Partie 2 - Tout commence
Stan
Mes décisions n'étaient jamais prises au hasard. Comment laisser le hasard s'infiltrer dans ce que je pensais être ma propre histoire d'amour? Je ne pouvais pas associer Ellie au hasard, tout devait être méticuleux et parfait, comme elle. J'avais décidé de lui révéler mon prénom, et rien de plus, à la fin de l'année de terminale, quand je savais qu'elle pourrait peut-être m'identifier mais jamais me retrouver. Timide maladif ou romantique caché, je ne savais pas moi-même ce qui me poussait à tant de pudeur. A l'époque du lycée, cette soirée avait été le théâtre de l'unique et toute première interaction entre elle et moi. Je sais que c'est décevant, ça l'était même pour moi, voire pour Alex qui se contrefichait pourtant de tout ce qui pouvait s'apparenter à quelque chose sentimental.
"C'est vrai qu'elle est jolie" commença-t-il sur le chemin du retour.
"T'es bourré?"
"Non, elle est vraiment jolie. Je sais pas, pour une fois je peux comprendre qu'une fille te fasse tourner la tête même si on a toujours su que fallait pas se prendre la tête avec elles"
Il avait l'air vraiment bourré.
"Je suis sérieux, merde!" continua-t-il, légèrement agacé par mes ricanements.
"Ouais, ouais, mais maintenant je peux l'oublier, fini le lycée, à nous la fac, à nous Paris, à nous la colloooooc!" avais-je crié en levant les poings vers le ciel comme pour retrouver ma masculinité. L'avenir me souriait et je ne pouvais pas gâcher ça pour une fille qui ne savait de moi que mon prénom.
On venait d'un petit village et on avait toujours rêvé de la capitale, de se promener après nos soirées sur les quais de Seine et de vivre à deux. On était inséparables et après ce qu'il venait de me dire, je ne pouvais m'empêcher de sourire.
J'avais 23 ans. Avec un peu plus de recul et de maturité, j'avais fini par réaliser que mon comportement était lié à la peur de ne pas être à la hauteur et de ne pas réellement pouvoir combler Ellie. En fait, j'avais du mal à l'imaginer autrement que comme quelqu'un qui rêvait d'un mariage de princesse et d'une histoire d'amour où le mec court après la nana pour l'embrasser sous la pluie. Ou tout autre scène que j'avais pu apercevoir dans les comédies romantiques dont ma mère raffolait. Je pouvais comprendre cet intérêt mais pas me convaincre que j'étais ce genre de garçon. Plus je grandissais, plus j'avais l'impression de m'éloigner de l'idéal que pouvait rechercher la jolie blonde. Je sortais, je buvais, je fumais et je n'étais pas du genre à inviter au restaurant une fille avec qui j'aurais couché la veille. J'étais devenu ce que les filles romantiques qualifieraient de salaud, et pourtant, je n'avais jamais blessé personne.
Je réalisais de plus en plus que ma vie de fêtard qui enchaînait les conquêtes n'était pas idéale, que ce n'était pas ce dont pouvait rêver un garçon de mon âge. Quand je regardais autour de moi, ça me sautait aux yeux : des mains entrecroisées, des rires niais, des regards tendres... L'amour semblait être sacrément ancré dans les moeurs. Ma vie ressemblait plutôt à des jambes entrecroisées, des gémissements satisfaits et des regards bestiaux et si la comparaison me faisait sourire, la conclusion était tout de même bien triste. Cependant, aux côtés de mon meilleur ami et de notre bande d'amis qui s'était élargie au fil des années, je préférais retrouver mes instincts, me noyer dans la débauche et ne plus penser à tout ce qui me donnait l'impression d'être une saloperie de guimauve. J'étais un mec, un vrai, et je plaisais trop pour me soucier d'une meuf que je n'avais pas vu depuis 8 ans. 8 ans... Merde. Il fallait que je la revois.
Ellie
La tête posée contre la vitre remplie de gouttes de pluie je n'avais plus le réflexe enfantin de leur faire faire la course. Je rêvais d'évasion en voyant le décor filer à toute allure mais je songeais surtout au grand amour. L'adolescente qui devinait à peine ce que c'était était loin et avait laissé place à une jeune adulte jalousant les histoires de ses amies. Ma vie faisait rêver, certes, mais sans personne avec qui la partager tout ça semblait bien plus sombre. J'avais peine à suivre le blabla de Marion qui, avec son merveilleux fiancé, représentait maintenant l'exemple parfait de ce que j'enviais. Mais c'était mon amie alors je m'efforçais de me réjouir de son bonheur car elle aussi le méritait.
"Un château, on va organiser notre mariage dans un château, t'imagines?" jubila-t-elle en tapotant son volant frénétiquement pendant que je m'efforçais de sourire "J'ai hâte de choisir ma robe mais je dois d'abord m'occuper des invitations et d'autres détails..."
"Oui chaque chose en son temps" avais-je réussi à répondre calmement avant que mon téléphone ne sonne.
"BORDEL J'AI LE JOB!!! Je l'ai!!" je m'étais écrié avant de réaliser que j'aurais peut-être dû éviter de faire sursauter Marion qui conduisait.
"Hin, quoi? Quel job?" répondit-elle
"Mais le poste de Directrice artistique à La Défense, celui qui demandait 50 ans d'expérience et des références bétons, je l'ai eu!" avais-je crié en sautillant dans le petit salon de l'appartement. J'avais tendance à exagérer, mais c'est vrai que le poste réclamait cinq années d'expérience alors que j'en alignais difficilement deux grâce à un stage de longue durée.
