📝 [article] : Les étiquettes
Je suis queer, non-binaire et bisexuel.le ou pansexuel.le selon les contextes.
Je suis également neurodivergent.e, diagnostiqué.e hypersensible et haut-potentiel.
Au sein de la communauté LGBT et de très nombreux autres milieux auxquels j'appartiens, une critique très fréquente du "monde extérieur" mais qui apparaît même souvent en interne, c'est celle de la profusion d'étiquettes.
Pourquoi tant de mots ? Pourquoi tant de subtiles différences assez peu intéressantes ?
Le principe des étiquettes divise énormément alors qu'elles sont censées rassembler.
Parlons peu, parlons bien : faisons comme ma prof de français, mais en commençant par l'antithèse.
En quoi les étiquettes posent problème ?
Et je vais prendre ici essentiellement des exemples tirés de la communauté LGBT ou des termes désignant les neurodivergent.es pour des raisons évidentes : ce sont celleux que je connais le mieux.
1. Accessibilité
Le premier argument souvent exposé contre les étiquettes, ce serait leur manque d'accessibilité pour une personne extérieure à la communauté.
Bien sûr, tout le monde peut appréhender assez facilement celleux qu'on appelle les bisexuel.les, mais les omnisexuel.les ?
De très nombreux termes sont souvent regroupés sous la même ombrelle et les personnes extérieures à la communauté (ou même au sein de la communauté) n'en captent pas toutes les subtilités.
C'est un fait. Quand à savoir si c'est un réel problème, ça... C'est autre chose.
2. Inclusion ou exclusion ?
Nous sommes une communauté complexe. Et le plus gros problème interne, c'est la hiérarchie.
Les homosexuel.les se partagent le haut du pannier. Ils sont discriminés, comme tous les autres, mais ce sont aussi les plus visibles, les plus entendus, les plus écoutables.
En-dessous, il y a les bi. La particularité, c'est que plus tu descends, moins tu es visible, et plus tu es discriminés... Y compris au sein de la communauté.
La biphobie est essentiellement perpétrée par les hétéros et les homos.
Les trans, les asexuel.les, les non-binaires, ça descend, ça descend... Et chaque étape est susceptible de discriminer la suivante.
Les étiquettes aident cette hiérarchie. Plus tu vas chercher une étiquette méconnue, plus tu seras discriminé au sein même de la communauté. Ce qui est censé aider les gens à se sentir inclus est l'outil de certain.es pour les exclure.
Attention, j'insiste sur le "certain.e". Je sais bien que la plupart des homos sont parfaitement ok avec les bis, eux-mêmes complètement ok avec les trans, eux-mêmes complètement ok avec les aces, eux-mêmes complètement ok avec les non-binaires...
Mais plus tu descends, plus tu subis de discrimination, parfois de gens que tu aurais d'abord pensé comme étant tes allié.es.
3. Biologie
Non. Juste... Non. Faisons pour une fois abstraction de ce sujet. Parce qu'on en a pas grand-chose à branler, en fait.
Mais alors, qu'est-ce que les étiquettes apportent de positif ? D'où vient, même, la nécessité d'étiquettes aussi variées ?
4. Exploration
Il est difficile de mettre des mots sur ce qu'on a au fond du cœur. Les espaces LGBT permettent d'aborder les questions de genre et d'orientation sexuelle en profondeur. C'est à ça que servent les étiquettes, elles sont un approfondissement riche du sujet. Elles prouvent que l'être humain a à penser et à creuser sur le sujet. Elles sont un moyen de découvrir à quel point le spectre est infini.
5. Reconnaissance
Pourquoi il est important qu'on parle et montre la LGBT ? Le cœur du problème est là : c'est cette éternelle visibilité.
Les personnes LGBT ont été invisibilisées dans la société, dans les médias, dans l'art, et quand on a commencé à les représenter, ce n'était pas toujours très bien fait. Toujours est-il que l'une des principales raisons à l'origine de tout ce raffut, c'est le besoin de visibilité des minorités.
