Partie 1 - Comme des enfants


          Ellie

Pour moi l'amour n'était qu'une idée abstraite que je ne pensais possible que dans les films ou les livres dans lesquels je pouvais rester plongée des heures. Au final, j'aimais les belles histoires et le concept pour les autres, mais pas vraiment pour moi. Je n'y pensais même pas à vrai dire car je savais que j'étais trop jeune et que mon père se serait évanoui à la simple évocation d'un petit-ami. Peu importe, mes amies et mes livres me suffisaient à m'épanouir dans ma vie de collégienne appliquée. J'attendais le passage en seconde avec impatience, un nouvel établissement où je devrais me rendre en bus chaque matin, de nouveaux professeurs et de nouveaux défis - la veille de la rentrée, je jubilais. Je ne me souciais pas vraiment de qui je rencontrerais dans ma nouvelle école, j'avais toujours eu la même petite bande de copines depuis que j'avais été scolarisée et j'avais du mal à concevoir de les remplacer. Pourtant, Emma, Jenna, Amy et Léa avaient toutes intégré un établissement privé et j'allais faire ma rentrée seule. Mes parents étaient amis avec ceux de mes amis mais n'avaient pas choisi de les suivre dans leur choix, à ma grande déception. Celle-ci s'était vite évaporée pour laisser place à l'excitation qui ne cessait de s'accroître à mesure que le bâtiment se dessinait devant moi, s'élevant tel un immense château au milieu de grands arbres. J'y étais, une toute nouvelle vie pouvait commencer et, si personne ne venait me parler, j'avais mes livres pour couvrir les moments où je ne pourrais plus me suspendre aux lèvres de mes professeurs, à la cantine ou durant les pauses notamment. Oui, à 15 ans, j'étais chiante. Ce n'est donc pas étonnant qu'assise au premier rang de l'impressionnant auditorium je n'avais même pas remarqué les yeux de Maxime juchés sur moi du début à la fin de notre première heure en tant que lycéens, avec notre professeur de français qui nous avait expliqué le déroulement de l'année. Mince, même moi, Miss gamine-de-15-ans-avec-une-mentalité-de vieillarde, l'avais trouvé extrêmement ennuyeux.

            "Heureusement qu'on ne l'a que deux heures par semaine!" s'exclama la jeune fille à côté de laquelle je m'étais assise et que j'avais à peine remarquée.

           "Tu m'étonnes!" avais-je répondu un ton plus bas, tout de même effrayée de me faire remarquer dès le début.

J'avais tout de suite accroché avec Marion puisqu'on se ressemblait assez. On était toutes les deux sérieuses et intéressées mais le petit plus était qu'elle aimait s'amuser et parler de sujets futiles comme les garçons. Après le moment tant attendu de la répartition de chacun dans les trois classes de seconde, Marion et moi avions eu la chance de nous retrouver dans la même classe et nous aurions tout le loisir de discuter de sujets biens différents de ceux que j'avais avec mes amies d'enfance. J'avais grandi et passé une étape sans m'en rendre compte et je devais me mettre à la page. Que je le veuille ou non, en poussant la porte de cette salle, ma vie avait commencé à changer et l'adolescence allait signer le début d'un voyage inattendu.

         Stan

Il m'avait suffit d'apercevoir cette fille pour apprendre la signification de l'amour, celui-là même que l'on voit partout, à la télé, dans les séries ou les livres. Celui que mes parents ou ceux de mes amis illustraient. Je ne connaissais rien à l'amour du haut de mes quinze ans et pourtant en un instant il avait pris les traits d'Ellie, la dernière à s'être installée dans l'auditorium. Je me suis souvent demandé si son retard était ce qui avait retenu mon attention, si elle avait marqué mon esprit uniquement parce qu'elle était la dernière fille de seconde à nous avoir rejoints. Normalement, et comme tout le monde pour la première rentrée du lycée, j'aurais dû être focalisé sur l'appréhension de ce changement d'environnement après quatre années confortables passées au lycée ou tout simplement sur la curiosité de découvrir mes nouveaux professeurs. J'aurais aussi pu être excité à l'idée de rencontrer mes nouveaux camarades, ceux que je ne connaissais pas déjà de mon ancien établissement, ceux qui venaient en prenant le bus. Et pourtant, ça n'avait été qu'elle. J'étais serein, je connaissais la majorité des élèves et savais que je connaîtrai forcément au moins une personne dans ma nouvelle classe. De nature calme, je ne m'inquiétais pas du tout pour cette nouvelle aventure.