"Waaaahouuuu ma copine Directrice! Félicitations! Je vais enfin pouvoir mettre mes escarpins bleus, je les gardais pour une occasion spéciale et là elle est toute trouvée: on sort fêter ton embauche! CHAMPAGNE!"
Finalement, je me rapprochais peut-être moi aussi du bonheur. Ayant obtenu mon diplôme supérieur d'arts appliqués avec une spécialité en design, je savais que j'avais fait le bon parcours pour le poste de directrice artistique. Pourtant, j'avais effectué mes stages uniquement en infographie et j'avais misé très haut lorsque j'avais postulé à cette offre. J'étais aux anges et je me demandais s'il était temps pour moi de croire à ma bonne étoile.
Stan
Depuis que je vivais à Paris, je m'étais rapproché de ma tante Anne et je n'avais pas vraiment prévu les événements. En raccrochant le téléphone, je m'étale de tout mon long sur mon lit et souris parce que pour la première fois depuis l'obtention de mon diplôme, je suis fier de moi. Ellie Linier. Les chances étaient minces pour qu'il s'agisse de la lycéenne que je n'avais jamais oublié, mais ce prénom ne courrait pas les rues. Quand Anne était venue me rendre visite, on avait parlé de tout et de n'importe quoi jusqu'à ce qu'elle se mette à plaisanter sur le recrutement de son prochain directeur artistique et de l'âge qu'il devrait avoir pour donner du sang neuf à sa boîte.
"Gabin, Louane, Ellie... pas beaucoup d'expérience mais rien qu'à entendre leurs prénoms on les imagine jeunes et dynamiques!"
Je m'étais figé. Ellie. Je n'avais aucune idée de ce qu'elle avait décidé de faire après le lycée mais je savais que Paris était prisé pour ses postes à hautes responsabilités. Il avait fallu peu de temps pour qu'une idée se dessine dans mon esprit.
"Moi je voterais pour Ellie", avais-je commencé en analysant le CV innocemment. Si on avait pris mon pouls à ce moment précis, je pense que j'aurais pu être hospitalisé. J'étais euphorique, captivé, je tremblais et ne pouvais me défaire de la feuille de papier que je tenais entre mes doigts. C'était sa photo. C'était elle. C'était la même qu'au lycée mais en plus mature. Plus que jolie, les années avaient donné à ses traits quelque chose de sexy qui était sur le point de me rendre fou quelques secondes avant que je me ressaisisse. "Elle..." balbutiais-je "Elle est jeune et je pense que tu peux lui laisser sa chance, non? Pour ta boîte, avoir des idées et des designs de la part d'une fille de 23 ans ça peut t'aider à te faire une toute nouvelle clientèle..."
"Et bien Stan, tu es devenu un pro du recrutement non?" ria-t-elle "Mais je suis plutôt d'accord, je vais voir pour prévoir un entretien avec ... Ellie Linier. Mais pas un mot à quiconque, je ne veux pas qu'on pense que j'utilise les conseils d'un minot!".
Tu m'étonnes. Si Ellie l'apprenait, j'étais foutu. Je n'avais pas plus envie de l'affronter qu'au lycée. J'avais ri avec ma tante et elle était partie. Ca avait été tellement simple que je n'avais pas tout de suite réalisé ce que j'avais fait pour mon béguin du lycée.
"Oui tata, je te remercie mais je t'expliquerai plus tard, en plus tu as ta nouvelle recrue à former!"
J'avais rapidement raccroché le téléphone préférant éviter les questions de ma tante, qui me demandait si je connaissais sa nouvelle employée avant de lui proposer. Ellie avait eu le job et j'étais heureux de lui avoir donné un coup de pouce. Je devais maintenant me concentrer sur mon propre avenir.
J'étais à deux doigts de décrocher mon diplôme d'architecte et de pouvoir donner vie à tous mes projets, pour le moment réduits à de simples croquis sur des carnets de tailles et couleurs différentes. J'étais désordonné mais appliqué, et j'aimais tous ces petits supports que m'offraient souvent mes proches, conscients de ma manie à toujours griffonner mes idées. C'est au bout d'une vingtaine de minutes que j'avais réalisé que mes carnets étaient maintenant en train de se remplir de choses bien différentes des buildings que j'esquissais normalement. Des yeux, des courbes de femme, une chevelure ondulante. Mon inconscient était perfide et j'avais posé mon crayon violemment sur le visage qui prenait forme au milieu de ma page, énervé contre moi-même. Un détail de la conversation avec ma tante était soudainement venu me frapper, il fallait que je la rappelle.
"Oui, tu m'avais dit que la fille là, Ella? Hélène... Ah oui Ellie, tu m'avais dit qu'elle était venue avec une fille? Oui Marion! Oui nan, je voulais juste savoir car je pensais la connaître vu son prénom, c'est quoi son nom de famille? D'accord, oui bah non je la connais pas en fait. Oui c'était juste pour ça... Merci, oui bonne soirée à toi aussi."
J'avais volontairement fait semblant d'avoir oublié son prénom. Mais je n'avais oublié ni ça, ni la couleur de ses lèvres, ni la texture de ses cheveux, ni le son de sa voix. Et soudain, j'avais l'impression que j'allais pouvoir me sentir un peu plus proche d'elle. Marion Risler. J'avais rapidement tapé ce nom dans la barre de recherche de Facebook. Bingo. 3 amis en commun. Mon avenir n'était pas envisageable sans une infime connexion avec Ellie.
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