Massilia Sound System
Ce vieil homme à moitié taré, insaisissable, doit être la clé. Ce fameux Enguerrand qu'Edgard avait rencontré bien des années plus tôt. Cet homme qui m'avait averti de ne pas m'approcher de Lammour.
Non sans crainte, nous prenons la route dès le lendemain pour nous diriger vers Marseille. Nous avons peur de passer la frontière. La république française a renforcé les contrôles à toutes ses frontières suite aux attaques de Satyre Hebdo. De plus, la police m'avait mis sur le dos plusieurs agressions lors de mon passage à Paris. Je suis activement recherché, Europol placardant ma tronche de cake dans chaque espace d'affichage disponible. Et en outre, il faut le notifier, des troubles ont éclatés avec des réfugiés venus du Proche-Orient et qui étaient coincés entre l'Italie et la France, chaque pays refusant d'héberger ce qu'ils appelaient les profiteurs. Des échauffourées ont régulièrement lieu entre les forces de l'ordre et les réfugiés, appuyés par un immense groupe de militants des droits de l'homme.
Mais nous n'avons pas le choix. Cette clé, c'est peut-être cette vieille femme qui doit l'avoir. Elle a certainement rencontré Enguerrand, avait connu la guerre, avait peut-être dû fuir les SS, et avait vécu avec sa famille des événements presque similaires à mon aventure. La voir m'est donc impératif.
Je sais, c'est moche, mais le délit de sale gueule est monnaie-courante en France. Pour passer la frontière, il faut mettre cette évidence à profit. Dans le train, Frida et moi nous installons juste derrière un groupe de jeunes d'origines maghrébines, partis faire la fête à Milan. Si les flics/douaniers débarquent, ils choisiront à coup sûr le groupe de jeunes et nous laisseront tranquilles. Je ne suis pas fier de ce que j'ai fait, je l'avoue. L'instinct de survie prend le dessus sur toute éthique. Les autres ne comptent plus. Seul l'objectif, ma survie, ma disculpation sont devenues ma ligne de conduite. Le reste n'est qu'accessoire. Une fois tiré d'affaire, je pourrais rendre le monde meilleur et réparer mes conneries.
La stratégie fonctionne à merveille. Dès que nous traversons la frontière, quatre flics en civils débarquent et s'attardent directement sur la bande. J'exalte quelque peu les sentiments des deux groupes opposés : chez les jeunes, j'augmente la colère et la frustration. Chez les flics, je titille le mépris. Les jeunes demandent rapidement pourquoi eux sont emmerdés et pas le couple de petits vieux trois sièges plus loin. Les voix s'élèvent rapidement. Un des policiers frappe un des jeunes. Révolte, les quatre gaillards de la banlieue marseillaise se ruent sur les flics qui doivent appeler à l'aide. À l'arrêt suivant, dix poulets en renforts montent dans le train et embarquent les jeunes. Tellement pris par l'altercation, les flics ignorent le reste des passagers.
Arrivés à Marseille, nous ne sommes pas pour autant plus avancés. Rechercher cette femme, si elle est encore en vie, risque de nous prendre pas mal de temps. Pendant que Frida commence à éplucher des annuaires en tout genre, j'inceptionne quelques personnes. J'ai d'ailleurs la chance de tomber sur un petit dealer qui venait de finir sa tournée. Pas de bol pour lui, je pars avec tout son fric, environ 2000 euros. Tant pis pour lui s'il doit ce fric à quelqu'un, il n'avait qu'à pas dealer de la came.
À la tombée de la nuit, nous rentrons bredouille à l'hôtel. Frida commence à éplucher un peu plus en détail les documents sur l'affaire marseillaise. Elle remarque un petit détail qui ne m'avait pas sauté aux yeux. Dans un article, Alésia Crowley était qualifiée de médium professionnelle. Elle consultait encore à l'époque de son interview. On se met à rechercher sur le net les voyants du coin. Miracle, elle est toujours répertoriée comme active. Frida téléphone dès le lendemain et à force de négociation, elle décroche un rendez-vous trois jours plus tard.
Trois jours d'attente interminables. Frida et moi ne sortions pas de la chambre, toujours occupé à classer ces documents. Enfermés de la sorte, la tension monte peu à peu entre nous. Nos voix s' échauffent de temps à autre, pour des petites broutilles. À cran, paniquant à chaque passage de sirènes, l'atmosphère devient irrespirable. Et une dispute, la première, éclate. Frida, renverse du café sur une partie d'un arbre généalogique. Un très vieux papier, d'une cinquantaine d'années, qu'il fallait manipuler avec soin. Le café rend le document illisible, transperce la feuille. Les papiers entassés dessous subissent le même sort funeste. Lorsque je vois la catastrophe, je rentre dans une panique. IL ne faut pas perdre une miette d'informations ! Et si, justement, ce document contenait l'information capitale, celle qui permettrait de mettre à bas toute cette affaire ? J'essaie tant bien que mal de récupérer ce qui est possible, mais le papier se désagrège au contact de mes mains. Elle, regarde par-dessus mon épaule sans bouger, et visiblement imperturbable. Voir Frida qui ne semble même pas ennuyée de son geste, ni de tenter de réparer sa connerie, me fait sortir de mes gonds. Nos voix s'emportent et une immense cacophonie de cris et jurons réveille les chambres voisines. Le Massilia Sound System symphonique version Chris et Frida. Ce n'est que lorsque le personnel nous menace d'appeler la Police que nous cessons notre querelle. Oui, dans un sens cette menace nous effraie tellement que nous en oublions nos différends. Pourtant, je le sens, la tension, est bien encore là. J'appréhende le jour où elle refera surface, car je sais que ce sera bien pire et que les dégâts seront considérables, pour elle comme pour moi.
Le dernier jour, on décide de faire une pause dans le tri de tout ce fatras. On ose une petite ballade dans le vieux port Marseillais lorsque le soleil passe l'horizon. Une promenade main dans la main, comme deux amoureux transis. Cette sortie nous apaise tous les deux, et le soir, nous refaisons l'amour plus fort que jamais. Une nuit intense, comme celles que l'on avait connus à Fribourg, avant de prendre la fuite tous les deux. Je ne le sais pas encore, mais nous vivons notre dernière grande nuit de passion.
Petite note de l'auteur:
Bien le bonjour à tous!
Oui, avoir fait une pause estivale n'a pas aidé à la reprise de la lecture je pense. En effet, mon petit jeu proposé la semaine dernière n'a pas réellement rencontré de succès. C'est pourquoi je l'ai modifié un petit peu, et postposé la date butoir à la semaine prochaine. Saurez-vous retrouver toutes les références dans les titres des chapitres?
j'espère que ce chapitre vous a plu! Et n'oubliez pas de mettre une petite étoile, un petit commentaire! Qui sait, peut-être que je vous dédicacerai le prochain segment pour vous remercier?
Bon weekend à tous!
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