Et à nouveau, la hiérarchie intervient. Les homosexuel.les sont celleux qui ont le plus accès à une représentation correcte. Et plus on descend, moins c'est présent.
Les étiquettes permettent une reconnaissance de la multitude d'expérience existant au sein de la communauté. Meme si elles sont généralement "virtuelles", elles agissent comme de véritable étiquettes, des panneaux, qui rendent la communauté un peu plus visible à chaque coming-out.
0. Comment on en est arrivé là ?
En fait, le principe d'étiquettes est fortuit.
Qu'est-ce qui fait la différence entre une personne neurodivergente et une personne neurotypique ?
La sensibilité physique, la sensibilité émotionnelle, le quotient intellectuel, l'attention, l'activité ?
La réalité, c'est que même si on arrivait à séparer bien précisément tous ces éléments chez une personne, nous ne sommes jamais qu'un paquet d'infimes variations qui font partie de nos différences en tant qu'individus humains uniques.
La différence entre neurodivergent et neurotypique, ce n'est jamais qu'une ligne arbitraire posée au crayon par un scientifique (probablement un homme cis-genre, hétéro et blanc) sur une échelle de tous ces critères.
Je suis hypersensible. Ma sensibilité sort de la norme. Parce que quand on essaye de la calculer avec un tas de questions classées entre 0 et 4, le petit point qui me représente sur les graphiques est au-delà de cette ligne.
Il en va de même pour les personnes LGBT. Quelqu'un nous a un jour annoncé bisexuel.les. Mais une personne a senti qu'il manquait quelque chose à cette définition pour qu'elle puisse s'y reconnaître pleinement, alors elle a créé le terme pansexuel.le que de plus en plus de personnes ont commencé à utiliser.
Quand on regarde aux définitions, pourtant, c'est la même chose. La variation entre les termes est parfois infime... Mais c'est cette infime distance qui nous différencie les uns des autres, cette infime nuance entre nos deux points sur un tableau de statistiques.
La réalité, c'est qu'une fois qu'on trouve des étiquettes qui nous vont bien, on a tendance à s'apaiser. Mon expérience personnelle a même été un relâchement.
À trop vouloir un mot, je n'en ai jamais trouvé.
Je suis non-binaire. À une époque, je disais que j'étais libragenre-fluide à prédominance féminines. Mais la réalité, c'est que non-binaire me plaît mieux.
Et que quand j'en parle à des personnes qui ne sont pas de la communauté, de plus en plus connaissent ce terme simple. Et quand je parle à des personnes LGBT, au fond ça a rarement autant d'importance. Comme bi, en soi. Peu importe qui j'aime au fond.
C'est pourquoi je dis même de plus en plus "queer".
J'aime apprendre de nouvelles étiquettes. J'aime voir quels minuscules nuances l'humanité a trouvé pour se rapprocher de son propre cœur. J'aime voir les gens se creuser et se deconstruire.
Mais ce ne sont jamais que des mots. Que les lettres d'une langue manipulée par la société cishet et si profondément biaisée.
Peu importe le mot qu'on pose dessus, ton identité est avant tout faite de ce ressenti, ce sentiment, cette abstraction si claire.
Aux gens qui sont perdus, qui cherchent le mot... Vous pouvez continuer, bien sûr. Mais si vous acceptez les conseils d'une petite sorcière queer, ne vous inquiétez pas trop pour ça. Cherchez avec le cœur, cherchez avec le corps, cherchez l'expression, cherchez ce qui vous fait du bien, vous n'êtes jamais qu'un.e humain.e complètement unique, un point qui dévie de la norme dans sa propre courbe, son propre chemin.
Assurons-nous surtout de deux choses : que les étiquettes ne servent pas à diviser mais à rassembler, et qu'elles ne vous empêchent pas d'explorer le genre de la manière qui vous est la plus propre !
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