Chapitre 4 : les étoiles au large te gardent une place

Elle ouvrit les paupières. Les mots battaient encore dans ses tempes, tous ces mots qu'elle aurait voulu dire mais qu'elle avait gardé et remis à plus tard. 

Son cœur en se fissurant n'avait fait aucun bruit. Ses espoirs en se brisant n'avaient alerté personne. Elle s'éteignait sans faire de vagues, comme si tout son être n'avait toujours été qu'une illusion née de l'imagination de quelqu'un.

Et une illusion, ça n'avait pas de sentiments. 

Le lendemain elle le laisserait tranquille. Le jour suivant elle viendrait s'assurer qu'il se porte bien. Puis peu à peu, lentement, comme le soleil à l'arrivée de l'automne, elle serait toujours là mais se ferait plus rare, moins chaleureuse, plus distante, jusqu'à disparaître.

C'était le prix à payer. Il ne souffrirait plus d'elle. Parce qu'elle resterait ce qu'elle se devait d'être, un simple songe de quelques sombres nuits.

Lui, il était là. Comme tous les soirs. Et elle le regardait, comme tous les soirs. Il faisait des ricochets sur le miroir liquide du lac. Plic, ploc, ploc. À chaque rebond sur l'eau, elle avait l'impression qu'il l'appelait. Mais non. 

"Il faut se déboucher les oreilles, mamie", lui aurait-il dit si seulement il avait toujours pu la voir. Des fois elle l'entendait monologuer et elle se demandait s'il savait qu'elle était là et qu'elle pouvait tout écouter. Peu importait.

Il devait déjà l'avoir oublié.

Parfois elle s'éloignait, prenait un bateau et le mettait à l'eau. En passant près de la rive où il se trouvait, elle levait timidement la main. Des fois il lui rendait un salut insensible, comme il saluerait n'importe quel inconnu, d'autres fois il l'ignorait et elle transformait son geste en simple étirement. Elle ne savait plus vraiment si elle existait toujours pour lui ou pas ; ou si elle existait tout court.

Puis elle se tournait vers le large. Le lac s'était changé en océan sans même qu'elle ne s'en rende compte.

Et si... Et si on partait ? Elle aurait voulu partir avec lui, mais elle savait qu'il avait le mal de mer.

Alors elle partirait seule. Un coup de rame, puis un deuxième. Pas de regard en arrière, ce serait trop douloureux. Est-ce qu'il la voyait s'éloigner ? Est-ce qu'il était soulagé de la voir partir ? Est-ce qu'il allait plonger dans l'eau et tenter de la rattraper à la nage ? Ou est-ce qu'elle avait déjà disparu dans la brume comme à toutes les fins de leurs rêves ? Difficile à dire...

Les étoiles au large l'appelait doucement, elles connaissaient déjà son prénom. Les rames brassaient la matière noire sous l'embarcation et la rive derrière elle ne fut bientôt plus qu'un lointain souvenir à chérir sans attaches.

["Et encore un amour raté", murmura alors la lune entre ses dents]

Elle leva les yeux vers le ciel et chuchota en réponse :  « ça n'est pas un drame, je trouverai mieux ».

{ps : l'avenir lui donnera raison.}

Fin.

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