Les racines du mal
J'ai l'impression qu'un immense poids s'est volatilisé.Je n'ai jamais éprouvé une telle sérénité. Je me sens en paix avec moi-même, mes doutes ont disparu. Je sens le sourire sur mon propre visage, et si j'essaie de reprendre une contenance, je sens mes muscles se remettre dans cette position
« La haine qui restait en toi s'est envolée », me dit Gusfand.
« J'en ai bien l'impression. Je me sens en paix.
- Je te laisse te reposer le reste de la journée, et méditer à cela. Tu l'as bien mérité ».
Gusfand s'éclipse en deux-trois mouvements. Je suis abasourdi. Tout ceci n'était donc qu'un test ? Mais, alors que ce genre d'expériences m'aurait révolté encore la veille, je me serais certainement jeté sur lui, je n'éprouve plus que de la gratitude. Je ne l'avais jamais réellement ressentie auparavant. Je pense que si je croisais n'importe qui, je l'aurais pris dans les bras, pour lui dire merci, lui faire un câlin et partager ses sentiments qui m'animent. Pourquoi ? Je ne sais pas. Je ne me suis jamais senti aussi bien.
Toutes les petites meurtrissures se sont évaporées. J'ai l'impression d'être un homme nouveau. D'un coup, je me mets à rire intérieurement : « le monde entier va se moquer de cette profusion de bons sentiments ». Mais je me rends compte que ce n'est que de cette manière, en éprouvant amour et compassion que seul le monde peut être réparé. J'ai fait preuve de condescendance envers mes semblables en pensant que je pouvais les guider en manipulant leurs pensées. Je réalise que je n'avais pas confiance en l'espèce humaine, que je me plaçais au-dessus de la mêlée.
J'observe mon abri. Hier, je trouvais cette cave immonde, un vrai squat moisi. Aujourd'hui, je suis tout simplement heureux d'avoir ce toit sur la tête, à l'abri de tout. Je continue mon inspection, les murs qui me paraissaient si gris hier me paraissent plus nuancés. Mon regard termine son balayage sur le sac que Gusfand a laissé son sac en plein milieu de la pièce. De la bouffe !
Je n'avais jamais dégusté un aussi bon bretzel de ma vie. J'ai l'impression qu'il a beaucoup de goût. Pourtant, en regardant l'emballage, je me rends compte que j'avais été en manger là juste avant d'aller me mettre à attendre sur le parvis Le truc industriel, qu'on ne veut pas savoir ce qu'il y a dedans tant c'est bourré de produits chimiques.
Gusfand ne réapparait pas de la journée. Calme, apaisé, je passe mon temps à repenser à la suite, comment on coincerait la bande à Lammour. Informer les gens, simplement, n'était-ce pas trop risqué ? Si on balance tous ces documents au monde sans mettre un message d'amour derrière, le monde aura peur. Et nous connaissons tous les conséquences qu'induit une population effrayée. Il suffit de se rappeler le 11 septembre. Les gens, irradiés par la peur de l'autre ont accepté un état ultra-sécuritaire. La France est en train de faire pareil dans l'après « Satyre Hebdo ». Au final, il n'y a plus que de la suspicion et des actes haineux qui en sont ressortis. Il doit bien y avoir une solution. J'en parlerai avec ce doux illuminé lorsqu'il sera de retour.
Gusfand n'est toujours pas revenu lorsque je me décide à piquer un roupillon. Pas grave. Il m'avait de toute façon dit qu'il me foutrait la paix pour la journée. Le sommeil me gagne en un rien de temps, je dors comme un loir, comme un petit bébé qui sait que ses parents sont à ses côtés quoiqu'il arrive.
J'ai à peine ouvert les yeux que j'entends un « bonjour » enjoué près de moi. Gusfand est là, assis au même endroit qu'hier, un bretzel et un café en main qu'il me tend.
« Bien dormi ? »
« Comme un bébé ! Je n'ai pas aussi dormi depuis bien longtemps ! »
« C'est normal, bienvenue dans un nouveau monde. Mais aujourd'hui, dès que tu auras pris ta dose d'énergie, on devra se plonger dans une histoire fort peu réjouissante.
-J'imagine. Je suppose que le sujet sera comment l'humanité en est arrivé à oublier ces sentiments, et que cela a conduit à des groupes tels que celui qui me pourchasse. »
Il m'assène un « bingo ! » bien joyeux en guise de réponse.
On déguste notre pitance en silence. Une douce odeur de café se répand dans la pièce, chassant l'odeur d'humidité persistante dans toute la maison, même si la pièce du sous-sol est étrangement épargnée. Quelques minutes après ce petit déjeuner de champion, Enguerrand prend une profonde respiration et commencer à parler.
« Je ne sais pas quand cela a commencé. Si on regarde l'histoire du monde, il n'est nulle part fait mention d'une société où chacun est égal à l'autre. Rapidement, des hommes se sont érigés au-dessus de leurs semblables. Les rois, la noblesse,... Si on regarde, en fait, rien n'a changé. On pourrait dire que les hommes d'aujourd'hui sont toujours des serfs comme autrefois. Lorsqu'est venu le temps des « lumières », on aurait pu croire que ce temps serait fini. Mais ce n'était qu'un coup d'éclat d'une classe bourgeoise qui avait réussi à sortir son épingle du jeu. Ils refirent les mêmes erreurs. Rapidement, ils se rendirent compte que si les principes d'égalité et fraternité étaient respectés par tous, ils perdraient vite leurs privilèges.
Ils créèrent donc des castes en quelque sorte. Ils inventèrent les concepts de gauche et de droite. Les bourgeois qui ne s'intéressaient pas directement à la politique, restaient dans les affaires, influant sur les politiques en abreuvant d'argent les « élus ». Ils jouaient sur les deux côtés, leur intérêt étant chaque fois conservés, même si officiellement une classe politique se disait proche du peuple. Une communauté à part, la religion juive, sortit avec brio son épingle du jeu. Elle menait ses affaires avec une grande habileté provoquant la jalousie de ses concurrents.
Après la défaite de 1914, l'Allemagne vécut dans l'humiliation la plus totale. La classe bourgeoise allemande rêvait de redorer le blason de leur Grand Empire qui avait périclité depuis des siècles. Ils rêvaient de mysticisme, des mythes de Perceval, de la grande race aryenne.
Toutes ces illusions sont simplement venues d'un ego meurtri jusqu'à la moëlle. »
« Your ego brings only sorrow »
Cette phrase me vient machinalement. Channel, encore. Putain. Ils sont proches de la vérité.
Gusfand m'interrompt de ma rêverie en se raclant la gorge, puis reprend.
« Ils voyaient également d'un très mauvais œil la classe juive s'en sortir mieux que les autres ». Rongés par la jalousie, cette dernière se transforma rapidement en haine. Ils avaient trouvé un bouc émissaire. Ils comprirent très vite que s'ils arrivaient à manipuler l'opinion publique, en les traitant de voleurs, de parasites qui suçaient l'économie allemande, ils pourraient facilement prendre le pouvoir. Ils fondèrent le culte de Thulé, en se basant sur des théories racistes émises par tant d'autres (chercher sources). Il ne leur manquait plus qu'un faire-valoir, un orateur hors-pair pour manipuler les masses en leur faveur. Leur choix se porta sur un artiste raté du nom d'Adolf...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top