Chapitre 69 : Retrouvailles tendues
PDV de Viktor.
J'ai enfin retrouvé Luciano et surtout Lana. Je dois avouer que la revoir m'a provoqué des sensations en moi que je n'avais jamais connu. Je ne sais pas ce que ça veut dire mais une chose est sûre : Elle ne sera jamais au courant. Cependant, retrouver ces deux-là veut forcément dire que mon père se trouve également sur place. Et, malheureusement, ce dernier a débarqué avant même que je m'en aille, à ma plus grande surprise.
- Bonsoir père, dis-je timidement en regardant mon paternel dans les yeux.
Celui-ci s'approche en marchant rapidement vers moi. Instinctivement, je me prépare à toute éventualité quand, à ma plus grande surprise, ce dernier me prend dans ses bras et me serre très fort. La dernière fois qu'il a fait une telle chose, c'était le soir du décès de ma mère.
- J'ai besoin de parler avec mon fils seul à seul, dit-il.
Lana et Luciano ont visiblement compris le message et s'installent un peu plus loin. J'appréhende beaucoup cette discussion, j'espère qu'elle se passera bien. Si du négatif en ressort, je le planterais sans la moindre hésitation.
- Comment tu vas ? Me demande mon père, avec ses cheveux poivre et sel tous ébouriffés.
- Bien. Et vous ?
- Ça va. Tutoie moi Viktor, c'est une discussion entre père et fils là.
Pour lui comme pour moi, la communication est compliquée et impossible pour le moment. On ne sait ni par où commencer, ni comment introduire le moindre sujet. C'est assez gênant. Si j'avais été quelqu'un de faible et sensible, nous voir comme ça m'aurait rendu triste.
- Pas de soucis, rétorquais-je en levant les yeux au ciel.
- Je bois beaucoup moins depuis ta disparition.
C'est sûrement la meilleure nouvelle après plusieurs années.
- Ah ? Et, pour quelle raison ? Lui demandais-je, curieux d'en savoir plus.
- J'ai déjà perdu ta mère. Ton absence m'a fait réaliser que je ne voulais pas te perdre, toi aussi.
Mon père redevient un minimum censé. Ça se fête !
- Et, reprenais-je, tu ne t'es peut-être pas dit que tu m'avais probablement déjà perdu et ce, depuis longtemps ?
- J'en profite pour te poser la question : T'ai-je perdu, mon fils ?
- Qui sait.
- J'ai conscience des erreurs que j'ai commise et je sais qu'il est sûrement déjà trop tard pour les rattraper. J'aimerais simplement me faire pardonner.
Il n'est conscient que de ça ? Il y'a encore du boulot, visiblement. Mais c'est déjà ça.
- Depuis ta mère, continue-t-il, l'alcool me suit comme la peste. Je suis devenu violent à ton égard et envers les autres, Je n'écoute plus rien ni personne, mis à part l'appel de mes packs de bières. J'ai eu un comportement exécrable et je vivrais avec ceci sur la conscience toute ma vie. La tienne a été un enfer depuis sa mort et je n'ai rien arrangé. Je ne t'ai ni soutenu ni rassuré. Je n'ai tout simplement pas été là pour toi. Mais, durant ce mois ou tu n'étais pas là, j'ai eu très peur de te perdre. Alors, je me suis juré que si je te retrouvais, je redeviendrais l'homme que j'ai toujours été avant que ta mère ne rejoigne les cieux.
- Et bien bon courage, répondis-je d'un air très nonchalant, en me levant du gros tronc d'arbre sur lequel je m'étais assis.
- J'ai et je souffre encore du manque de ta mère, tu peux le comprendre ?
- Parce que moi je n'en souffre pas peut-être ? Parler de Maman avec toi n'est vraiment pas la chose à faire.
- Et si ça l'était ? Nous n'en avons jamais parlé. Peut-être en a-t-on besoin, toi et moi ?
Comme si en discuter allait m'aider à faire mon deuil.
- Allons-y alors, je t'écoute ? Répondis-je hargneusement.
- Eh bien ... Hésite ce dernier.
- Tu vois ? Ça ne sert à rien. Laisse tomber, je me casse.
Quel temps perdu, sérieux.