                "L'année commence bien, ce prof sort d'un musée ou quoi?", s'amusa Alex, mon meilleur ami depuis ... toujours, en fait.

Je n'avais pas prévu de l'ignorer, ni de ne pas participer à ses railleries, j'étais simplement absorbé.

                "Oh! On vient d'arriver et tu chasses déjà?" continua-t-il, en ayant probablement remarqué mon regard fixé sur la jolie blonde.

Cette fois-ci, il avait réussi à me sortir de mes pensées et à me faire rire. Cette façon de parler et cette image de garçons dragueurs et prétentieux, nous la cultivions depuis la quatrième, quand d'autres garçons ne se souciaient même pas encore des filles. On aimait montrer que nous étions les deux bad boys et préserver notre bande d'amis et d'admiratrices. Nous étions populaires - s'il est possible de parler de popularité concernant des pré-adolescents - et légèrement rebelles et c'était amusant mais nous maintenions quand même une moyenne respectable et un comportement respectueux.

N'allez pas croire que nous étions réellement des mauvais garçons, après tout, nos parents ne l'auraient pas toléré. Mon attention avait de nouveau quitté Alex - qui serait dans ma classe - pour se reposer sur Ellie qui elle serait dans une classe différente, à mon grand désespoir. Je me consolais en me disant que mon année de seconde serait plus studieuse sans cette distraction.

Comment vous décrire Ellie ? Je pourrais être simple et aller droit au but en parlant de ses longs cheveux blonds ondulant à la perfection, de ses yeux bleus et de sa taille marquée. Je pourrais également être romantique et expliquer à quel point il m'était impossible de la décrire tant elle faisait chavirer mon coeur mais rien de tout ça ne pouvait correctement parler d'elle. C'était un tout et au moment où mon regard s'était posé sur elle j'avais su que je voulais faire en sorte qu'elle devienne mon tout.  

         Ellie

Ma tête tournait et je ne savais plus déterminer si c'était à cause de l'alcool ou de la danse endiablée dans laquelle m'avait entraînée le garçon qui m'avait tendu son bras pour m'emmener sur la piste. Marion me regardait au loin et riait un peu plus à chaque tour que j'entamais avec mon cavalier. La fin du lycée se fêtait aujourd'hui chez une fille de la classe et tout le monde - oui, oui, même moi le petit rat de bibliothèque - avait été invité, avec quelques élèves des autres classes de terminale. Nous avions passé des années de lycée formidables et notre classe s'était petit à petit transformée en une bande d'amies inséparables. Cette soirée était donc empreinte d'une certaine nostalgie même s'il était sûr que nos chemins ne se sépareraient pas définitivement. En ce qui concernait les autres, je ne les connaissais pas vraiment mais ils semblaient tous sympathiques et il me tardait de les connaître. Pour le moment, j'étais occupée avec l'un d'eux et plus que sympathique, il me semblait totalement euphorique. Je riais de bon coeur en me laissant mener par ce garçon que je n'avais jamais réellement remarqué parmi tous les élèves de terminale. Je ne savais même pas s'il était au lycée depuis la seconde ou s'il n'était arrivé qu'en cours de route. Peu importe, il était en train de me faire passer une soirée mémorable. Ou peut-être était-ce les quatre verres de punch - à l'époque, il m'en fallait vraiment peu pour me sentir enivrée - qui me donnait l'impression de vivre une incroyable soirée. Et des soirées, j'en avais vécu beaucoup en trois années de lycée. De petite fille modèle uniquement intéressée par les livres, j'avais découvert de tous nouveaux centres d'intérêts et Marion n'y était pas pour rien. Les garçons étaient devenus notre priorité et nous passions beaucoup de temps à regarder, juger et ricaner tout en nous imaginant des scénarios invraisemblables avec nos favoris à qui nous adressions à peine la parole. De vraies adolescentes. J'adorais ça et rêvais de ce que je n'avais jamais connu, être amoureuse. Mes amies d'enfance avaient également changé de sujets de conversation et les retrouver chaque soir me ravissait, j'adorais Marion mais je n'oubliais pas celles que je connaissais depuis toujours.

Perdue dans mes pensées alors que les notes de la dernière musique retentissaient, j'étais encore contre le torse de celui qui aurait pu être le protagoniste de tous mes fantasmes d'adolescente. A la fin de celle-ci et au moment venu pour nous tous de regagner le chaleureux foyer de nos parents, j'avais levé les yeux vers lui et, sans même attendre ma question, il m'avait répondu.

           "Stan" avait-il murmuré. Et il s'était évaporé. Et jamais je n'aurais pensé que quatre lettres auraient pu suffir à me désarmer.

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