient de la Normandie et plus l'adolescente serait d'une humeur exécrable. Préférant ne pas empirer les choses dès à présent, Viviane choisit de ne pas poursuivre la conversation.

Lorsqu'ils eurent terminé leurs œufs au plat, Thomas, serviable, s'affaira à débarrasser la table, mais sa mère le dissuada de continuer. Elle insista pour qu'il aille plutôt s'habiller, de sorte qu'ils ne partent pas trop tard, car la route qu'ils avaient à parcourir était longue.

L'émoi affiché par Marion depuis qu'elle était sortie du lit, à cause de son cauchemar, laissa progressivement place à une expression maussade, comme Viviane l'avait anticipé. Préoccupée par son sommeil agité, la jeune fille avait presque oublié d'être en colère, mais cela lui revenait.

Thomas occupant la salle de bain, Marion se rendit dans le dressing, où elle hésita sur les habits qu'elle allait porter. Il était très tôt, donc les températures extérieures seraient fraîches au moment de sortir, et si elle optait pour des vêtements légers, elle aurait un peu froid. Les rayons du soleil gagneraient cependant en intensité au cours de la matinée, et un débardeur ou un T-shirt serait alors mieux adapté.

Elle décida d'enfiler un haut fin à manches courtes, qu'elle coupla avec un petit gilet bleu, dont elle pourrait se délester dès que la chaleur commencerait à s'introduire dans la voiture. Un pantacourt compléta sa tenue, avec une paire de socquettes blanches et des baskets en tissu.

Le temps pour elle de se vêtir, Thomas avait achevé sa toilette et libéré la salle de bain, dans laquelle Marion fit une rapide halte afin de se brosser les dents et les cheveux. Elle en ressortit un bref instant plus tard, sa trousse sous le bras, pour la ranger dans sa valise.

Viviane l'avait mieux remplie que sa fille ne l'aurait cru, mais d'un autre côté, elle n'avait guère de mérite. Puisqu'ils seraient absents pendant une vingtaine de jours, sa mère avait décidé d'emporter une grande partie de ses affaires, pour être certaine que Marion ne manquerait de rien.

L'adolescente déplaça son bagage jusqu'à l'entrée, où Viviane la rejoignit. Elle décrocha sa veste suspendue à la patère, ainsi que son sac à main. Après avoir vérifié que ses papiers, son portefeuille et ses clés de voiture se trouvaient bien à l'intérieur, elle demanda d'une voix hésitante :

— Ce n'est pas la peine que je te propose de prendre le volant, n'est-ce pas ?

Marion refusa avec virulence. Elle était censée pratiquer la conduite accompagnée, mais elle avait arrêté après l'accident. Son père avait l'habitude de la faire rouler sur de longues distances, mais à présent, la jeune fille se raidissait sitôt qu'elle s'installait face aux pédales. Le simple fait de monter à bord d'un véhicule était déjà suffisamment délicat pour elle.

Elle se demandait parfois si Thomas nourrissait les mêmes craintes. Elle avait peur dès qu'elle voyait une voiture lancée à toute vitesse, elle blêmissait lorsque quelqu'un enfreignait le Code de la route... Son frère, lui, paraissait étrangement serein, en dépit de ce qu'ils avaient vécu.

Tandis que Marion songeait à cela, Thomas arriva. Il portait un sac en toile en bandoulière, qu'il avait privilégié à une encombrante valise, et tenait une masse grisâtre dans sa main. L'adolescente fronça les sourcils lorsqu'elle identifia son koala. Avant qu'elle ait pu souffler mot, il le lui remit.

En cas de cauchemars. Tu auras besoin de l'étreindre.

Lorsque Marion était assaillie par ses mauvais rêves, son premier réflexe était souvent de presser l'animal en tissu contre elle dès qu'elle parvenait à reprendre ses esprits. Il lui offrait un contact apaisant, même si cela suffisait rarement à lui permettre de se rendormir.

Elle s'était interrogée, quelques jours plus tôt, pour savoir si elle devait l'emporter ou non avec elle. Elle avait finalement jugé préférable de le laisser dans sa chambre, car elle redoutait la réaction de ses inconnus de cousins s'ils la surprenaient avec une peluche. Comme Marion les imaginait dotés de tous les défauts du monde, elle s'attendait à rencontrer des individus mesquins et sarcastiques.

Elle reconsidéra toutefois son choix pendant que ses doigts s'enfonçaient dans le faux pelage du marsupial. Elle n'avait pas eu de violentes crises nocturnes depuis plusieurs semaines, mais après ce qui s'était passé cette nuit, il valait mieux pour elle de partir avec son koala, n'en déplaise à quiconque. Si elle était raillée à cause de cela, elle aurait au moins une excellente raison de mépriser les fils de Jessica, bien que ce soit déjà le cas.

— Est-ce que vous êtes fin prêts ? demanda Viviane.

Cette question lui valut un regard noir de la part de Marion, qu'elle feignit de ne pas avoir remarqué. La jeune fille était loin d'être prête, et surtout d'être consentante. Elle était uniquement victime d'un abus de pouvoir. De ce fait, elle trouvait l'interrogation de sa mère déplacée.

— Bon..., bredouilla celle-ci. Allons-y.

Thomas fut le premier à lui emboîter le pas jusqu'au palier et Marion suivit en traînant sans ménagement sa valise à roulettes dans son sillage. Elle était toujours déterminée à se montrer le plus irascible possible lorsqu'elle serait en Normandie. Après tout, pourquoi devrait-elle être la seule à vivre l'enfer durant ces vacances ?

*****

Fin de l'extrait ! J'espère que ce début vous a plu. Vous pouvez retrouver le roman dans son intégralité sur Amazon : L'autel des âmes tourmentées, publié sous le pseudonyme de Mary Elise ;-)

Merci pour votre lecture !

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