- Elle était le pilier de ma vie, l'épaule sur laquelle je pouvais me reposer au quotidien. C'était la lumière qui m'éclairait dans la pénombre et l'ange qui guidait mes pas. Le soir ou elle nous a quitté, mon cœur était meurtri. J'étais mort avec elle. Emporté, comme dans un tsunami. Plus rien n'existait, j'étais comme un robot à qui l'on a enlevé les piles. Je n'arrivais plus à pleurer, j'étais vide. A tel point que je t'ai délaissé en noyant mon chagrin dans l'alcool comme un égoïste. J'en avais oublié à quel point toi aussi, tu pouvais souffrir le martyre. J'avais perdu ma femme mais toi, tu avais perdu ta mère.
Ma mâchoire se contracte et je sens un nœud se former dans ma gorge. Mes larmes se regroupent dans mon cœur et n'attendent qu'un simple feu vert afin de glisser sur le toboggan de mes joues. Mes poings se serrent et mon visage se crispe. Je serre des dents dans le but de contenir cette colère mais aussi ce chagrin considérable qui me pèse depuis de longues années. Je ne veux pas parler d'elle mais je dois le faire, pur moi. Et, je pense que mon père est le seul à qui je puisse en parler, lui qui a perdu la même personne. Il a peut-être raison ... Au final.
- L'alcool guidait tes pas mais moi, je comptais sur toi pour guider les miennes. Mais, pas un seul instant tu n'a daigné m'adresser ne serait-ce qu'un regard. Chaque soir je t'attendais à la maison en sanglotant, avec l'espoir que tu puisses me prendre simplement dans tes bras. Mais non. Toi, tout ce que tu trouvais à faire, c'était de me faire porter le chapeau et de m'accuser à tord en ayant les yeux rouges accompagné d'une haleine à vomir.
- J'en suis conscient ...
- NON ! Reprenais-je en avançant vers ce dernier, tu n'es et ne sera jamais conscient de la douleur que j'ai ressentie ! J'ai perdu ma mère et j'ai vu mon père sombrer pendant cinq longues années, tu m'as abandonné ! Criais-je. ABANDONNÉ ! J'étais seul, putain ! Tu comprends, ça ?!
Soudain, sans que je m'y attende, celui-ci me reprend de force dans mes bras et me serre aussi fort que tout à l'heure.
- Je te demande pardon mon fils. Pour tout ce que j'ai fait, me murmure-t-il à l'oreille en m'embrassant la tête.
Je ne peux contenir mes pleurs. Je déverse tout ce que j'ai accumulé depuis des temps immémoriaux. Mon visage est trempé, mes yeux brillent de milles feux et l'épaule de mon père devient un marécage de larme.
- Pleure et vide ton cœur, mon fils. Je suis la maintenant et plus jamais je ne te laisserais. Tu es tout ce qu'il me reste et je jure que je ferais tout ce qui est en mon pouvoir afin d'être simplement là pour toi, s'exclame-t-il. Je t'aime, ne l'oublie jamais.
Il ne m'avait plus dit je t'aime depuis cet évènement tragique. L'entendre de sa bouche me transperce le cœur, comme une flèche atteignant sa cible. Je n'arrive plus à m'arrêter de pleurer et je serre mon père le plus fort possible. Toute cette émotion, cette colère ainsi que cette tristesse sans oublier la culpabilité qui me rongeait... Je lâche tout ce que j'ai. Absolument tout. Je n'ai plus de fierté ni d'égo. Rien à faire si les autres me voient pleurer et prendre mon père dans les bras. Ils peuvent rire, cela m'est complètement égal. Je ne pense qu'a moi à ce moment la et putain, sa fait un bien fou.
Après plusieurs minutes, je sèche enfin mes larmes et le calme revient apaiser mon cœur. Je sanglote encore, mais c'est sûrement normal. J'essuie mes yeux ainsi que mon visage et retourne m'asseoir sur le tronc d'arbre sans mot ni regards envers mon paternel.
- Je te laisse un peu seul. Si tu en a besoin, viens me voir, je serais dans la tente, me dit-il en marchant vers le camp de fortune.
- Ouais, finissais-je.
Je décide ensuite de m'allonger sur l'herbe en contemplant le ciel et ses multiples étoiles. Il fera beau, demain.
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